la "Chronique paroissiale de l'Herbergement" (1909)
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La "Chronique paroissiale de l'Herbergement" fait partie d'un ensemble initié par Eugène Aillery (1806-1869) qui, devenu "prêtre habitué" (c’est-à-dire "prêtre retraité et résidant…") à Fontenay-le-Comte, se consacra à des recherches sur l’histoire religieuse du diocèse de Luçon. En 1860 il publia le Pouillé de l’évêché de Luçon (200 p.), et à sa mort il laissa un ensemble de manuscrits traitant de l’histoire des différentes paroisses du diocèse. Vingt ans plus tard, en 1889, l’évêché de Luçon décida de les actualiser de les faire paraître sous forme de cahiers mensuels d’une vingtaine de pages distribués à des abonnés, sous le titre de "Chroniques paroissiales". Jusqu’en 1895, les premiers cantons (ou "doyennés" dans la terminologie religieuse de l’époque) dont les "chroniques" furent publiées furent ceux de la Roche-sur-Yon, Chantonnay, les Essarts, Saint-Fulgent, les Herbiers et Mareuil, chacune de leurs paroisses y étant traitée en quelques pages. A partir de cette date, la prise en main de la publication par Pierre Pontdevie (1830-1893) puis par Hippolyte Boutin (1851-1901) leur donna plus d’ampleur, la part des textes dus à Eugène Aillery y devenant marginale, et leur contenu prenant un intérêt certain. Les "chroniques" des paroisses des cantons de Montaigu, de Mortagne et le début de celles du canton du Poiré (le Poiré, Aizenay, Beaufou), furent alors publiées. Puis, sous la direction de Julien Huet (1857-1925) et jusqu’en 1918, ce seront la fin de celles du canton du Poiré (Belleville, Saint-Denis, la Genétouze, les Lucs, Saligny), puis celles des cantons de Maillezais, de Rocheservière (celles de ce dernier rédigées essentiellement par Alain de Goué, 1879-1918) et de Fontenay-le-Comte. Après une interruption, la publication fut reprise, dans les années 1930, par Adolphe Poirier (1878-1957) pour le canton de Beauvoir, et elle se termina dans les années 1950 avec celles du canton de Pouzauges par Auguste Billaud. Soit 14 cantons sur les 30 que comptait la Vendée à cette époque, en plus des autres ébauches de "Chroniques" réalisées en son temps par Eugène Aillery pour la plupart des autres paroisses du diocèse de Luçon.
La "Chronique paroissiale de l'Herbergement" a bénéficié des apports d'Hippolyte Boutin. Elle est le résultat d’un important travail d’enquêtes, partant des faits, recourant systématiquement aux documents originaux, vérifiant et recoupant les sources… autant de garanties d'un sérieux que n'avaient pas eu jusqu'alors les "érudits locaux" de l'époque, tel le montacutain Dugast-Matifeux qui y est cependant cité. Comme pour les autres "chroniques paroissiales", on y trouve un "État nominatif des curés (et vicaires) de la paroisse" dont la succession et les activités constituent a priori l’objet principal de chacune d’elles. S'y ajoutent différents passages sur l'ancienne église, sur la nouvelle église, sur les violences des inventaires de 1906, sur l'Herbergement en 1793-1796, etc. certains de ces sujets sont repris et illustrés dans d'autres chapitres de ce site.
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La "Chronique paroissiale de l'Herbergement" suit le plan suivant :
Etymologie et généralités
Histoire ancienne
Féodalité et châteaux
- le Bois-Chollet et l'Herbergement
- Mgr Hillarion de Chevigné du Bois-Chollet
- le Pressoir
- l'Eviau
- la Mitonnière
Histoire ecclésiastique
- patronage
- autres bénéfices ecclésiastiques
- stipendie du Bois-Chollet
- confrérie de la Bienheureuse Vierge Marie
- revenus de la fabrique
- l'ancienne église
État nominatif des curés de l'Herbergement
- bénédiction de la nouvelle église
Histoire civile et administrative
- impôts
- foires de l'Herbergement et traites foraines
- administration municipale
notes complémentaires
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I
ÉTYMOLOGIE ET GÉNÉRALITÉS
Etymologie. — Le nom de la petite localité qu'on appelle aujourd'hui l'Herbergement s'écrivait autrefois l'Hébergement-Enthier ou Antier. On le trouve désigné dans le Grand-Gauthier par le mot : de Herbergamentis. Voici l'explication que donne M. Dugast-Matifeux sur l'origine de cette appellation :
"Hébergement-entier, pour héberge, auberge, vient du verbe héberger, qui signifie recevoir, loger, donner retraite, hospitio excipere. Il s'y joint aussi l'idée de campement et de tente d'armée. L'hébergement était quelquefois, en effet, une mansio ou petit poste militaire placé sur une voie romaine et défendu par un simple fossé, qui servait à la fois de protection et de gîte aux voyageurs. L'étymologie de ce nom de lieu assez ancien, quoique seulement d'origine gallo-romaine, se rattache sans doute, soit au campement qui y fut assis tout d'abord, et dont il reste encore des traces environnantes, soit à une auberge qui s'y serait établie sous sa protection, ou qui lui aurait succédé, et où l'on aurait hébergé au complet, c'est-à-dire nourri et logé de jour et de nuit, à pied et à cheval. Peut-être même cette dénomination est-elle complexe : hébergement viendrait de campement, et entier d'auberge ou hôtellerie."
D'après ce que vient de dire M. Dugast-Matifeux, le mot Entier ajouté autrefois à l'Herbergement n'aurait été qu'un qualificatif ou un simple attribut, mais c'est là une opinion qui ne peut se soutenir. D'ailleurs, le même auteur reconnaissait peu après qu'il s'était trompé, comme le prouvent les découvertes de M. Marchegay, ancien archiviste de Maine-et-Loire. Ce dernier, en fouillant les chartes relatives aux prieurés de Mortagne et de Treize-Vents, a trouvé que le mot Entier, Anthier, uni à celui de l'Herbergement dans le temps passé, n'était autre que la traduction d'Anterius que l'on voit dans les chartes en question.
Ce nom d'Antier ne serait donc que celui d'un manoir existant jadis à l'Herbergement, ou bien encore celui d'un seigneur notable de l'endroit.
Y aurait-il quelque rapport entre l'Antier de l'Herbergement et l'Antières de Cugand, si célèbre aujourd'hui par sa papeterie? C'est possible, mais, comme le dit M. Dugast-Matifeux, aucun document historique n'apporte quelque confirmation sur ce point.
Ce n'est que depuis la Révolution qu'on a cessé peu à peu d'unir le mot Antier à celui de l’Herbergement. Avant cette époque, il fallait distinguer la paroisse de l'Herbergement-Entier de celle de l'Herbergement-Ydreau, aujourd'hui disparue et rattachée à celle de Sainte-Florence. Maintenant la confusion n'est plus possible, et l'unique paroisse de l'Herbergement n'a pas besoin d'être distinguée.
Superficie. — Le territoire de cette commune est entièrement plat, il n'y a pas un replis de terrain. Comme étendue, c'est la plus petite commune du canton de Rocheservière, elle n'a que cinq cent quatre-vingt-dix-huit hectares quatre-vingt-sept ares dix centiares.
Le bourg même s'étend jusque sur le territoire de la commune des Brouzils, et la gare de l'Herbergement est située sur cette dernière. Si de tout temps cette anomalie a paru exister, du moins jadis la paroisse de l'Herbergement s'étendait un peu davantage du côté ouest. En effet, d'après les Archives de la Chabotterie, le village de la Riollière, qui dépendait féodalement de ce château, est toujours mentionné comme étant de la paroisse de l’Herbergement-Entier, tandis qu'aujourd'hui il fait partie de la commune de Saint-André-Treize-Voies.
Population. — D'après l'Etat du Poitou sous Louis XIV, nous trouvons pour l'Herbergement cinquante-quatre feux. Suivant dom Fonteneau, le chiffre des communiants au XVIIIe siècle s'élevait à deux cent cinquante.
Dans l'Etat des paroisses du Poitou, dressé par les Receveurs des tailles en 1750 (Bibl. de Poitiers, ms. 582), on fait ainsi le descriptif de l'Herbergement : "Cinquante-huit feux, cinq charrues ; le tiers de la superficie en terres labourables bonnes à seigle, plus le quart en landes et bois qui servent à pacager, le reste en prés et pastis ; il y a des foires tous les premiers mercredys de chaque mois".
En 1789, la population de l'Herbergement se monte à soixante-dix feux.
Le 7 mai 1795, le recensement était fait par un sieur Mathurin Chapeleau, dont nous aurons l'occasion de parler plus loin. Voici un extrait de cette pièce trouvée dans les papiers de M. Armand Boussonnière et publiée par Jehan de la Chesnaye (Rev. du Bas-Poitou, 1905, p.31).
Etat de la population de la commune de l'Herbergement, l’an troisième de la République française et indivisible :
"Premièrement Jean Chapeleau veuve ; la veuve Renée Chapeleau et un garson ; la veuve Boudeau, troy garson, un domestique ; Souchet garson et sa sœur ; la veuve Chalons ; la veuve Drouin ; Jaqué Volard et sa femme ; Louis Drouin veuve et sa seure fille ; la veuve Baudris et son fil veuf aussi et son domestique veuf ; Etienne Sauvaget et sa famme, deux filles ; Pierre Douliard et sa famme un garson ; Pierre Moquet et sa famme, deux garsons et deux filles ; la nommé Baré veuve, un garson ; la veuve Baré un garson et troy fille ; la nommé Gilet veuve et sa fille ; Jozet Sélie et sa famme deux garson et deux fille ; la veuve Saunet et son fils et deux fille ; Marianne Minet ; la veuve Ayraud trois garson, une fille ; Pierre Biret et sa femme, quatre garson une fille ; la veuve Biret et sa fille ; François Fresneau sa femme et Jeanne Drouin fille ; la veuve Fraineau ; les 4 Martine fille ; la veuve Chalons et son fils et sa famme et un petit garson et une fille ; la veuve Séjourné et sa sœur fille ; les deux Calion cousin, garson et troy filles aussi cousine ; les deux Drouine fille ; laveugle Protèle fille ; la veuve Babinot et deux garson ; François Richard et sa famme et un garson ; Priou deux garson une fille et la veuve Giraud et un garson ; les Savard troy garson et troy fille ; la veuve Douliard et son gendre et la Prinne et un petit garson ; Orience sa famme et sa belle sœur fille et un garson et une fille ; Jean Maliard veuve un garson et une fille ; la veuve Fournier deux garson et deux fille ; la veuve Sorin et sa fille ; Joviaux du (sic) garson, une fille...."
Sur une quarantaine de ménages cités dans cette liste plus de la moitié nous donnent des noms de veuves. On voit que la Grande Guerre a passé par là. En 1830, il n'y a guère encore à l'Herbergement que deux cents habitants. On se sent toujours de la Révolution qui a si cruellement décimé la contrée[1].
Depuis, le chiffre de la population s'est accru notablement. De cinq cents qu'il était, il y a une vingtaine d'années, il s'est élevé à six cent vingt-sept habitants, d'après le recensement de 1906. Cet accroissement constant s'explique surtout par le passage de la ligne de Nantes à Bordeaux ouverte le 1er janvier 1866.
Commerce, industrie, agriculture. — La station de l'Herbergement a un transit de commerce très important grâce à ses foires ; mais, en général, il y a peu de commerce et surtout on ne rencontre aucun établissement industriel sur le territoire de la commune. Il y avait autrefois une très grande tuilerie créée par M. Savin et continuée par MM. Albert de Goué et Alfred de Buor ; mais cette fabrique a été fermée en 1887.
La population de l'Herbergement, bien qu'agglomérée surtout dans le bourg, est cependant très agricole et se compose en grande partie de petits propriétaires cultivant leur champ ou leur jardin.
A la campagne, il y a quatre ou cinq fermes ou métairies.
Quant aux mœurs et aux coutumes, ce sont celles dont nous avons déjà fait la description dans notre étude générale sur le canton.
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II
HISTOIRE ANCIENNE
L'Herbergement dut être un poste d'habitation très ancien, comme nous en trouvons la preuve dans l’article suivant de M. Dugast-Matifeux sur le bourg de l'Herbergement et sur sa situation à l'époque gallo-romaine.
"Le noyau du bourg est encore presque tout entouré aujourd'hui d'une douve de cinq à six mètres de largeur, assez profonde et remplie d'eau, qui a été comblée sur quelques points, mais dont il est facile de retrouver le périmètre, irrégulièrement carré, à l'aide des parties existantes. Au flanc nord de cette enceinte, d'une contenance de trois hectares seize ares environ, avait été surajouté une sorte de quadrilatère oblong, contenant un hectare dix ares, entouré lui-même d'une moins large douve, et qui n'est autre qu'un fragment d'une seconde enceinte dans laquelle la première aurait été circonscrite. On s'explique, en effet, que par suite d'une occupation prolongée de ce point, la garnison ait éprouvé le besoin d'annexer au campement une lisière environnante, ou du moins quelques parcelles de terre pour lui servir de jardin, et qu'elle ait jugé convenable de protéger également cet accessoire par un fossé formant un double retranchement. Presque au milieu de l'enceinte principale se trouvait une butte ou motte de terre, de dix mètres au moins d'élévation. Elle était circuite elle-même d'une douve particulière de trois mètres trente-trois centimètres de large (dix pieds), sur une profondeur égale. Cette motte prétoriale provenait des terres qui avaient été extraites de sa douve et de celles du camp, dont elle faisait partie intégrale. Nous ne doutons point qu'elle n'ait été élevée pour servir de communication d'un poste à un autre. C'était comme un observatoire d'où l'on découvrait ce qui se passait aux environs, et d'où l'on correspondait par le feu durant la nuit, et des signaux durant le jour. Il existe, en effet, une chaîne non interrompue de monticules factices depuis et même au delà de l'Herbergement, à partir de la Mothe-Girard dans les Brouzils et des Essarts jusqu'à la mer, en pas. sant par le petit Luc qui est le point culminant, Legé, la Ganache, Châteauneuf, Bois-de-Céné et Beauvoir. Cette butte pouvait aussi servir de dernière retraite, au cas où l'enceinte eût été forcée, et, sous ce rapport, c'était comme la forteresse du camp.
Cette enceinte ressemble beaucoup à celle de Benaston, village situé à deux lieues de distance, entre Chavagnes et les Brouzils, qui était au moyen-âge, et il n'y a pas encore un siècle, avant l'ouverture de la grande route de Nantes à la Rochelle par Saint-Fulgent, un pertuis (foramen), c'est-à-dire un lieu de passage très fréquenté. Or, comme il n'existe de part et d'autre aucune trace de fortification ou construction ancienne à l'intérieur, on ne peut assigner à l'espace ainsi circonscrit d'autre destination que celle d'un campement. On en voit une autre dans les landes près de Puy-Greffier, commune de Chavagnes, qui présente beaucoup d'analogie avec celle-ci. Enfin, on remarque une butte de terre entre la Crume et la Verrie (via, voirie), ceinte également de larges fossés, qui se nomme le Châtellier. On dit dans le pays que ce sont les Anglais qui, dans leurs guerres avec la France, l'auraient élevée pour voir de là ce qui se passait à Mortagne, petite ville fortifiée et éloignée de deux lieues environ. Mais il est bien évident que tous ces travaux remontent plus loin et ont eu d'autres artisans. En s'orientant sur la carte, on remarque même qu'ils sont en ligne ou disséminés à peu de distance, et qu'ils forment une chaîne à partir de Beauvoir où se trouve un premier monticule fort curieux qui contient une caverne ou citerne en forme de cône renversé ; chaîne que reliait probablement une voie romaine. Il en passait une, en effet, à l'Herbergement, venant du Luc, et se rendant à Saint-Georges, anciennement Durinum ou Durivum. On en trouve des traces au village de la Cailletière. Nous avons aussi constaté, sur le cadastre et sur le terrain, que le chemin vicinal de Saint-Georges à l'Herbergement fait suite, en droite ligne, à l'ancien chemin de l’Herbergement au Luc, qui s'étend sur une grande partie de la voie romaine, comme on va le voir. Puis elle traverse l'extrémité sud-est du bourg et les champs de Boisville où elle est très évidente à cent trente-deux mètres de distance de l'enceinte stratégique ; coupe la grande route départementale de Montaigu à la Roche, presque en face l'avenue de Bois-Cholet ; longe ensuite l'ancien chemin du Luc, qui lui est presque constamment superposé tant qu'il reste droit ; s'écarte à travers champs, pendant un kilomètre, avant les Forges qu'elle laisse à gauche, à cent cinquante mètres environ. Elle se rencontre, au pré Pétrau avec l'ancien chemin qui la suit encore jusqu'à la Croix-Gétière, où elle l'abandonne de nouveau pour filer directement sur la Renolière, puis entre la Seguinière et l'Hôpitau, où elle est rejointe par le chemin. Là, dans le champ de la Roire (rigole), à quelques pas de la voie et du chemin réunis, nous avons vu, sur l'indication du métayer, un gisement de débris de tuiles à rebord et de poterie usuelle, qui constate l'existence sur ce point d'un établissement gallo-romain de quelque importance, tel qu'une petite villa, ou peut-être une maison d'hospitalité qui aurait laissé son nom à la ferme. Une fouille y a été pratiquée, il y a quelques années, par les propriétaires ; mais, comme elle avait plutôt pour but de trouver un trésor que de procéder à une recherche d'antiquités, elle serait à reprendre, pour connaître l'objet des constructions, s'il est possible.
La voie laisse ensuite les Repos à gauche, traverse les Landes du Luc et arrive au village du nom caractéristique de Chef-du-Pont, sur la Boulogne, au-dessous du magnifique camp gallo romain du petit Luc. Nous supposons que de là elle se dirigeait ensuite sur Palluau, ou plutôt sur Legé, la Garnache, etc."
(Echos du Bocage vendéen, 1885, n° IV, p. 99 et suiv.).
Malgré tous ces vieux restes du passé, nous ne trouvons aucun document particulier pour reconstituer l'antique histoire de l'Herbergement. Transportons nous de suite au XVIe siècle pour recueillir quelques faits intéressants. C’est alors le temps des guerres de religion qui ensanglantent pendant longtemps cette partie du Bas-Poitou Dans les environs, Montaigu, petite ville fortifiée, est prise et reprise et les bandes armées ne cessent de parcourir les campagnes. Les châteaux s’arment les uns contre les autres ; ceux de la Bégaudière et de la Chabotterie, tiennent pour le parti protestant ; le seigneur du Bois-Chollet est au contraire catholique et il s'efforce de conserver l'Herbergement dans la religion qu'il professe lui-même.
Cependant la division règne parfois jusque dans les familles et on voit la question religieuse, au Bois-Chollet, séparer le père d'avec le fils et occasionner un crime :
"Le jour de la Fête-Dieu, 10 juin 1574, le fils unique de Rolland de la Boucherie tua son père sortant de la messe à l'Herbergement. Ce fils était huguenot, et il fut tué lui-même malheureusement bientôt après".
(Journal de Denis Généroux notaire, à Parthenay, durant les guerres de religion.)
Quelques années plus tard, les protestants qui s'étaient emparés de Montaigu, au mois de septembre 1580, commencèrent, sous la conduite de La Vallière et d'Aubigné, à rançonner les bourgeois et les paysans. Ayant rassemblé quatorze cents hommes, ils se présentèrent devant le château de l'Herbergement, c'est-à-dire devant le Bois-Chollet, et ils s'en emparèrent "par le moïen de deux soldats hasardeux, lesquels se jettans de plain jour sur le pont levis, l'empêchèrent de basculer et bien suivis emportèrent le reste". (Mémoires d'Aubigné, relation de la prise de Montaigu en 1580).
Le seigneur de Bois-Chollet ne tarda pas à rentrer dans son château, grâce sans doute à l’arrivée du comte du Lude et de la Hunaudais, qui vinrent alors mettre le siège devant Montaigu pour en chasser les brigands qui dévastaient tout le pays.
Ce seigneur du Bois-Chollet devait être alors Claude de la Boucherie qui nous paraît être le même que le seigneur de la Boucherie, qui fut un des principaux lieutenants du duc de Nevers dans la campagne qu'il fit contre les Huguenots du Bas-Poitou, en 1588.
Pendant les guerres de religion, l'église et les maisons de l'Herbergement ne furent pas mieux respectées que celles des environs. C'est ce que nous apprend une déposition faite par noble homme, Thomas Landreau, seigneur de Lestang, près de Nantes, à la date du 19 juillet 1568. Après avoir rapporté les massacres de Saint-Christophe-du-Ligneron, dont il fut le témoin, il ajoute :
"Qu'il est notoire au pays et il dit avoir veu puis peu de temps en ça, que les villaiges de Saint-Christophe-du-Ligneron, Commequiers, Larbrégement-Entier, LeLuc, Beaufout, Legeay, Saint-Georges-Poinctendoux, Sainte-Fleuves et autres villaiges circonvoisins estant le tous au diocèse de Luçon, ont esté bruslez et gastez, principalement les églises par les ceux disans estre de la dite nouvelle opinion sans resistance quelsconques".
(Bibl. de Poitiers, Coll. D. Fonteneau, 14)
Quand vint la Révolution, la paroisse de l'Herbergement, située sur le théâtre des opérations de Charette, ne demeura pas indifférente au soulèvement de la Vendée. Quoique peu considérable, elle eut cependant une compagnie de "gars" intrépides qui faisaient partie de la division de Montaigu dans l'armée de Charette.
Un combat se livra sur les limites de son territoire, entre la forêt de Grasla et le bourg, le 12 janvier 1794 ; les vainqueurs furent d'une barbarie atroce.
Charette venait d'être vaincu à Montaigu par les forces supérieures de Joba. Abandonné de ses soldats et accompagné seulement de dix hommes, il errait pendant la nuit sur la paroisse de la Copechanière.
"Un autre que lui, dit Deniau, aurait pu être découragé, mais redoublant d'activité, il réussit en quelques heures à rallier douze cents hommes avec lesquels il se dirige sur les Brouzils où Joba qui l'avait poursuivi se trouvait au bord de la forêt. Il l'attaque avec furie avant qu'il ait eu le temps de le reconnaitre. Quelques bataillons seulement, embusqués dans un petit bois, lui résistent ; il fond sur eux à la baïonnette, à la tête de soixante braves, et les déloge ; mais dans cette dernière charge, une balle l'atteint au-dessous de l'épaule et lui fracasse le bras. C'était sa première blessure depuis le commencement de la guerre. Malgré le sang qui coule, il veut achever sa victoire ; cependant, vaincu par la douleur, il s'évanouit au milieu des siens ; ceux qui l'entourent veulent le transporter loin du champ de bataille. "Non, s'écrie-t-il, après avoir repris ses sens, laissez-moi ici et continuez à vous battre". Toutefois, les Royalistes, qui l'ont vu tomber, le croient mort, ils perdent courage et se débandent. Joly, qui a pris le commandement, veut les arrêter. Un officier nommé Boisseau lui répond que tout est perdu. Cette réponse met Joly en fureur. "Non, non, lui crie-t-il, tout n'est pas perdu, car les lâches vont périr sous mes coups" ; et en disant ces mots il lui brûle la cervelle. Cette exécution terrifie les Royalistes et raffermit leur courage. Ils continuent à se battre. Cependant ils ne peuvent résister à un retour offensif de l'ennemi et sont obligés de se retirer dans la forêt ; ils rétrogradent en bon ordre et n'éprouvent que des pertes insignifiantes. Comme la cavalerie républicaine continuait à les harceler, ils se dérobent à ses coups et se jettent dans les bois où ils passent la nuit. Le lendemain matin, deux colonnes ennemies s'étant avancées sur leur droite et sur leur gauche pour les envelopper, ils préviennent leur mouvement et s'échappent vers Maché sans être aperçus."
(Deniau, Guerre de la Vendée, 1re édition, tome 4, p. 144)
A la suite de ce combat de véritables horreurs furent commises. Nous en trouvons le récit dans un article sur l'Herbergement, par Jehan de la Chesnaye. (Revue du Bas-Poitou, 1905, p. 24 et suiv.).
"Après quatre heures de combat, les Vendéens se retirent à Grasla, puis, délogés de la forêt, à travers champs, ils gagnent le Mortais non sans se défendre opiniâtrement sur ce plateau qui s'étend du village de la Sauvetrière jusqu'au delà des landes de Lallier et présente une légère déclivité au fond de laquelle coule un ruisselet, le Tail. La brande, les ajoncs, les genêts, les nombreux boqueteaux offrent un asile sûr, une retraite quasi inexpugnable. Les deux troupes ennemies se heurtent en ligne dans les landes de Corbejeau, où s'élève un moulin à vent.
De part et d'autre les pertes sont sérieuses, mais les Vendéens reculent. La cavalerie de Joba charge les fugitifs et en tue ou fait prisonniers un grand nombre d'entre eux. Pendant que Charette fuit par le long chemin de la Pierre Plate, un détachement de Bleus suivant le chemin qui mène de l'Atrie aux landes Violton et de Lallier, détruit tout sur son passage. La Convention, en effet, pour vaincre la révolte, a décrété l'incendie méthodique de la Vendée et l'égorgement de ses habitants : "Nons venon de resevoire de la Convantion, écrit un Bleu, un ordre qui est bien triste, qui est de parquourire toute la Vendée et des gorge (d'égorger) touse que nous trouverons, homme, famme, enfan, sependant seuze qui ne son pas vraiman brigan, on le choi de suivre lamée et de conduire touse à Nantes jusq'ase que la Vandée soit fini et même les bestiau". ( Ed. Lockroy Une Mission en Vendée en 1793, p. 313 )
La Sauvetrière, la Boninière sont incendiées ; seule Maleville doit à un de ses habitants, guide des armées républicaines, d'être épargnée : "C'est mon village qui se dresse là-bas de l'autre côté du Tail, ne le brûlez pas !" Et Maleville ne fut pas la proie des flammes. Pendant qu'une immense lueur d'un rouge sinistre éclaire cette froide nuit de janvier dont le silence est troublé par le crépitement de la fusillade, les campagnards effrayés abandonnent, avec leurs familles, la maison que demain ils trouveront incendiée.
Ils se sauvent dans la direction de l'est vers les landes Violton et de Lallier où l'épais fourré les cache aux regards des Bleus. Femmes et enfants fuient, protégés dans leur retraite par les Chouans égapliés le long des haies d'où ils visent sûrement leurs ennemis et manquent rarement leur but. De nouveau, brigands et républicains se heurtent face à face dans le triangle formé par les landes de la Herse, en face de la Boninière qui fume étrangement. Des cadavres sont encore semés sur la lande, marquant ainsi jusqu'aux bruyères de Lallier le passage des frères ennemis.
Là-bas, dans la brande, les fugitifs se sont glissés au plus épais du fourré, et, blottis contre terre, les enfants, les femmes frémissent quand les balles fauchent au-dessus de leurs têtes les grands genêts et les ajoncs presque séculaires. S'aventurer dans ce véritable maquis serait téméraire de la part des soldats de la République. Ce serait courir à une mort certaine, aussi se replient-ils sur le gros du détachement qui vient d'incendier la tuilerie des Bonnins, près de la Pierre-Plate.
Le lendemain, au jour, quand le bruit lointain de la fusillade indique que les Bleus ont quitté les parages du Mortais, les réfugiés des landes de Lallier, revenant vers leurs villages encore fumants, ramassent les malheureuses victimes pour les inhumer, car, chez le Vendéen, le respect de la mort s'étend toujours à un ennemi. Et si, pendant le cours de la guerre, il y eut d'affreuses mutilations, on peut assurer qu'elles furent commises par des brutes aveugles et à l'insu des grands chefs. La fusillade de la Herse avait coûté la vie à une cinquantaine de Blancs et de Bleus. Fraternellement unis dans la mort, on étendit leurs corps sur du bois en relaïs[2], attendant le moment où ils devaient être inhumés dans la cheintre du champ de la Pointe, à une centaine de mètres plus loin.
Le sang, qui découlait de leurs blessures, s'étant mélangé à l'eau stagnante du sentier, formait une grande flaque rougie, dont le souvenir, cinquante ans plus tard, faisait frémir les témoins oculaires de cette scène : "Ils avaient, disaient ils, du sang jusqu'à la cheville !".
"Maintenant, par le grand chemin de la Copechagnière à l'Herbergement, la cavalerie de Joba, retardée par les ornières, poursuit Charette et ses partisans que les bois touffus et les vastes landes des Dols protègent sûrement. Puis suivant l'ancienne voie romaine qui allait du Petit Luc à Durenum (Saint-Georges-de-Montaigu), les Vendéens atteignent les Forges et de là se dirigent, par Saint-Christophe, sur Grammont et Legé, toujours fuyant devant Joba".
L'Herbergement fut la seule commune de toutes celles formant actuellement le canton de Rocheservière qui fournit des soldats aux armées de la République, et encore leur nombre ne put s'élever à plus de trois. De ces trois ardents patriotes deux étaient déjà morts en 1797 (peut-être à la guerre), comme nous l'apprend la pièce que nous avons citée plus haut, d'après les Archives de la Vendée (L, 275). Celui qui survivait nous semble être P. Echasserieau, dont nous parlerons plus loin.
En revanche, un grand nombre d'habitants de l'Herbergement s'enrôlèrent dans les armées vendéennes ; beaucoup périrent, les uns dans les combats contre les Bleus, les autres, lors du passage des colonnes infernales.
