le Puy Chabot
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Une métairie face à la croissance démographique
Le village du "Puy Chabot" est situé sur un petit promontoire surplombant d’une trentaine de mètres le cours du "Ruth". Cela lui a valu le premier élément de son nom, que l’on voit aussi nommé autrefois "le Pé Chabot". Quant au second élément de son nom, il est parfois mis en rapport avec le blason ornant une des deux clés de voûte du chœur du début du XIIIe siècle de l’église du Poiré : "d'azur à 3 chabots d'argent posés 2, 1 et à 3 flèches de même, liées en éventail"1, le nom de familles "Chabot" se rencontrant dès 1040 en Bas-Poitou, mais sans que l’on sache de façon précise quand et comment il a pu avoir des liens avec le Poiré2. Il était constitué d’une unique ferme, jusqu’à ce que l’extension du bourg du Poiré, depuis le dernier quart du XXe siècle, colonise progressivement ses terres.
Le site du "Puy Chabot" et ses terres de 1799 :
- sur une vue aérienne des années 1950 (environ 1,3 x 1,1 km),
avec l’emplacement où se déroulèrent les moto-cross dans les années 1950 ;
- sur une carte en 1975 (environ 1,1 x 0,9 km).
et photo du site du "Puy Chabot", vu du nord-ouest durant l’été 2020-2021,
Blason attribué à la famille des "Chabot",
sur une des clés de voute du chœur de l’église Saint Pierre du Poiré
et pouvant être estimé dater du début des années 1200.
Avant la Révolution, "le Puy Chabot" faisait partie du domaine (de "l’amenage"…) du château de "Pont-de-Vie", ainsi que l’indique en 1564, l’acte de mariage de Charles d’Aulnis, "seigneur de Pont de Vie et du Puy Chabot", avec Renée de Montauzier, fille de Jean de Montauzier […]. Au fil des mariages et des successions, il passa aux Pierres, puis aux La Sayette. Alors que l’essentiel des biens de ces derniers étaient séquestrés puis vendus comme biens nationaux en 1799, au début des années 1800 "le Puy Chabot", qui ne l’avait pas été, fit retour à ses anciens propriétaires. Leurs descendants le vendirent en 1869 à la famille Caillé dont les héritiers le conservèrent jusqu'à la fin du XXe siècle3. Ce sont eux qui en firent alors reconstruire le bâtiment d’habitation et la grange-étable. Les piliers marquant aujourd’hui l’entrée de l’ancien "ruage" y ont été rapportés vers 1980, venant de "la Montparière".
Au cours du XVIIIe siècle, la métairie était tenue par les Guilbaud qui soutiendront plus tard les résistants vendéens4. Elle s’étendait alors sur environ 32 hectares d’un seul tenant. A une époque où le salaire d’un journalier était en moyenne de 1,25 livre (non nourri), le revenu qu’elle procurait à leur propriétaire était estimé à 600 livres par an, deux métairies pouvaient suffire alors pour mener une vie de rentier5. Leurs descendants, les Brianceau, prendront leur suite, puis successivement les Gauvrit, les Tenailleau, les Cougnaud, les Gauvrit, les Fournier… jusqu’aux Proteau qui, dans la dernière moitié du XXe siècle, en seront les derniers exploitants.
Le "Puy Chabot" et ses terres en 2019, devenus quartier du bourg du Poiré
(environ 1,3 x 1,1 km),
avec les piliers, rapportés de "la Montparière", en marquant l’entrée,
et la mare voisine, lieu d’observations écologiques pour les élèves du collège.
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Le collège du Puy Chabot
C’est en 1964 que l’Association d’éducation populaire (l’A.E.P.) du C.E.G. du Poiré-sur-Vie, a construit en bordure du chemin menant au "Puy Chabot" ce qui est aujourd’hui le "collège du Puy Chabot", afin d’y accueillir les élèves du Cours complémentaire d’Enseignement Général qui venait d’être créé quatre ans plus tôt6. Le financement en fut assuré par une souscription auprès des familles des sept communes du canton traditionnel du Poiré concernées par le collège, qui donnèrent à la mesure de leurs moyens. Le gros œuvre fut réalisé en cinq semaines par l’entreprise Buton-Minaud, et 180 élèves y faisaient leur rentrée en septembre 1965. Cette installation d’un C.E.G. à la campagne et son développement, y ont été une étape majeure dans la démocratisation de l’enseignement secondaire.
Cette installation d’un C.E.G. (dit bientôt "Collège") à la campagne et son développement, y ont été une étape majeure dans la démocratisation de l’enseignement secondaire8. Un demi-siècle plus tard ses anciens élèves se remémoraient avec un brin de nostalgie les temps forts des années qu’ils y avaient passées : semaines culturelles, expositions et activités théâtrales, voyages d’échanges et de découvertes, rencontres avec des artistes et des écrivains7… Des souvenirs contribuant à renforcer les image et réputation bien établies du "collège du Puy Chabot".
