la Mélanière
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Un village confronté aux voies routières et ferroviaires, et à la rurbanisation
"La Mélanière" est située sur la limite du Poiré et de la commune voisine de Mouilleron. Absente en 1770 sur la carte de Cassini, elle pourrait y correspondre au village, aujourd’hui inexistant, de "la Pierre blanche". Au début du XIXe siècle, c’était une seule métairie d’environ 20 ha, aux parcelles regroupées, et faisant partie de l’amenage du château voisin de "l’Éraudière"1, sur la commune de Dompierre. En 1900, elle fut divisée en deux métairies de 10 ha chacune, et des bâtiments furent édifiés pour la seconde exploitation le long de la route allant du "moulin des Oranges" à "la Ribotière".
"La Mélanière", aux limites (en blanc) du Poiré et de Mouilleron,
sur une vue aérienne en 2014 (environ 740 x 675 m).
La voie ferrée Nantes-Bordeaux de 1866
et, en jaune, la voie métrique joignant de 1901 à 1939 la Roche à Legé,
avec, vers 2000, trois vues des petits bâtiments de son ancienne gare de Mouilleron-Dompierre.
Entourées en violet : la métairie de "la Mélanière" sur le cadastre de 1836 du Poiré.
Les terres de "la Mélanière" étaient proches de la grande route de la Roche à Nantes ouverte en 1811. Elles furent coupées et réduites en 1866 quand celle-ci fut doublée par la ligne ferroviaire qui la doubla, pour continuer ensuite jusqu’à Bordeaux. Elles furent de nouveau amputées en 1901 par la construction de la ligne à voie métrique allant de la Roche à Legé et traversant la commune du Poiré sur environ 16 kilomètres2. Longeant la voie ferrée précédente jusqu’avant le passage à niveau de la route menant à "la Ribotière", cette nouvelle voie ferrée faisait ensuite une courbe pour rejoindre et suivre la route conduisant au Poiré par les villages de "Bellenoue" et du "Bouchaud". A la sortie de cette courbe se situait une minuscule gare, qui fut nommée de "Mouilleron-Dompierre", composée pour les voyageurs d’un abri ouvert sur la voie avec un guichet donnant sur une pièce attenante, et d’une annexe pour les marchandises et le matériel ferroviaire. Le chef de gare occupait une maison le long de la route voisine. Ces locaux existaient toujours en 2017, englobés dans des constructions nouvelles3.
Pour l’essentiel, les terres de "la Mélanière" ont été rurbanisées entre 2010 et 2017.
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Du "moulin des Oranges" à sa minoterie disparue
La route menant de "la Mélanière" au Poiré est bordée sur son côté gauche par la commune de Mouilleron. S’y trouve le village du "moulin des Oranges", dont le nom a tendance à s’étendre aux lotissements proches créés sur les terres de "la Mélanière". Ce moulin avait été construit en 1839, par Baptiste Boulineau (né en 1814 et fils d’un meunier de "la Gillonnière" de Mouilleron)1. Il est resté dans cette même famille jusqu’à sa démolition, en 19564.
"Le moulin des Oranges" (désormais disparu), à gauche en 1939 et en bas en 1956 ;
avec la pierre gravée de sa date de construction,
et son souvenir sur le mur de la grange-étable qui lui a succédé.
Sur ces deux photos anciennes, la différence de crépi laisse voir l’exhaussement du moulin.
La première, de 1939, montre les ailes Berton repliées et leur mécanisme de règlage.
Sur la seconde, de 1956, la poulie au-dessus de la porte indique l’utilisation d’un moteur par la suite ;
et on y voit son propriétaire, Raphaël Touzeau (1922-2001) en commençant la démolition ;
sur la gauche : le pailler de la ferme qui était devenue la seule activité de son ancien meunier4.
A la fin du XIXe siècle, le moulin avait été surélevé de deux niveaux et équipé d’un nouveau système d’ailes (des "ailes Berton", du nom de leur inventeur) qui rendait le travail du meunier plus sûr et plus facile, et qui en améliorait le rendement. Ce mécanisme, formé de planches coulissant latéralement les unes sur les autres, offrait une surface variable au vent et pouvait être réglé de l’intérieur du moulin5. Les meuniers tentèrent continument de prolonger l’activité de leur moulin, y compris les jours sans vent. D’abord en installant un moteur relié à la mécanique des meules par un système de courroies et de poulies6. Puis un peu plus tard et un peu plus loin le long de la même route, en créant une minoterie uniquement motorisée, qui a fonctionné jusque vers 19507.
En 2017, il restait de cette dernière son bâtiment carré de deux étages couvert d’ardoises, et la maison de son minotier. Quant au "moulin des Oranges" proprement dit, ses pierres avaient servi pour édifier sur son emplacement une grange où, jusque dans les années 1980, on venait battre les mogettes. La pierre scellée sur l’ancien moulin en 1839, et portant gravée cette date, se trouve désormais sur la façade de cette grange.
A gauche, l’ancienne demeure du minotier du "moulin des Oranges",
Au centre sa minoterie avec, en haut de la façade,
la statue du Sacré-Cœur consacrant son activité.