Malheureusement, la liste de ces victimes héroïques ne nous a pas été conservée ; les archives communales de l'Herbergement, moins favorisées que celles des localités voisines, ne possèdent pas les actes de l'état-civil de cette triste période. On peut donc affirmer, à part les insignifiantes exceptions que nous avons signalées, que toute la paroisse de l'Herbergement combattit pour Dieu et le roi en 1793-1794, ainsi qu'en 1799 et 1815.
M. Gabriel de Goué, de la Chabotterie, ancien officier des armées vendéennes, ayant été chargé par le gouvernement de la Restauration de désigner les habitants de Saint-Sulpice et de l'Herbergement, qui s'étaient distingués par leur courage au combat, leurs blessures et leur attachement à la cause royale, communique à son chef supérieur, le comte de Chabot, commandant la division de Montaigu, les listes suivantes (Archives de la Chabotterie) :
Petit (Jean), capitaine de la paroisse de l'Herbergement.
Fresneau (Etienne), cavalier.
Tous deux reçurent une pension du roi dès 1816.
En 1824 et 1825, Mallard (Mathurin) fut très spécialement recommandé comme ayant fait toutes les campagnes et ayant reçu un coup de feu à la jambe gauche. Il fut gratifié, en 1825, dune pension de cent livres.
En 1826, M. de Goué recommandait de nouveau à la bienveillance du roi les anciens soldats vendéens dont voici les noms :
Richard (François).
Richard (Louis), indigent et père de six enfants.
Douillard (Pierre), cavalier.
Siret (Pierre).
Rambeau (Pierre).
Thibeaud (Jean).
Baranger.
Combien d'autres encore auraient mérité des récompenses ! Mais le chiffre des secours mis à la disposition des autorités était si faible, qu'il était impossible de faire davantage.
Contrairement à ces soldats que nous venons de citer, deux autres habitants de l'Herbergement jouèrent un assez triste rôle durant la période révolutionnaire : ce furent Mathurin Chapeleau et Pierre Echasseriau.
Le premier s'enrichit en achetant des biens nationaux, biens d'église et biens de nobles (par exemple, une partie de ceux de la famille de Goué). Ce qui ne l'empêchait pas de faire semblant de favoriser les insurgés. Mais, en réalité, ce n'était qu'un traître qui servait d'espion aux Bleus et qui les renseignait sur les allées et venues de l'armée de Charette. Cette manière d'agir lui attira, dans une circonstance, une perte très cuisante, comme nous l'apprend la Vendée Historique (n° 216, p. 473).
"L'espion, dit M. Bourgeois, se livrait depuis un an environ à sa vilaine besogne, lorsqu'il s'aperçut que les insurgés commençaient à se défier de lui. Craignant avec raison pour sa peau, il s'empressa de décamper et se réfugia auprès du poste républicain de Montaigu.
Après la prise de Charette, il revint à l'Herbergement et constata que les insurgés avaient fait main-basse sur une partie de son mobilier. C'est du moins ce qu'il affirme dans un curieux "mémoire desperte" où il se vante cyniquement du rôle joué par lui et en tête duquel on lit textuellement :
Liberté, Egalité , Fraternité.
"Mémoire desperte de Maturin Chapeleau agent nasional de la comune de Lerbergement Antière ayant presque tout perdu, ayant demure cheluis pandan lespasse dunan an surveliance parmis les Brigant pour faire passe des renssenement aux commandant de la place de Montegu, ce qu'il nat james negligé pour lavantage de Larespublique ce qui fait qu'il nat james auzé rien déplace de chelui Et larmé du nors arrivant cheluy a partis avez èle pour se rendre à Montegu, lieu de son refuge luy sa famme et quatre anfan."
"Parmi les objets mobiliers disparus et pour lesquels le traître réclamait une assez jolie somme au gouvernement de la république qu'il avait si bien servi, le "mémoire desperte" relève "saise dras, troy douzaine de serviete, ecuimin et torchon troy douzaine et demis..., une poile alessivé, un gran miroir..." et "plusieu otre outi servent à la culture de la taire".
Pour l'honneur de l'Herbergement, Mathurin Chapeleau n'y avait pas pris naissance ; il était originaire du village de l'Erbretière, en Saint-Denis-la-Chevasse.
Quant à Mathurin Echasseriau, on peut juger de ce qu'il était en lisant ses écrits dans lesquels il s'intitule "guide des armées rédublicaines". On conserve encore aux Archives de la Chabotterie un état des pertes subies par un sieur Michel Brochard, de la métairie de Badreau[3]. Or la colonne républicaine qui, dans la journée du 22 avril 1794, vint dépouiller Michel Brochard de ses biens, était conduite par Echasseriau. Voici le détail des pertes éprouvées par le malheureux métayer :
2 bœufs avec une charrette, le tout estimé ........................... 700
2 autres bœufs ................................................................. 500
7 jeunes bœufs de trois ans ............................................. 1000
5 vaches ......................................................................... 100
5 noges d'un an ............................................................... 250
15 pièces de mouton ........................................................ 150
Plus lits garnis et effets enlevés en même temps ................. 700
Cinq armoires pleines de linge, grain, vin, et tous les autres ustensiles de ménage,
le tout estimé ................................................................ 1200
5100
Soit, en valeur actuelle, plus de 10 000 francs de pertes pour un seul métayer dans la même journée, et par le fait d'Echasseriau.
Aux Archives départementales de la Vendée (204) on trouve des pièces qui nous révèlent l'état des esprits à l'Herbergement, entre la prise de Charette et le Consulat. Ce sont des lettres du commissaire du directoire exécutif près de la municipalité du canton des Brouzils (dont faisait partie l'Herbergement).
Dans ces lettres on fait connaître que l'Herbergement n'a qu'un petit noyau de patriotes, pendant que la population presque entière est fanatisée ; elle veut des prêtres et protègent les nobles et les émigrés revenant de l'exil. Parfois même en certaines circonstances, comme par exemple en I799, les habitants sont très surexcités et prêts à prendre les armes contre la République.
Un décret ordonne des fêtes républicaines, à l'occasion de la plantation de l'arbre de la Liberté. "En plantent l'arbre de la Liberté, raconte le procès verbal de cette inauguration, nous avons chantée plusieurs chancon patreotique limme des Mercellois, l'agent embracé l'arbre..." Cet agent qui a nom Hillereau et qui signe cet acte à la date du 6 pluviôse an VII, fait l'énumération des personnes présentes. Or il ne peut en citer qu'une trentaine dont la plupart ne savaient même pas écrire leur nom.
Comme on le voit, les idées républicaines n'enflammaient pas trop la population de l'Herbergement.
A la Bibliothèque de Nantes (collection Dugast.Matifeux, 56), nous trouvons également une pièce concernant un habitant royaliste de l'Herbergement. C'est la mise en jugement, dans un conseil militaire tenu à Montaigu le 5 ventôse an IV (24 février 1796), d'Alexis Baudot, tailleur de pierres à l'Herbergement, soldat de l'armée de Charette et coupable d'avoir pris part à l'attaque et à la prise d'un convoi républicain près de Chavagnes-en-Paillers.
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III
FÉODALITÉ, FIEFS ET CHÂTEAUX
§ I. Le Bois-Chollet et l'Herbergement
Origine. — Le château, qui tenait primitivement l’Herbergement sous sa dépendance, était situé dans le bourg même, et vraisemblablement le seigneur qui l'occupait, vers le XIIe siècle, devait s'appeler Anthier. Comme nous l'avons dit, ce dut être le nom de ce dernier qu'on prit l'habitude d'ajouter à celui de la petite localité jusqu'à l'époque de la Révolution.
Mais les seigneurs de l'Herbergement ne tardèrent pas sans doute à se trouver trop à l'étroit dans l'enceinte du bourg et ils transportèrent leur demeure à trois cents mètres de là, dans un endroit plus spacieux et appelé le Bois. C'est l'opinion très justifiée d'ailleurs de M. Dugast- Matifeux :
"(Les seigneurs de l'Herbergement), dit-il, se trouvant sans doute trop à l'étroit dans l'enceinte stratégique avec leurs vassaux, et ayant fait défricher une partie des bois environnants, construisirent auprès un castel ou manoir, qu'ils entourèrent de douves à l'instar du camp, et dans lequel ils fixèrent leur résidence. C'était, en effet, sur un terrain plat comme celui-là, le seul moyen de se fortifier, l'endroit n'offrant par lui-même aucune garantie naturelle."
(Rev. des Prov. de l'Ouest, 198).
Le nouveau manoir s'appela, en conséquence, aux XIVe et XVe siècles, le Bois de l'Herbergement. Plus tard, le château étant arrivé dans la possession de la famille Chollet, on prit l'habitude de le désigner sous le nom de Bois-Chollet, comme on le fait encore de nos jours[4]. En cela on ne fit que suivre un usage fort répandu dans la contrée, où souvent le nom d'une maison-noble est accompagné de celui de son seigneur. Ainsi, par exemple, ne dit-on pas : le Retail-Loüer, la Grange-Barbastre, la Mothe-Tinguy, la Roche-Chotard, la Roche-Thévenin ?
Une telle affirmation ne peut certainement pas se soutenir raisonnablement.
Le château du Bois-Chollet, comme tous ceux du Moyen ,Age, était entouré d'eau, ce qui en rendait l'abord difficile.
Dans l'Itinéraire de Bretagne, en 1636[5], on lit, p. 162, le passage suivant :
"A une mousquetade à costé (du bourg), c'est le chasteau du seigneur de l'Hébergement, dit le Bois-de-Cholet, où est un estang que l'on assèche parfois et laboure, afin que le poisson en soit puis après meilleur. Et les eaux qui le nourrissent ne laissent pas de couler par fossez et rigoles qui sont ès costez dudit estang, estant nées et issues dans ce maisme quartier... "
Le Bois-Chollet était en outre environné de propriétés et avait des droits qui lui donnaient une grande importance.
Voici la description que l'on trouve dans les Affiches générales de la Bretagne, pour 1773, parmi les annonces de biens à louer[6] :
"La terre du Bois-de-Cholet, située à sept lieues de Nantes, consistant en neuf métairies, avec leurs bestiaux, une grande prairie à l'égoût de toutes les eaux grasses de l'Hébergement, qui la rendent très bonne ; droit de seigneurie dans ladite paroisse ; douze foires royales, des meilleures du Poitou, dans lesquelles le seigneur lève des droits d'entrée et de havage[7], et fait débiter son vin ; un four et trois moulins banaux, où les habitants sont tenus de faire moudre leur blé et cuire leur pain, rentes en blé, vignes à complant, bois-taillis, émoluments, de fiefs en plusieurs paroisses ; maisons dans le bourg, affermées à divers particuliers ; le tout à louer pour la Toussaint ou la Saint Georges prochaines, ou à donner en régie".
Vers le milieu du bourg de l'Herbergement et devant le parvis de l'église, on voyait encore naguère une butte ou motte de terre artificielle sur laquelle était bâti, avant la Révolution, l'un des moulins banaux dont nous venons de parler. Cette motte, déjà fort entamée par la création de la route départementale, est aujourd'hui complètement détruite et a servi à combler la douve d'où on l'avait extraite.
Le four banal était situé à côté ; il n'en reste également plus de trace. (Dugast-Matifeux).
Le Bois-Chollet subit bien des vicissitudes depuis son origine jusqu'à nos jours, comme on put le reconnaître en 1820, lorsque Jean Touzeau entreprit de reconstruire ce vieux manoir qui avait été brûlé.
"En creusant les fondations, dit Dugast-Matifeux, on retrouva, les assises de deux autres bâtiments antérieurs. Le premier était sans doute l'œuvre de l'ancienne famille de Cholet, et avait dû être ruiné dans les guerres de religion du XVIe siècle, puis réparé tant bien que mal. Le second datait du XVIIe siècle et avait été construit par les Chevigné. On peut juger de son architecture par celle d'un des deux pavillons de la cour, échappé aux ravages de la guerre vendéenne, qui est bien autrement élégante que la restauration bourgeoise moderne. Au-dessus de la porte d'entrée, surmontée encore d'une pierre blasonnée, se trouvait autrefois un balcon circulaire en pierre sculptée, qui servait, dit on, de chaire au ministre protestant. C'était là que se faisait le prêche au beau temps. On lit sur la croisée de ce pavillon, donnant sur la douve et surmontée d'une petite croix, la date de 1744, qui coïncide parfaitement avec son style, mais ne cadre guère avec l'usage de ce balcon. Entre les deux pavillons formant le parallèle aux deux coins de la cour, se trouvait le pont-levis jeté sur la douve du château. De chaque côté étaient posés deux énormes lions sculptés en pierre, comme une sorte de simulacre pour en défendre l'approche."
Comme on vient de le voir, il ne reste rien des vieux bâtiments du Bois-Chollet ; ce qu'il y a aujourd'hui de plus ancien, c'est le pavillon décrit par M. Dugast-Matifeux et portant la date de 1744. La seule chose intéressante qui reste encore ce sont les douves qui entourent le château.
Le Bois-Chollet avait sa chapelle dans l'église paroissiale. Nous en parlerons plus loin.
Terre seigneuriale. — La seigneurie de l'Herbergement ou du Bois-Chollet était identiquement la même, ainsi que nous l'avons déjà expliqué. Mais il fut d'usage de dire que l'Herbergement relevait du Bois-Chollet, quand les seigneurs, quittant leur habitation du bourg, vinrent se fixer dans la nouvelle demeure qu'ils avaient construite dans le Bois. Ceux ci, continuant à être les propriétaires de la seigneurie paroissiale, on les appela indifféremment seigneurs de l'Herbergement ou seigneurs du Bois Chollet.
L'Herbergement-Antier et le Bois-Chollet, comme château et comme fief, relevaient de la baronnie de Montaigu à foi et hommage lige et plein ; et ligence de quarante jours de garde au château par an, et à treize deniers de rachat à l'Aumosnerie de Montaigu.
Cette seigneurie n'avait droit que de basse et moyenne juridiction sur ses vassaux. Cependant elle était importante, car elle avait un juge sénéchal qui, dans la personne de Gilles Robin, sieur de la Pesnerie, se qualifiait, au commencement du XVIIe siècle d'avocat du roy en l'élection de Mauléon. (Dugast-Matifeux, Echos du Bocage, 1885)
Comme terres, la seigneurie de l'Herbergement possédait au XVIIe siècle la grande métairie et borderie du Bois-Chollet, les métairies de la Halle, la Chaussée, le Cerisier, la Pichetière, la Fraisière, les Bruyères, le Viau, etc. Ses droits féodaux s'étendaient sur de nombreux villages, dans les paroisses de l'Herbergement, Boufféré, les Brouzils, Saint-André, Saint-Sulpice-le-Verdon, Mormaison, etc. Les principaux de ces devoirs étaient perçus sur les villages de la Boisselière, la Guibondelière, la Gaudinière, le Chaillou, la Cailletière, etc., etc.
Du Bois-Chollet relevait directement la seigneurie de l'Eviau qui finit du reste par être rattachée au domaine propre de la seigneurie de Bois-Chollet.
Le seigneur avait droit de fuye et colombier ; il avait établi des moulins et des fours banaux. En outre, la seigneurie jouissait de certains privilèges enviés, comme celui des foires. L'un de ses châtelains, Roland de la Boucherie, "cappitaine de cent chevaulx légiers", en récompense de son zèle à défendre la religion catholique, avait obtenu, sur sa demande, du roi Charles IX, une concession de foires et marchés francs à l'Herbergement. Nous en reparlerons plus loin.
Parmi les droits féodaux du seigneur de l'Herbergement relevons les suivants qui sont assez curieux :
"Un vavasseur du Bois-Chollet devait conduire, certain jour de l'année, un cheval blanc au château et le laisser dans l'écurie pendant deux heures. S'il y fientait dans l'intervalle, le vavasseur pouvait le remmener ; sinon, il était acquis au seigneur châtelain. On conçoit dès lors qu'il ne devait pas le laisser jeûner avant de l'amener." (Dugast-Matifeux, Rev. de l'Ouest, 1858, P. 203),
"Certain autre jour de l'année, les vassaux du Bois-Chollet devaient amener au châtelain, sur une charrette conduite par six bœufs, un rabretaut (roitelet) couvert de draps.
Pour puiser à la fontaine du Mortais, en les Brouzils, il fallait payer annuellement un chapon.
Etaient exempts de fermage pour une année ceux qui franchissaient sans tomber à l'eau, au moment des grandes pluies, le ruisseau coulant entre le Mortais et Malleville en les Brouzils.
M. Grellier de Malleville, âgé de quatre-vingts ans, possédait l'aveu où ces curieux droits étaient relatés ; il l'a brûlé, il y a quelques années. — D'après son neveu, M. Dominique Rousseau." (Citations de Jehan de la Chesnaye.)
Seigneurs et propriétaires[8]. — Les noms les plus anciens que l'on puisse retrouver nous sont fournis par le Chartrier de Thouars et appartiennent à la famille des Bouschaux.
— 1° Amaury des Bouschaux, écuyer, seigneur, du Bois de l'Herbergement, fait l'aveu de son château et de son fief au connétable Olivier de Clisson, seigneur de Belleville et de Montaigu, le 6 mars 1384 et le 7 mars 1385.
Il devait avoir pour sœur Aliette des Bouschaux, veuve de Sylvestre du Chaffaut, laquelle, en 1386, fait l'aveu de la Maulionnière (en Saint-Sulpice)
Il eut pour fille Rose, qui suit.
— 2° Rose des Bouschaux, dame du Bois-Chollet et de l'Herbergement, porte ces seigneuries à son mari Jehan Chollet[9], écuyer.
C'est lui, en effet, qui fait l'aveu de ces seigneuries aux barons de Montaigu, les 26 novembre 1396, 20 avril 1400 et 5 septembre 1405. Il était mort avant 1415, car le 1er janvier de cette année, sa veuve Rose des Bouschaux fait son hommage à Montaigu ; c'est elle également qui rend l'aveu de la Maulionnière, le 8 mai 1424.
Elle laissait au moins pour enfants :
1° Jehan, qui suit.
2° Colette, qui fait l'hommage de la Maulionnière, le 25 janvier 1425.
— 3°Jehan Chollet ou de Chollet (ou Cholet), seigneur du Bois et de l'Herbergement, rend ses devoirs féodaux au baron de Montaigu les 12 et 22 janvier 1429.
Il eut pour enfants :
1° Jehan, qui suivra sa sœur.
2° Marguerite, qui suit.
— 4° Marguerite de Chollet fut dame du Bois-Chollet et de l'Herbergement, sans doute en raison d'une convention de partage avec son jeune frère, Jehan de Chollet. Elle épousa Maurice de la Boucherie, écuyer, qui rendit, à cause de sa femme, l'aveu de ses fiefs du Bois et de l'Herbergement à Maurice de Belleville, le 17 août 1467. Le 10 février 1471, c'est Marguerite de Chollet qui fait son devoir de vassale au roi Louis XI qui venait d'acheter Montaigu. Tous deux étaient morts avant le 20 mai 1494, date du partage de leur succession entre leurs enfants : Gilles, écuyer, seigneur des Bouschaux[10] ; Jean, auteur de la branche des Guys, et Jeanne, mariée à Christophe Bruneau, écuyer, seigneur de la Rabastelière.
— 5° Jehan de Chollet devint après la mort de sa sœur, Marguerite Chollet, seigneur du Bois-Chollet et de l'Herbergement. Il en rend l'hommage à Montaigu, le 24 mars 1502, et il passe les baux de sa terre, la Barre-Amaury, paroisse de la Boissiére, en 1494, 1508 et 1511[11]. Il vivait encore, comme nous allons le voir, en 1519, laissant, croyons-nous :
1° Jean, qui suit ;
2° Jeanne, mariée en 1518 à Louis de Rorthays. Citons la pièce suivante concernant ces derniers :
"Loys de Rorthays, escuyer, sieur de la Rochette en Beaulieu (sous la Roche), qui fut fils aîné de Jacques et de damoiselle Catherine Meschin, épousa Jehanne de Cholet.
D'un acte passé le dixième jour de septembre 1519 devant Jacques Bonussier et A. Francheteau, notaires à la cour de Montaigu, il appert que par le traité de mariage fait et accompli de noble homme Loys de Rorthays, escuyer, seigneur de la Rochette, et de Jehanne de Cholet, escuyer, seigneur du Boy et de l'Herbergement-Anthier promis bailler aux dicts conjoincts pour le droit mobilier de la dite Jehanne qui pourroit lui advenir par le décès dudit Jehan de Cholet la somme de cent escus soleil, à présent ayant cours et pour avancement des successions à elle appartenant tant paternelles que maternelles la somme de vingt livres tournois de rentes, le dit Cholet désirant soy descharger de la dicte promesse faicte aux dits conjoints.
Ceux-ci confessent avoir eu et receu avant ces heures la somme de sept vingts livres, et pour le reste montant à cinquante livres le dict de Cholet a promis payer quand l'en sera requis." (D'après M. le Dr Mignen, Généalogies des de Rorthays)
— 6° Jean de Chollet, écuyer, seigneur du Bois, marié vers 1520 à Antoinette Darrot, fille de Louis, écuyer, seigneur de la Poupelinière, et de Perrette de Rorthays, nous semble bien être le fils de Jean Chollet, et par suite le frère de Jeanne, femme de Louis Rorthays. Les archives de la Barre le désignent positivement comme seigneur du Bois-Chollet. Il en est de même du procès-verbal de visite de l'archidiacre Marchant à l'Herbergement, le 6 juin 1533 ; suivant ce dernier, Jehan de Chollet, escuyer, seigneur du Bois de Chollet, était le procureur de la fabrique (Bibl. de Luçon).
Le 22 juin 1538, "Jehan de Chollet, escuyer, seigneur du Bois de l’Herbergement-Entier", reçoit un aveu de César de Gatinaire.
Il nous paraît avoir eu pour fille Guyonne de Chollet, qui suit. Toutefois nous ne saurions l'affirmer, et si notre hypothèse n'était pas exacte, il faudrait admettre que cette Guyonne était sa sœur et que le Bois-Chollet fit retour à celle-ci, soit parce qu'il n'avait pas d'enfants d'Antoinette Darrot, soit parce qu'il lui laissa cette terre en partage, se réservant pour lui les autres fiefs de sa famille qui nous paraît alors occuper une place considérable.
— 7° Guyonne de Chollet, sans doute fille de Jean et d'Antoinette Darrot, comme on peut le supposer d'après la concordance des dates, devient désormais dame du Bois Chollet et de l'Herbergement-Entier, après le dit Jean de Chollet. Elle était mariée peu avant le 9 novembre 1542 à haut et puissant seigneur Roland de la Boucherie[12], écuyer, seigneur du Bois-Brûlé, des Gazoux, puis, du chef de sa femme, de l'Herbergement et du Bois-Chollet qui devint dès lors sa demeure habituelle.
Roland de la Boucherie fut un des personnages les plus marquants du Bas Poitou au XVIe siècle. Il devint capitaine de cent chevaux-légers et fut chevalier de l'Ordre du Roi.
Quelques années avant de recevoir le collier si envié de Saint-Michel, en récompense de sa valeur personnelle et de sa fidélité à la religion catholique, en ces temps si troublés où presque tous les gentilshommes voisins avaient embrassé la religion protestante, Roland de la Boucherie avait obtenu du roi Charles IX une concession de foires et marchés francs à l'Herbergement, ainsi que nous l'avons dit plus haut. Les lettres patentes accordant cette concession sont du mois de décembre 1569. Elles sont d'un grand intérêt pour l'histoire civile de l'Herbergement et nous les reproduirons plus loin.Citons la pièce suivante dans laquelle il est question du seigneur du Bois-Chollet, à propos d'une exemption d'impôts accordée aux habitants des Herbiers :
"Guy de Daillon, comte du Lude, chevalier de l'ordre du roi, gouverneur et lieutenant général pour sa Majesté en ses pays et comté du Poitou, capitaine de cinquante hommes d'armes des ordonnances dudit seigneur, et sénéchal d'Anjou, aux juges et officiers de Tiffauges, salut.
Nous, en considération des frais et autres dépenses faites pour le service du roi par les manans et habitans de la paroisse des Herbiers, et pour aucunes autres raisonnables considérations que ne voulons pour bonne occasion autrement déclarer, avons iceux paroissiens déchargé et déchargeons pour l'avenir, par ces présentes, de la taxe de la somme de trente livres tournois pour leur part de la soulde des gens de guerre étant au château dudit Tiffauges pour la garde d’icelui ; contribution du magasin pour les gens de guerre à cheval étant audit lieu sous la garde du seigneur du Bois de Chollet (ndlr : Roland de la Boucherie), à commencer le sixième jour du présent mois, à la charge que lesdits habitons payront ce qu'ils pourroient devoir du passé jusqu'audit jour, ensemble tout ce à quoi ils ont été cottisés pour la munition du château dudit lieu, pour la nourriture des gens de guerre y étant en cas d’assiégement ; et au lieu de ladite paroisse des Herbiers que nous avons, pour les causes susdites, déchargée et déchargeons, vous mandons que cottisiez, asseyiez et imposiez ladite somme de trente livres tournois sur les manans et habitons de Saint-Michau de Montmarcus et le Chastelier, de la chastellenie de Chasteaumur, et les contraigniez au paiement d'icelle, depuis ledit jour sixième du présent mois à l'avenir, tant et si longtemps que la nécessité le requérera, et pareillement la munition de foin, paille et avoine pour l'entretien et la nourriture des chevaux lesdits gens de guerre étant dans ladite place sous la charge dudit seigneur du Bois de Chollet, en ce qui reste à payer seulement de la quotité en laquelle ladite paroisse des Herbiers auroit par nous été taxée ; et le tout faites lever et au payement contraignez les cottisés par les rigueurs portées dans la commission qui vous en fut par nous expédiée dès le sixième jour de décembre dernier passé. De ce faire, en vertu du pouvoir à nous donné par ledit seigneur roi, nous avons donné et donnons puissance, pouvoir, autorité, commission et maudement spécial par ces présentes auxquelles nous avons fait mettre notre scel et signée de notre main.
A Niort, le 14 janvier 1568, signé Guy de Daillon ; par commandement de M. le Comte, Rousseau et Berelle, pour copie, et scellé de cire rouge."
(Extrait des Affiches du Poitou de 1781, n° 46, pp. 181-182.)
Ce fut ce Roland de la Boucherie, croyons-nous, qui fut tué par son fils aîné, le 10 juin 1574, jour de la Fête-Dieu, en sortant de la messe à l'Herbergement. "La date du crime, dit Beauchet Filleau, les noms des personnages concordent assez bien avec la position de famille de Roland Ier, auquel on ne connaît, en effet, qu'un fils unique nommé Roland comme lui."
L'église de l'Herbergement conserve encore précieusement la magnifique pierre tombale de Guyonne de Cholet et de son époux Roland de la Boucherie. Nous en parlerons plus longuement quand nous ferons la description de l'église paroissiale.
— 8° Roland de la Boucherie, chevalier, seigneur du Bois-Chollet, l'Herbergement-Entier, Fromenteau, etc., guidon d'une compagnie de gendarmes du Roi, succéda à son père en 1574 par suite de son horrible forfait dont il ne tira pas grand bénéfice, car, suivant le journal de Denis Généroux, "il fut tué lui-même malheureusement bientôt après".
Il eut pour successeur Claude de la Boucherie, qui était peut-être son frère-cadet ou son cousin-germain plutôt que son frère, comme le rapporte Beauchet-Filleau. Du moins, de nombreuses présomptions nous confirment dans ce sentiment.
— 9° Claude de la Boucherie, écuyer, seigneur du Bois-Chollet, l'Herbergement, etc., épousa vers 1575 Françoise Guinebault, dont il eut une fille unique qui suit.
— 10° Guyonne de la Boucherie fut dame du Bois-Chollet, de l'Herbergement-Entier et autres lieux et mourut dans les premières années du XVIIe siècle, en son château du Bois-Chollet. Elle fut enterrée en l'église paroissiale sous la même pierre tombale que Roland de la Boucherie et Guyonne de Cholet.
Elle avait épousé, le 25 janvier 1595, René de Chevigné[13], chevalier, seigneur de la Sicaudaye, puis du Bois-Chollet, fils de Christophe, chevalier, seigneur de la Sicaudaye, d'Anetz, etc , chevalier de l'Ordre du Roi, et de Claude Le Bouteiller.
C'est à ce René de Chevigné que s'applique l'anecdote suivante, rapportée par le jurisconsulte Hévin, qui la tenait lui-même d'un gentilhomme contemporain et digne de foi.
"Notre triomphant monarque Henri IV, n'étant encore que roi de Navarre, crut nécessaire au bien de son parti de se trouver à une assemblée des religionnaires, assignée à Saumur. Il fallait s'y rendre en diligence, et, ne pouvant faire une aussi grande traite à découvert sans mettre sa personne en danger, il prit la résolution d'y aller incognito par des chemins de traverse, accompagné seulement de trois gentilshommes choisis. Arrivés un soir à la bourgade voisine de la Sicaudais, en Bretagne, proche du Poitou, ils demandèrent aux habitants le couvert pour passer la nuit, et du fourrage pour leurs chevaux. On leur apprit que rien n'était échappé à un parti de soldats qui y avoient récemment fait une course, et que les villages voisins étaient réduits à la même misère.
Ils s'enquirent s'il n'y avoit point dans le voisiné quelque gentilhomme qui pût les loger ; on leur répondit que le seigneur de la Sicaudais n'était pas loin, chez lequel rien ne manquait. Ils s'y firent conduire.