Le "collège du Puy Chabot" en 2021, avec dans l'espace d’entrée,
"les Trois aveugles", sculpture en acier Corten (ou acier intempérique) de Philippe Pateau7
( 2012 – hauteur : environ 2,30 mètres ).
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Des moto-cross pour financer les écoles
C’est sur les coteaux dits "du Maroc", près du "Puy Chabot", que se déroulèrent dans les années 1955-1956-1957 les moto-cross du Poiré, à une époque où le patronage "la Jeanne-d’Arc" était à la recherche de financements pour les écoles du Poiré8. Ils se firent en association avec le Moto-Club Yonnais qui eut à en gérer le côté sportif : réglementations administratives, inscriptions des concurrents, déroulement des courses…
Le patronage eut à sa charge la recherche d'un terrain adapté et disponible, le tracé et la mise en place de la piste, la publicité et l’information, et l’organisation de la journée : entrées et billetterie, surveillance du périmètre des courses, sécurité de la piste et des spectateurs, parcs voitures, restaurations diverses et buvettes, sollicitation de soutiens financiers auprès de 73 artisans et commerçants de la commune… En sus de ces derniers, plus de 120 bénévoles furent partie prenante, les noms des uns et des autres ayant été conservés.
L’organisation avait débuté en allant voir celle d’autres moto-cross de la région (Vairé, Saint-Fiacre, Sucé…)… et le lundi de Pâques 11 avril 1955 commença l’installation sur le terrain de la piste qui allait voir se dérouler le 24 avril suivant le premier moto-cross du Poiré.
Le lundi de Pâques 11 avril 1955, la préparation de la piste du 1er moto-cross
par les organisateurs de "la Jeanne-d’Arc" :
l’abbé Joseph Poissonnet, Emile Mignet, Alcide Pateau, Abel Bernard
(cf. aussi le journal "Ouest-France" du 25 avril 1955).
Le circuit de 1100 mètres du 2e moto-cross du Poiré du 15 avril 1956,
qui vit la victoire du champion de France : Georges Delpeyrat (1932-2010),
avec les cotes des altitudes relatives de la piste.
Les moto-cross furent un succès. Le 25 avril 1955, la presse régionale rapporta :
"Plus de 2000 personnes assistaient aux compétitions qui se sont déroulées dans une atmosphère de soleil et de poussière, fort heureusement compensée par un bar où on pouvait trouver les meilleures crus du coin".
Cette première édition d'avril 1955 fut suivie d’une seconde en avril 1956, puis d’une troisième en mai 1957.9
L'affiche du 1er moto-cross du 24 avril 1955 (32,3 x 52,2 cm)
et celle du 2e moto-cross du 15 avril 1956 (48,7 x 63,8 cm).
Ils furent cependant abandonnés, les recettes qui devaient être partagées avec le Moto-Club Yonnais, étant insuffisantes en regard des besoins financiers du patronage. Dès la fin d’été de 1957, puis en 1958 et en 1959, ils furent remplacés par des courses de stock-cars qui se déroulèrent sur un terrain proche de "l'Espérance", et qui furent d’un rapport a priori plus intéressant10.
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Une tentative pour créer une "ancienne tradition"
En juin 1983, l’UPCP (Union Pour la Culture Populaire en Poitou-Charentes-Vendée) de Vendée organisa des animations au Poiré, dans l’esprit de "retour à la terre" des années 1970 et 1980.
Certaines de ces animations ont eu lieu au "Puy-Chabot". L’affiche-programme ci-contre indique aussi la présence de "Ecllerzie", groupe de musiques traditionnelles actualisées, se revendiquant de la ruralité même s’il était basé à la Roche-sur-Yon. Il venait de sortir l’année précédente son premier album, dont la prise de son avait eu lieu à "la Jaunière" du Poiré.
C’est non loin de là qu’avait été découvert en 1979 ce qui servit de marqueur sur les affiches et tracts de ces journées : un quart de statère gaulois (1,94 g) dont "le revers est très librement inspiré du quadrige des monnaies de Philippe II de Macédoine", des monnaies utilisées alors en Gaule.10
Affiche-programme des animations de juin 1983,
timbrée de son quart de statère,
et la pochette du 1er album (en 1982) de "Ecllerzie",
un des groupes ayant participé à ces animations
( documentation : Eugène-Marie Vincent )
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Notes, sources et références...
(sauf mentions contraires, illustrations et texte sont dus à M. Mignet)
1 Boutin (Hippolyte), Chronique paroissiale du Poiré, 1900, p. 13.
2 Travaux de Guy de Raigniac (généalogie et archives seigneuriales), 1971-1987 (Arch. dép. de la Vendée : 8 J 1-111).
3 Fonds Pierre Parois, classeurs sur le Poiré (Arch. mun. de Saint-Philbert-de-Bouaine).
4 Cahier des réquisitions de l’armée catholique et royale dans la paroisse du Poiré (Méd. mun. de la Roche-sur-Yon : ms 019), extrait : réquisitions au "Puy Chabot" ; voir aussi de Lorvoire (Jean-Claude), "les Réquisitions de l’armée catholique et royale dans la paroisse du Poiré-sur-Vie", in Recherches vendéennes, n° 3, 1996, p. 257-299.
