la Mignardière
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"La Mignardière" est un village situé sur le chemin qui, partant du bourg du Poiré et passant près de "la Tirière" et de "la Piltière", conduisait ensuite à "Barrot", "la Moissandière", "la Micherie" et à "l’Audardière". La construction autour de 1920 d’une nouvelle route allant du bourg à "Barrot", à partir du "Plessis" et en passant par "les Grois", en a fait un simple chemin de promenade et a depuis rendu confidentiel l’accès à "la Mignardière".

"La Mignardière" aux limites des terres de l’ancien château du "Fief",
sur le plan cadastral de 1836, sur des vues aériennes vers 1950 et en 2022 (environ 1,5 x 1,5 km),
et ses toits vus de l’emplacement de son ancien moulin à vent, le 25 novembre 2025.
Les terres ont été remembrées dans les années 1980, l’hydrographie est indicative et de 2022.
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Un village de "bordiers", contigu aux terres de l’ex-château du "Fief"
L’élément le plus ancien de "la Mignardière" est la présence d’un souterrain localisé "dans le coteau", en sortant du village vers "Barrot"1.
Au XVIIIe siècle, elle était habitée par des familles Guérineau, Michaud et Remaud que l’on voit dans les années 1793-1795 apporter leur soutien matériel à l’administration locale de l’insurrection vendéenne à laquelle elles adhéraient. En témoigne une tradition orale rapportée un siècle après dans la Chronique paroissiale du Poiré :
"[...] enfin, mentionnons, pour mémoire, une vieille croix de bois, qui s'élevait autrefois à l'entrée de l'ancien chemin de Palluau. Une tradition rapporte que, pendant la Révolution, un nommé Michaud, de la Mignardière du Poiré, se trouvait au pied de cette croix, quand un jeune républicain, de la Chaize-le-Vicomte, vint à passer et l'insulta. Une rixe s'engagea entre eux qui se termina par la mort des deux combattants.
Les habitants du Poiré qui les trouvèrent morts, quelque temps après, enterrèrent côte à côte au pied de la croix, le vendéen et son insulteur.
Vers 1897 environ, en défonçant l'allée du jardin de la famille Caillé, appartenant aujourd'hui à M. Eugène Gendreau, contiguë à l'emplacement de la croix, on trouva effectivement les squelettes des deux hommes, l'un grand et l'autre de taille moyenne, et auprès d'eux, 7 sous à l'effigie de Louis XVI.
Cette découverte ne fit que confirmer la tradition que nous venons de rapporter."2
La généalogie des familles Michaud pourrait faire identifier ce "nommé Michaud, de la Mignardière" avec René Michaud né vers 1769, et dater l’événement dans la seconde moitié des années 1790, à une époque où la tenue des registres d’état civil dont le relevé des décès, était défaillante..
Si en 1797 on dénombrait 19 habitants de 12 ans et plus à "la Mignardière", quarante ans plus tard, en 1836, on y comptait au total 46 personnes qui y occupaient une dizaine de maisons et leurs annexes. Tous étaient des agriculteurs possesseurs de leurs exploitations qui avaient de 3 à 15 ha chacune3, et qui étaient constituées de nombreuses petites parcelles dispersées pour l’essentiel sur environ soixante hectares au sud-ouest du village. Cinq de ces agriculteurs étaient aussi "fariniers", c’est-à-dire meuniers, se partageant à parts inégales la propriété du "moulin à vent de la Mignardière". Celui-ci, situé à 350 mètres au sud-ouest, sera démoli en 1873 et à l’exception d’une pierre d’une meule insérée en haut du mur d’une maison, toutes les traces en subsistant ont disparu après 19904.

"La Mignardière" avec ses habitations (●) et leurs occupants d’alors sur le plan cadastral de 1836...
et sur une vue aérienne le 29 mars 2021 (environ : 200 x 140 m).
Le paysage a été marqué jusqu’au remembrement dans ces mêmes années 1980, par l’opposition existant entre les petites parcelles de "la Mignardière", et les grandes parcelles groupées des métairies du village voisin du "Fief" : un rappel de l’opposition entre la petite propriété caractéristique de la première, et la grande propriété spécifique du second5. Le filet d’eau qui borde "la Mignardière" à l’est, constituait la séparation avec les terres de l’ancien château du "Fief", dont dépendait le petit étang se trouvant là. Comme pour ce château, les origines de cet étang remontent au Moyen Age, de même que c’est le cas pour les autres châteaux et leur étang existant ou ayant existé au Poiré à "la Rételière", à "la Millière", à "Pont-de-Vie"6... Cet étang autrefois "du Fief", a été allongé à la fin du XXe siècle.