Le roi affectoit non seulement de ne paraître pas le maître de ceux qui l'accompagnaient, mais même de se faire précéder par eux. Dans cette saison, tout le monde était sur ses gardes ; mais s'étant expliqués et dit qu'ils n'étaient que quatre gentilshommes passans qui demandaient de grâce le couvert pour la nuit, n'en ayant point trouvé à la bourgade, le seigneur donna ordre de les faire entrer, les vint recevoir dans sa cour, et, ayant commandé à quelques-uns de ses gens d'avoir soin de leurs chevaux, il les pria de prendre part au souper que l'on venait de servir ; ils le trouvèrent abondant. Ils furent surpris de voir servir ensuite un second qui surpassait le premier, et enfin le fruit qui répondoit au principal.
Après le souper, le roi, qui était très satisfait de la civilité de ce gentilhomme, voulut entrer en conversation, et lui dit qu'il était persuadé qu'ils avaient rempli la place de quelques amis, dont il avait espéré la visite. Il répondit que, n'ayant pas prévu qu'il eût l'honneur de les recevoir chez lui, il ne leur avait offert que son ordinaire. Et voyant là dessus que ses hôtes croyaient que sa table fût une preuve de très grandes richesses, il leur dit qu'il ne fallait pas juger de sa fortune par ce repas ; que sa basse-cour y fournissait en partie, et qu'avec un peu de poudre et de plomb qu'il faisait distribuer à quelques valets, ils lui apportaient beaucoup plus de gibier de toute sorte qu'il ne lui en était nécessaire, sans dépeupler le canton ; que cependant sa fortune était telle qu'elle suffisait pour faire vivre un gentilhomme qui savait se mesurer.
Le roi lui demanda s'il n'avait point de procès et de querelles avec ses voisins : il répondit que sa seigneurie était toute composée de parties contigües d'une étendue considérable, et ses droits sans controverse ; que sa naissance étant d'ailleurs beaucoup plus grande que sa fortune, ses voisins avaient assez de considération pour lui ; qu'il reconnaissait leur estime avec toute la civilité possible, et qu'il vivait si bien avec eux, qu'il s'assurait entièrement de leur secours en cas de besoin.
Le roi lui demanda encore s'il n'avait point de créanciers ; il répondit qu'il n'en avait aucun ; que son père, en se retirant du service de la guerre, où il avoit passé plusieurs années, s'étoit appliqué à remettre sa maison et la lui avait laissée sans charge. Enfin, enquis s'il était marié, il dit qu'étant revenu nouvellement d'Italie, où son père l'avait envoyé faire exercices, et la nouvelle de la mort duquel l'avait rappelé, il n'avait point encore songé au mariage ; que cependant on lui proposait des partis estimables en toute manière. Il les conduisit dans des chambres fort propres[14], et comme il leur souhaitait un bon repos, ils le prièrent de recevoir là leurs remercîments, faisant dessein de partir si matin qu'il eût été incivil de l'incommoder pour prendre congé de lui. Il se chargea lui-même de les faire éveiller ; il donna après ordre à ses gens d'apprêter un déjeuner qui surpassât l'ordinaire, et fut le premier levé. Il les retint le plus longtemps qu'il lui fut possible, et, après qu'ils furent montés à cheval, le roi lui dit qu'il ne vouloit pas lui faire un secret de son nom : qu'il était le roi de Navarre, qu'il auroit de la joie de trouver les occasions de l'obliger, et qu'il conserveroit toujours le souvenir de son honnêteté. Quelques années après, le roi écoutant plusieurs seigneurs de sa cour qui avoient pris pour matière de leur conversation de savoir ce qu'il fallait être pour vivre heureux, chacun desquels faisait des souhaits selon son inclination, il leur dit qu'ils n'y entendoient rien, et que pour jouir dune félicité parfaite en ce monde, il falloit être heureux comme Sicaudais, et leur conta son aventure."
(Arrêts du Parlement de Bretagne, recueillis par Sebast. Frain et annotés par Hevin, p. 16 des Remarques sur la Péremption, Rennes, Garnier, 1684.)
Le seigneur du Bois-Chollet et de la Sicaudais mourut au Bois-Chollet, le 19 avril 1615, enterré dans l'église de l'Herbergement, sous une magnifique pierre tombale dont nous parlerons plus loin.
Les enfants de Guyonne de la Boucherie, dame du Bois-Chollet, et de son mari René de Chevigné, furent :
1° Christophe, qui suit ;
2° Louis, baptisé dans l'église de l'Herbergement, le 24 juillet 1607, "parrains, magister Ludovicus du Chaffeau, et magister Joannes Loüer, et la marraine, damoiselle Marie Ferré, dame de la Chabotterie." (Arch. du Chât. de la Chabotterie.)
3° Henri, écuyer, seigneur de Preigné, marié en 1645 à Louise Loüer et auteur de la branche de la Grassière, en Chavagnes-en-Paillers[15].
— 11° Christophe de Chevigné, écuyer, seigneur du Bois-Chollet, de l'Herbergerment-Entier, etc., fut maintenu noble par M. Amelot, intendant du Poitou, le 20 septembre 1624. Le 20 mai 1638, il rendait à Gabriel de Machecoul, le nouveau baron de Montaigu, l'aveu suivant :
"Aujoud'huy, vingtiesme jour du moys de may mil six cent trante huict à l'assignation des hommages généraux de la baronnie de Montaigu tenus en la salle du château dudit Montaigu a comparu en personne noble et puissant Christophle de Chevigné seigneur du boy de Chollet et de l'Herbergement-Anthier, lequel a offert à Monseigneur luy faire les foy et hommage lige et plain et droict de ligence de quarante jours par chaicun an pour raison de son hostel et seigneurie de l'Herbergement-Anthier, de la Boucherie et des Chaussées, antérieurement appelées le Bois des Colettes requérant y estre receu de Monseigneur en présence de son conseil et des advocat et procureur de la cour de céans, sans préjudice de son droict et de l'autruy a receu le dit sieur du Boy et de l'Herbergement-Anthier, la Boicelière et les Chaussées dont nous avons octroyé acte et pris de luy le sermant, le livre touché de la main, d'estre bon et fidel vassal de mond-seigneur, tel que les dits hommages le requerrent et ce requerrant le procureur, nous avons condamné le dit sieur du Boys de son consentement rendre les adveux et dénombrement des choses des dits hommages par le menu confrontz de nouvelles confrontations reprenant les antiennes (anciennes) dans le temps de la coustume à peine de saizi sauf au dit procureur à se pourvoir pour les arrérages ou debvoirs sy aucuns sont deubs et pour autres hommages ; et acte audit de Chevigné à ce qu'il a dict que ses hommages sont à rachapt à bonny à treize deniers payables à l'aumosnier de Montagu, et acte au procureur de sa protestation contraire.
Signé : Gabriel de Michecoul et Christophe de Chevigné[16]."
Christophe de Chevigné épousa le 16 avril 1635 (Badreau, notaire à Montaigu) demoiselle Renée Lefebvre, fille de Nicolas, seigneur des Marchais, et de Renée Bertin, dont il eut :
1° Charles, qui suit ;
2° Pierre, écuyer, qualifié parfois de seigneur de l'Herbergement, marié à Olympe Gohau, dont il eut un fils, Charles, baptisé le 21 janvier 1653 à Saint Léonard de Nantes. A la date du 7 août 1662, il arenta "à noble homme Pierre Trochon, sieur de la Brosse, maistre apotiquaire demeurant au bourg l'Herbergement-Entier", plusieurs immeubles. Le seigneur se réservait "la féodalité et mouvance aveq la rante noble féodalle et fontière annuelle et perpétuelle et hypotéquaire" que le sieur Trochon et les siens étaient "obligé bailler et randre annuellement et perpétuellement en la maison du Bois-de-Chollet, chascun jour et feste de Saint-Laurent, outre la ditte rante noble de trois sols".
La minute est signée Charles de Chevigné, Trochon, Marie Gouraud, G. Badreau. Nre pour registre (Jean de la Chesnaye, p.22).
3° Henri, écuyer, seigneur de la Psalmondière, qui partagea avec son frère aîné le 7 avril 1672. Il demeurait au château du Bois-Chollet, en 1690.
Christophe de Chevigné avait également un fils naturel issu de dame Sapience Pouhet, veuve de Me Julien David, et qui était appelé Honorat. Le 28 août 1635, ce dernier, âgé de quatre ans, reçut de son père une donation de 44 livres de rente annuelle et perpétuelle, par devant les notaires de la châtellenie de Saint-Denis-la-Chevasse (Coll. Dugast-Matifeux, 178)
Christophe de Chevigné était mort avant 1658, laissant ses enfants mineurs sous la garde-noble de leur mère.
— 12° Charles de Chevigné, chevalier, seigneur du Bois-Chollet, l'Herbergement, la Psalmondière, les fiefs Cantetière et Boissalière, etc., reçut certains aveux de ses vassaux dès le 28 février 1640.
Dans un acte du 7 août 1662, il est dit "demeurant de présent en la maison noble du Hallay, paroisse de Bouffairé". (Papiers Amiaud de l'Herbergement).
Il fut maintenu dans sa noblesse, en même temps que Louise Louër, sa tante, et ses cousins-germains de Chevigné, par ordonnance de Barentin, intendant du Poitou, le 24 septembre 1667. Il s'était marié le 3 juillet 1667 à Gatienne Baux, fille de François, écuyer, seigneur des Chaulnières, et de Renée de l'Espinay. Il vivait encore en 1689, mais il était mort avant le 8 avril 1690, date du mariage de sa veuve avec Pierre de Chevigné. Ce mariage fut célébré à Saint-André-Treize-Voies.
Charles de Chevigné laissa de son mariage :
— 13° Christophe-Roland de Chevigné, chevalier, seigneur du Bois-Chollet, l'Herbergement, etc., qui naquit le 26 septembre 1678 et ne fut baptisé à l'Herbergement que le 7 avril 1688. Pour faits de chasse sur ses terres il fit informer en 1700 par la maîtrise des eaux et forêts. Le 31 décembre 1706, il épousa Anne de Boishorrand, fille de René, écuyer, seigneur du Bois-Macé, dont il eut :
1° Christophe, qui se noya dans la Loire, le 26 mai 1724, et fut inhumé le lendemain ;
2° René-Henri, qui suit.
— 14° René-Henri de Chevigné, chevalier, seigneur du Bois-Chollet, l'Herbergement, le fief Cantetière, l'Esviaud, le Pressoir alias Goyère, etc., habitait une partie de l'année en son hôtel à Nantes, et l'autre partie en son château du Bois-Chollet. On conserve un grand nombre d'aveux à lui rendus tant aux Archives de la Chabotterie que dans les vieux papiers conservés par les descendants des anciens tenanciers dans la commune de l'Herbergement. (Amiand, Echasserieau, Fonteneau, etc.)
René-Henri de Chevigné épousa, le 24 juillet 1736 (Merlet, notaire à Montaigu), Madeleine-Françoise Paris de Soulanges, fille de Augustin, chevalier, et de Françoise de la Gastinayre, seigneur et dame de la Bégaudière, en Saint-Sulpice.
Ils vivaient encore tous deux lorsque la Révolution éclata. N'ayant pas émigré, ils devinrent bientôt suspects. On les arrêta et on les incarcéra à Nantes, le mari à l'hospice de la Réunion, sorte de maison de santé, où il mourut le 12 février 1794, âgé de quatre-vingt-cinq ans ; la femme au Bon-Pasteur, avec sa fille, Mme Espivent de la Ville-Boisnet.
Le 12 avril 1794 la veuve de M. René-Henri de Chevigné subit, devant un membre du Comité révolutionnaire, un interrogatoire qui nous fournit de curieux renseignements sur sa famille. Nous le reproduisons d'après M. Dugast-Matifeux. (Revue des Provinces de l'Ouest, loc. cit. pp. 204-205) :
"Magdelaine-Françoise Paris, veuve de René-Henri de Chevigné, dit de Bois Cholet, ex-noble, âgé de soixante quinze ans, demeurant rue de la Commune, n° 16, ayant six enfants, dont trois garçons : l'aîné âgé de cinquante six ans il était lieutenant-général dans les armées de la République, il a été réformé en vertu de la loi, et il habite actuellement Rennes ; le second âgé de cinquante-cinq ans, il est marié à Agen ; le troisième âgé de quarante quatre ans, il est prêtre, ci-devant archidiacre de Nantes, il n'a point prêté serment et sa mère ignore où il est, elle sait seulement qu'il a été à Paris, mais il y a bien longtemps qu'elle n'en a eu de nouvelles. La première fille est âgé de quarante-trois ans ; non mariée, ex religieuse à Neuville, elle ignore où elle est actuellement, elle a demeuré chez l'abbé Paris, dit de Soulanges, son oncle, décédé il y a quelque temps ; la seconde âgée de trente-six ans, veuve Desmares de Château-Renard, à Agen ; la troisième, âgée de trente-quatre ans, mariée à Espivent de la Ville-Boisnet ; elle est en état d'arrestation au Bon-Pasteur depuis environ quatre mois.
Lui demandé ce qu'elle a fait depuis 1789, pour prouver son attachement à la Révolution :
Répond qu'elle et son feu mari étant fort âgés, ils n'ont pu que se conformer aux lois. Nous avons été les premiers à effacer les armoiries sur nos voitures et à supprimer la livrée de nos domestiques.
Lui demandé si elle a reçu des lettres de son fils le ci-devant abbé de Bois Chollet.
R. Je puis bien en avoir reçu lorsqu'il était à Paris, mais il y a bien longtemps et je n'en ai réservé aucune.
N'avez-vous pas retiré chez vous des personnes de la Vendée ?
R. Non. J'ai eu chez moi le nommé Debien, gardataire des meubles au Bois-Chollet, mais il y était en vertu d'un billet de la municipalité....
Lui demandé s'il n'est point à sa connaissance que son fils, le ci-devant abbé, ait été à sa maison près l'Hébergement pendant la guerre :
R. Non.
Lui donné lecture du tout, elle a dit n'avoir rien à ajouter, et a signé.
Paris-Chevigné ; Bachelier."
Mmes de Chevigné et Espivent furent rendues à la liberté le 4 brumaire an IV (26 octobre 1795), en vertu de l'amnistie de la Convention nationale.
De son alliance avec Mlle de Soulanges M. René-Henri de Chevigné eut de nombreux enfants dont plusieurs, par suite de leur rôle historique, méritent une notice plus étendue :
1°Auguste-Christophe-René de Chevigné, dit le comte de Chevigné, naquit au château de la Begaudière, le 11juillet 1737. Page du roi en 1753, lieutenant de dragons au régiment de Beauffremont en 1756, capitaine en 1759, il fit en 1760-61 la campagne d'Allemagne. Colonel de grenadiers de France, puis du régiment de Senlis en 1770, il fut alors décoré de la croix de Saint-Louis. Après avoir passé comme colonel au 2e cuirassiers et au régiment d'artillerie de Strasbourg en 1778, il reçut de Louis XVI son brevet de maréchal de camp en 1788, et de lieutenant du roi au commandement des places de Port-Louis et de Lorient.
Le comte de Chevigné devint partisan des idées nouvelles qui devaient pourtant amener tant de désolations parmi les siens, et refusa de suivre ses compagnons d'armes en émigration. II fut promu lieutenant-général, le 20 mars 1792 et commanda la 14e, puis la 13e division militaire. A Rennes, il fut soutenu par les patriotes et les républicains et s'occupa de la conspiration de la Rouërie. Néanmoins, il fut remercié "comme noble", le 15 mai 1793, mais le Comité de Salut Public le réintégra dans ses fonctions, le 24 brumaire an III. Il fut mis à la retraite, à l'âge de soixante ans, le 16 prairial an V[17].
Il avait épousé en 1773 delle Adélaïde-Marie-Louise Titon de Villegenon, dame d'Ognon, veuve du marquis de Bragelongne, et mourut sans postérité.
2° René-Henri-François, né au Bois-Chollet le 8 mars 1744 et baptisé seulement en 1749.
3° Hilarion-François de Chevigné devenu évêque de Séez et connu surtout sous le nom de Mgr de Bois-Chollet. Nous donnerons plus loin sa biographie.
4° Louis-Marie-Joseph-Félicité, né au Bois-Chollet et baptisé à l'Herbergement le 1er août 1752, mort avant la Révolution.
5° Louis-Marie, né au Bois-Chollet le 2 septembre 1754 et mort le 14 septembre de la même année.
6° François-Louis René, chevalier du Bois de Chollet, lieutenant des vaisseaux du Roy au port de Brest, où il mourut au mois de mai 1778. Son acte de notoriété par devant Sorin, notaire à Montaigu, le 2 juillet suivant, dit "qu'il est mort sans estre marié ny avoir testé, et que c'est Messire Henri de Chevigné qui est son seul héritier".
7° Louise-Félicité, née en 1751. "Non mariée, ex-religieuse à Neuville, elle ignore où elle est actuellement", dit sa mère devant le tribunal révolutionnaire en 1794. Suivant une note, elle aurait épousé dans la suite le comte de Bar.
8° Augustine-Françoise-Gabrielle, née en 1757, épousa Louis-Joseph Daymard Dabby de Château-Renard, brigadier des armées du roi, dont elle était veuve avant 1794. Il habitait alors Agen.
9° Henriette, née en 1758, épousa le 26 août 1789 Antoine Espivent de la Ville-Boisnet, chevalier, conseiller au Parlement de Bretagne. Elle fut enfermée avec sa mère à la prison du Bon-Pasteur, à Nantes, au commencement de l'année 1794, et toutes les deux ne furent rendues à la liberté qu'après le 4 brumaire an IV (26 octobre 1795). Leur postérité possède le domaine de la Begaudière, commune de Saint-Sulpice.
A cette époque les biens des nobles partis à l'étranger étaient mis en vente. La situation n'était guère meilleure pour ceux qui restaient, la misère les obligeant à tout aliéner pour vivre. Les familles de Chevigné ayant plusieurs de leurs membres émigrés perdirent ou vendirent une partie de leurs possessions. Voici, d'après Jehan de la Chesnaye, le détail de ces changements de propriétés en ce qui concerne la branche des Chevigné du Bois-Chollet.
"Par acte notarié du 19 avril 1806 André Delaunay, avocat, avoué près le tribunal civil de première instance de Nantes, fondé de pouvoirs de Augustine-Louise-Françoise-Gabrielle de Chevigné, veuve de M. Louis-Joseph Daymard Dabby de Château-Renard (ou Renaud), brigadier des armées, vendit à Pierre Echasserieau et Donatien Bariteau de l'Herbergement la métairie de la Pichetière pour 12 200 fr. (Poisson, notaire à Doulon, Branger, notaire à Nantes)[18].
Gabrielle de Chevigné avait-elle acheté cette propriété d'un acquéreur de bien national ? C'est possible.
"Héritiers de Chevigné du Bois-Chollet, décédé en 1794 laissant six enfants ; la métairie du Cerizier en les Brouzils, la Pichetière et la Fraizière. La mère de ces émigrés a été autorisée à toucher pour son douaire le tiers du revenu depuis le 5 brumaire an VIII par arrêté du département 25 floréal an VIII. Par arrêté du 6 germinal an X, mainlevée du sequestre a été faite aux héritiers fondés pour les cinq sixièmes dans la succession de René de Chevigné, leur père, décédé le 24 pluviôse an II. En vertu de l'arrêté du Préfet du 6 germinal an X, il est resté quinze boisselées sous séquestre par représentation d'Hillarion-François de Chevigné, amnistié le 11 thermidor an X, main-levée du séquestre.
Le château, pourpris, portion de la pièce joignant la Grande Métairie et la borderie du Bois-de-Chollet appartenant aux héritiers de Chevigné du Bois-de-Chollet décédé le 24 pluviôse an II à Nantes, émigrés.
Observation. — La mère de ces émigrés avait droit au tiers des jouissances de cette terre pour son douaire (arrêté du Préfet en date du 6 germinal an X, qui donne main-levée du séquestre sur les cinq sixièmes de cette succession). Le domaine reste affecté au sixième revenant au gouvernement par l'inscription d'Hillarion-François Chevigné, ex-prêtre inscrit sur la liste des émigrés (Amnistié du 11 thermidor an X, main-levée du séquestre sur le sixième réservée) (Arrêté du Préfet, 19 fructidor an X).
Métairies de la Guerche et de la Sicaudais, la Grande Métairie, métairie de l'Eviaud, de Bruyères, des Chaussées, les Halles situées au bourg de l'Herbergement, tous domaines appartenant aux héritiers de Chevigné émigrés, au profit desquels main-levée du séquestre fut donnée par arrêté du préfet du 6 germinal an X (id.).
Le 25 février 1806, dame Augustine-Louise-Françoise-Gabrielle de Chevigné, veuve Château-Renard, donna sa procuration à M. André Delaunay, avocat avoué près le tribunal civil de Nantes, pour la vente de la Grande Métairie, achetée par MM. Touzeau, Hilaireau, Coumailleau et sa femme.
La métairie de la Sicaudais fut acquise de la veuve Château-Renard par Antoine Tortat, avoué-licencié et maire de la ville de Bourbon-Vendée."
Quant au château du Bois-Chollet lui-même, suivant une tradition rapportée par M. Savin à M. Dugast-Matifeux, il aurait été perdu au jeu à Paris par un membre de la famille, sous le Consulat, et mis en vente avec le pourpris, la métairie de la cour et autres dépendances et adjugé pour la somme de 20 000 francs.
Sous la Restauration, les propriétaires en étaient MM. Jean et Louis Touzeau, demeurant ordinairement au village des Forges, en Saint-Sulpice-le-Verdon. Ce furent eux qui firent reconstruire en 1820 le château qui avait été brûlé pendant la Révolution. Ils y habitèrent désormais.
Après les frères Touzeau, le château du Bois-Chollet devint la propriété de la famille Savin. Vendu par suite d'une débâcle de fortune, il fut acheté par Mme Buet, née Gourraud, qui y fit une importante restauration.
Il appartient aujourd'hui à M. le docteur Georges Gourraud, de Nantes, qui l'a reçu en héritage de sa tante.
Depuis de nombreuses années, le Bois-Chollet sert de demeure au médecin de la localité.
BIOGRAPHIE de Mgr Hillarion de Chevigné de Boischollet[19]
Hilarion-François de Chevigné naquit au château du Bois-Chollet et fut baptisé en l'église de l'Herbergement, le 6 juin 1746, tenu sur les fonts baptismaux par Messire Hilarion de Paris de Soulanges, bachelier en théologie à Paris, et damoiselle Ozille de Chevigné, aux lieu et place de dame Françoise Paris de Soulanges, gouvernante de Mme Louise de France.
Quoique destiné dès son enfance à la marine, un défaut de constitution (il était légèrement bossu), et surtout l'appel de Dieu le firent entrer dans les ordres.
Devenu prêtre, il se fit remarquer par son zèle pieux et fut de bonne heure promu aux dignités ecclésiastiques. D'abord chanoine honoraire, puis vicaire général, il était nommé, en 1780, à trente-quatre ans, grand archidiacre du diocèse de Nantes. Toutefois, malgré ses nombreuses occupations, il revenait de temps en temps au Bois Chollet, et il aimait à se reposer au pays natal.
Quand vint la Révolution, il ne prêta pas le serment à la Constitution civile du clergé et resta à Nantes, muni des pouvoirs de son évêque, Mgr de La Laurentie, qui avait émigré. Il dut néanmoins, pendant quelque temps, quitter la France et il passa en Belgique. Il se retira à Enghien où se trouvaient de nombreux officiers français et y exerça les fonctions d'aumônier militaire. Rentré en France, il revint à Nantes et y demeura caché durant les mauvais jours. Sa chambre, convertie en chapelle, était le rendez-vous des fidèles qui, au péril de leur liberté et de leur vie, venaient y recevoir les sacrements. Il ne bornait pas son action à soutenir les fidèles, il essayait aussi de ramener les pécheurs égarés, ceux même qui donnaient dans les écarts de la Révolution, et eut la joie d'en convertir un certain nombre.
L'abbé de Bois-Chollet faillit être la victime de son zèle. Poursuivi un jour par les forcenés qui en voulaient à sa vie, il se cacha sous un tas de fagots. Les révolutionnaires l'entourent et sondent les fagots en y enfonçant leurs sabres et leurs baïonnettes. Pendant ce temps le saint prêtre tenait entre ses mains une statuette de Notre-Dame de Bon-Secours, pour laquelle il avait une grande dévotion. Sa confiance dans la protection de Marie devait l'arracher miraculeusement à la mort. La statuette reçut les coups de pointes de sabre et d'épée, qui lui étaient destinés, et les persécuteurs s'étant éloignés, il put sortir de sa cachette sain et sauf et continuer son périlleux apostolat.
Lorsque des jours plus paisibles parurent se lever sur la France, l'ancien archidiacre de Nantes prêta son concours à l'abbé Bernier, le célèbre curé de Saint-Laud d'Angers, qui, après avoir été longtemps l'âme et le conseil des armées catholiques de l'Ouest, travaillait, en 1799, à pacifier la Vendée. L'influence dont jouissait M. de Chevigné aida puissamment l'abbé Bernier qui, rappelant à Bonaparte ses services, le désigna comme un sujet propre à remplir un siège épiscopal. Cette recommandation lui valut d'être nommé à l'évêché de Séez (Orne).
Mais il refusa tout d'abord, répugnant d'occuper un siège dont le titulaire, exilé pour la foi, était encore vivant. Toutefois, Mgr d'Argentré, évêque de Séez lors de la Révolution, lui fit savoir par M. l'abbé de Malherbe, son vicaire général, "qu'il était charmé que le choix fût tombé sur un homme de son mérite, qui avait rendu tant de services au diocèse de Nantes pendant l'absence de M. de La Laurentie, son évêque".
Fort de cette assurance, M. de Bois-Chollet ne différa plus la cérémonie de son sacre qui eut lieu le 16 mai 1802, à Paris, dans l'église Saint-Roch. Son intronisation se fit le 25 juillet suivant avec une pompe extraordinaire. Il fut assisté du préfet, du général, de tous les fonctionnaires, et le commandant de la gendarmerie de Séez lui présenta lui-même dans un plat de vermeil les clefs de la cathédrale.
Une fois installé, Mgr de Bois-Chollet (car c'est le nom sous lequel il fut le plus connu) se mit à l'œuvre, et grand fut son labeur. Le Concordat, en rétablissant en France la religion catholique, ouvrait un large champ au zèle des évêques.
Son premier mandement (7 décembre 1802) eut trait à l'érection et à l'organisation des curés et des paroisses, et à la situation des prêtres jureurs ou "constitutionnels", qui pouvaient être réintégrés dans les fonctions du saint ministère, moyennant une rétractation de leur schisme et des garanties de doctrines, de discipline et de conduite.
Dans son mandement du 24 février 1803, il annonçait la suppression des anciennes fêtes qui se chômaient autrefois en France, sauf les quatre grandes fêtes ; mais, s'écriait-il, "qu'il en coûte à notre cœur de vous annoncer la suppression d'un grand nombre de fêtes si touchantes et si vénérables par leur antiquité" ! Et il ajoutait qu'il engageait néanmoins les prêtres à les célébrer avec une certaine solennité.
L'évêque de Séez prit le plus grand soin pour la formation de ses prêtres et s'occupa du rétablissement de son séminaire qui fut d'abord installé dans son évêché. Enfin, en 1806, le gouvernement lui concéda les bâtiments de l'ancien séminaire, et il choisit alors pour le diriger le R. P. Coudrin, né au diocèse de Poitiers, ordonné prêtre à Paris en 1792 par Mgr de Bonald, et fondateur, de concert avec Mlle Henriette Aymer de la Chevallerie, de la double société de religieux et de religieuses, vouée à l'adoration perpétuelle du Très Saint-Sacrement, sous le nom de Congrégation des Sacrés-Cœurs. Les Pères Hilarion, Astier et Timothée de cette congrégation vinrent professer à Séez.
Il existe, à la date du 5 avril 1808, un mandement de Mgr de Chevigné, adressé à tous les ecclésiastiques du diocèse de Séez chargés de l'instruction des clers, qui est un modèle de zèle et de sagesse pastorale.
Emerveillé de l'édifiante piété des religieux du Père Coudrin, l'évêque de Séez voulut avoir aussi dans sa ville épiscopale une maison de religieuses de la même congrégation, et elle fut installée le 30 mai 1807.
Le concours prêté à l'évêque de Séez par le R. P. Astier fut des plus efficaces ; mais Napoléon, ayant voulu faire enseigner par les professeurs des Séminaires de son empire les doctrines gallicanes, les pères se virent obligés de se retirer, et le séminaire fut confié à des prêtres du diocèse en 1809.
Toutefois, Mgr de Chevigné demandait des prêtres de Saint-Sulpice pour la direction de son diocèse. Il ne put en obtenir, mais le directeur lui ayant désigné un prêtre de son propre diocèse, M. Le Gallois, comme étant un très saint pasteur en même temps qu'un habile administrateur, il nomma celui-ci vicaire général honoraire, lui assigna la tâche des Séminaires et le fit son principal conseiller.
Tandis qu'il accomplissait ainsi l'œuvre de Dieu, un orage se formait contre lui.
Déjà on avait essayé de le présenter comme un intrus afin de troubler les consciences timorées, et il avait été obligé de publier à nouveau un témoignage de l'ancien évêque, Mgr d'Argentré, disant, le 9 juillet 1803, que son intention est que son clergé se soumette à la juridiction de Mgr de Chevigné.
Mais les principaux déboires de l'évêque de Séez lui vinrent du gouvernement et de l'empereur lui-même. Et cependant, sans être un courtisan du pouvoir, Mgr de Chevigné s'était rallié des premiers au gouvernement impérial, le considérant comme "le libérateur suscité de Dieu". A chaque victoire de Napoléon il avait associé son église à la joie nationale et sa dernière lettre au clergé, le 17 mai 1811, avait été pour rendre gloire à Dieu de la naissance de l'héritier de l'empereur. Du reste, il avait été créé baron de l'empire, le 18 mars 1809, et chevalier de la Légion d'honneur.