Le 24 mai 1939 dans l’Ouest Eclair, le journaliste Joseph Bonnenfant8 avait consacré un article aux cent ans du "moulin des Oranges" :
"Le Moulin des Oranges, situé au lieu dit la Ribotière, à l'angle des routes de Mouilleron-le-Captif et du Poiré, est l'un des plus beaux et des mieux conservés de la région. Construit sur un tertre élevé, il a trois étages et une cave. Ses murs ont 1m 20 d'épaisseur et bien qu'il ne tourne plus depuis 7 ou 8 ans, il a conservé ses ailes intactes. Ce moulin appartient à Mme Boulineau. il vient d'avoir cent ans.
Au-dessus de la porte d'entrée, sur une belle pierre de granit, on peut lire en effet la date de sa construction : 1839.
D'après ce que nous ont raconté les voisins, un enfant ayant été accroché par les ailes qui touchaient presque terre, fut grièvement blessé. On décida de surélever la toiture. Pour ce faire on se servit de crics et on parvint ainsi à construire un étage supplémentaire, sans enlever le chapeau.
— Mais pourquoi, demandons-nous, l'a-t-on appelé le Moulin des Oranges ?
— Tout simplement parce qu'autrefois, de chaque côté de la porte d'entrée, il y avait deux petits orangers plantés dans des caisses emplies de terre.
Ayant dépassé le cap de la centaine, le vieux moulin, malgré sa robustesse, vivra-t-il encore longtemps ? Etre désormais inutile... il semble prendre le ciel à témoin du chômage forcé auquel il est condamné, et le supplier de le prendre en pitié !"7.
A gauche, le moulin vu de la route de Mouilleron, et à droite, la porte d'entrée
au-dessus de laquelle, gravée dans le granit, la date de 1839 ( Ouest Eclair, 24 mai 1839 ).
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1855, un projet de fabrique de noir animal
L’isolement de "la Mélanière" lui valut en 1855 d’être choisi pour un projet d’implantation d’une "usine d’engrais". M. Sicot, tanneur yonnais, avait acquis une parcelle proche du village et avait demandé l’autorisation d’y installer une fabrique de noir animal, à partir de la carbonisation d’os d’animaux. Cette opération se réalisait à l’abri de l’air, suivant un principe similaire à celui de la fabrication du charbon de bois, et elle était considérée comme une source de nuisances pour le voisinage. C’est pour cette raison qu’elle devait être située loin de lieux habités et respecter des normes sanitaires strictes. Après enquêtes, les autorisations lui furent données sous conditions de confinement, mais des réclamations ultérieures mirent fin à ce projet avant qu’il eût réellement démarré9.
Le plan joint à la demande d’autorisation de création d’une usine d’engrais,
déposée en 1855 par M. Sicot
(A : usine ; B : habitation ; C : servitudes).
Pour des raisons de nuisances, il fut exigé que le terrain fût entouré d'un mur de clôture.
A proximité, le "moulin des Oranges" construit en 1839.
Sur ce même terrain fut créée vers 1970 une entreprise d’éléments de bardage qui a disparu en 2015. Elle avait été la première à s’implanter dans les zones d’activités nouvellement créées à l’époque et qui allaient s’étendre plus tard de part et d’autre de "la Ribotière", le long de la route et de la voie ferrée. C’est pour ce même caractère isolé que non loin, près de "Bellenoue", une fonderie de fonte vint s’installer en 19723.
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Notes, sources et références...
(sauf mentions contraires, illustrations et texte sont dus à M. Mignet)
1 Plans cadastraux du Poiré et de Mouilleron (Arch. dép. de la Vendée : 3 M 178 et 3 P 155).
2 Dossier sur les Tramways de Vendée – ligne de La Roche-sur-Yon à Legé (Arch. dép. de la Vendée : S 996 et S 997).
3 Enquêtes en 2017 auprès des anciens habitants de "la Mélanière", et auprès du créateur de la fonderie voisine, Anthonin Vrignaud (fonderie qui avait cessé son activité à cette date).
4 Les souvenirs et les photos du "moulin des Oranges" ont été fournis en 2017 par Mme Jeanne Touzeau, née en 1947, fille du dernier meunier du moulin, près duquel elle a toujours vécu.
5 Pour le "moulin des Oranges", cette transformation a dû être faite dans les années 1870 ou 1880 (cf. "les Moulins du Poiré-sur-Vie", d’E.-M. Vincent (2012, 42 p.), étude exhaustive inédite, s’appuyant sur la carte de Cassini, l’inventaire des documents cadastraux, des actes notariés, des registres d’impositions, et sur des relevés systématiques sur le terrain).
6 C’est en 1888 que le moulin à vent de "la Piltière" du Poiré fut équipé d’une machine à vapeur.
7 Dossiers des mutations des propriétés industrielles (Arch. dép. de la Vendée).
8 Joseph Bonnenfant (1902-1968) était alors journaliste à l'Ouest Eclair depuis 1928, plus tard il le sera à Ouest-France, et en septembre 1944 il fut le fondateur de la Vendée libre (1944-1960), organe officiel du Comité Départemental de Libération de la Vendée.
9 Demande de création d’une usine d'engrais par M. Sicot (Arch. dép. de la Vendée : 5 M 224/3).
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