Contigu de "la Mignardière", l’étang annexe de l’ancien château voisin du "Fief",
avec sa chaussée et sa partie aval aux origines multiséculaires,
et sa partie amont qui occupe depuis la fin du XXe siècle l’ancien "pré de l’étang".
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De l’exode de ses habitants à la restauration de ses bâtiments
Le nombre d’habitants de "la Mignardière" est resté entre 30 et 40 de 1846 à 1906 où il était de 36. C’est de cette époque qu’on peut dater la plupart de ses bâtiments actuels, qui ont repris sur place ceux qui existaient antérieurement, n’y ajoutant que deux habitations nouvelles. Trente ans plus tard, son nombre d’habitants n’était plus que de 12 en 1931, et il était de 13 en 1968. Etre petit "propriétaire-exploitant" laissait peu de perspectives d’avenir pour les habitants du village : à cette dernière date et comme leurs ancêtres, ses trois agriculteurs possédaient eux aussi les terres qu’ils exploitaient, mais celles-ci ne s’étendaient que sur 9, 13, et 17 hectares qui ne leur permirent difficilement qu’une survie en solitaires7. Leurs exploitations disparurent avec leurs départs, l’âge de la retraite arrivant.
La fin de l’activité agricole a aussi été celle des familles qui s’étaient succédé de génération en génération à "la Mignardière". Comme dans bien d’autres villages le risque était grand de voir son patrimoine partir à l’abandon, et que ses bâtiments disparaissent. Cependant, ils furent réhabilités par des nouveaux venus au Poiré, qui en ont conservé leurs caractéristiques architecturales traditionnelles. Parmi ces nouveaux venus des familles anglaises successives, dont celle d’un "Stan Smith" s’y trouvant toujours, et y restant bien décidé à ne pas acquérir quelque élément que ce soit de la langue française.
En 2025 "la Mignardière" avait une vingtaine d’habitants et était considérée comme un village du Poiré aux restaurations exemplaires8.

En août 2025 à "la Mignardière", restaurées, quelques-unes des anciennes maisons
des Guérineau, Michaud, Gréaud, Remaud,
avec quelques-uns de leurs éléments architecturaux traditionnels9.
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De "la Mignardière" à l’Assemblée nationale
Le 2 juin 1946, Louis Michaud, était élu député de la Vendée à la 2e Assemblée Constituante convoquée pour rédiger un projet de Constitution pour la IVe République. Il sera réélu député jusqu'en 1967, assumant cette charge durant 21 ans.
Comme le montre ci-dessous la succession des générations, Louis Michaud, était issu d'une famille de "la Mignardière", la croix non datée s’élevant en avant du village et qui avait été restaurée alors, en témoignant.
François Michaud (v.1694-1758)
x Marie Petit (4 enfants).
׀
René Michaud ( ? - ? , farinier à la Mignardière)
x Jacquette Buton, d'où 4 enfants :
- René (v.1769-ap.1802),
- Jacques (1773-1824) qui suit,
- Jean (v.1777-ap.1829),
- Louis (v.1783- ? ).
׀
Jacques Michaud (1773-1824, farinier à la Mignardière)
x Jeanne Guillet (1776-1839).
׀
Jean Michaud (1805-1866, farinier à la Mignardière)
x Marie-Anne Blay (1796-1843).
׀
Jean-Baptiste Michaud (1833-1883, farinier au Pont)
x Aimée-Henriette Robin.
׀
Armand Michaud (1866-1947, charpentier à Puteaux)
x Marie-Thérèse Hartz (1875-1949).
׀
LOUIS MICHAUD (1912-1991, charpentier à Puteaux, et député)
x Marie-Marguerite Salladin (1905-1996),
d'où 4 enfants : Odile, Françoise, Bernard et Dominique.

La croix de "la Mignardière" (hauteur : 3 m)
avec son inscription "R. MICHAUD MONTASSIER...", le 9 février 2023.
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, la famille Michaud, quittant "la Mignardière", était venue s’établir dans "le quartier du Pont", à la sortie du centre-bourg du Poiré. Puis le futur père de Louis Michaud, Armand Michaud, ouvrier charpentier, partit dans la région parisienne, à Puteaux où il créa une entreprise dans laquelle Louis travaillera à partir de 1930. Mobilisé en 1939, celui-ci fut rendu à la vie civile par la défaite de 1940. Il s’impliqua alors dans la résistance, et en 1944 fit partie du Comité de libération de Puteaux. Ses engagements dans l’A.C.J.F. (Association catholique de la jeunesse française) le firent adhérer au M.R.P. parti politique constitué à la fin de l’année 1944. Ses parents étant venus finir leur vie au Poiré10, il les rejoignit et y devint conseiller municipal en octobre 1947.
Au niveau national, Louis Michaud, élu député de la Vendée en juin 1946, puis réélu en novembre 1946, en juin 1951, en janvier 1956, en novembre 1958, en novembre 1962, fut battu en mars 1967. Sa fonction de vice-président de la commission de la marine marchande et des pêches l’avait amené à se présenter aux élections municipales d’avril-mai 1953 à l’île d’Yeu. Il y fut élu maire et le resta jusqu’en 1974. Il fut aussi élu pour son canton, membre du Conseil général de la Vendée de 1954 à 1973.11