On amoncelait contre lui de nombreux griefs. On lui reprochait d'abord sa conduite à l'égard des prêtres jureurs, qui n'était que prudence ; on lui reprochait son absence au mariage des Rosières qui devaient épouser des militaires français ; le troisième grief allégué portait sur la célébration des fêtes supprimées, bien que par esprit de conciliation il fût revenu, le 11 décembre 1810, sur son ancien mandement et eût défendu à ses prêtres d'en chanter la messe. Le gouvernement connaissait surtout son grand attachement au Souverain Pontife que Napoléon venait de priver de ses États et de conduire en captivité.
La crise éclata subitement. Napoléon se dirigeait de Saint-Lô sur Alençon pour y rejoindre le sénateur Rœderer et devait passer par Séez, le samedi 31 mai 1811. Par déférence pour le chef de l'Etat, l'évêque revêtit ses ornements pontificaux et se plaça devant le portail de la cathédrale, entouré de son clergé, pour y saluer l'empereur. Mais celui-ci, apercevant de loin Mgr de Chevigné, s'écria : "Touche, cocher !" et la voiture passa outre, au grand galop des chevaux.
Le saint prélat ne vit dans ce fait aucune mauvaise intention, et quand, à dix heures du soir, un courrier vint lui annoncer qu'il eût à se rendre, le lendemain matin, à Alençon, avec tous ses chanoines, il pensa que l'empereur voulait rehausser, par la présence de l'évêque, l'éclat de la cérémonie de la Pentecôte qui arrivait ce jour-là même.
Le lendemain, dans la matinée, au moment où il se préparait à officier pontificalement, Napoléon le fit demander et voici le dialogue qui s'établit entre eux, au rapport du comte Rœderer, témoin de l'entretien.
"Vous êtes l'évêque de Séez ?"
"Oui, sire."
"Je suis très mécontent de vous. Vous êtes le seul évêque sur qui j'ai reçu des plaintes. Vous entretenez ici des divisions. Au lieu de fondre les partis, vous distinguez encore entre les constitutionnels et les inconstitutionnels. Il n'y a plus que vous en France qui vous conduisiez ainsi. Vous voulez la guerre civile. Vous l’avez déjà faite ; vous avez déjà trempé vos mains dans le sang français. Je vous ai pardonné et vous ne pardonnez pas aux autres. Misérable ! Votre diocèse est le seul en désordre."
"Sire, tout y est très bien."
"Vous avez fait une circulaire très mauvaise (sur la célébration des fêtes supprimées)."
"Je l'ai changée."
"Je vous ai fait venir à Paris pour vous montrer mon mécontentement, et rien ne vous corrige. Vous êtes un mauvais sujet ! Donnez votre démission sur l'heure."
"Sire..."
"Qu'on me mette tout de suite la main sur les papiers de ses secrétaires, dit l'empereur en se retournant vers le préfet (M. La Magdelaine)."
"L'évêque sortit alors et le préfet avec lui. Napoléon était fort ému ; il congédia les personnes sans parler à aucune d'elles et tout le monde se retira"
Les contemporains qui possédaient les détails de cette entrevue ajoutaient que Napoléon avait dit à Mgr de Bois-Chollet : "Remettez-moi votre croix !" — L'évêque lui avait alors rendu sa croix de la Légion d'honneur. — "Maintenant, votre croix d'évêque." — "Sire, celle-là me vient du Pape ; lui seul peut me la redemander".
Quelques heures après, l'empereur faisait appeler dans son cabinet les grands vicaires et les chanoines du chapitre de Séez. Ce qui se passa dans cette deuxième séance historique a été très fidèlement raconté par M. d'Haussonville, de l'Académie française[20].
Nous en extrayons seulement le passage suivant :
"Toujours appuyé sur sa chaise et sans les saluer, Napoléon, apostrophant les chanoines à peine introduits devant lui, leur demanda d'une voix brève : "Quel est parmi vous celui qui conduit votre évêque ?" — Un de ces Messieurs désigna M. Le Gallois. — "Ah ! c'est donc vous ? Et pourquoi ne lui avez-vous pas conseillé d'assister au mariage des Rosières ?... Pourquoi avez-vous fait faire à votre évêque cette circulaire sur les fêtes supprimées ?" — A ces questions et à bien d'autres semblables que l'empereur, oubliant toute retenue et dignité, entremêlait d'injures grossières à l'égard de l'évêque, M. Le Gallois fit des réponses qui eussent dû satisfaire son terrible interlocuteur, si ses préventions et son humeur fougueuse lui avaient permis d'entendre raison."
Pendant que l'évêque et le vicaire général étaient retenus à Alençon, des agents de l'Empereur s'étaient rendus à Séez et avaient apposé les scellés sur les meubles. On ne trouva rien de compromettant, grâce à la présence d'esprit de la digne servante de l'évêque, Mme Welter, que celui-ci avait convertie et mariée jadis à Nantes.
"Elle put arriver jusqu'au secrétaire où étaient les fameux papiers (correspondance avec le pape), fit chauffer la lame d’un couteau et réussit, avec un bonheur inespéré, à enlever une des cires ; puis, avec l'aide d'un serrurier, elle ouvrit le meuble, en retira les papiers compromettants et le livra aux flammes.
Avec le même bonheur, elle parvint à fixer de nouveau la cire, et personne ne put s'apercevoir de ce qu'elle avait fait."
Ce coup d'audace ne sauva pourtant point le bon évêque : l'empereur voulait sa destitution. A cet effet, l'un des principaux officiers du palais se transporta près de lui et lui signifia avec embarras l'ordre de l'empereur de se retirer hors du diocèse. Comme on ne lui fixait point le lieu de son exil, il demanda fièrement : "Où m'envoie-t-on ? — A Nantes provisoirement", lui fut il répondu.
Quant à M. Le Gallois, il fut le lendemain arrêté au palais épiscopal et amené de brigade en brigade jusqu'à la Force, à Paris, où on le tint au secret, et, comme on ne trouvait aucun grief contre lui pour prononcer une sentence, Napoléon ajouta : "Ce chanoine a trop d'esprit, c'est un homme dangereux ; qu'on le mette à Vincennes".
La chute de l'Empire mit seule fin à sa captivité.
Mgr de Bois-Chollet, réduit presque à la pauvreté, se retira donc à Nantes, d'abord à un quart de lieue de la ville, puis il vint habiter en face de la cathédrale, place Saint-Pierre, une maison fort modeste. Il partageait sa vie entre la prière et les œuvres de charité.
Le gouvernement ne put jamais obtenir de lui sa démission. Il nourrissait, du reste, dans sa retraite forcée, l'espérance d'être rendu à son troupeau, lorsqu'il fut frappé d'une attaque de paralysie. Privé de l'usage de la parole et souffrant les plus violentes douleurs, il arriva en deux ou trois jours aux portes de la mort. Il rendit son âme à Dieu, le 23 février 1812. En ensevelissant son corps, on trouva sur lui le cilice qu'il avait toujours porté. Il était âgé de soixante-six ans.
Le diocèse de Séez resta fidèle à son doux et pieux évêque qui avait été si injustement traité par Napoléon. Aussi, Mme la comtesse douairière de Chevigné, obtempérant aux instances de Mgr C.-F. Rousselet, évêque de Séez, fit exhumer, dans le cimetière de Saint-Etienne de-Montluc, les restes du vénéré prélat, qui furent rendus, le 11 mars 1875, à l'église qu'il aimait et dont il avait été si violemment séparé.
Telle fut la vie de Mgr de Chevigné de Bois-Chollet, dont le nom tient une certaine place dans l'histoire et que l'Herbergement doit compter comme le plus illustre de ses enfants.
§ II. Le Pressoir
Après la seigneurie du Bois-Chollet, le fief le plus important de la paroisse de l'Herbergement était celui du Pressoir. Là se trouvait une gentilhommière qui fut, pendant une grande partie du Moyen-Age, la demeure d'une famille Richard, que Dugast-Matifeux a même jadis confondue avec les seigneurs du Bois-Chollet.
Ce lieu n'existe plus de nom et toute trace d'habitation a disparu depuis longtemps déjà. Les indications les plus récentes nous sont fournies par un aveu des frères Fonteneau, de l'Herbergement, à Henri de Chevigné, chevalier, seigneur du Bois-Chollet, le 16 novembre 1773. Ils font le dénombrement des tènements qu'ils possèdent aux villages voisins et "dans l'étendue et mouvance des fiefs du Pressouer allias Goyère, et du Bois-de-Chollet", et il est dit plus loin qu'il s'agit de la pièce de terre du Grand-Cormier, formée autrefois de deux pièces de terre situées dans le dit fief du Pressoir.
Toutefois, cette indication, si minime soit-elle en apparence, a pour nous de la valeur, car elle nous fait savoir qu'au XVIIIe siècle l'ancien fief du Pressoir s'appelait également la Goyère et nous permet ainsi de pouvoir en retrouver l'emplacement. Il en résulte, en effet, que le petit manoir du Pressoir a été remplacé par le village appelé aujourd'hui de la Guerche, situé tout près de l'Herbergement, sur la route de Saint-André-Treize-Voies.
D'après le chartrier de Thouars, "l'hébergement du Pressoir, paroisse de l'Hébergement-Antier", relevait, de même que le château de l'Herbergement ou du Bois-Chollet, directement de la baronnie de Montaigu, à foi et hommage lige et à ligence de garde au château, chaque année.
Voici la liste des seigneurs[21], suivant les aveux reçus par les seigneurs de Montaigu :
1° Jeanne Barotte (sic pour de Barro)[22] rend hommage de la seigneurie du Pressoir, les 6 et 10 octobre 1384, au connétable Olivier de Clisson, baron de Montaigu. C'est le premier propriétaire connu du fief du Pressoir ; peut-être était-elle la dernière héritière d'une branche de la famille de Barro qui aurait possédé depuis longtemps cette seigneurie, laquelle aurait passé chez les Richard, par suite de son alliance avec un membre de cette famille ; nous penchons à croire cependant que Jeanne de Barro était la veuve d'un Richard, seigneur du Pressoir, et qu'elle ne fait cet aveu que comme tutrice de ses enfants.
2° Guillaume Richard, écuyer, seigneur du Pressoir, fait hommage de son fief, le 25 septembre 1392.
3° Perrot Richard, écuyer, seigneur du Pressoir, fils du précédent sans doute, fait hommage, le 9 décembre 1405. Le même évidemment rend encore aveu le 6 septembre 1408.
4° Perrot Richard, écuyer, habitant la châtellenie de Montaigu, est condamné à une amende par Adam Hodon, secrétaire du roi, le 18 janvier 1438, pour n'avoir pas, en sa qualité de noble, suivi l'armée du roi. Il devait partager l'amende de 30 livres avec Yvon Chabot (de la branche de la Chabotterie), Jehan du Chastenay (Saint-Denis la Chevasse), Jehan Poictevin, Guillaume Alexandre, Laurent Avril et Gilles Barbe, tous écuyers et voisins[23]. — Ce Perrot Richard devait être seigneur du Pressoir et nous paraît être le fils du précédent et le père du suivant.
5° Pierre Richard, écuyer, seigneur du Pressoir, rend hommage à Montaigu le 18 septembre 1473, au roi Louis XI.
6° Guillaume Richard, écuyer, seigneur du Pressoir, en fait l'aveu, le 13 novembre 1489. Le même sans doute fait encore son devoir de vassal, le 21 janvier 1502.
7° Jacques Richard, écuyer, seigneur du Pressoir, fils du précédent, rend hommage à Montaigu pour son fief et hébergement du Pressoir, le 12 novembre 1534.
Après cette date nous n'avons pu trouver aucun autre renseignement sur les propriétaires de ce lieu. Nous ne savons non plus à quelle époque le Pressoir fut rattaché à la seigneurie du Bois- Chollet.
Henri-René Chevigné, chevalier, seigneur du Bois-Chollet, prend également le titre de seigneur "du Pressoüer, aliàs Goyer", dans un aveu du 15 mai 1744.
Aujourd'hui, la métairie de la Guerche, qui occupe l'emplacement de l'ancienne seigneurie du Pressoir, appartient à la famille Chapleau ; quelques autres pièces de terre en dépendant jadis sont la propriété des familles Baty, Texier, Soullard, etc.
§ III. L'Éviau
L'Eviau, écrit également l'Eviaud et l'Aiviaud, était un arrière-fief du Bois-Chollet, relevant directement de la seigneurie de Painfault.
"La maison et hostel noble de l'Esviaud", ses appartenances, sa fuye, etc., tout a disparu pour faire place à une petite ferme portant le même nom, qui appartient aujourd'hui à M. Chapleau.
Au XVIe siècle, cette seigneurie était entre les mains de la famille de Vandel[24].
Renée de Vandel hérita de ce lieu et l'apporta en mariage au seigneur de Grandy dont elle devint ensuite veuve, puis à François de Fesques, écuyer, seigneur de la Cacaudière et de l'Auvrenière, qu'elle épousa en 1626.
François de Fesques et Renée de Vandel vivaient encore le 6 mars 1646, car à cette date on trouve leurs noms dans l'aveu suivant relatif au fief de l'Eviau :
"Item, tiens de moy, soubs mondict hommage de Painfault le dit seigneur de l'Auvrenière (François de Fesques) à cause de sa dicte espouze (Renée de Vandelle) et à foy et hommage et à six sols six deniers de service et debvoir annuel, payable chacun an à ma dicte recepte à chacun terme et feste de Penthecoste, c'est à savoir : sa maison et hostel noble de l'Esviaud, en la paroisse de l'Herbergement-Enthier o (avec) ses appartenances, et despendances de maisons, granges, toiteries, fuhies, garennes, bois de haulte fustaye et taillis, jardins, vergers, prées, pastys, pasturaux, terres arables et nonn arables, landes et fruiches, cens rentes et debvoirs par bled, deniers, chapons et autres appartenances et despendances quelconques contenant douze septerées[25] de terre ou environ tant gastes[26] que labourables, quinze journaux de pré ou environ, et les vignes des Charpelières, celles des Boischelles et du Charpie, des appartenances dudit lieu contenant cent journaux de vignes des environs situées entre les terres de la Joue, les terres de la Dibondelière, du Chaillou, le chemin entre deux et les terres du Marchay d'une et d'autre part.
Item, tiens de moy le dict sieur de l'Auvrenière, sous le dict hommage de l'Esviaud le tenement et appartenance du Verger au tenement dict la Gaudinière contenant quatre septerées de terre ou environ tant gastes que labourables, trois journaux de pré en la paroisse des Brouzils, entre les terres du Marchay, hayes entre deux, et celles de la Gaudinière et de la Dibondelière[27]."
La vie de François de Fesques et de Renée de Vandel fut assombrie par de tragiques événements, ainsi que nous l'apprend Beauchet-Filleau.
"François de Fesques, seigneur de la Cacaudière, avait épousé, en 1626, Renée de Vandel, veuve du seigneur de Grandy. Les premières années de ce mariage furent heureuses, mais la paix fut bientôt troublée par l'arrivée de leur cousine, Mme de Calonge (Marie de Fesques). Elle sut s'emparer de l'esprit de François et l'amena à enfermer sa femme dans une grosse tour carrée. La malheureuse n'en fut tirée qu'après l'exécution de son mari et demeura privée de la raison. Marie de Fesques avait instruit son cousin dans l'art de transformer les métaux et l’avait initié à la fabrication de la fausse monnaie. Un filon de galène argentifère qui existait en ce lieu servit à leurs coupables manœuvres. Quelque temps après, François, accompagné de son ami et complice Espinasseau, partit pour Paris dans le but de placer ses pièces fausses ; mais pendant son absence, une domestique de la Cacaudière ayant trouvé l'entrée du souterrain où il avait travaillé, le crime fut découvert. La maréchaussée de Pouzauges se mit à la poursuite du sieur de la Cacaudière et le fit arrêter avec son compagnon à Orléans. Ils furent condamnés à mort et exécutés dans cette ville vers 1650[28]."
M. Beauchet-Filleau ajoute qu'il croit que ce François de Fesques n'eut pas de postérité.
Au XVIIIe siècle, la seigneurie de l'Eviau était rattachée au Bois Chollet, dont les seigneurs ajoutèrent à leurs titres celui de seigneurs de l'Eviau.
Au moment de la Révolution, cette terre fut placée sous séquestre ainsi que le reste du domaine des Chevigné qui avaient émigré ; mais ceux-ci obtinrent main-levée de cette mesure par arrêté préfectoral, le 6 germinal an X.
§ IV. La Mitonnière
Complétons notre liste des anciens fiefs de la paroisse de l'Herbergement en ajoutant quelques mots sur la seigneurie de la Mitonnière ou des Mitonnières, aujourd'hui village composé de deux fermes, à mi-route de l'Herbergement à la Chevasse. L'une de ces deux fermes appartient à M. Manne, l'autre à Mme Lalande-Coumailleau.
A dire vrai, ce petit fief n'était qu'une dépendance de la seigneurie de la Mauléonnière ou Maulionnière, sise en Saint-Sulpice-le-Verdon, et, par suite, il appartint jusqu'à la Révolution aux mêmes seigneurs[29], les du Chaffault[30] ; mais ces seigneurs en ayant porté le titre spécial, il importait de le mentionner dans notre chronique.
Nous trouvons dans la notice sur l'Herbergement, par Jehan de la Chesnaye, une citation de droits curieux imposés sur des terres de la Mitonnière :
"Par acte du 13 août 1720, signé Gautreau, notaire royal, et de Chevigné du Bois-Chollet, "le sieur Guy", neveu de feu Mre Bertrand Tarteyre, vivant prêtre curé dudit lieu de l'Herbergement, son oncle, "arenta une vigne sise au tennement de la Mitonnière, paroisse de l'Herbergement". L'acquéreur était tenu d'en acquitter pour l'avenir seullement les cens et devoirs deus pour choses arentées… et d'en faire aux seigneurs du Bois-Chollet et celui de la Mittonnière (Alexis-Augustin du Chaffaut de la Sénardière) les Certes[31] et obéissances requises, savoir : au Bois-de-Chollet pour trois cent cinquante livres, et au seigneur de la Mittonnière pour cinquante livres..."
(Tiré des papiers Amiaud de l'Herbergement.)
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IV
HISTOIRE ECCLESIASTIQUE
§ I. Patronage
L'église de l'Herbergement, qui fut jusqu'au Concordat sous le vocable de Notre-Dame, et le bénéfice curial qui s'y rattachait étaient placés sous le patronage de l'évêque de Luçon. Pourtant, suivant différents Pouillés et en particulier celui d'Alliot en 1648, il est précisé que c'était l'abbé de Saint-Jouin-de Marne qui présentait le titulaire à la collation de l'évêque.
Il est même à remarquer que la première fois qu'il est fait mention de l'Herbergement, c'est à l’occasion de ce patronage. Nous voulons parler d'une bulle du pape Alexandre III datée de 1176, relative au droit de patronage exercé par l'abbaye de Saint-Jouin-de-Marne sur différentes églises et particulièrement ecclesia de Arbergamentis Anterii.
Le seigneur du Bois-Chollet, en tant que seigneur de l'Herbergement, recevait les honneurs et avait droit de prééminence dans l'église.
§ II. Autres bénéfices ecclésiastiques
— 1° Prieuré de l'Herbergement. Outre la cure, il y avait encore le prieuré de l'Herbergement qui, suivant tous les Pouillés, depuis le Grand-Gauthier de 1300 jusqu'au Pouillé d'Alliot, est mentionné comme étant placé sous le patronage de l'abbé de Saint-Jouin-de-Marne : Prioratus procurationem solventes vel non, capellæ Sti Fulgentii de StoJovino, et ailleurs : Sequentes non conseverunt solvere : Prioratus de Herbergamentis ; corrector de Rocha-Cerveria, etc.
— 2° Chapelle du Bois Chollet. Cette chapelle qui se trouvait desservie en l'église paroissiale de l'Herbergement, du moins aux XVIIe et XVIIIe siècles, était appelée aussi la chapelle des Boucheaux, du nom de ses fondateurs, membres de la famille des Boucheaux, qui possédaient, au XIVe siècle, les seigneuries du Bois-Chollet et de l'Herbergement. Elle était à la présentation du seigneur du lieu. Son seul titre le prouve, et le procès-verbal de l'archidiacre Marchant, en 1534, le confirme.
Cependant, d'après un acte du 29 septembre 1719, le seigneur présentant le titulaire de la chapelle du Bois-Chollet était Gabriel des Nouhes, seigneur de la Normandelière, et le collateur de Mgr de Lescure, évêque de Luçon.
Le titulaire de cette chapellenie avait la charge de quatre messes par semaine, comme nous l'apprend le procès-verbal de 1534, mais, suivant dom Fonteneau, ces messes furent réduites plus tard à trois. Les différents seigneurs du Bois-Chollet avaient donné pour l'entretien du chapelain des rentes importantes dont le total s'élevait au chiffre de 60 livres. Ces rentes provenaient de biens situés sur l'Herbergement et sur les paroisses voisines, parmi lesquelles se trouvait celle de Saligny. Nous voyons, en effet, dans une note de M. le docteur Mignen, qu'il était dû au chapelain de l'Herbergement deux boisseaux de froment et vingt livres de miel évalués quatre sols la livre, sur le tènement des Jambardières en Saligny.
Voici quelques noms de chapelains que nous avons pu retrouver :
En 1534, Etienne Anormault est cité par l'archidiacre Marchant ; il fait desservir sa chapellenie par M. Chaillou et J. Trocquereau.
En 1673, nous trouvons Guillaume Bonneau, "prêtre-chapelain".
En 1701, lors de la rédaction de l'Armorial général dressé par d'Hozier pour le Poitou, nous lisons au n° 380 enregistré le 2 décembre :
"N..., chapelain de Lebergement, porte : d'azur à une bande de sable, accompagnée en chef de trois roses de même et en pointe d'un trèfle d'or."
Dans le registre des Collations de Mgr de Lescure, nous trouvons les nominations de deux chapelains : René Guillonneau, prêtre du diocèse, présenté par M. Henri de Chevigné, et remplaçant René Coudrin, décédé (21 décembre 1717), et André Masson qui succède, le 29 novembre 1719, à René Guillonneau, démissionnaire.
Enfin nous avons pu encore recueillir les noms suivants :
En 1739, Frielle, "chapelain du château de M. du Bois-Chollet" ; Jacques Jarrie (Insinuations, 11e reg. 1741-46), titulaire au moins jusqu'en 1779 ; en 1783, H. Gervais.
§ III. Stipendie du Bois-Cholet
Il en est question dans le rapport de l'archidiacre Marchand : elle est à la présentation et à la charge du seigneur du Bois-Chollet ; le titulaire est Mre Etienne Anormault et les desservants Mres Chaillou et Trocquereau, qui ont la charge de deux messes par semaine. Il n'est plus fait mention de cette stipendie après le XVIe siècle.
§ IV. Confrérie de la Bien Heureuse Vierge Marie
Bien que cette confrérie n'ait aucun rapport avec les bénéfices ecclésiastiques, nous croyons cependant devoir la mentionner ici. Elle était très florissante au XVIe siècle et son administration était entre les mains du prêtre, Jehan Trocquereau.
§ V. Revenus, fabrique
La cure de l'Herbergement devait, chaque année bissextile, à l'évêque de Luçon, une somme de 25 sols.
D'autre part, suivant dom Fonteneau, le bénéfice curial était estimé à 400 livres de revenu annuel.
Quelques aveux déjà publiés dans la Revue du Bas-Poitou par J. de Chesnaye en 1904 nous donnent l'état de plusieurs de ces rentes.
Suivant une déclaration d'hommage du 15 mai 1744, Elisabeth Guitter, veuve Douillard, doit sur le tènement de Chaillou, paroisse des Brouzils, "neuf boisseaux seigle à la cure de l'Herbergement requérable, deux boisseaux seigle à la fabrice de l'Herbergement aussy requérable... plus à la cure de l'Herbergement 3 sols".
D'après l'aveu des frères Fonteneau, le 16 novembre 1773, ils doivent sur le tènement de la Boisselière "à la cure dudit l'Herbergement cinq sols", sur le fief du Pressoire aliàs Goyère "à la dixme au treze à la dite cure" ; sur le tènement du Chaillou "neuf boisseaux à la cure de l'Hébergement requérable, plus deux boisseaux seigle à la fabrique"... "plus cinq sols à la cure dudit l'Herbergement."
La fabrique a encore au nombre de ses revenus les oblations.
§ VI. L'ancienne église
L'élégante église que l'on peut admirer actuellement à l'Herbergement en a remplacé une autre dont on se rappelle encore l'état de délabrement, conséquence de son ancienneté et des vicissitudes par lesquelles elle avait passé à travers le cours des siècles.
Ce vieux sanctuaire, dédié à Notre-Dame avant la révolution, fut placé pendant la Restauration sous le vocable de sainte Marie-Madeleine, qui est également la patronne de la nouvelle église.
De quelle époque était la construction primitive ? Il est assez difficile de le dire ; le peu d'ornements de l’architecture du monument ne nous offre pas des notions assez précises pour fixer une date certaine. Cependant, il nous semble que les colonnes du portique et celles qui se trouvaient à chaque coin du chœur avaient quelques rapports avec le roman et pouvaient sans doute dater du XIIe siècle. Au XIVe et au XVe siècle on fit certainement des restaurations dans cette église : la troisième fenêtre du côté sud conservait encore ses trèfles rosacés, marque caractéristique du style gothique. Cette ornementation devait également se rencontrer dans les autres vitraux, et si l'ouverture que nous venons de mentionner conservait seule le cachet gothique, c'est sans doute parce que les autres avaient été détruites par le feu, lors des époques de troubles.
Ce qui est encore prouvé, c'est que dès le début du XVIe siècle le temps avait déjà fait son œuvre, puisqu'en 1534 l'archidiacre Marchant enjoint de faire réparer tout un côté de l'église qui est délabré, en même temps que de faire apposer une fermeture en fer au trésor de l'église.
Mais voici les guerres de religion qui vont couvrir de ruines tout le pays. L'Herbergement a des seigneurs qui ont conservé les traditions de l'Église de Rome et par suite ils font tous leurs efforts pour préserver le monument religieux du pillage des Huguenots. Ils n'y parviennent pourtant pas toujours et nous avons déjà vu que l'Herbergement et son église furent incendiés par les Protestants en 1568, en même temps que la plupart des bourgades voisines, comme nous l'apprend le rapport fait par Thomas Landreau, sieur de Lestang, le 19 juillet 1568.
Restaurée aussitôt après, l'église de l'Herbergement devait, deux siècles plus tard, exciter les fureurs de ces bandes révolutionnaires connues sous le nom de colonnes infernales. Elle fut incendiée une première fois au début de la guerre, et l'abbé R. C. Lusson, vicaire de Saint-Georges-de-Montaigu, fut obligé, en 1793, de dire la messe sous les Halles de l'Herbergement[32]. Mais ce furent les soldats de Cordelier qui, à la fin de février 1794, la ruinèrent de fond en comble.
Enfin les guerres de Vendée sont terminées et, avec le Concordat, s'ouvre une ère de paix religieuse. Les habitants de l'Herbergernent sont encore sans prêtres ; ils s'empressent cependant de relever leur église afin de pouvoir venir y faire leur prière ; ils la restaurent, mais bien insuffisamment, car ils laissent encore subsister les lézardes des murs. C'est l'église qui existait il y a quelques années et sur laquelle nous allons jeter un dernier coup d'œil
Toute couverte de tuiles, elle apparaissait comme une grange très longue (23 m 85) terminée à ses deux extrémités par deux tours carrées dont l'une regardait la route de Saint-Sulpice. Cette dernière tour, haute de 10 m 85, était la moins large et la moins élevée ; elle avait en bas une assez large baie qui formait l'accès principal de l'église et elle renfermait les cloches et l’horloge communale.
De chaque côté du portail s'élevaient de grands contreforts en pierre de taille que ni le temps ni les incendies n'avaient pu ébranler. D'autres contreforts à peu près semblables se trouvaient à la tour construite du côté de l'est et qui apparaissait un peu plus haute (12 m 70) et plus spacieuse. C'est dans cette partie que l’on voyait le chœur et une petite sacristie qui y donnait accès du côté de l'épitre.
La voûte du chœur (hauteur intérieure 9 m 65) était supportée par quatre colonnes se réunissant en clef de voûte et placées aux coins de cette construction carrée. Deux grandes fenêtres et une petite porte au nord éclairaient cette partie de l'édifice.
La grand nef avait 5 mètres de hauteur et recevait la lumière par cinq fenêtres dont trois au sud et deux au nord ; il y avait aussi dans le mur de façade, du côté du bourg, une porte qui, à cause de sa position, livrait passage à la plus grande partie des fidèles entrant dans l’église ou en sortant.
On voit par cette courte description combien était lamentable l'état de l'ancienne église de l'Herbergement. Il était temps d'y remédier et, en 1895, on édifiait à la même place que le vieux monument, mais dans une orientation différente (nord au sud) la remarquable et gracieuse église dont nous parlerons plus loin.
Lors de la démolition de l'antique édifice, les fouilles ne donnèrent aucun résultat ; on trouva seulement un grand cœur en plomb. Il y avait cependant un vieux souvenir qu'on se garda bien de faire disparaître : c'étaient les superbes pierres tombales des anciens seigneurs de l'Herbergement, lesquelles étaient déjà connues de tous les chercheurs et érudits de la contrée.