5 Selon les Estimations des biens nationaux du canton du Poiré (Arch. dép. de la Vendée : 1 Q 212), ce qui fit alors évaluer la valeur de la métairie du "Puy Chabot" à 12 000 livres. Sur les structures sociales rurales et structures agraires de la région, voir : Bossis (Philippe), "Le milieu paysan aux confins de l'Anjou, du Poitou et de la Bretagne (1771-1789) ", in Études rurales, n°47, 1972. p. 122 à 147.
6 L’histoire de ses débuts et de ses cinquante premières années ont été racontés dans : Collège du Puy Chabot, 50 ans – pense à la source quand tu bois, 2011, 96 p., 1 DVD.
7 Philippe Pateau de la Bobière, présente ainsi son œuvre : "[…] composée de quatre personnages qui se suivent en file indienne. La sculpture n’indique pas qui est aveugle, qui ne l’est pas : le guide peut être voyant ou malvoyant. […] qu'importe les apparences, nous avons simplement besoin d'un guide clairvoyant". Une œuvre pouvant renvoyer à "la Parabole des aveugles" de Brueghel (1568 - Musée Capodimonte, Naples), lequel se serait inspiré d’une phrase de l’Évangile de Luc (Lc 6.39).
8 Antérieurement à la création des collèges, tel celui du Puy Chabot, enseignements primaire et secondaire correspondaient à deux enseignements volontairement séparés. L’enseignement primaire était destiné à l’ensemble de la population. L’enseignement secondaire était réservé aux notables et, afin de maintenir cette séparation sociale, lors des lois scolaires de 1881-1882 il ne fut pas inclus par Jules Ferry dans la gratuité décrétée pour le primaire, et il resta payant jusqu’en 1933/1945 même s’il était public. Dans l’enseignement secondaire, les classes allaient de la 11e à la Terminale et, contrairement au primaire, on y enseignait le latin à partir de la 6e, ce qui constituait un marqueur social car cette matière étant exigée ensuite pour pouvoir accéder à l’enseignement universitaire quelle qu’en soit la branche. Dans l’enseignement primaire, les classes étaient le CP, les CE1 et CE2, puis les CM1 et CM2… aboutissant au "Certificat d’Etudes" qui, obtenu ou non, marquait la fin de la scolarité obligatoire. On pouvait cependant y continuer trois autres années d’études pour passer le "Brevet Elémentaire" (qui donnait droit à être instituteur) et même, exceptionnellement, après deux autres années supplémentaires, passer le "Brevet Primaire Supérieur". A l’exception de l’entrée en 6e, et sauf cas extrêmement rares, il n’existait pas de passerelles permettant de passer du primaire au secondaire et d’avoir ainsi par-là accès à l’enseignement supérieur, universitaire ou équivalant. Les deux enseignements et leurs programmes furent unifiés dans les années 1950-1960, le secondaire perdant ses "petites classes" (en dessous de la 6e) et le primaire s’arrêtant dès lors après le CM2.
9 Les informations et les renseignements sur ces moto-cross proviennent essentiellement des archives de leurs organisateurs, qui constituaient le bureau du patronage "la Jeanne-d’Arc" à ces dates. Dans celles-ci et parmi d’autres documents, la couverture du programme du 3e moto-cross du 5 mai 1957 :
10 A cette époque, où les écoles maternelles et primaires du Poiré scolarisaient plus de 500 élèves, l’école dite "laïque" n’en réunissait que 53, les autres fréquentant les écoles libres (selon la terminologie de Jules Ferry). Le financement de ces dernières était à la charge des parents d’élèves tant, comme aujourd’hui, pour les investissements immobiliers, que pour les coûts de fonctionnement, salaires des enseignants inclusivement, les gouvernements français d’alors, contrairement à ceux des pays voisins, ayant des réticences pour ce qui était de l’observation des articles 18 et 26 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, ou de l’article 18 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme de 1953.
11 Entretiens en 2021 avec Eugène-Marie Vincent, qui participa à l’organisation de ces journées d’animations de juin 1983, et aussi l’inventeur (le découvreur) de cette monnaie gauloise, qu’il a déposée ensuite en prêt à l’Historial de la Vendée. Pour cette pièce, voir l’article sur "le monnayage celtique [en Vendée]" de Bertrand Poissonnier, in 150 ans de découvertes archéologiques en Vendée, 1990, p. 124-127 dans lequel celui-ci la décrit et la dit pouvant être "attribuable au IIe siècle avant notre ère".
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