La signature de Louis Michaud, membre du Conseil municipal du Poiré,
dans ses délibérations du 12 décembre 1947 ;
et, à droite sur la photo,
Louis Michaud autour de 1960, près de la maquette du "Président Auguste Durand"
qui assura la liaison entre Fromentine et l’île d’Yeu entre 1961 et 1982.
Louis Michaud, qui était né le 8 octobre 1912 à Puteaux, mourut le 15 novembre 1991 à Suresnes (Hauts-de-Seine). Son souvenir s’est effacé au Poiré où il ne s’attache plus qu’à la croix érigée par ses ancêtres à "la Mignardière", et restauré par lui-même à la fin des années 1940.
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Notes, sources et références…
(sauf mentions contraires, illustrations et texte sont dus à M. Mignet)
1 Entretiens sur le souterrain de "la Mignardière" le 29 août 2025 avec Joseph Oliveau, né et ayant passé l’essentiel de sa vie dans le village.
2 Boutin (Hippolyte), Chronique paroissiale du Poiré, vers 1900, p. 22.
3 Cf. les plans, états de sections et liste des propriétaires du cadastre de 1836 du Poiré (Arch. dép. de la Vendée : 3 P 178-27, 3 P 178-36, 3 P 2039 à 2041).
4 Sur ce "moulin de la Mignardière", dans les Moulins du Poiré-sur-Vie (2012, inédit, 42 p.), Eugène-Marie Vincent indique que "quand il fut démoli en 1873, il appartenait à Jean Michaud" et que "en 1989, son emplacement était visible au sol, et on trouvait des restes de meulières". Ces restes disparurent alors avec le remembrement des terres. En 1836, la propriété de ce moulin et de son cerne était divisée en 18 parts réparties comme l’indiquent ci-dessous les états de sections du cadastre du Poiré...

5 Cette opposition dans les paysages entre les villages faits de petites exploitations en propriété familiale et ceux constitués de métairies dépendant de vastes propriétés, s’est maintenue jusque dans les années 1970. Ainsi sur les vues aériennes de 1950 pour les villages voisins de "la Mignardière", le maillage parcellaire autour de "la Moissandière" ou de "la Piltière", s’opposant à celui autour de "la Millère" ou des "Grois". Enfin, la distinction entre "métairie", exploitation tenue en métayage (ou en fermage), et "borderie" pour celles appartenant à leurs exploitants, n’est pas rigoureuse. Le terme de "borderie" (comme celui de "bordier") n’indique souvent qu’une exploitation de petite taille.
6 Si à "la Rételière", à "Pont-de-Vie", à "l’Eraudière", à "la Métairie" ou ici pour "le Fief", l’étang voisin du logis existe toujours, à "la Millière" seul un reste de chaussée en rappelle l’existence passée, et à "la Bouchère" c’est seulement le nom du "pré de l’étang".
7 Recensement Général de l'Agriculture (R.G.A.) de 1970 (Arch. dép. de la Vendée : 1185 W 103-104-105), les trois fermes de "la Mignardière" étant alors, suivant leurs tailles croissantes, celles de Fernand Rocher, de Joseph Oliveau (père) et de Claude Potier.
8 Outre celles citées dans le texte, les sources ayant été utilisées pour ces pages incluent des rencontres et entretiens en 2023 et 2025 avec différents habitants de "la Mignardière", dont avec Joseph Oliveau (fils), un de ses derniers agriculteurs.
9 Parmi ces éléments architecturaux : "les génoises", simples, doubles, triples... dont le nombre de rangs était un affichage de l’aisance du propriétaire de la maison concernée.
10 Armand Michaud et son épouse Marie-Thérèse Hartz, les parents de Louis Michaud, sont tous les deux morts au Poiré, lui le 22 juillet 1947, elle le 10 septembre 1949.
11 Henry (Jean-François), "Personnage de l'Histoire – Louis Michaud, député, maire, conseiller-général (1912- 1991)", in l’Écho de l'île d’Yeu, n°10, 8 juillet 2024.

A l'île d'Yeu, réunion du Conseil municipal autour de 1965
(photo Roger Turbé).
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