Ces pierres se trouvaient dans le chœur même de l'église, qui était l'enfeu ordinaire des seigneurs du Bois-Chollet. Elles ont du reste rapport aux propriétaires de cette seigneurie et sont remarquables non seulement par leurs épitaphes et les nombreux blasons qui en font l'ornement, mais encore par leur admirable conservation.
Sur l'une d'elles on lit :
"Cy gist les corps de haut et puissant Messire Roland de la Boucherie, chevalier de l'ordre, et de Guione de Cholet sa Fame, et de Guione de la Boucherie, Fame de Messire René de Chevigné, chevalier., vivans seigneur et dame du Bois de cholet et de l'herbergement-entier."
Placée autrefois à droite du sanctuaire, cette dalle porte au centre un grand écusson aux armes accolées de Roland de la Boucherie et de Guyonne de Cholet, sa femme. Cet écusson est surmonté d'un casque avec lambrequins, entouré du collier de Saint-Michel si envié alors des gentilshommes français, et traversé par une épée en signe du haut commandement qu'avait le défunt. La plaque tumulaire est cantonnée aux quatre coins de quatre blasons d'égale grandeur entre eux. En haut et à droite, on voit les armoiries des de la Boucherie, à gauche, celles des de Cholet ; en bas, a droite, celles des de Chevigné, et à gauche celles ou des Guerry, ou plus vraisemblablement des Guinebaud[33].
La seconde pierre porte ces mots :
"Cy gist le corps de hault et puissant René de Chevigné, seigneur de la Sicauday et du Boys de Chollet, qui décéda le XIX e Jour d'apvril 1615."
La partie supérieure de cette dalle est également armée d'un heaume et d'une épée près de laquelle a été sculpté l'écusson de René de Chevigné, veuf de Guyonne de la Boucherie qui reposait sous l'autre tombeau et le même qui avait commandé cette pierre. Un peu plus bas on aperçoit un grand blason qui rappelle les différents seigneurs du Bois-Cholet. Il est écartelé : au premier, de Chollet ; au deuxième, de la Boucherie ; au troisième, de Chevigné ; au quatrième, de la Boucherie.
On a eu l'heureuse pensée de faire encastrer les deux pierres tumulaires dans le mur de chaque côté de la porte d'entrée de la nouvelle église ; elles y font un bel effet. Celle de René de Chevigné a été placée à droite du portique et l'autre à gauche.
Dans la démolition de l'ancienne église on a fait une découverte qui fait connaître la date exacte de sa restauration après les guerres de la Révolution. Sur une des plus grosses poutres de la charpente, actuellement placée dans une toiture appartenant à M. Baudry-Trichet, M Mignen, l'historien de Montaigu, a relevé l’inscription suivante ainsi disposée :

La vieille église était aussi entourée par le cimetière, surtout dans la partie sud-ouest. Depuis, le champ des morts a été déplacé et il se trouve maintenant au nord du bourg, sur la route de Saint-André-Treize-Voies.
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État nominatif des Curés de l'Herbergement
Le plus ancien document sur les prêtres de l'Herbergement est le procès-verbal de visite de l'archidiacre Marchant. Le curé d'alors s'appelait Pierre Raoullet. Voici la pièce en question, précieuse pour l'histoire de l'Herbergement :
"De Herbergamento.
"Die prædicta et anno (6 juin 1534) apud locum supradictum de Brousiliys, accessit dominus Jacobus Davyd, presbyter vicarius ecclesie parochialis Beate Marie pietat (?) de Herbergamento-Anterii, qui exhibenda.
Sacerdotes :
M. Petrus Raoullet, rector absens ;
Dominus Jacobus Davyd, vicarius ;
Do Mathurinus du Chaillou ;
Do Johannes Troquereau ;
Do Andreas Neau.
Præsens administrator Antonius Chiron, qui exhibuit inventarium mobilium dicte fabrice et ei iniunctum fuit […][34] fieri facere unam pyxidem.ferratam ad apponendos thesauros dicte ecclesie ac facere prœparationes pro reparando unum latus dicte ecclesie.
Precedens Petrus Davyd qui exhibuit quictam, per quam constat reddidisse summam IIIIor librarum XII sol. et quam traddidit prœdicto Chiron, prœsenti administratori ; et fuit remissus.
Est capellania, ad presentationem domini Duboys dicti loci, quam tenet Magister Stephanus Anormault et ei desserviunt de quatur missis qualibet ebdomada dicti Chaillou et Troquereau.
Est stipendia ad collationem dicti domini Duboys dicti loci, quam tenet Magr Stephanus Anormault et desserviunt dicti Chaillou et Troquereau de duabus missis qualibet ebdomada.
Est confratria de Beata Maria : prœsens administrator, dominus Johannes Troquereau pro secundo anno.
Procuratores fabrice : Johannes de Cholet scutifer dominus Duboys."
(Manuscrit de Luçon 153 et vo.)
André Neau, un des prêtres cités dans ce procès-verbal, vivait encore à l'Herbergement le 19 avril 1546, date d'un achat fait par lui de Jean Mabit[35].
— M. Texier. Il était curé de Notre Dame de l'Herbergement en 1607 et en 1617 ; c'est ce que prouvent deux extraits des anciens registres paroissiaux certifiés conforme par M. Caillaud, curé de l'Herbergement en 1767, et dans lesquels on voit aussi les noms des seigneur et dame de la Chabotterie[36].
— Morineau. Il est indiqué comme recteur de l'Herbergement en 1651, suivant les registres de Saint-André-Treize-Voies.
— Olliveau. Curé de l'Herbergement en 1682 (Reg. de Saint-André-Treize-Voies).
— Bertrand Tartayre. Curé de l'Herbergement dès avant le 2 mai 1698. Il vivait encore le 20 juillet 1719 date d'un achat signé de lui à Mathurin Joyeau. Il mourut entre le 13 avril et le 31 août 1720, car à cette dernière date, Me Guillaume Guy, demeurant en la ville de Blesle, en Auvergne, vend à Jacques Douillard, demeurant à l'Herbergement, tout ce qu'il possède en ce lieu, comme provenant de la succession de feu Bertrand Tartayre, curé de la paroisse, son oncle[37].
— Guilloneau. On lit dans les Insinuations ecclésiastiques (6e reg. 1719-24, n° 30) : Visa et prise de possession de la cure de Lebergement pour M. Guilloneau. C'est sans doute le même que René Guilloneau, chapelain du Bois-Chollet en 1717.
— Joseph Marie Olive[38]. Il était curé de l'Herbergement avant 1824, car sa nomination est consignée dans les Insinuations ecclésiastiques (6e reg 1719 à 1724, nos 565 et 569). Il signa les registres de catholicité jusqu'à la fin de décembre 1740. Il était secondé dans son ministère par M Frielle, chapelain du Bois Chollet.
— Raymond Goupil[39]. Il signe pour la première fois sur les registres paroissiaux le 10 janvier 1741 et mourut curé de cette paroisse, âgé de cinquante ans. Son corps fut inhumé dans l'église le 20 février 1753.
Il était également secondé par M. Jacques Jarrie, chapelain du Bois-Chollet, lequel est qualifié aussi de vicaire de l'Herbergement. Ce prêtre auxiliaire rédige très fréquemment les actes à partir du 7 mai 1744, jusqu'à sa mort. Il vécut jusqu'à l'âge de quatre-vingt-cinq ans et fut inhumé le lendemain de son décès dans le cimetière du lieu, en présence de Messire Joseph Gazeau, écuyer, seigneur du Châtenais, son petit- neveu, le 27 février 1779.
— François Rouzeau. Son premier acte est du 28 décembre 1753 et son dernier du 30 mars 1764.
— Jean-Marie Caillaud. Il était à peine âgé de vingt-six ans lorsqu'il succéda à M. Rouzeau au mois de juillet 1764. Il mourut en son presbytère à l'âge de quarante-et-un ans et fut inhumé dans le cimetière de l'Herbergement, au pied de la croix, le 21 janvier 1779, assisté de Me Daniel Caillaud, curé de Boisoné, au diocèse de la Rochelle, son frère. Ce dernier remplit le ministère pendant les mois de janvier et février, bien que Mr Houssin, curé des Brouzils, eût été à la date du 26 janvier "chargé spécialement du gouvernement spirituel de la paroisse par Monseigneur".
— M. Bourasseau. Il s'intitule curé de l'Herbergement dès le 27 février 1779. Il y mourut âgé de cinquante ans et trois mois et fut inhumé dans le cimetière le 8 octobre 1782.
Durant les trois derniers mois de cette année, M. Chagnoleau, vicaire des Brouzils, fait l'office de curé et prend le titre de "desservant de l'Herbergement".
— François-Michel Dubucquois. Il paraît comme curé de l'Herbergement au mois de janvier 1783. A la même époque, Mr Gervais, prêtre, s'intitule vicaire et chapelain.
Dubucquois était né à Paris, dans la paroisse de Saint-Sulpice, en 1752 ; nous ne savons comment il devint prêtre du diocèse de Luçon.
Il remplissait les fonctions de curé de l'Herbergement quand éclata la Révolution. Malheureusement, ébloui par les promesses des réformateurs, il fut un des rares prêtres vendéens, avec le curé de Mormaison, à prêter le serment constitutionnel. Sa conduite ne fut pas sans influencer les cinq ou six habitants de sa paroisse qui, dans la suite, se déclarèrent républicains.
Il était donc tout désigné pour être victime d'une réaction. Et en effet, saisi par les royalistes insurgés parmi lesquels étaient ses propres paroissiens, le jour même du soulèvement de la Vendée, le 13 mars 1793, il fut conduit à Montaigu qui venait de tomber aux mains des troupes vendéennes. Enfermé au château avec beaucoup d'autres patriotes, il échappa au massacre presque général des prêtres jureurs. La modération des chefs royalistes et des membres de la famille de la Roche Saint-André ne fut pas sans atténuer ces massacres.
Après plusieurs mois de captivité, il fut enfin délivré à Saint-Florent, à la suite du magnifique geste du général vendéen, de Bonchamp, et put se réfugier à Nantes, où il ne tarda guère à mourir de mort naturelle, le 18 pluviôse an II (6 février 1794), n'étant encore âgé que de quarante deux ans[40].
Il va sans dire que la majorité de la paroisse ne voyait pas sans quelque répugnance la présence d'un prêtre assermenté dans l'église, et nombre de fidèles durent aller assister aux offices dans les paroisses voisines.
A partir de 1793, l'Herbergement n'a plus de prêtres. Néanmoins, l'abbé Louis Amiaud, ancien vicaire de Mormaison, et dont nous parlerons longuement dans la chronique de cette paroisse, prend quelquefois le titre de "desservant de l'Herbergement", en même temps que celui de Mormaison et de Saint-Sulpice. Les registres, paraphés par l'inspecteur des armées royales, et tenus avec grand soin pour les paroisses de Saint-Sulpice et de Mormaison, consignent en même temps un certain nombre d'acte relatifs aux paroissiens de l'Herbergement.
Après la pacification de la Vendée et même après le Concordat, en 1801, l'Herbergement n'a pas de curé, car les prêtres sont peu nombreux et l'église est totalement détruite. Aussi voyons-nous les habitants de l'Herbergement aller principalement assister aux offices à Boufféré, à Saint-André et surtout à Saint-Sulpice. Et pourtant ces paroisses restent elles-mêmes, jusqu'après le Concordat, sans prêtres ; il faut alors aller aux Brouzils. Réuni dès lors officiellement à Saint-André-Treize-Voies, l’Herbergement recouvre en 1825 son titre de paroisse, grâce aux instances de son conseil municipal et aux généreuses donations de quelques-uns de ses habitants.
Parmi ces donations citons celle de la famille Touzeau, propriétaire du Bois-Chollet.
Le 25 mai 1824, Jean Touzeau, agissant en son nom et en celui de son frère Louis, signe l'acte suivant en l'étude de M. Guérin, notaire royal à Rocheservière, dans lequel il déclare :
"Que feu demoiselle Jeanne Touzeau, sa sœur, ayant exprimé avant son décès le désir d'asssurer autant qu'il serait possible l'existence d'un prêtre desservant la commune de l'Herbergement-Entier et y résidant, par la création d'une rente perpétuelle de trois cents francs qui lui serait attribuée, et qui, à défaut de prêtre desservant la dite commune serait réversible pour la moitié aux pauvres de la même commune, et l'autre moitié à ceux de Saint-Sulpice-le-Verdon.
Voulant remplir et exécuter fidèlement les dernières volontés de la delle Jeanne Touzeau, sa sœur, M. Jean Touzeau a par les présentes promis tant pour lui que pour M. Louis Touzeau, son frère, d'acquitter à l'avenir â perpétuité la dite rente de trois cents francs, conformément aux intentions manifestées par delle Jeanne Touzeau.
En conséquence mon dit Jean Touzeau a par les présentes fait donation entre vifs, pure, simple et irrévocable, à la commune de l'Herbergement-Entier de la rente annuelle et perpétuelle de 300 francs, exempte de toute retenue quelconque, payable en deux termes égaux par semestre aux époques des vingt-et-un avril et vingt-et-un octobre de chaque année, observant que le premier semestre est échu le 21 avril dernier et sera payé par lui à la première réquisition de MM. les maires de l’Herbergement-Entier et de Saint-Sulpice-le-Verdon, le second semestre courant sera payé le 21 octobre prochain, et ainsi de suite de terme en terme à mesure qu'ils échoiront.
Cette rente sera appliquée et attribuée au prêtre qui desservira et habitera la commune de l'Herbergement-Entier, à proportion du temps qu'il l'aura desservie et habitée ; dès qu'il cessera d'y résider et de la desservir les pauvres des dites communes en recevront le produit. La distribution en sera faite au prorata par MM. les maires sur le certificat de celui de l'Herbergement-Entier, constatant l'époque de l'arrivée du prêtre dans la commune et celle de son départ. Dans le cas qu'un semestre entier appartienne au desservant, la quittance en sera délivrée par le maire seul de l'Herbergement, et lorsqu'il appartiendra aux pauvres elle le sera par MM. les maires des dites communes..."
En 1836, une autre rente de 300 francs fut également constituée, dans les mêmes conditions, en faveur du desservant de l'Herbergement, par Mme Marie-Anne Sorin, épouse de M Armand Fresgnier. Cette rente était hypothéquée sur deux métairies de la Cour des Fontenelles, en Saint-André d'Ornay. Le desservant avait la charge, en retour, de faire célébrer, chaque année, aux mois de mai et d'octobre, un service et une grand'messe à l'intention des familles Sorin, Touzeau et Fresgnier, bienfaiteurs de l'église[41].
Toutes ces donations ne pouvaient que hâter la nomination d'un curé à l'Herbergement. Le conseil municipal se faisant l'interprète des désirs de la population prenait la délibération suivante et l'adressait à Monseigneur l'Évêque :
"Le 28 octobre 1838, à deux heures après midi, nous soussignés, maire, adjoint et membres du conseil municipal de la commune de l’Herbergement-Entier, canton de Rocheservière, département de la Vendée, étant réunis extraordinairement en la mairie du dit lieu, d'après l'autorisation de M. le Préfet, en date du 17 de ce mois, après que la demande que M. le Maire a faite à M. le Préfet, en date du 15 du courant pour répondre à une suite de formalités à remplir que Monseigneur l'Évêque de Luçon nous demande dans sa lettre, en date du 13 du courant, afin que nous demandions l'érection en succursale de notre commune, avons délibéré sur la nécessité de l'érection en succursale de la susdite commune.
Les motifs qui portent le conseil municipal de l'Herbergement à former la demande de l'érection en succursale de la susdite commune sont les suivants :
1° La commune de l'Herbergement a toujours été administrée pour le civil par un maire et pour le spirituel par le desservant de Saint-André-Treize-Voies qui était chargé de desservir ladite commune ;
2° Le bourg de l'Herbergement est devenu considérable par le nombre de la population qui est de deux cent quatre-vingt habitants et qui augmente tous les jours ; par deux grandes routes qui le traversent, l'une royale de Bourbon à Nantes et l'autre départementale de Luçon à Rocheservière ; par une brigade de gendarmerie à cheval et surtout par douze foires de bêtes à cornes et les plus considérables du département ;
3° Le bourg de l'Herbergement est aussi important par sa situation, se trouvant à une égale distance de quatre paroisses qui l'environnent et devient par cette raison comme un point central pour les communes voisines ;
4° Le bourg de l'Herbergement étant d'une distance à peu près d'une lieue et demie de poste de Saint-André-Treize-Voies, de Saint-Sulpice-le-Verdon, des Brouzils et de Boufféré, la communication avec ces susdites paroisses devient fort difficile en hiver vu les mauvais chemins, la longueur de la route, et les fréquents débordements de plusieurs ruisseaux qui séparent ces communes dont il résulte que les habitants de l'Herbergement et même un grand nombre des communes limitrophes sont privés de l'assistance à l'office divin pendant une grande partie de l'année.
5° La commune possède une église propre et munie de toutes les choses nécessaires au culte, elle a aussi un presbytère bâti tout neuf, joignant l'église, avec cour, jardin et toutes les autres servitudes nécessaires à une maison ;
6° La commune a des ressources suffisantes dans le revenu de ses bancs et de ses chaises pour pourvoir à l'entretien de l'église, du presbytère et du prêtre qui la dessert provisoirement pourvu toutefois qu'il touche le traitement de desservant ;
7° Il est vrai que la population de l'Herbergement n'est que de trois cent quarante-six habitants, mais il faut remarquer qu'il a plusieurs villages de la paroisse des Brouzils, qui dépendent pour le spirituel de notre commune qui est desservie par un prêtre qui réside à l'Herbergement ; la population de ces dits villages dépendant de notre commune est de cent cinquante habitants, ce qui donne une population de cinq cents âmes pour la commune de l'Herbergement.
Fait et délibéré en mairie les jour, mois et an que dessus.
F. Picot, J. Hilléreau, Quérion, Mandin, Tessier, Fournier, P. Hilléreau, adj., J. Chapleau, maire."
Cette délibération du conseil municipal obtint gain de cause et, quelques mois après, en 1840, les ordonnances royale et épiscopale rendaient à l'Herbergement son titre paroissial.
Voici le texte des deux pièces dont il s'agit :
Ordonnance de Monseigneur l'Evêque de Luçon
René-François par la grâce de Dieu et l'autorité du Saint-Siège apostolique évêque de Luçon, sur ce qui nous a été présenté que la commune de l'Herbergement, canton de Rocheservière, en notre diocèse, avait perdu son titre paroissial, malgré sa nombreuse population ; touché des soins que cette commune s'est donnée pour conserver son église et des sacrifices qu'elle s'impose pour la réparer ; édifié des sentiments de foi et de piété qui animent les fidèles de cette commune ; voulant leur donner une marque particulière de notre sollicitude pour leur procurer les secours de la religion ; vu l'ordonnance royale rendue sur notre demande le 26 mars 1840.
Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :
Article 1er. — L'église de l'Herbergement, canton de Rocheservière, en notre diocèse, est érigée en succursale et distraite de la paroisse de Saint-André-Treize-Voies.
Art. 2. — Le desservant de la dite paroisse de l'Herbergement jouira en cette qualité de tous les droits et privilèges que lui donne son titre, conformément aux lois canoniques et à celles du Royaume.
Art. 3. — Par cette érection les limites de la paroisse seront les mêmes que celles de la commune.
Et sera notre présente ordonnance lue et publiée au prône de la messe paroissiale de Saint-André-Treize-Voies et de celle de l'Herbergement, aussitôt que faire se pourra, ainsi que l'ordonnance de Sa Majesté, et déposée ensuite au cartulaire de la fabrique.
Donné à Luçon sous notre seing, notre sceau et le contreseing du secrétaire de notre évêché, le 7 avril 1840.
† René-François, év. de Luçon.
Pour Monseigneur : Em. Bernier, chan. hon., secrétaire.
Ordonnance du Roi
Louis-Philippe, roi des Français, à tous présents et à venir salut.
Sur le rapport de notre garde des sceaux, ministre secrétaire d'État au département de la justice et des cultes ;
Vu l'article 60 de la loi du 18 germinal an 10 ;
Vu les propositions des évêques et des préfets des diocèses et départements ci après désignés,
Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :
Article 1er. — Sont érigées en succursales les églises des communes ou sections de communes dénommées en l'état suivant, avec leur nouvelle circonscription paroissiale, savoir :
Diocèses : Luçon.
Départements : Vendée.
Cantons : Rocheservière.
Communes ou sections de communes : l'Herbergement.
Circonscriptions des nouvelles succursales : le territoire de la commune.
Nos ministres secrétaires d'Etat au département de la justice et des cultes, de l'intérieur et des finances, sont chargés chacun en ce qui les concerne de l'exécution de la présente ordonnance qui sera insérée au Bulletin des lois.
Paris, le 26 mars 1840.
Signé : Louis Philippe.
Par le roi : Le garde des sceaux, ministre secrétaire d'Etat au département de la justice et des cultes.
Signé : Vivien.
Pour extrait conforme, le secrétaire général,
Signé : Boudet.
Pour copie certifiée conforme, à Luçon, le 7 avril 1840.
Le Secrétaire de l'évêché.
Avant 1835, la paroisse de l'Herbergement faisait partie, comme nous l’avons dit, de celle de Saint-André-Treize-Voies ; mais, à partir de cette époque, elle avait déjà recouvré une certaine autonomie ; elle avait un prêtre qui y remplissait les fonctions du ministère et qui rédigeait les registres de catholicité. Ce prêtre fut d'abord M. Pérocheau, vicaire aux Brouzils, qui fit le service jusqu'en 1837 et qui fut ensuite remplacé par M. René Burgaud.
— René Burgaud. Le 7 avril 1840, M. Burgaud fut nommé définitivement curé de l'Herbergement. Depuis un an déjà, il signait curé-desservant.
Dans la première délibération du conseil de fabrique, le 10 mai 1840, nous voyons que M. Burgaud recevant désormais un traitement de l'Etat, renonce pour toujours aux trois cents francs que lui allouait la commune et qui étaient prélevés sur les deniers de l'église ; nous voyons aussi que la jouissance gratuite d'un banc dans l'église est accordée à Mme Fresgnier, veuve Touzeau, jusqu'à sa mort, en considération des services importants qu'elle a rendus à la paroisse.
Le 11 avril 1841, le conseil de fabrique constate l'obligation à perpétuité pour le curé de l'Herbergement de faire chanter un service et une grand'messe deux fois par an pour les familles Sorin, Touzeau et Fresgnier et cela à ses frais, la fabrique restant chargée de la fourniture du luminaire et du drap mortuaire.
Le 5 novembre 1848, le conseil de fabrique délibère sur un legs de six mille soixante-sept francs, fait au profit de la fabrique de l'église de l'Herbergement, par Jeanne Renaudin, épouse de Pierre Gaborieau, demeurant aux Russardières, paroisse des Brouzils, à la charge par la dite fabrique de faire célébrer un certain nombre de messes et de services. Le conseil donne son acceptation à ce legs.
Le 11 mars1853, Mgr Baillès fait sa visite pastorale et donne la confirmation aux enfants de la paroisse.
Le 4 janvier 1855, le conseil de fabrique vote mille francs pour l'achat d'une chaire et deux mille et quelques cents francs pour faire fondre une cloche.
Le 10 mai 1862, visite pastorale de Mgr Colet.
En février 1865, M. Burgaud fait donner une mission â sa paroisse. Elle est prêchée par PP. Rocheteau et Fort, missionnaires de Chavagnes. On compte le jour de la clôture de sept à huit cents communions En souvenir de cette mission, on dresse à l'entrée du bourg, sur la route de Saint Sulpice, un calvaire en bois avec christ.
Cette croix renversée par la tempête vers 1894 a été remplacée l'hiver dernier par un calvaire en granit, souvenir de la dernière mission (Avent 1908).
En septembre 1865, M. Burgaud donne sa démission et reste dans la paroisse où il est remplacé par son neveu, M. Rousseau. Il meurt le 5 janvier 1867, à l'âge de soixante-dix ans. Son corps repose dans le cimetière de la paroisse.
— François Rousseau. Né à Bouin le 21 avril 1836, ordonné prêtre le 17 décembre 1859, il avait été vicaire à Saint-Philbert-de-Bouaine et à Saint-Georges-de-Montaigu.
Le 20 avril 1866, seconde visite pastorale de Mgr Colet. Dans le procès verbal de cette visite on constate que l'église est bien tenue, mais qu'elle est trop petite et fort humide. On conseille à M. le curé de l'aérer autant que possible en été et d'y placer un petit poêle en hiver.
Le 25 janvier 1876, M. Rousseau quitte l'Herbergement et est nommé à la cure de Sainte-Florence, puis plus tard à celle de Saint-Pierre-le Vieux. Il meurt, prêtre habitué, à Bouin, le 16 août 1904.
— Victor Bégaud. Né à Chavagnes-en-Paillers le 28 décembre 1829 et ordonné prêtre le 16 novembre 1851, il avait été successivement vicaire de Mareuil, puis curé de la Bretonnière et de Saint-Martin-de-Brem. Il est nommé à l'Herbergement le 5 mars 1876.
C'est à lui qu'on doit l'école libre des filles.
M. Bégaud gouverne la paroisse de l'Herbergement jusqu'en 1886 Pendant sa dernière maladie qui dure près d'une année, le ministère paroissial est ordinairement rempli par M. l'abbé Emile Loué.
Il meurt le 3 juin 1886, jour de l'Ascension et son corps est enterré dans le cimetière de la paroisse.
— Pierre Begaudeau. Né à la Roche-sur-Yon, le 10 août 1829 et ordonné prêtre le 14 novembre 1852, il est successivement vicaire de Notre-Dame de Fontenay, puis curé de Saint-Hilaire-la-Forêt, de Xanton, de Vouvant et enfin de l'Herbergement, en 1886.
Le 12 mai 1887, première visite pastorale de Mgr Catteau et confirmation de cent soixante-dix enfants, dont cent cinquante de la paroisse de Saint-André-Treize-Voies. On commence déjà à se préoccuper de la reconstruction de l'église ; la fabrique a fait quelques économies s'élevant à dix mille francs et les deux autorités civile et religieuse promettent de réunir leurs efforts pour faire aboutir le projet.
Le 7 octobre 1888, la fabrique accepte un tableau représentant sainte Madeleine, patronne de la paroisse, peint par un artiste de l'Herbergement, élève distingué de l'École des Beaux-Arts.
Au commencement de l'année 1889, les Pères Bisleau et Gallais, missionnaires de Chavagnes, viennent prêcher les exercices d’une mission. Malgré la rigueur de la saison, l'assistance est si nombreuse que l'église est insuffisante pour contenir la foule. Il y a beaucoup de retours et treize personnes seulement s'abstiennent de faire leur mission. Le jour de la clôture, près de cinq cents hommes et autant de femmes s'approchent de la sainte table. Pour perpétuer le souvenir de cette belle mission on plante, au soir de la fête, une croix donnée par un habitant de la paroisse, M. Eugène Hilléreau. Cette croix est érigée, à l'entrée du bourg, route de la Roche, sur un terrain offert par le même bienfaiteur.
Le 28 avril 1891, visite pastorale de Mgr Catteau et confirmation de cinquante enfants.
M. Begaudeau meurt à l'Herbergement, le 6 janvier 1892, à l'âge de soixante-deux ans et son corps est enterré dans le cimetière.
— Joseph Pilard. Né à la Rabatelière en 1857, et ordonné prêtre le 18 décembre 1880, arrive à l'Herbergement en janvier 1892, après avoir été vicaire de Benet, Saint-Hilaire-de-Loulay et Aizenay.
Un mois après son entrée en fonction, le nouveau curé commence à lancer la question de reconstruction de l'église et au bout de deux ans, grâce au concours de la fabrique et de la commune et à une généreuse souscription de 24 000 francs, on procède à l'adjudication des travaux, le 4 juin 1892. Treize entrepreneurs déposent leur soumission. M. Eugène Gautier de Clisson ayant souscrit le rabais le plus élevé (22 %) est déclaré adjudicataire de l'entreprise.
Aussitôt les matériaux réunis, M. Gautier se met à l’œuvre et quelques mois après la paroisse de l'Herbergement assiste à une cérémonie consignée dans le procès-verbal qui suit :
Bénédiction de la première pierre de l'église
Le 9 décembre 1894
"L'an de Notre Seigneur mil huit cent quatre-vingt-quatorze et le neuf décembre, deuxième dimanche de l'Avent a eu lieu la bénédiction de la première pierre de cette église de Sainte Marie-Madeleine de l'Herbergement.
Désiré de la population tout entière, l'édifice avait été commencé dans ses fondations pendant le mois de septembre dernier, sur les plans et devis établis par M. René Ménard, architecte à Nantes. Aujourd'hui il est rendu au cordon de granit et Mgr Clovis Catteau est venu faire la bénédiction de la pierre principale.
Sa Grandeur arrivée à onze heures et demie est entourée à table de presque tous les prêtres du canton venus pour assister à la cérémonie. Elle est accompagnée de M. l'abbé Mercier qui l'avait suivie à Chavagnes où elle avait fait la veille une cérémonie de vêture à la communauté des Ursulines. On remarquait dans l'Assemblée le R. P. Trotin, supérieur général des missionnaires de Chavagnes, avec quelques Pères du Noviciat et quelques professeurs du Séminaire, M. l'abbé Morteau, curé du Poiré-sur-Vie.
A deux heures, Monseigneur a été, conduit processionnellement à l'église provisoire établie dans le jardin du presbytère. Malgré l'insuffisance du local la foule a assisté avec recueillement et piété à la bénédiction du Très Saint-Sacrement donnée par Sa Grandeur ; puis s'est dirigée en chantant les vêpres vers les fondations du nouveau monument, toujours avec le même recueillement et le même esprit de foi.
Arrivé à la pierre principale située à l'angle du chœur, du côté de l'Évangile, au dessus de la base de granit, Monseigneur a procédé aux prières liturgiques et à la bénédiction de la pierre angulaire et des fondements de la nouvelle église.
Après cette cérémonie, Monseigneur a adressé la parole à la foule nombreuse et recueillie qui se pressait dans l'enceinte des nouvelles fondations, et qui l'écoutait toujours avec le même recueillement. Et enfin, pour se conformer à l'usage, tous les assistants, à la suite de Monseigneur l'Evêque et du clergé, sont venus frapper sur la pierre bénite tout à l'heure par les prières de I'Eglise."
Voici comment la Semaine Catholique du diocèse racontait, huit jours après, la cérémonie dont nous venons de parler :
"Nous avons eu dimanche dernier à l'Herbergement, comme il y a un mois à Château-Guibert, un nouvel exemple de ce que peut le zèle judicieux et persévérant du prêtre au milieu d'un peuple de foi. M. l'abbé Pilard n'est que depuis deux ans à la tête de cette paroisse. A son arrivée, la reconstruction de l'église, si nécessaire qu'elle fût, était regardée par tous comme absolument irréalisable avant de longues années. Plein de confiance en Dieu et fort de la mission que lui avait confiée l'autorité épiscopale, le nouveau pasteur se mit cependant à l'œuvre sans hésitation et avec courage. Son espérance et ses efforts n'ont pas été stériles. Bientôt, en effet, à force de dévouement et de sages importunités, il avait réussi à retourner toutes les volontés, à réunir, sans contracter aucun emprunt, les 75 000 fr. jugés nécessaires à l'édification du temple sacré, à remplir enfin toutes les formalités administratives, si bien que, après ce court espace de temps, dans la soirée de dimanche, Monseigneur bénissait l'emplacement du futur autel, la pierre principale et les fondations de la nouvelle église, à laquelle il imposait officiellement, comme à l'ancienne le titre et le nom de Sainte-Marie-Madeleine, selon les prescriptions liturgiques. (ndlr : C'est inexact, car l'église paroissiale fut placée, ainsi que nous l'avons vu, jusqu'après la Révolution sous le vocable de Notre-Dame. Le patronage de Sainte Marie-Madeleine ne date guère que de 1825.)
Touchante coïncidence ! à ce moment même on chantait dans tout le diocèse de Luçon les premières vêpres de la Translation miraculeuse de la Sainte Maison de Lorette.
La fonction sacrée s'est accomplie au milieu du plus religieux silence de la foule qui paraissait en comprendre et en goûter le sens mystérieux. Cette tenue édifiante, trop rare au moins à ce degré en ces sortes de cérémonies a été très remarquée et justement admirée.
Par une délicate et pieuse attention de M. le curé, les noms de tous les bienfaiteurs de l'église sont inscrits sur un parchemin renfermé dans le tube recouvert par la pierre qui venait d'être bénite.
Monseigneur, avec la haute autorité qui lui appartient, et en des termes empreints d'une bienveillance toute particulière, a félicité et remercié la municipalité de l'Herbergement qui a voté un secours de 31 000 fr. pour cette reconstruction ; les paroissiens qui ont ajouté à cet impôt, 22 000 fr. de souscriptions volontaires, M. le curé qui a été et qui continue d'être l'âme de cette sainte entreprise, l'habile architecte M. René Ménard, l'intelligent et consciencieux entrepreneur M. Gautier.
A ces félicitations si précieuses et si bien méritées, Monseigneur a joint d'utiles enseignements sur la foi, la crainte de Dieu, la charité, dont la pierre qui venait d'être bénite et la maison de Dieu qui s'élevait étaient un symbole et prêchaient éloquemment la pratique.
Autour de Monseigneur nous avons remarqué : le R.P. Trotin, supérieur général des missionnaires de Chavagnes, MM. les Doyens de Rocheservière et du Poiré et MM. les curés des paroisses voisines. Il a été convenu que Monseigneur, à la Toussaint 1895, bénirait la nouvelle église. Le passé est garant de l'avenir et semble assurer la réalisation de cette promesse : Fiat."
Deux ans après cette cérémonie, Mgr Catteau revenait de nouveau à l'Herbergement pour bénir la splendide église élevée au prix des sacrifices de la population tout entière.
Citons l'intéressant procès-verbal qui fut rédigé en cette circonstance.
Bénédiction de l'église de l'Herbergement
L'an de Notre-Seigneur 1896, et le septième jour du mois d'avril, le mardi de Pâques, Sa Grandeur Mgr Clovis-Nicolas-Joseph Catteau, évêque de Luçon, a béni l'église paroissiale de l'Herbergement, tout nouvellement ressuscitée dans un état de gloire et de splendeur remarquable.
Voici l'histoire de ce monument :
Le 17 janvier 1892, M. l'abbé Pilard, précédemment vicaire à Aizenay, était installé curé de l'Herbergement. L'église dont il prenait possession n'était qu'un assemblage de vieux pans de murailles et un amas de pierres vulgairement entassées les unes sur les autres, sans goût religieux ni architectural. La piété et la décence étaient sur le point d'être gravement offensées. Pour un prêtre jeune et tout pétri de l'esprit de Dieu, voir pareille église était une souffrance continuelle et une vraie peine de cœur. Du reste, une parole de son évêque, appelant le nouveau curé de l'Herbergement à son poste, lui avait insinué qu'il fallait regarder la reconstruction de l'église comme la condition nécessaire du bien spirituel. Ce désir de Sa Grandeur, joint à la vue continuellement lamentable de son église, pressait M. le curé. Mais les difficultés n'allaient pas manquer. On jugeait même, parait-il, l'entreprise aussi irréalisable d'ici de longues années, qu'elle était urgente, et à l'Herbergement impossible devenait chaque jour plus français. M. Pilard lui, a trouvé qu'impossible, fût-il français dans la circonstance, ne pouvait être sacerdotal. En dépit des préjugés il veut rebâtir son église.
Trois semaines après son arrivée, le Conseil de fabrique, réuni en séance extraordinaire, était avisé du projet et y applaudissait. Le bruit s'en répandit bientôt dans le public, et le projet fut apprécié, discuté, combattu. A force de dévouement et de sages importunités, comme on l'a dit, le nouveau curé retourna rapidement toutes les volontés. Le conseil municipal, désireux de s'associer à M. le curé et de participer à son œuvre, prêta un généreux concours en offrant 30 000 francs. Les conseillers, en cette occasion, ont su prendre avec intelligence et largeur de vue les intérêts de leurs administrés et agir conformément au plus vif désir de ceux dont ils sont les mandataires. Ils ont eu la gloire de donner au diocèse de Sa Grandeur — ce sont ses propres paroles — un bel exemple de l'heureuse entente et des bons rapports qui devraient toujours et partout exister entre les pouvoirs religieux et civil. Leur récompense, ils la trouvent déjà dans la satisfaction qu'ils ont procuré aux habitants de leur commune, et ils la trouvent encore plus dans le bonheur que l'on goûte, et le mérite que l'on a à faire le bien, principalement de nos jours, le bien religieux. Aux 30 000 francs votés par le conseil municipal, une souscription de 22 000 francs vint s'ajouter, grâce sans doute à l'esprit de foi et à la générosité des paroissiens qui tenaient à avoir chacun leur pierre en la nouvelle église, mais grâce aussi à l'habileté captivante, un peu importune, quoique toujours délicate, de M. le curé.
La reconstruction de l'église de l'Herbergement n'était plus dès lors à l'état de projet. C'était une œuvre sérieusement commencée. Elle allait bien marcher. On en avait, outre les autres gages, une garantie certaine dans le génie religieux et le talent incontestable de l'architecte, il faut dire de l'artiste appelé à la bâtir : le regretté M. Ménard. Le plan de l'édifice, dressé et approuvé sans lenteur permit de commencer immédiatement les travaux. La rapidité avec laquelle tout fut mené jusqu'au jour de la bénédiction de la pierre principale, faisait même dire à Monseigneur que le doigt de Dieu avait été visible dans cette affaire. On me permettra d'ajouter que la Providence ne travaillant pas seule, le zèle sage et diligent de M. le curé servait ou suivait admirablement le doigt de Dieu. Ce zèle, ainsi que toutes les bonnes volontés appliquées à la grande œuvre, recevaient une partie, un commencement de leur récompense, le 9 décembre 1894. Ce jour-là, Monseigneur, entouré d'une foule religieuse et recueillie, versait sur les fondations du monument les bénédictions de l'Église, en même temps que les éloges les plus mérités sur tous les entrepreneurs et exécuteurs de l'œuvre. Le titre et le nom de Marie-Madeleine que portait l'ancienne église fut imposé à la nouvelle, selon les prescriptions liturgiques. La fête fut belle. On peut la résumer en disant qu'elle a été le digne prélude de celle d'aujourd'hui. Forts désormais de la bénédiction de Dieu et de celle de Monseigneur, les murs s'élevèrent rapidement sous la haute surveillance et la sage direction de M. Gautier, ouvrier habile, patron éminemment chrétien et dirigeant avec la même adresse irréprochable les travailleurs et le travail.
Néanmoins, toute personne a ses jours de deuil, et toute œuvre a ses épreuves. Celle ci allait avoir la sienne. Un jour, la nouvelle imprévue de la mort de M. Ménard parcourut le pays, laissant après elle une longue traînée de tristesse et de justes regrets. Aujourd'hui, involontairement, on se rappelle les louanges décernées par Monseigneur à l'artiste qui avait doté son diocèse — ce sont encore les paroles de Sa Grandeur — de l'un de ses plus beaux monuments religieux, et qu'il n'en bâtirait jamais trop chez lui. Hélas ! c'était le dernier. Et plus il est beau, plus nous regrettons la disparition de celui qui en avait conçu le plan et le faisait exécuter. Ce serait ne pas entrer dans les désirs du clergé de ce diocèse auquel il a été si sympathique, et qui est si honorablement représenté ici, que de ne pas avoir un mot d'éloge et un cri du cœur, en évoquant le souvenir d'un homme aussi méritant. Il a écrit lui même en lettres de pierre sa louange autour de nous. Ici, à deux pas, nous avons admiré ce matin un magnifique témoignage de la perte que nous avons faite. Une chose pourtant nous console : Dieu, pour la gloire duquel il a si bien travaillé, pour qui il est mort en bâtissant des églises, l'aura sans doute placé ou le placera bientôt, pierre de choix et précieusement travaillée, dans la grande Église vivante, que sa toute-puissante main bâtit dans l'éternité.
Cependant aucun retard considérable n'entrava la marche de l'œuvre. Deux nouveaux architectes ayant pris la succession de M. Ménard furent chargés d'achever l'église que celui ci avait commencée à l'Herbergement. Ils ont eu le mérite de s'approprier le plan et les idées de leur devancier et de finir l'ouvrage sans laisser supposer la disparition du principal ouvrier. Cela fait concevoir l'espérance que le nom seul sera changé. Mais les qualités seront les mêmes, entourées du reste des mêmes sympathies. Ce sera le talent d'artiste et le génie religieux de M. Ménard travaillant sous les noms et dans les personnes de MM. Laganry et Libaudière.
Enfin, l'église se dresse, prête à recevoir son hôte du ciel et ses hôtes de la terre qui lui donneront un cœur et une âme. C'est un petit joyau d'architecture gothique, rappelant le XIIIe et le XIVe siècle, tout en gardant sa forme et son cachet particuliers qui l'empêchent d'être une simple imitation. Qui la voit de l'extérieur lui désire un clocher, parce qu'après elle parlera, et une jolie flèche qui montre le ciel et le perce comme la prière pour en faire descendre un perpétuel courant de grâce. En pénétrant à l'intérieur, on demeure un instant saisi et silencieux. Puis l'expression qui s'échappe naturellement de la bouche est celle-ci : c'est beau !
L'église a trois nefs. Les murs appuyés sur de solides assises sont revêtus de pierres de taille en appareil entremêlé. Quatre monolythes d'une beauté remarquable viennent interrompre deux à deux, par la sévérité de leur granit, la suite des piliers qui supportent les voûtes. Celles-ci un peu surbaissées, paraîtront peut-être à première vue nuire à l'élancement de l'édifice intérieur, mais leur forme encore peu commune, et l'avantage de ne pas les voir s'enfoncer et disparaître entre les arcs de chaque travée, leur assurent déjà l'admiration de tous les connaisseurs. Le tout s'embrasse d'un seul coup d'œil et s'harmonise dans un somptueux ensemble. La sculpture elle-même est, chose absolument rare, terminée pour la bénédiction de l'édifice. M. Vallet, de Nantes, l'a exécutée avec autant de sobriété que de bon goût. On me permettra, M. Ménard étant mort, de faire retomber sur la tête de cet autre artiste, comme un héritage incontesté, les éloges donnés par Sa Grandeur à l'architecte défunt, et de dire que lui aussi, M. Vallet, ne travaillera jamais trop pour nos églises et dans le diocèse de Monseigneur l'Évêque de Luçon.
La religion, loin d'entraver la liberté de l'esprit humain et d'en étouffer, comme on le lui reproche méchamment, les plus belles conceptions, veut que tous les arts se donnent rendez-vous en nos églises. Après l'architecture et la sculpture, c'est la peinture. Celle-ci est glorieusement représentée dans le monument dont nous parlons. Les vitraux fournis par un, homme justement célèbre et exécutés dans une maison de haute renommée, chez Charles Lorin, à Chartres, sont remarquables par la vivacité et le velouté de leur coloris. Au mérite de l'art, ils ajoutent celui de faire revivre et de mettre sous les yeux une histoire bien touchante : les principales scènes de la vie d'une pécheresse aimée de tous : la conversion de Marie-Madeleine, Madeleine aux pieds de Jésus à Béthanie, Madeleine au pied de la croix, Madeleine au tombeau du Maître au matin de Pâques, enfin Madeleine abordant en Provence. Deux immenses baies, aux deux extrémités du transept, attendent maintenant et semblent solliciter la faveur d'offrir bientôt aux regards et à l'édification des fidèles deux nouvelles scènes évangéliques choisies et exécutées avec le bon goût incontestable qui a présidé au choix des autres.
Bref, tout le petit monument est d'un goût exquis, défiant la critique, et captivant par sa grâce et sa beauté ! On ne lui désire plus que deux petits autels, l'un dédié à la Très Sainte Vierge, à droite, et l'autre, à gauche, à saint Joseph, une sainte Table artistique et un grand autel vraiment digne d'être le foyer d'un si bel édifice. Les choses sont en si bonne voie que tout cela se fera promptement nous en avons la certitude, et Sa Grandeur, dont les désirs sont ici des ordres, reviendra bientôt achever l'œuvre commencée ce matin et pénétrer ce grand corps des onctions de l'huile sainte et de l'Esprit divin.
Et maintenant, la voilà telle que nous l'avons vu ce matin, cette nouvelle reine, cette fiancée toute resplendissante de sa beauté naturelle et de sa jeunesse. Elle vient de recevoir aujourd'hui pour la première fois et pour ne plus se séparer de Lui, la visite de son Époux céleste, amené chez elle par Sa Grandeur. La cérémonie commencée dans un léger tumulte inévitable s'est poursuivie et terminée au milieu du recueillement et de la piété. On y chantait comme en paradis. Monseigneur y avait apporté et y épanchait tout son cœur. Nous l'avons bien vu au cordial "Merci" par lequel il a répondu au discours que lui a fait M. le curé de la paroisse, recevant dans la circonstance son évêque avec une vraie reconnaissance, et avec autant de plaisir et de joie que son évêque en éprouvait à venir chez lui. Nombreuse était l'assistance des fidèles. Une trentaine d'ecclésiastiques sont venus sans doute avec le désir de s'édifier et pour rehausser l'éclat de la cérémonie, mais aussi attirés par la grande bonté de M. le curé, saintement et sincèrement hospitalier, comme tous les amis du bon Dieu, comme Lazare, qu'il a évidemment pris pour patron dans la circonstance, en laissant la sœur Marie-Madeleine, patronne de la paroisse.
La cérémonie de la bénédiction accomplie suivant les règles liturgiques et la messe dite, Monseigneur a béni et consacré soixante-trois petits temples vivants. Ces enfants, témoins de la pompe que l'on a déployée autour d'un temple matériel, conserveront une idée plus grande de la dignité du sacrement de confirmation qu'ils ont reçu. On s'est retiré charmé des splendeurs de la fête. Monseigneur a daigné encourager tout le monde, -en égalant les éloges aux mérites.
Le plus content de tous était encore M. le curé de l'Herbergement qui, après avoir été l'âme de l'entreprise, après avoir suivi le travail jusque "dans la pose de chacune des pierres de l'édifice" jouissait de la fête procurée à tous par ses soins, jouissait surtout d'avoir accru la gloire de Dieu en dotant sa paroisse d'une belle église. Puisse le bon Dieu lui faire goûter dans cette église que l'on me permettra d'appeler son œuvre autant que celle des architectes, des entrepreneurs et des ouvriers bien qu'à des titres divers, puisse donc le bon Dieu lui faire goûter toutes les joies du pasteur entouré d'un troupeau docile et religieux !"
Signatures qui suivent le procès-verbal :
† Clovis-Joseph, évêque de Luçon ; J. Pilard, curé de I'Herbergement ; A.Grélard, missionnaire de Chavagnes ; J. Trotin, id ; P. Legast, doyen de Rocheservière ; A. Naulin, curé des Brouzils ; A. Morteau, doyen du Poiré ; A.Mesnard, prêtre ; Louis Babinot, curé de Boulogne ; A. Laurenceau, vicaire d'Aizenay ; L. Loizeau curé de Saint-André-Treizc-Voies ; L. Gallais, missionnaire ; H. Dugast, prêtre ; L. Jaud, curé de Chauché ; J-B. Bossard, prêtre ; P. Jagueneau, vicaire à Saint-Hilaire-de-Loulay ; R. Collonnier, curé d'Aizenay.
Les journaux catholiques de la région ne manquèrent pas de parler de la belle fête qui venait de se passer à l'Herbergement. Voici le récit que publiait l'un deux, l'Etoile de la Vendée :
"Le mardi de Pâques, 7 avril, a eu lieu la bénédiction de la nouvelle église de l'Herbergernent, faite par Sa Grandeur Monseigneur l’Évêque de Luçon, assisté d'un nombreux clergé. A la suite de cette cérémonie, le sacrement de confirmation a été administré à une cinquintaine d'enfants de la paroisse. L'assistance y était fort nombreuse, et cependant l'ordre le plus parfait n'a cessé de régner, à part le court instant où la foule, prenant possession du nouvel édifice, ne put contenir sa joie et laissa s'élever un murmure général et tout spontané d'admiration. Nous avons eu, au cours de l'office, le plaisir trop rare, dans nos campagnes, d'entendre des chants fort bien exécutés, et tout particulièrement quelques morceaux et hymnes du chant grégorien, récemment introduit par Sa Grandeur dans le diocèse.
La nouvelle église est due au talent du bien regretté M. Ménard, un homme, on le sait, dont presque chaque œuvre fut un événement. Celle-ci a été le dernier monument que cet artiste chrétien ait élevé à la gloire de Dieu, car il mourut subitement au cours des travaux de la construction. Elle rappelle dans l'ensemble, par sa décoration et la forme de ses arcs, le commencement du XIIIe siècle. Elle est à trois nefs, avec transepts à peine accusés, et est éclairée dans le chœur et les nefs latérales par de larges baies géminées. La surface des transepts est entièrement ajourée par deux baies semblables, encadrées dans une arcade ogivale. Le nouveau monument n'est pas une imitation servile du moyen-âge. Il n'a rien de ces pastiches gothiques, sans originalité ni caractère, qu'on a semées partout dans notre région. L'artiste nantais y a mis son cachet propre, ce mélange, cette association si heureuse de la simplicité et de la grâce, de la vigueur et de l'élégance, qui nous paraissent la caractéristique de ses œuvres. A notre très humble avis, il a fait à l'Herbergement, comme partout ailleurs, un vrai temple chrétien. La religion y pourra tour à tour déployer ses merveilleuses pompes et rappeler ses effrayants mystères, la nouvelle église s'y prêtera bien, ce nous semble.
Les cinq fenêtres du chœur sont déjà pourvues de verrières. Elles sortent des ateliers de M. Lorin, de Chartres, et retracent quelques scènes de la vie de sainte Madeleine, patronne de la paroisse. Nous ne craignons pas d'avancer que c'est là une œuvre vraiment remarquable. Elles n'ont peut-être pas le caractère religieux que l'on pourrait souhaiter et certains y déploreront encore là le genre tableau, mais ce genre admis, presque tout nous semble digne d’éloges. Deux verrières surtout défieraient la critique la plus sévère. Mais ce qu'il y a à louer, dans toutes également, ce que l'on ne pourra se lasser d'admirer, c'est la merveilleuse beauté du coloris. Quels tons suaves et chauds, quelle richesse de draperies, quel velouté incomparable, et cependant la translucidité n'en souffre nulle part ; on n'y découvre pas une tache, pas une partie tant soit peu opaque. L'encadrement végétal des scènes est absolument remarquable. Les connaisseurs estimeront peut-être particulièrement les anges placés dans les quatre feuilles de ces baies du chœur.
La sacristie mérite une mention. Cette petite pièce avec ses pignons, ses fenêtres carrées, ses nombreuses poutrelles, semble une construction du plus pur moyen-âge. Il s'en dégage un parfum d'archaïsme, qui fera la joie des amateurs.
Il manque encore une flèche et des verrières au transept de l'église de l'Herbergement. Le département de la Vendée, à défaut du gouvernement, ne peut manquer d'encourager et de secourir une œuvre aussi digne d'intérêt et en somme si remarquable. M. Ménard n'est plus, mais il a deux successeurs de talent, et avec eux reste l'alter ego du regretté architecte, le très distingué et si artiste M. Vallet, l'auteur des belles sculptures de l'église. Nous souhaitons bien vivement cet achèvement ne serait ce que comme récompense du dévouement du curé si intelligent et si sympathique à tous que l'Herbergement a le bonheur de posséder."
De son côté, l'un des architectes successeurs de M. Ménard donnait sur l'église de l'Herbergement cette appréciation à laquelle on ne peut manquer de souscrire :
"Le signe caractéristique du nouveau monument c'est la grandeur dans la simplicité. Quoique relativement petite, cette église semble grande, et cet effet est produit par deux causes : d'abord par la simplicité dans le plan qui est peu encombré et permet à tous les assistants de voir l'autel et l'ensemble du sanctuaire, ensuite par la hauteur non exagérée des voûtes et la petite largeur des bas côtés qui font valoir la grandeur de la nef.
Inutile de faire remarquer la façon soignée dont le travail a été exécuté, et en particulier on doit signaler la beauté de la pierre et la manière avec laquelle cette pierre a été artistement travaillée."
Les vitraux du chœur, dont il a été parlé plus haut, représentent, comme nous l'avons dit, des scènes de la vie de sainte Marie-Madeleine. Les sujets de chaque tableau sont les suivants :
1° Madeleine se jetant aux pieds du Maître, les arrosant de ses larmes et les essuyant avec ses cheveux. En bas, on lit l'inscription : Remittuntur ei peccata multa quoniam dilexit multum.
2° Madeleine en contemplation aux pieds du Maître pendant que Marthe s'agite. En bas on lit : Optimam partem elegit sibi Maria.
3° Madeleine aux pieds de la croix : Juxta Crucem Jesu, Maria Magdalena.
4° Apparition de Jésus ressuscité à Madeleine sous la figure d'un jardinier : Dicit ei Jesu : Maria. Dixit ei : Rabboni.
5° (scène de tradition). Madeleine avec Lazare et les autres disciples jetés sur un vaisseau sans agrès abordant providentiellement à Marseille : Maria cum Martha et sociis Massiliam appelluntur.
Terminons le compte rendu de la bénédiction de la belle église de l'Herbergement en donnant quelques extraits d'un discours qui dans cette fête fit une grande impression dans le cœur des assistants. Voici ce que disait M. le curé en recevant Monseigneur à la porte du nouvel édifice.
"Le dimanche 9 décembre 1894, Vous veniez, Monseigneur, appeler les bénédictions divines sur tette église, dont les fondations commençaient à sortir de terre.
Depuis cette époque, tout a marché comme par enchantement, et plus heureux que beaucoup d'autres nous n'avons eu à déplorer ni mort, ni accident, ni aucune de ces catastrophes qui viennent trop souvent assombrir la joie et le bonheur que l'on éprouve à voir s'élever la maison du Seigneur.
Mais Jésus ne va jamais sans sa croix et toute entreprise qui a Dieu pour principe et pour fin doit être marquée au cachet de la croix. Il nous fallait donc l'épreuve ; elle ne nous a pas manqué : une épreuve particulièrement sensible est venue nous visiter dans la marche jusque-là heureuse et rapide des travaux. M. René Ménard, l'architecte si distingué qui avait conçu et dirigé les plans, a été enlevé à notre estime et à notre confiance par une mort prématurée que rien ne faisait prévoir, au moment où il allait jouir de son œuvre.
Il vous en souvient, Monseigneur, il était présent à notre première fête ; il entendait les éloges et les marques de haute sympathie que Votre Grandeur lui adressait. Pourquoi faut-il que sa présence manque aujourd'hui à notre bonheur ? O noble artiste, si capable, si éclairé, et en même temps si pieux, si doux, si bienveillant pour tous ceux qui vous approchaient, laissez-moi vous adresser ici encore un suprême témoignage de notre respectueux souvenir et de notre impérissable reconnaissance. Et vous, mon Dieu, daignez recevoir dans votre éternelle demeure celui qui vous a élevé de si beaux temples sur la terre.
Cependant notre œuvre, grâce à Dieu, ne devait pas trop souffrir d'un coup qui eût pu entraîner les plus funestes conséquences. Quelques semaines après, les dignes successeurs de M. Ménard, MM. Laganry et Libaudière, prenaient en main la direction des travaux. Tout en suivant avec un scrupule et une délicatesse qui les honore les projets et jusqu'aux moindres intentions de leur regretté devancier, ils ont heureusement conduit l'entreprise au point où nous la voyons aujourd'hui ; à eux aussi j'adresse mes plus sincères remerciements pour les relations faciles et vraiment cordiales qu'ils m'ont permis d'avoir avec eux et pour le soin jaloux qu'ils ont apporté à la parfaite exécution du travail.
Du reste, comme ils le reconnaissent eux-mêmes, ils ont été secondés de la façon la plus intelligente par M. Gautier, notre entrepreneur. Celui ci, en effet, a exécuté les plans qui lui ont été confiés avec toute la perfection désirable ; les moindres détails ont été l'objet de ses soins, et au témoignage des architectes eux mêmes, il est rare que les travaux de ce genre soient exécutés avec autant de fini.
Il faut ajouter, Monseigneur, que nous avons eu un puissant encouragement dans l'intérêt soutenu avec lequel les paroissiens ont suivi la marche des travaux. Depuis longtemps, ils soupiraient après le jour où leur vieille église ferait place à un édifice plus digne de la Majesté divine et plus en harmonie avec leurs sentiments de foi. Aussi est-ce avec un légitime orgueil qu'ils surveillaient pour ainsi dire la pose de chaque pierre ; aucun détail ne les a trouvés indifférents. L'intérêt qu'ils n'ont cessé d'apporter à cette œuvre montre combien ils en comprenaient l'importance, et nous mêmes nous y avons trouvé une ample compensation à nos sollicitudes et à nos fatigues.
Et maintenant, Monseigneur, la voilà cette église, dans toute sa fraîcheur ; la voilà avec ses élégantes colonnes et les sculptures artistement fouillées de ses chapiteaux ; la voilà avec ses vitraux aux tons si chauds, aux couleurs si bien harmonisées ! Pontife du Seigneur, prenez en possession au nom du Dieu à la gloire duquel il a été élevé. Par une faveur dont nous ne saurions trop être reconnaissants, vous avez bien voulu, Monseigneur, venir déjà bénir vous-même la première pierre de cette église ; aujourd'hui encore vous lui apportez le trésor de vos bénédictions. Cette nouvelle église nous rappellera sans cesse le témoignage de vos bontés ; elle sera comme un témoignage toujours vivant de l'intérêt que vous portez à cette religieuse population de l'Herbergement.
Pour moi, je suis heureux au début de ma charge pastorale de pouvoir offrir à Notre Seigneur une demeure où il sera plus honoré et plus aimé, car j'en ai la douce confiance, la construction de cette nouvelle église sera pour toute la paroisse une source de grâces et l'occasion d'un renouvellement dans la foi. Le divin Sauveur ne saurait laisser sans récompense les sacrifices que cette construction a coûtés. Il a déjà béni et il bénira de plus en plus la bonne volonté que tous ont apportée à cette œuvre.
Déjà nous avons reçu un gage sensible de la bénédiction du Divin Maître le 21 du mois dernier, jour où avait lieu dans cette paroisse la fête de l'Adoration perpétuelle. Si vous aviez vu, Monseigneur, avec quel empressement les fidèles ont accepté cette dévotion, et combien nombreux ils sont venus soit pour communier, soit pour adorer Jésus exposé sur l'autel, si vous aviez été témoin de leur piété et de leur recueillement, assurément votre cœur d'évêque eût été doucement ému. Sans se laisser arrêter par la pauvreté et le dénuement d'une église provisoire, ils ont rencontré dans cette circonstance une foi, un entrain, j’oserais dire un enthousiasme qui fait concevoir les plus belles espérances. Aussi, quand après avoir pris possession de cette église, nous y établirons pour les hommes la confrérie du Saint-Sacrement, nul doute que cette œuvre réussisse et qu'elle soit pour tous une source de sanctification et de salut.
A la bénédiction de cette église vient s'ajouter une autre cérémonie non moins touchante. Vous voyez, Mon seigneur, ces enfants qui attendent de vous le sacrement qui rend parfait chrétien. Après avoir béni le temple matériel que nous avons élevé à la gloire du Très-Haut, bénissez aussi ces enfants qui sont des temples spirituels que Dieu a formés à son image et ressemblance ; étendez sur eux votre main chargée des grâces célestes et marquez leur front du chrême du salut. L'heureuse coïncidence de la double cérémonie d'aujourd'hui sera pour eux le sujet d'un grand enseignement. En voyant la pompe que l'on déploie quand il s'agit de consacrer au culte divin une maison de pierre, ils apprendront avec quel respect ils doivent traiter leurs corps qui sont les membres de Jésus-Christ et les temples vivants de l'Esprit-Saint."
L'église que Monseigneur venait de bénir était complète, sauf la flèche et le maître-autel. Dans le transept, les deux grandes baies attendaient également quelques belles scènes comme celles que l'on admire dans les vitraux du chœur. Il semblait que les sacrifices avaient épuisé toutes les bonnes volontés et qu'on allait remettre à plus tard le reste de l'entreprise. Mais le zélé curé que possédait l’Herbergement avait commencé l'œuvre, il voulait la terminer au plus vite. Quelques mois s'étaient à peine écoulés que de concert avec la fabrique il lançait la question de construction de la flèche et renouvelait une demande de secours au gouvernement pour exécuter le plan qui s'élevait à une quinzaine de mille francs.
Cependant M. Pilard ne devait pas avoir la satisfaction de terminer complètement l'œuvre si heureusement commencé. Au mois de juin 1897, Monseigneur n'ayant pu le nommer au poste d'honneur qu'il lui destinait, lui donna en échange la belle et grande paroisse de la Bruffière, où son activité pastorale pouvait se déployer tout à loisir. Il fut remplacé par le curé actuel.
— Louis Bretaud. Né à Chavagnes-en-Paillers en 1864, ordonné prêtre le 22 décembre 1888, M. Bretaud a été vicaire de Noirmoutier du 12 janvier 1889 au 2 août 1896, puis curé de Corpe du 2 août 1896 au 27 juin 1897. Il est depuis cette date, curé de l'Herbergement.
Quelques mois après son arrivée, on plaçait dans l'église les autels de la sainte Vierge et de saint Joseph, œuvre de M. Vallet, sculpteur à Nantes, et le 14 novembre 1897, M. le chanoine De Suyrot en faisait la bénédiction.
En novembre 1898, les RR. PP. Chételat et Weber, rédemptoristes de la maison de Châteauroux donnèrent les exercices d'une mission. C'était la première fois que des Rédemptoristes prêchaient dans la paroisse. Dès le premier jour la parole apostolique de ces religieux fit une grande impression sur l'assistance. Aussi chaque soir, pendant trois semaines, l'église fut totalement remplie par une foule nombreuse qui venait jusque des paroisses voisines. A l'exception d'une cinquantaine de personnes, la population entière s'approcha des sacrements.
Les grandes cérémonies de la mission furent les mêmes que partout ailleurs, cependant il y en eut deux qui méritèrent une mention spéciale.
Le 20 novembre, à la suite des vêpres, on fit l'érection d'un très beau chemin de croix, imitation émail de Limoges, sur cuivre, et provenant de la maison Beau et Chovet, de Paris. Ce chemin de croix, du prix de 1700 francs, fut payé par les paroissiens ; chacun tint à honneur de contribuer à cet achat, selon ses ressources.
Le 27 novembre on fit la clôture des pieux exercices. Les rues du bourg étaient décorées autant qu'on pouvait le faire dans un jour pluvieux. Aux habitants de l'Herbergement s'était jointe une foule considérable venue des paroisses voisines. Grâce à une éclaircie, la procession put sortir de l'église et parcourir toutes les rues du bourg.
Les hommes, au chant des cantiques portaient triomphalement un christ de mission. Au retour dans l'église, le christ fut bénit par le P. Chételat, puis fixé au pilier en face de la chaire, exposé aux regards de tous pour rappeler le souvenir de la mission qui venait de se terminer.
Le 30 janvier 1899, la fabrique mit en adjudication la construction du beffroi et de la flèche qui restaient à faire pour l'achèvement de l'église. M. Eugène Gautier de Clisson ayant mis le rabais le plus élevé fut déclaré adjudicataire. Le Ministre des Cultes avait alloué pour ce travail une somme de six mille francs et la commune une somme de cinq mille francs.
Cette même année, le 5 mai, visite pastorale de Mgr Catteau et confirmation de quarante enfants.
En 1903, 24 mars, nouvelle visite pastorale de Mgr Catteau et confirmation de soixante-trois enfants. Sa Grandeur exprime le souhait que l'on puisse bientôt placer dans l'église un maître-autel et des boiseries en rapport avec sa beauté afin que tout soit prêt pour une prochaine consécration.
En 1905, au mois de novembre, deux retraites sont données aux femmes et aux filles de la paroisse par le R. P. Jules Trotin, ancien supérieur général des Pères de Chavagnes.
En 1906, au moment où la France est bouleversée par la question des inventaires, l'Herbergement affirme énergiquement sa foi religieuse. Il est bon de raconter ce fait glorieux de son histoire et de le transmettre à la postérité.
Le dimanche de la Sexagésime, 18 février, après les Vêpres, M. le brigadier de gendarmerie, Citeau, vient de la part du Directeur de l'enregistrement et des domaines, donner avis à M. le curé que l'inventaire des biens de fabrique et de la mense curiale serait fait, le samedi suivant, 24 février, conformément à la loi du 9 décembre 1905, dite loi de séparation de l'Église et de l'État, M. Bonaldi, précepteur aux Brouzils, était chargé de ce double inventaire et se présenterait à dix heures.
Avis semblable fut ensuite porté par le susdit brigadier à M. Emile Moreau, président du bureau des Marguilliers.
En conséquence, le samedi 24 février, à l'heure exacte, l'agent du gouvernement, M. Bonaldi, accompagné de deux témoins, M. Isaïe Beauvineau, garde-champêtre, et M. Arnaud, sous-maître à l'école communale, se présente à la porte de l'église C'est là que l'attendait M le curé, entouré de M. Émile Girard, maire, à sa droite, de M. Armand Amiaud, président du conseil de fabrique, à sa gauche, de tout le conseil de fabrique, de la plupart des conseillers municipaux et d'une foule nombreuse de fidèles. Aussitôt l'arrivée du représentant de la loi, M. le curé l'arrête pour lui lire la protestation suivante :
"Monsieur,
L'acte que vous avez mission d'accomplir est une criante injustice en même temps qu'une injure aux sentiments catholiques de la population de cette paroisse.
Une injustice, puisqu'il viole la propriété. Cette église, à peine achevée, et dont mes paroissiens sont justement fiers est bien à eux. Tous ils l'ont payée de leurs deniers, mes paroissiens de la basse paroisse des Brouzils, aussi bien que ceux de l'Herbergement. L'état ne leur a accordé que le maigre secours de six mille francs.
La plupart des objets qui la décorent, de même que beaucoup des ornements de la sacristie sont des dons particuliers.
C'est une injure aux sentiments catholiques de la population puisque s'est le commencement d'exécution d'une loi qui, dans les plans de la Franc-Maçonnerie, a pour but de "décatholiser" la France, d'une loi formellement condamnée et réprouvée par le Souverain Pontife, notre chef à tous.
Donc en mon nom et au nom de tous mes chers et fidèles paroissiens de l'Herbergement et de la basse commune des Brouzils, dont un grand nombre sont ici présents, je proteste de toute mon énergie contre cet inventaire, je le réprouve et déclare m'y opposer absolument.
Si malgré tout, vous passez outre, fort de la protection de la loi, je fais et nous faisons réserve de tous nos droits collectifs et particuliers et j'exige que vous insériez ma protestation dans le procès verbal.
L'Herbergement, le 24 février 1906.
L. Bretaud, curé."
M. Armand Amiaud, président du conseil de fabrique, prend ensuite la parole et proteste lui aussi en ces termes :
"Monsieur,
Comme président de fabrique de l'Herbergement et au nom du conseil de fabrique, je ne puis m'abstenir de vous dire un mot sur la très digne protestation que vous venez d'entendre de notre vénéré curé.
Je suis chargé au nom d'un groupe nombreux de familles et de fidèles de cette paroisse, qui ont contribué à l'édification et à l'ornementation de cette église, de vous dire que nous refusons absolument la triste besogne que vous avez mission de faire ici. Nous vous invitons donc, de la manière la plus courtoise, à ne pas insister, et nous supplions l'assistance ici présente. par son silence respectueux, d'adoucir le refus justifié que nous manifestons.
Et nous tenons formellement à ce que cette protestation soit écrite dans votre procès-verbal.
Ar. Amiaud, président de fabrique."
L'agent du gouvernement, voyant alors que l'assistance se refuse unanimement à le laisser entrer, n'insiste pas et se retire.
M. le curé avait recommandé à ses paroissiens le calme et la dignité dans leur manifestation de foi. Ils suivirent fidèlement ses conseils ; cependant ils ne purent s'empêcher de montrer aux deux témoins leur juste indignation et leur mépris.
Ainsi se passa cette première journée. Elle allait être bientôt suivie d'une autre où la justice devait succomber sous les coups de la force.
Le jeudi suivant, 1er mars, le commissaire spécial Delgay, à la tête d'une trentaine de gendarmes et de la 11e compagnie du 93, vient prêter son concours au percepteur pour l'aider à faire son inventaire.
La troupe gouvernementale, arrivée le matin à trois heures et demie par train spécial, se dirige d'abord sur les Brouzils, la Copechagnière et Saint-Sulpice-le-Verdon. Elle se présente à l'Herbergement vers trois heures de l'après-midi. La population toute entière augmentée de beaucoup de catholiques des paroisses voisines, était accourue à la voix des cloches et se trouvait là réunie, depuis plusieurs heures déjà, dans l'église et aux abords de l'église.
L'arrivée du commissaire et de ses crocheteurs fut saluée par un immense cri de : "Vive la Religion, vive la liberté, à bas les francs-maçons!" Dans l'église, on priait et on chantait le cantique : "Nous voulons Dieu !"
Le commissaire ordonna de dégager les abords de l'église ; et la gendarmerie, il faut le dire avec regret, exécuta ses ordres avec une brutalité vraiment révoltante. Bon nombre de personnes furent violemment bousculées et contusionnées. Trois furent même arrêtées, M. Baptiste Bordet, père, de Malleville, M. Louis Augereau, fils, du bourg, et M. Alphonse Mornet, des Lucs domestique chez M. Mabit, au Bois-Chollet.
Cette dernière arrestation fut seule maintenue et Alphonse Mornet fut condamné à quinze jours de prison par le tribunal correctionnel de la Roche-sur-Yon, sous prétexte d'avoir riposté à un gendarme qui le bousculait et le frappait.
Enfin, les trois sommations réglementaires ayant été faites et étant restées sans réponse, le commissaire et ses crocheteurs passèrent avec une échelle par-dessus le mur de la cour d'honneur du presbytère, firent sauter la serrure de la porte, et de là, au moyen d'une fausse clé, réussirent à pénétrer dans la sacristie.
M. le curé était alors en chaire disant le chapelet avec bon nombre de ses paroissiens et priant pour la réparation du sacrilège qui était commis. Entendant soudain un bruit dans la sacristie, il y court et s’y trouve en face du commissaire spécial Delgay et de sept ou huit gendarmes
"M. le commissaire, lui dit-il, vous avez violé mon domicilie privé, je proteste contre cette illégalité."
"Oui, oui, M. le curé, répond le commissaire, ce sera inscrit au procès-verbal." Puis il ajoute "M. le curé, M. le percepteur peut-il entrer sans crainte faire l'inventaire de l'église, est-il nécessaire que je le fasse protéger par la gendarmerie."
— Non, dit M. le curé, je réponds de l'ordre dans mon église, mes paroissiens protestent contre le sacrilège que vous commettez, ils défendent leur foi, mais ce sont des gens paisibles qui n'en viendront pas aux coups."
"Entrez, dit alors le commissaire à M. Bonaldi et aux deux gendarmes qui devaient lui servir de témoins, entrez, vous êtes sous la protection de M. le curé."
M. Bonaldi entra donc seul dans l'église avec ses deux témoins et fit son inventaire ou plutôt son simulacre d'inventaire, pendant que les fidèles présents, sous la direction de M. l'abbé Prunier, vicaire de Saint-André-Treize-Voies, qui avait bien voulu venir assister M. le curé dans cette pénible circonstance, priaient, chantaient le cantique : Nous voulons Dieu, et de temps en temps poussaient des acclamations : "Vive la religion ! Vive le Christ ! Vive la liberté !"
C'était bien, en effet, un simulacre d'inventaire que dressa M. le percepteur. Il inscrivit sans estimation les trois autels, le chemin de croix, la chaire, le confessionnal, la lampe du sanctuaire, les bancs et les fonts baptismaux. A la sacristie, il marqua cinq chapes sous le nom de chasubles, un ciboire et un calice d'une valeur de 150 francs chacun. Et ce fut tout. Il se retirait lorsque M. le curé lui présenta le registre des délibérations du conseil de fabrique afin de lui faire constater le passif de cet établissement qui dans sa session précédente de la Quasimodo avait reconnu devoir quatorze mille neuf cent treize francs soixante-huit centimes (14 913 fr. 68).
Dans le procès-verbal de cet inventaire, il n'est aucunement question de la mense curiale ; l'agent du gouvernement, dans son trouble et sa précipitation, avait totalement oublier de la signaler.
Terminons ce récit par ces réflexions pleines de justesse consignées par M. le curé dans sa chronique paroissiale.
"Telle fut cette journée mémorable, triste et belle à la fois. Triste, car elle a marqué un premier pas du gouvernement franc-maçonnique (puisse-t-il être le dernier !) dans la voie des spoliations sacrilèges et de la persécution ouverte. Belle aussi, parce qu'elle a été pour mes chers paroissiens l'occasion de manifester leur foi et leur fidélité à la religion. Dans la proportion de 80 % environ, ils sont demeurés dignes de leur titres de chrétiens. Daigne le bon Dieu agréer leurs actes d'amour et de générosité et nous accorder des temps meilleurs !"
Pendant le Carême de 1907, une retraite pour les hommes fut prêchée par le R.P. Sdilon, rédemptoriste de la maison des Sables ; elle fut suivie par la quasi unanimité des hommes de la paroisse.
Le 6 décembre 1908, 2° dimanche de l'Avent, une mission vint encore raffermir la foi des fidèles. Les prédicateurs furent le R.P. Mahé, en religion P. Frédéric, récollet, ancien gardien du couvent de Nantes, et par le R.P. Berhault, en religion P. Odoric, ancien maître des novices du couvent de Caen.
Se rappelant l'enthousiasme de la mission de 1898, M. le curé n'était pas sans quelque appréhension au sujet de la nouvelle qui commençait. Mais il fut bientôt rassuré en voyant l'affluence tout aussi considérable qui se pressait dans l'église pour écouter la parole des missionnaires. Au jour de Noël, à la communion générale, sept cent cinquante personnes approchèrent de la table sainte. En dehors des employés du gouvernement, on ne compta que vingt-trois abstentions, dont dix-neuf hommes et quatre femmes. Le dimanche suivant, jour de la clôture, on érigea sur la route de Saint-Sulpice, à l'entrée du bourg, un beau calvaire en granit, à l'endroit où l'on avait élevé un autre calvaire à la suite de la mission de 1865.
La nouvelle croix, en granit du Rouet de Chavagnes, fut faite par M. Jean Besson, d'après un plan de M. Duguy frère sécularisé de Saint-Gabriel.
Le fût a 4 m. 20 sur 0 m. 30, les bras 2 mètres sur 0 m. 30, et la tête 0 m. 85 sur 0 m. 30. Le christ a 2 mètres de haut et est en fonte de fer.
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V
HISTOIRE CIVILE ET ADMINISTRATIVE
L'Herbergement-Antier, ainsi que tout le canton de Rocheservière, faisait partie, avant la Révolution, au point de vue de l'administration civile, de la subdélégation de Montaigu relevant elle-même de l’intendant du Poitou, — en tant que circonscription judiciaire de la sénéchaussée et du présidial de Poitiers, auquel on pouvait faire appel de tous les jugements de la moyenne et basse justice seigneuriale du Bois-Chollet et de l'Herbergement ; — et comme administration financière de l'élection de Mauléon, aujourd'hui Châtillon-sur-Sèvre.
Malheureusement, sur toute cette partie les documents sont peu nombreux. Voici les notes que nous avons pu recueillir.
Impôts. —
En ce qui concerne les impôts, M. Louis de la Boutetière dans l'Annuaire de la Société d'Émulation de la Vendée en 1879, a publié un document très intéressant donnant le total des taxes de l'Herbergement et que les paroisses voisines devaient au roi pour subvenir aux frais de la guerre.
En 1479, les manants et roturiers de l'Herbergement sont taxés à 105 sols ; la même année, on payait une nouvelle taxe de 5 livres 5 sols ; en 1480, la taxe était de 142 livres ; en 1488 de 55 livres et en 1490 de 50 sols seulement.
Il nous faut arriver maintenant à 1730 pour trouver d'autres documents sur la même question. Nous puisons les détails suivants dans la notice sur l'Hébergement‑ Entier, par Jehan de la Chesnaye (p. 30 et suiv.)
"Vers 1730, les sujets de René-Henry de Chevigné, demeurant à l’Herbergement-Enthier, à propos des Marches, adressèrent aux Président et Lieutenant Conseiller du Roy en l'élection de Chatillon-sur Sayvre la requête suivante que nous publions presque en entier tant elle offre d'intérêt au point de vue de l'histoire locale et des privilèges attachés à la qualité de Marcheton[42] :
"Les habitans de l'Herbergement n'arguent point contre larest du Conseil, au contraire, ils en demandent l'exécution. Jean Fonteneau avance mal propos que ses domaines n'ont point payé la taille entre les mains de ses mandeurs, ce qui est faux ; ils ont été taxé de tous les temps et pour preuve il n'y a qu'à voir les rolles qui sont à l'intendance depuis trente et quarante ans et plus. On les trouvera taxé et ce réitère que Fonteneau n'a pu acheter la qualité de breton et encore moins les prétendus privillèges et on soutient qu'il n'a aucune qualité présenté par larest, qu'il ne jouist point par ses mains, ses biens ont été taxés de tous les temps et doivent l'estre comme il avance...
Leurs supositions (aux habitants) ne sont point sans fondement, elles sont justes, la preuve en est convainquante et incontestable ; il suffit de voir la lizière du Poitou délabrée et dégradée, on n'y voit que mazure ; des métayries et des villages entiers qu'on a transférés en Bretagne ou vous voyez des losgements superbes qui n'ont soupent qu'un morceau de jardin[43] et leurs terres à Fonteneau et autres propriétaires sont toute en Poitou. Il n'est donc pas impossible que le seigneur du Bois de Chollet, Fonteneau et d'autres ne fassent la mesme chose et encore Fonteneau plus facilement que tout autre qui peut agrandir ses métayries de Bretagne des domaines qu'il a sur la lizière du Poitou...
Nous sommes actuellement écrasés d'impôts et il n'y a point de particulier propriétaire qui ne paie en impositions la valeur de son domaine et plus, ce qui n'est pas difficile à comprendre. Ainsi en 1732, nous avions 600 livres de taille et aujourd'hui 1020 livres.
Puisque le roi demande la taille en Poitou, par conséquent toutes les terres du Poitou la doivent, n'étant pas l'intention du prince de nous faire plus d'injustice que ses autres provinces..."
Les prétendus privilèges de l'exemption des tailles n'est point attaché au domaine du Poitou, mais à la personne et à la qualité d'ancien breton, suivant larest et il ne sufit point à Fonteneau d'engranger ses fruits en Bretagne, il n'est point entier Breton. Il ne paye point fouage[44] en Bretagne, et ne fait point valoir par ses mains comme l'explique larest du conseil, de sorte que faisant droit aux moyens cy-dessous expliqués, le dit Fonteneau doit être débouté de sa demande et le rolle exécuté selon sa forme et teneur...
La noblesse qui doit avoir autant de privilèges que le Rôturier de Bretagne et qui a celui de ne payer point d'impositions, et faisant valoir par ses mains ses domaines s'il y place un colan ses privilèges n'influent point sur le colon. Et s'il était fermier, il seroit imposable luy-mesme. Et s'il vend sa terre à un rôturier, il ne peut luy vandre ses qualités ny ses privilèges. Ainsy Jean Fonteneau n'a aucune des qualités requises par larest et quand il en jouiroit par ses mains, il seroit imposable, par conséquent des colons doivent l'estre. Et si le dit Fonteneau jouissait de ces privilèges prétendus, il a beaucoup de biens en Poitou sur la lizière de la Bretagne, dans quelques temps il pourroit faire transporter ses maisons et granges dans ses terres de Bretagne et jouiroit de l'exemption des tailles. Le seigneur du Bois-de-Chollet qui a deux métayries sur la lizière qui payent près de 300 l. au roy, tous les ans pourroit faire la mesme chose et plusieurs autres seigneurs et rôturiers qui sont dans le mesme cas, mais au terme de larest, il faut être ancien breton et faire valoir ses héritages par ses mains...[45].
Suzanne Sire, veuve André Renaud et Jean Merlet étaient dans le cas de Fonteneau.
"Quant à Jean Merlet, disait la supplique, nous avons ignoré que Anselme Taveneau ne jouissait plus des domaines jusqu'au jour qu'il la fait notifier par le sieur Curé à la messe paroissiale il y a quinze jours et pour ne l'avoir pas fait dans les temps nous requerons à votre grandeur qu'il luy soit ordonné de payer ce qui est taxé."
Après ces citations, le même auteur ajoute :
"Cette question des Marches était fort importante au point de vue des tailles. Quelle que fût leur origine, les habitants des Marches avaient les mêmes privilèges, celui de ne point payer d'impositions. En venant demeurer, hors des Marches, le Marcheton était assujetti à la loi commune :
"La Baronnie de Montaigu ne comprenait aucun territoire en Marches communes ; nous croyons qu'il en était de même de la seigneurie du Bois-Chollet... Les Marches communes de Bretagne et de Poitou se divisaient en Hautes et Basses-Marches. Les paroisses de Gétigné et Boussay en Loire-Inférieure, et de Cugand et de la Bruffière en Vendée, constituaient les Hautes-Marches.
Les Basses-Marches comprenaient le bourg commun de Legé, le bourg propre de Legé, le territoire de la Bœsse, La Censive, le village du Retail (enclave de la paroisse du Grand-Luc), Saint-Etienne-de-Corcoué, Grand'Landes, Saint-Etienne-du-Bois, Saint Colombain, Bois de Céné, la Garnache, la Trinité de Machecoul, Paulx, Bouin. — Le Retail, Grand-Landes, Saint- Etienne-du- Bois font actuellement partie du département de la Vendée, les autres lieux ont été attribués au département de la Loire-Inférieure. — D'après Claude Pocquet de Livonnière, Bouin aurait fait partie des Marches avantagères du Poitou sur la Bretagne et non des Marches communes à ces deux provinces (Coutumes du Pays et Duché d'Anjou, t. II. col. 1429 1725). Ajoutons enfin que, de la seigneurie du Bois-de-Chollet relevaient certains fiefs situés dans la paroisse de Mormaison et de Saint-Sulpice, lesquelles faisaient partie des Marches avantagères du Poitou sur la Bretagne et aussi quelques fiefs situés dans la paroisse de Saint-André-Treize-Voies, qui faisaient partie des Marches avantagères à la Bretagne sur le Poitou."
(V. le même auteur, t. et col. id.) Dr Mignen. — Intermédiaire nantais du 18 février 1901.
Au sujet des Marches, Jehan de la Chesnaye fait encore quelques remarques intéressantes :
"La première maxime concernant les Marches, dit-il, est que le fond des Marches est réputé commun à deux provinces par indivis ; et le caractère distinctif des marches est que les héritages qui y sont situés relèvent moitié par indivis du seigneur d'une province et moitié par indivis du seigneur d'une autre province… Nous connaissons trois sortes de Marches : les communes, les avantagères et les conthrostées. Les communes sont celles qui relèvent de deux seigneurs par indivis, tant pour le fief que pour la justice, Les avantagères sont celles qui sont communes pour la féodalité relevant par indivis de deux seigneurs ; mais pour la juridiction et pour tout le reste sont d'une province exclusivement à l'autre, et sujettes à la justice d'un seul seigneur et de son suzerain primitivement aux autres. Les conthrostées sont celles qui sont communes à deux provinces et à deux seigneurs pour la juridiction et ne relèvent néanmoins que d'un seul seigneur.
Par lettres patentes du 11 mai 1606 et arrest de son Conseil du 1er août 1606, Henri IV déclara les habitants des Marches déchargés de toutes tailles, fouage et autres impositions mises ou à mettre même du joyeux avènement des rois à la couronne en payant par chacun ou par forme d'abonnement de tous les dits droits, la somme de 600 livres d'une part et de 128 livres d'autre part."
(D'après Claude Poquet de Livonnière.)
Louis XIII, par arrêt de son Conseil du 30 juillet 1626, ordonne "que les paroisses des Marches et enclaves demeureront exemptes de toutes tailles fouage, impôts, huitième, traites foraines et domaniales et autres l'impositions pour les marchandises et denrées qui croîtraient dans l'étendue des dites paroisses et enclaves, et pour celles qui seraient transportées pour y être consommées en payant la dite prestation annuelle. L'arrêt fut confirmé par Louis XIV."
(id. — L'Hébergement-Enthier, par Jehan de la Chesnaye, p. 33 et 34).
Foires de l'Herbergement et traites foraines. —
Ce qui est particulièrement intéressant dans l'histoire de l'Herbergement, c'est la création de ses foires et de son bureau de traites foraines. D'après une tradition rapportée par Jehan de la Chesnaye, les foires de l'Herbergement auraient eu une singulière origine. Le seigneur de la Roche-Thévenin, en la Guyonnière, aurait joué ses foires contre celles du seigneur du Bois-Chollet. Ce qu'il y a de certain, c'est que de temps immémorial il y a près de la Guyonnière un champ qui porte le nom de Champ de la Halle, bien qu'il n'y ait pas de foire en cette localité.
Cette opinion semble vraisemblable depuis une découverte faite par M. le docteur Mignen, de Montaigu, et qui consiste dans l'acte même de concession de foires au seigneur de la Roche-Thévenin. La création de quatre foires par an fut établie au bourg de la Guyonnière par lettres patentes du roi en décembre 1565. La première, d'après le document en question, se tenait le second jour de janvier, la deuxième le premier jour d'avril, la troisième, le premier jour de juillet et la quatrième le premier jour d'octobre. Un marché se tenait en outre le mardi de chaque semaine.
Quoi qu'il en soit de la tradition que nous venons de rapporter, voici l'acte de concession des foires royales de l'Herbergement, signé par Charles IX, à la requête de Roland de la Boucherie, seigneur du Bois-Chollet :
"Charles, par la grâce de Dieu, roy de France, a tout presens et advenir salut.
Nostre amé et féal chevalier de nostre ordre, le sr de Boischollet et de l'Herbergement-enthier, capitaine de cent chevaulx legiers, nous a faict dire et remonstrer qu'il est propriétaire de la terre, justice et seigneurie de l'Hebergement-entier, scituée et assize en nostre bas pays de Poitou, laquelle est assize en bon pays, habondant et fertille en blez, vins, bois, passaige de bonne et grande estendue, et qui a ung bon nombre de vassaulx ; de sorte qu'il seroit grandement requis pour le bien, proffict et commodité non seullement dudict sr de Boischollet et de sadicte terre et subjectz, mais aussi de tout le pays circonvoisin, qu'il y eust establissement de foires en icelle terre et seigneurie de l'Hebergement-enthier ; ce que ledict sr de Boischollet nous a très humblement faict supplier et requerir luy voulloir octroyer et accorder. Scavoir Faisons que nous.inclinans liberallement à la supplication et requeste qui faicte nous a esté par aucuns noz speciaux serviteurs en faveur dudict sr de Boischollet, avons en icelle terre et seigneurie de 1'Hebergement-ehthier creé, estably et ordonné, creons, ordonnons et establissons, de nostre grace special, plaine puissance et auctorité royale, par les presentes, huict foires par chacun an et ung marché chacune sepmaine, c'est assavoir : la première, le premier jour de l'an. la seconde le jour Sainct Paul, la troisiesme jour St-Mathias, la quatriesme le jour St-Mexme, la cinquiesme le jour St-Lyonne, la sixiesme le jour St-Leonard, la septiesme le jour St-Roch, la huictiesme le jour St-Martin, et lesdictz marchez au jour mercredy par chacune des sepmaines de l'année, pour lesdicts foires et marchez avoir et faire tenir par ledit sr de Boischollet et ses successeurs seigneurs en ladicte terre de l'Hebergement-enthier doresnavant par chacun an et perpetuellement aux susdicts jours. Voulons que tous marchans et autres gens qui les frequenteront et y afflueront puissent vendre, eschanger et distribuer toutes denrées et marchandises licites, et qu'ils jouissent de tels et semblables previlleiges, franchises et libertez dont ilz ont accoustumé de joyr et autres foires dudict pays, et que pour icelles avoir et tenir led. sr de Bois-Chollet puisse faire, dresser, construire et ediffier halles, estaulx et logis en tel lieu qu'il verra estre affaire propre et convenable pour cest effect, pourveu que, à quatre lieues à la ronde, au dicts jours n'y ayent autres foires et marchez. Si donnons en mandement par ces mesmes présentes au seneschal de Poictou ou son lieutenant et à tous noz autres justiciers, officiers et subjectz ou leurs lieutenans, presens et advenir, et chacun d'eulx en droict soy et si comme à lui appartiendra, que de nos presentes permissions ilz facent, souffrent et laissent led. sr de Boischollet, ses hoirs et successeurs seigneurs dud. l'Hebergement enthier, joyr et user plainement et paisiblement, en faisant crier et publier lesd. foires en lieulx et ainsy qu'il est accoustumé en tel cas, et joyr leds marchans frequentans lesd. foires desd. privilleiges, franchises et lybertez ainsy que dessus est dict, sans en ce lieu faire, mectre ou donner ne souffrir estre faict, mis ou donné aucun arrest, trouble, destourbier ou empeschement, au contraire, lequel si faict, mis ou donné luy avoit esté ou estoit, le mettent ou facent mestre incontinant et sans delay à pleyne et entiere delivrance et au premier estat et deu ; car tel est nostre plaisir. Et affin que ce soit chose ferme et stable à tousjours, nous avons ausd. presentes faict mestre scel, sauf en austres choses nostre droict et l'aultruy en toutes. Donné à Collonges lez Reaulx, au moys de décembre l'an de grace mil cinq cens soixante-neuf, et de nostre reigne le neufviesme.
Par le roy, de Laubespine."[46]
(Titre original muni du sceau, communiqué par la famille Savin)
Les foires de l'Herbergement existent encore et sont très importantes ; elles sont même la principale ressource de cette petite localité. Elles avaient lieu jadis le premier mercredi de chaque mois. La Révolution, afin de rompre complètement avec passé, essaya de changer cette date, mais cette innovation ne pouvait prendre dans un pays comme ce coin du Bocage, et on n'en continua pas moins à revenir le premier mercredi. Il en est encore de même aujourd'hui.
Quant aux traites foraines, voici ce que nous trouvons dans un passage de l'Itinéraire de Bretagne, en 1636[47].
"Ces années passées, il y avait à Montaigu un bureau establi des commis, des fermiers, des traites foraines. Les traites foraines sont celles dont les devoirs se payent en Poitou et en Anjou, sur les confins de Bretagne et les traites domaniales se paient en Bretagne avant d'en sortir.
Les commis des traites foraines furent chassés de Montaigu par une querelle et escarmouche qu'ils eurent avec ceux du prochain village de Saint-Hilaire (de Loulay) qui en tuèrent et blessèrent beaucoup. Ils se sont donc contentés de se tenir à l'Hébergement, vulgo l'Abrégement-Enthier, une lieu de Montaigu vers mer et à la Bruffière de l'autre côté de Montaigu vers terre ; item à Torfou, encore une lieue plus outre, tournant en Anjou ou est Torfou ; et enfin à Tuillières (Tilliers) aussy en Anjou. Ils font de grandes exactions et concussions horribles (p. 170)."
L'éditeur de cet ouvrage donne ensuite en note quelques détails sur la nature de ces traites foraines :
"La traite foraine, dit-il, se percevait sur toute marchandise ; la traite domaniale était une augmentation d'impôt sur le blé, le vin, la toile et le pastel. Toutefois ces expressions ont pu recevoir une autre signification. La traite foraine est l'imposition ou aide levée sur les marchandises qui entrent dans le royaume ou dans une province ou qui en sortent. Voir Glossaire du Droit français, par Eusèbe de Laurière."
Voici quelques noms des receveurs de traites foraines.
En 1672, nous trouvons celui de François Billet. Puis, au XVIIIe siècle, quelques membres de la famille Thomas jouissent dune certaine notoriété dans cette charge. Sur une pierre tombale que l'on voit devant la maison de M. Coumailleau on relève l'inscription suivante copiée par M. le docteur Mignen, de Montaigu :
"Cy git Damoiselle Thomas, veuve de noble Jacques Thomas, conseiller du Roy, receveur des trettes, décédé le X octobre 1772. Priez Dieu pour Elle."
Jacques Thomas fut remplacé dans sa charge par son fils Charles, noble homme et sieur de la Blanchardière, qui épousa Françoise Fradet, et qui, devenu veuf, se remaria avec Jeanne Cailleteau, fille de Joseph, sieur du Marchais, et de Jeanne Clériceau. Ce dernier mariage fut célébré dans l'église de Notre-Dame de Rocheservière, le 19 février 1743, et signé par Messire Joseph de Goué, Magdeleine de la Fontenelle, son épouse, Messire de Goullard, du Retail, etc.
Thomas de la Blanchardière eut plusieurs enfants qui naquirent à l'Herbergement ; il est qualifié dans des actes de conseiller du roi, titre que nous trouvons également donné à son père.
Administration municipale. —
Sur ce dernier point, nos renseignements sont encore plus rares.
On sait que la paroisse qui a été remplacée au civil par la commune, était jadis la première unité de division de la France, qu'elle avait pour représenter ses intérêts la fabrique s'occupant plus spécialement des biens ecclésiastiques, et l'assemblée générale des habitants, comprenant les principaux habitants de la paroisse qui délibéraient sur tous les besoins communs, écoles, œuvres de bienfaisance, nomination de collecteurs d'impôt, etc. A la tête de cette assemblée générale était placé le syndic, ou procureur-syndic de la paroisse, qui avait à peu près les mêmes attributions que celles de nos maires actuels.
Les registres paroissiaux de l'Herbergement nous conservent seulement le nom de Mathurin Chapleau, comme exerçant les fonctions de syndic de 1778 à 1779.
Quand Louis XVI ordonna la réunion des Etats Généraux en 1789, chaque paroisse fut chargée de rédiger des "cahiers", dans lesquels elle consignait ses réclamations devant être transmises à la capitale de la province par l’intermédiaire des députés élus par eux qui, à leur tour, seraient chargés d’élire les députés aux Etats-Généraux.
Les habitants de l'Herbergement tinrent leur séance le 6 mars 1789 et y rédigèrent leurs cahiers — malheureusement perdus — et élirent deux députés pour les représenter à l'assemblée provinciale. Leur choix tomba sur Jacques Debien et Pierre Fonteneau, mais celui-ci ne put se rendre à Poitiers, "absent pour cause de maladie", dit le procès-verbal de l'assemblée générale (N° 244)[48].
Nous arrivons à la Révolution. Durant cette période agitée, la commune de l'Herbergement fit partie du district de Montaigu, puis, en l'an III, du canton des Brouzils, avec Saint-Sulpice-le-Verdon, la Copechagnière et Saint-Denis-la- Chevasse.
Au milieu du soulèvement de la Vendée, l'Herbergement embrassa la cause du roi et de la religion. Il y eut cependant un petit clan de patriotes qui essayèrent de défendre les idées nouvelles mais le nombre en fut très restreint[49].
Jusqu'en 1795, l'administration municipale proprement dite n'exista pas. Toutefois, l'administration départementale, tâchant de s'en tirer comme elle pouvait, au milieu des troubles de cette époque, nomma partout un agent national qui remplaçait le procureur syndic de l'ancien régime et qui avait les mêmes fonctions avec la tenue des registres de l'état civil en plus.
Le premier agent national de l'Herbergement fut son ancien syndic :
— Mathurin Chapleau. Nommé en 1793, il exerça cet emploi, autant que le permettaient les événements, jusqu'en brumaire an IV (octobre 1796). Nous avons donné plus haut divers détails sur ce personnage, nous n'y reviendrons pas. Qu'il nous suffise de dire que le fait le plus saillant de son administration qu'on ait conservé, c'est le recensement de sa commune le 7 mai 1795.
— Louis Baranger. Il exerça la charge d'agent national depuis brumaire an VI jusqu'à la fin de l'an VI. Nous n'avons rien trouvé de notable sur son compte.
— Hilléreau, agent national en l'an VII et en l'an VIII. C'est lui qui présida à la plantation de l'arbre de la Liberté, le 6 pluviôse an VII, dans la fête que nous avons racontée plus haut .
La loi du 28 pluviôse an VIII changea l'organisation départementale et communale. Ce sont encore les principes de cette loi qui régissent aujourd'hui la matière en question. L'agent national a changé de nom, il s'appelle maintenant le maire.
Depuis cette époque l'Herbergement a fait partie du canton de Rocheservière. Voici la liste des maires qui ont succédé aux agents nationaux :
— Pierre Echasseriau, le même qui avait joué un si vilain rôle contre ses concitoyens pendant la Révolution comme "guide des armées républicaines". Il fut maire de 1800 à 1804.
— Antoine Moreau, 1804-1808.
— Pierre Echasseriau, 1808-1814. C'est à cette époque qu'une brigade de gendarmerie fut créée à l'Herbergement par une décision du 29 mars 1813. Elle a été transformée de brigade à cheval en brigade à pied depuis 1908.
— Jean Chapleau, maire, 1814-1815.
— Pierre Fresnier, maire, 1815-1820.
— Jean Chapleau, maire, 1820-1826.
— Jacques Quérion, maire 1826-1835.
— Jean Chapleau, maire, 1835-1843.
— Baptiste Hilléreau, maire, 1843-1866.
— Edmond Savin, maire, 1866 -1871.
— Eugène Hilléreau, maire, 1871-1874.
— Hippolyte Chapleau, maire, 1874-1904.
— Emile Girard, maire, 1904.
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NOTES COMPLÉMENTAIRES
Nous trouvons dans la notice de Jehan de la Chesnaye sur l'Herbergement (p. 34 et 35) deux aveux intéressants pour notre chronique.
"Le 28 avril (1740 environ), maître Robin Brusnellière, sieur de la Thébline, pour un corps de logis situé au bourg de l'Herbergement rendit un aveu à René Henry de Chevigné par lequel il reconnaissait "qu'il vous est deub par chacun an au dit terme de Noël, deux sols et un chapon de cens et devoir féodal et rendable à votre recepte le biain (corvée) d'une personne avec une fourche pour ayder conjoinctement avecque vous et autres teneurs qui y sont subjects, à rendre secq votre fouin de votre prée entienne[50]."
"Le 15 mai 1744, il reçut d'Elisabeth Guitter, veuve Jacques Douillard, un aveu pour les terres qu'elle détenait en son nom et en celui de ses enfants au tennement du Chaillou, paroisse des Brouzils, "sur tous lesquels tennements, disait l'aveu, je vous dois mon dit seigneur conjointement avec tous les autres teneurs dudit tennement par chacun an la rente noble féodalle et fontière de quatre chapons et cinq sols en argent au terme de Noël et rendable à votre recette du Bois-de-Chollet. Plus est deubs sur le dit lieu la rente foncière de trante deux boisseaux de bled seigle, mesure de Montaigu au chapelain de la chapelle des Testards, à la cure des Brouzils, deux boisseaux de bled seigle pour droit de boisselage requerable à Monsieur Millet quatre boisseaux de bled seigle, à la Chabotterie huit boisseaux, six boisseaux de seigle au sieur doyen de Montaigu, plus six boisseaux au sieur prieur de Saint-Jacques de Montaigu, à Monsieur du Tréhand quatre boisseaux, neuf boisseaux à la cure de l'Herbergement requérable, deux boisseaux à fabrice de l'Herbergement aussy requérable, au sieur doyen de Montaigu six boisseaux de froment, au sieur prieur de Saint-Jacques de Montaigu six boisseaux, seize boisseaux d'avoine à la maison de la Chabotterie, au dit sieur Millet cinq boisseaux d'avoine, au sieur du Tréhand cinq boisseaux, à Laurand Pichaud six boisseaux d'avoine, au sieur doyen de Montaigu quatre boisseaux, au sieur prieur de Saint-Jacques, quatre boisseaux d'avoine le tout mesure de Montaigu et payable au terme de my aoust, plus en argent deux livres à la chapelle des Testards, plus à la seigneurie de la Parnière, savoir cinquante sols pour les biens et quatre sols six deniers d'autre le tout à cause de la grande Cour de Montaigu, plus au prieuré des Brouzils cinq sols, plus à la cure de l'Herbergement trois sols, plus à Laurand Pichaud quatre sols, plus à la maison de la Chabotterie quatre sols, plus à notre Recette du Bois-de-Chollet dix sols payable, l'argent à Noël[51]."
En 1773, le 16 novembre, René-Henry de Chevigné reçut des frères Fonteneau Laurent et André des déclarations dont nous extrayons les passages suivants :
Fief du Bois Chollet, village de la Boisselière Onze sols de cens et devoirs nobles. "Plus vous avez droict mon dit seigneur de faire prendre et couper fournille pour l'usage de votre four banal de l'Herbergement par tout celluy dit tennement la réserve de l'épine blanche qui est l'ébaupine : plus sont les couchants et levants du dit village et tennement tenus de faire moudre leurs blés et grains à voire moullin au désir de sa coutume. Et sont encore les dits couchants et levants tenus à trois bians d'hommes par chaique feu à votre semonce chacun an."
Sur le même fief il est dû chaque année à Noël cinq sols à la cure de l'Herbergement et dix sols au prieuré de Saint-Jacques de Montaigu.
Fief du Pressoüer alias Goyère. André Fonteneau qui jouissait en ce lieu d'une pièce dite le Grand Cormier devait pour cette raison quatre deniers au terme de Noël au seigneur du Bois-de-Chollet.
Tennement du Guibondelière. Laurent Fonteneau devait sur ce tennement au seigneur du Bois-Chollet soixante-huit boisseaux de seigle et huit boisseaux d'avoine, à l'Aumônerie de Montaigu un boisseau de seigle et cinq sols en argent, à la cure des Brouzils trois boisseaux de seigle et deux de froment, à la cour de Montaigu quinze sols, à la seigneurie de la Lourie (en Vieillevigne) cinq sols, à celle de la Roche (en Saint-André-13-Voies) deux sols six deniers, et à la seigneurie des Boutières (en Mormaison) vingt sols.
Tennement du Cerizier. Laurent Fonteneau devait au seigneur du Bois-Chollet seize sols de rente noble et féodalle et foncière, plus deux sols six deniers de rentes simples foncières, aux héritiers de Mr de la Michelière quarante-huit boisseaux de seigle et trente deux d'avoine, et à la cour de Montaigu trois sols quatre deniers.
Tennement de la Gaudinière. Laurent Fonteneau devait au seigneur du Bois-Chollet trois chapons, vingt-huit boisseaux de seigle aux Messieurs de Goué de la Chabotterie, trois sols à la seigneurie de Montaigu et deux boisseaux de seigle à la cure des Brouzils.
Tennement du Chaillou. André Fonteneau devait au seigneur du Bois-Chollet cinq sols et quatre chapons, plus trente-deux boisseaux de seigle au chapelain des Testards (Montaigu), deux boisseaux de seigle à la cure des Brouzils pour droit de boisselage, quatre boisseaux au sieur Millet, huit boisseaux de seigle à la Chabotterie, six boisseaux au sieur prieur de Saint-Jacques à Montaigu, quatre boisseaux au sieur du Tréhand (Hallay), neuf boisseaux à la cure de l'Herbergement et deux boisseaux de seigle à la fabrique du même lieu, un boisseau de froment au sieur prieur de Saint-Jacques de Montaigu, seize boisseaux d'avoine à la Chabotterie, quatre boisseaux au sieur doyen de Montaigu, deux livres à la chapellenie des Testards, cinquante-quatre sols six deniers à la seigneurie de la Parnière (Chauché), cinq sols au prieuré des Brouzils, cinq sols à la cure de l'Herbergement, quatre sols à la Chabotterie, dix sols au Bois Chollet et diverses autres rentes à des particuliers[52].
Pour toutes leur terres, dit l'auteur déjà cité, les frères Fonteneau reconnaissaient que "vous sont dubs (au seigneur du Bois-de-Chollet) les cens, rentes nobles féodaux fontière sollidaires indivisible et rendable à la recepte de vos devoirs cy-devant expliqué ; reconnaissons en outre que vous avez sur toutes les dites choses droit de percevoir Lods et ventes qu'en le cas y advient, fief juridiction moyenne et basse fontière et tout autres droits conneus esmoluments de fief appartenant par la coutume de cette province à seigneur bail fontier.
La famille Fonteneau, continue le même auteur, qui possédait un avoir immobilier de plus 20 000 livres, somme considérable pour l'époque, semble avoir été par sa fortune une des premières de l'Herbergement."
Jean Fonteneau, qui était collecteur de tailles, fut accusé avec plusieurs de ses consorts d'indélicatesse dans la confection de ses rôles pour l'année 1750. Un mémoire fut rédigé contre lui par René Graslpois et Pierre Bouteau de la paroisse des Brouzils et adressé à Messieurs les présidant, lieutenant, conseillers du Roy et élus en l'élection de Châtillon-sur Sèvre.
Les rédacteurs de ce mémoire alléguaient que, malgré une diminution de 150 livres accordée aux habitants des Brouzils, leurs impôts avaient cependant augmenté de 30 livres. En conséquence, ils demandaient que les collecteurs de tailles fussent contraints de rembourser la somme de 15 livres dont ils s'étaient servis à diminuer leurs propres impositions.
"Jean Fonteneau, est-il dit dans le mémoire en question, estoit taxé l'année dernière mil sept cent cinquante huit, conjointement avec André Fonteneau son frère à la métairie de la Guibondelière à une somme de cent trente huict livres dix sols et l'année précédente le dit Jean Fonteneau a divisé leur taux et il en a prix soixante-dix livres et en a donné audit André son frère quarante-quatre livres, lesquels deux taux avec les exploits pour raison desquels ils sont taxés ne se montent qu'à cent trente-deux livres ce qui fait qu'il y a six livres dix sols de diminution de l'année dernière sur laquelle somme les dits cinq deniers et le quart d'un denier sur le montant de l'imposition de mil sept cent cinquante-huit revenant à deux livres dix sols neuf deniers, la ditte somme de six livres dix sols se trouve réduitte à celle de trente livres douze sols trois deniers de laquelle ledit Jean Fonteneau a abusé tant dans son taux que dans celluy dudit André Fonteneau, son frère, cy 3 L. 12 s. 3 d.[53]"
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Terminons ce travail par une courte bibliographie de l'Herbergement.
Les ouvrages précédemment parus sur l'histoire de cette localité sont :
1° Revue des provinces de l'Ouest, 1858, quatrième livraison, p. 133 et suiv. "Notice sur le bourg de l'Herbergement-Entier", par Dugast-Matifeux.
2° Echos du Bocage vendéen, 1885, numéros 4 et 5. Reproduction du même article, par Dugast-Matifeux, avec de légères modifications.
3° Revue du Bas-Poitou, années 1903, 1904 et 1905, "L'Herbergement-Enthier et la seigneurie du Bois de Chollet", par Jehan de la Chesnaye. Tirage à part de 64 pages, en 1905. (Imp. Lafolye Vannes).
Les articles de M. Dugast-Matifeux apportent un appoint sérieux à l'étude archéologique de l'Herbergement. L'opuscule de J. de la Chesnaye (M. Poiraud alors instituteur adjoint à l'Herbergernent et aujourd'hui à Soullans) est précieux parce qu'il nous fait connaître plusieurs documents inédits. On doit cependant reprocher à l'auteur son plan très diffus et son peu de compétence généalogique qui lui a fait confondre différentes branches de la maison de Chevigné, dont une seule, celle du Bois-Chollet, intéresse l'histoire de l'Herbergement.
Malgré ces publications, nous croyons que les rectifications et les nombreuses notes apportées par M. de Goué de la Chabotterie ont fait de la présente chronique paroissiale un travail nouveau, utile à tous les amateurs de notre histoire locale trop souvent ignorée.
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Notes et références
[1] Voici encore un tableau envoyé par le président de l'administration du canton des Brouzils à l'administration centrale du département de la Vendée, le 25 fructidor an V.

[2] Branches de bois-taillis ou têtards, mis en lignes pour le fagotage, aussitôt après qu'elles ont été abattues ou émondées.
[3] Etat signé par G. de Goué, maire de Saint-Sulpice-le Verdon.
[4] M. Dugast-Matifeux était vraiment bien à court quand il écrivait les lignes suivantes : "La dénomination de Bois-Chollet provient, sans aucun doute, d'un lieu boisé qui fut essarté pour y cultiver des choux, à l'usage de l'Hébergement, par un très ancien seigneur du fief, grand amateur de ce légume, dont il dut recevoir le nom. Autant en dirons-nous de la ville de Cholet, en Anjou, qui vient de même du latin cauletum, lieu planté de choux, comme l'observe justement Gilles Ménage, dans la deuxième partie de son Histoire de Sablé, p.86. Ainsi, quand, discourant de l'espèce bovine, on parle de la race choletaise, si renommée sur les marchés pour le travail et la boucherie, c'est comme si l'on disait la race mangeuse de choux."
[5] Par Dubuisson-Aubenay (Archives de Bretagne, tome X, 1902).
[6] Citation donnée par Dugast-Matifeux ( Échos du Bocage vendéen, n° V, p. 139)
[7] Ou avage : c'était un droit sur les denrées, principalement sur les grains vendus aux foires et marchés.
[8] Cette liste a été établie d'après le manuscrit 204 de la Collection Dugast-Matifeux de la Bibliothèque municipale de Nantes, le Dictionnaire Beauchet-Filleau, les manuscrits de dom Fonteneau (39 p. 28), les Archives de la Chabotterie, les registres paroissiaux, etc.
[9] De Chollet porte : burelé argent et azur à la croix de gueules alaisée.
[10] On voit par là que le fief principal de la famille des Bouschaux était venu dans la maison de Chollet.
[11] Bibl. mun. de Nantes, Coll. Dugast-Matifeux, 173.
[12] De la Boucherie porte : d'azur au cerf passant d'or.
[13] De Chevigné porte : de gueules à quatre fusées d'or posées en fasce, accompagnées de huit besants de même.
[14] On montre encore à la Sicaudais, avec son vieil ameublement, dit-on, celle qui fut occupée par Henri IV.
[15] Par suite de l'alliance d'un de leurs membres avec une Thomasset, les Chevigné de la Grassière devinrent propriétaires avec les de Goué d'un certain nombre de fermes, telles que la Boucherie, la Bedoutière, la Pichetière, etc. Mais ces fermes n'ont aucun rapport avec les propriétés du Bois-Chollet. Jehan de la Chesnay a donc fait confusion sur ce point (p. 58 et 59).
[16] Cité par Jehan de la Chesnaye, pp. 19 et 20. — Bibl. mun. de Nantes. Coll. Dugast-Matifeux, Ms 171.
[17] Arch. adm. de la Guerre.
[18] Comment cette métairie se trouvait-elle en la possession de Gabrielle de Chevigné ? Une chose certaine, c'est qu'elle appartenait aux de Goué avant la Révolution. Le 13 fructidor an VI, il en fut fait partage "entre la République aux droits des trois frères Charles, Louis et Gabriel Degoué (sic), émigrés, et les citoyennes Degoué présentes".
[19] M. l'abbé Rambault, chanoine du diocèse de Séez, a publié, en 1875, une biographie de ce prélat et, en même temps, sur son prédécesseur, Mgr du Plessis d'Argentré.
Il parait aussi qu'un érudit vendéen, M. l'abbé Charpentier, se propose de faire paraître un ouvrage plus considérable sur Mgr de Chevigné.
[20] L'Église romaine et le premier Empire, T.IV.
[21] Liste dressée d'après les notes du cabinet de M. de Goué à la Chabotterie, extraites principalement du Ms. 204 de la Collection Dugast-Matifeux, à la Bibliothèque municipale de Nantes.
[22] De Barro porte : d'azur à trois spectres d'or posés en barre et une barre de gueules brochant sur le tout.
[23] Bibl. Nat à Paris, Ms. fr. 24160,40.
[24] De Vandel porte : de gueules à trois mains dextres appaumées d'argent.
[25] Etendue ensemencée avec un setier de grain.
[26] Terres non cultivées. Aujourd'hui encore dans la campagne on dit dégâter pour défricher, lorsqu'on cultive une terre inculte depuis longtemps.
[27] Cité par Jehan de la Chesnaye dans sa notice sur l'Herbergement, p. 23 et 24.
[28] Notes de M. des Nouhes de la Cacaudiere.
[29] Nous avons vu pourtant que la Maulionnière, au moins en partie, appartenait aux des Bouschaux du Bois de l'Herbergement.
[30] Du Chaffault porte : de sinople au lion d'or armé, lampassé et couronné de gueules.
[31] Certes ou sertes, mot dont la signification n'est pas très connu. D'après les uns, il désignerait le devoir féodal ; d'après d'autres, ce serait le temps de service d'un valet ou d'un apprenti. (Voir Jehan de la Chesnaye, p. 28).
[32] Il se pourrait aussi que ce fût parce que le curé de l'Herbergement, prêtre jureur, aurait empêché l'entrée de l'église paroissiale, ce que nous n'avons pu contrôler.
[33] Françoise Guinebaud, mère de Guyonne de la Boucherie, portait : de gueules à 3 roses d' argent.
Des importants personnages mentionnés sur cette pierre descendent en ligne directe féminine de plusieurs familles nobles de la contrée et en particulier celle de l'auteur de ces notes.
[34] Ce qui suit parait avoir subi une rature.Voici le texte raturé : "describere per minuta oblationes quœ offerentur diebus dominicis".
[35] Bibl. mun. de Nantes, Coll. Dugast-Matifeux, 172.
[36] Arch. de la Chabotterie au château du Petit-Thouars.
[37] Papiers Amiaud de l'Herbergement.
[38] La liste des curés jusqu'à la Révolution est extraite des registres au greffe du tribunal civil de la Roche-sur-Yon.
[39] Ins. eccl. 10e reg. 1736-41, n° 407, 495, 498.
[40] Echos du Bocage Vendéen, Dugast-Matifeux, p. 141.
[41] Les deux rentes ci-dessus forent amorties plus tard. La première le fut en 1877 par la famille Savin, dont l'un des membres, M. Edmond Savin, était propriétaire du Bois-Chollet. Un capital de 6000 francs fut versé à la commune et converti en rentes sur l'Etat. La rente Fresgnier fut amortie en 1854 par M. Rodier, docteur en médecine, résidant à Marans.
[42] Cette pièce malheureusement ne porte aucune signature ni date, si ce n'est celle contenue dans le corps de la requête, mais un acte du 28 juin 1740, signé Berriau, notaire royal est d'une écriture absolument authentique.
[43] Pour avoir droit aux privilèges attachés à la qualité d'ancien breton, c'est-à-dire habitant les Marches communes, de Bretagne et de Poitou, certains propriétaires faisaient inscrire leurs biens de Poitou aux rôles de Bretagne et souvent ils ne possédaient en cette dernière province qu'un morceau de jardin. C'est ce que veut dire la requête ci-dessus dont la clarté n'est pas le principal mérite.
[44] Droit du seigneur sur chaque feu, d'après Ducange.
"Le fouage, dit M. de Goué de la Chabotterie, est le nom sous lequel on désignait en Bretagne et dans les pays de marches, la taille des rois de France, c'est-à-dire l'impôt normal sous l'ancien régime et perçu seulement sur les roturiers. Ce mot de fouage venait de ce que la répartition de cet impôt était faite par feu, principalement en Bretagne. Le montant de quatre contributions directes et des patentes pour la commune de l'Herbergement atteint pour 1909 la somme de 7954 fr. 79 taxes accessoires et prestations non comprises, chiffre relativement restreint, la commune, grâce à ses foires ne percevant presque pas de centimes additionnels.
Il est bien douteux que le nouvel impôt fiscal en préparation dégrève les habitants de l'Herbergement des impôts déjà si si lourds qui pèsent sur eux."
[45] Papiers de Mme Echasserieau.
[46] Revue des Provinces de l'Ouest, 4e livraison, décembre 1858.
On remarquera que ce document est signé de Coulonges-les-Royaux. La Chronique du Langon, par Ant. Bernard (1841, p. 139), nous apprend, en effet, que le roi Charles IX, son frère duc d'Anjou, Mme Marguerite, leur sœur, et Mme Catherine de Médicis, leur mère, arrivèrent en ce lieu le jeudi avant Noël 1569, et qu'ils y séjournèrent jusqu'aux premiers jours de janvier.
[47] Itinéraire de la Bretagne en 1633, par Dubuisson-Aubenay in Archives de Bretagne, tome X, 1902.
[48] Archives nationales, Ba 68.
[49] Jehan de la Chesnaye se trompe en disant que l'Herbergement prit le parti de la Révolution. On en trouve des preuves contraires aux Archives de la Vendée, de la Chabotterie. etc... L'auteur se contredit d'ailleurs lui-même, en racontant que Chapleau, agent national de l'Herbergernent, fut obligé de se réfugier longtemps à Montaigu.
[50] Aveu à Haut et puissant seigneur Messire René-Henri de Chevigné, chevallier seigneur du Bois-de-Chollet, l'Herbergement-Entier, le fief Cantetiére, l'Esviaud et autres lieux.. (Archives de l'Hôpital de Montaigu, liasse B 17, communiqué par Mignen )
[51] Aveu à Messire Henry-René de Chevigné, chevalier seigneur du Bois-du-Chollet, l'Herbergement-Entier, Leviaud, le Pressouer, alias Goyer (Papiers de M. Amiaud).
[52] L'Hébergement-Enthier, par Jehan de la Chesnaye, p. 42 et suiv.
[53] L'Hébergement-Enthier, p. 45 et suiv.
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