la Croix de procession de Bouaine
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La paroisse de Bouaine utilise et expose dans son église, une croix de procession en bois recouvert d'argent. Elle mesure 125 cm de haut sur 68 cm de large et 3,5 cm d’épaisseur ; elle pèse 8 kg 750. On l'attribue à l'orfèvre nantais Germain Menfaix (1550-1575). Présentée à l’Exposition Universelle de Paris de 1900 comme "la plus belle croix de France", elle fut classée aux Monuments Historiques le 17 juin 1901.
Cette croix a connu une histoire agitée pendant la Révolution. L'abbé Biret, alors curé de Bouaine, voulut la soustraire aux pillages des "révolutionnaires" qui mettaient le pays à feu et à sang. Le charpentier Béziau fabriqua un coffret pour l'y enfermer, et en présence d'un troisième compagnon, ils la cachèrent dans les eaux des douves du logis de Beauvais, situé à proximité du bourg. En 1801, les persécutions antireligieuses étant terminées, Béziau seul survivant du groupe put enfin la sortir de sa "cachette" et lui redonner sa place dans l'église où elle se trouve encore aujourd'hui.
Les origines de cette croix sont aussi l'objet d'une controverse avec certains habitants de la commune voisine de Geneston. Ceux-ci avancent une théorie intéressante mais qui n’est fondée sur aucune preuve. Selon eux, cette croix proviendrait en fait de l'abbaye située autrefois sur leur commune : comment une aussi "pauvre paroisse" que Bouaine aurait-elle pu posséder un aussi "riche objet de culte" ?... si elle se trouve aujourd'hui à Bouaine, c'est que certains habitants de cette dernière paroisse auraient, lors des guerres de Religion, profité des circonstances pour la "sauver" !1
les Ornements de la croix
Sur l’endroit la croix : Dieu le Père, couronné, les pieds posés sur le globe terrestre ; puis le Christ en croix, avec sous ses pieds saint Philbert, patron de la paroisse, et saint Benoît, fondateur des Bénédictins. Aux extrémités du bras transversal, la Vierge à gauche et saint Jean à droite (ou Marie-Madeleine).
Marie, Philbert, Benoît, Jean (ou Marie-Madeleine)
Le revers de la croix est orné d’une gravure montrant l'agneau de l'Apocalypse, vivant, avec l'étendard de sa victoire sur la mort flottant au vent2.
Quatre médaillons représentent les quatre évangélistes, reconnaissables à leurs symboles dont l’origine est liée à une vision du prophète Ezéchiel3 : "quatre animaux ailés, avec forme humaine et avec des faces d'homme, de lion, de taureau, d'aigle"… On retrouve ensuite ces animaux dans l’Apocalypse de Jean. L’attribution de ces symboles à chacun de ces évangéliste est en relation avec le début de l'évangile de chacun d'eux :
- Jean (bras du haut de la croix), avec le symbole de l’aigle, qui vole haut, car son évangile commence par de hautes considérations théologiques ;
- Matthieu (bras du bas de la croix), avec le symbole d’un jeune homme, car son évangile commence par la généalogie de Jésus ;
- Marc (bras gauche de la croix), avec le symbole du lion, animal du désert, car son évangile commence par la prédication de Jean-Baptiste dans le désert ;
- Luc (bras droit de la croix), avec le symbole du taureau, animal des sacrifices, car son évangile commence dans le Temple.
Au bas de la croix, Autour du nœud qui la relie à son manchon, douze médaillons autrefois émaillés représentent les douze apôtres avec les symboles qui leur sont traditionnellement attribués et qui sont, pour beaucoup, évoqués dans la Légende dorée4. Bien que l’identification de chacun des personnages soit parfois délicate, en particulier pour Philippe, Thomas et Mathias (Judas, pour des raisons théologiques, n’étant jamais représenté comme un des douze), on peut envisager l’interprétation suivante :
Pierre – avec une clef, en rapport avec les paroles de Jésus : "Je te donnerai les clefs du royaume des cieux : tout ce que tu lieras sur la terre demeurera lié dans le ciel, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans le ciel" (Mt 16, 17-19).
Jean – avec une coupe d’où sortent des serpents : Aristodème et des Ephésiens somment Jean de boire une coupe de poison qui vient de foudroyer deux goutteurs ; il en avale le contenu sans en être incommodé, et leur prouve ainsi la supériorité du christianisme sur le culte des idoles.
Jacques le Majeur – avec une tenue de pèlerin et un bourdon (une canne de pèlerin) : une tradition veut qu’il soit allé évangéliser l'Espagne et que sa sépulture soit à Saint-Jacques-de-Compostelle.
André – avec une croix en "X" : selon la légende, condamné à être crucifié, il s'estime indigne de subir le même martyre que le Christ et demande à être attaché sur une croix en X, dite depuis "croix de saint André".
Thomas – avec une règle, symbole de l’architecte, car sous le prétexte d’y construire un palais pour le roi, il fut amené à aller en Inde pour l’évangéliser.
Jude (appelé aussi Thaddée) – avec une massue : après avoir porté la parole de l’Evangile en Mésopotamie, il va la porter en Perse où il est tué à coups de massue.
Barthélémy (appelé aussi Nathanaël) – avec un couteau et une peau sur le bras, en rappel de son martyre subi en Arménie où il est écorché vif.
Mathias (élu pour remplacer Judas) – avec une hallebarde ou une hache, car, alors qu’on le lapidait, il mourut la tête tranchée d’un coup de hache.
Matthieu – avec un livre : étant non seulement un apôtre, mais aussi l’auteur de l’un des quatre évangiles, c’est tenant celui-ci qu’il est représenté.
Simon (parfois surnommé le "Zélote" ou le "Cananéen") – avec une scie : après un apostolat en Egypte, il meurt en Perse, coupé en morceaux.
Philippe – tenant un (ou des) serpent(s) : alors qu’on voulait l’obliger à sacrifier devant une idole il est amené à chasser un énorme serpent (ou dragon) qui en surgit, sauvant ainsi tous les païens présents.
Jacques le mineur – avec un foulon, rappel de son martyre : après avoir été précipité du haut d'une tour du Temple de Jérusalem, il est lapidé et achevé avec un foulon qui lui fracasse le crâne.
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1 Gouraud (Gérard), Geneston ou le sud nantais au fil des siècles, 2005, p.135-136.
2 Arrignon (Claude) et Renaud (Joseph), Patrimoine religieux en Vendée, 2003, p. 96-97.
3 Ancien Testament - les Prophètes : livre d’Ezéchiel, 1, 5-10.
4 Voragine (Jacques de), la Légende dorée, 1261-1266. La Légende dorée (Legenda aurea) est, après la Bible, l'ouvrage le plus lu et le plus diffusé au Moyen Age. Rédigée en latin entre 1261 et 1266, elle raconte la vie de cent quatre-vingts saints, saintes et martyrs chrétiens, suivant le cours des jours du calendrier liturgique. Elle inclut aussi certains épisodes de la vie du Christ et de la Vierge, et a beaucoup recourt à des traditions apocryphes (le Protévangile de Jacques ou les Actes de Pilate...).
Son auteur, Jacques de Voragine, est né à Varezze (d'où son nom) près de Gênes, vers 1228, et est mort à Gênes en 1298. En 1244, il avait rejoint l'ordre des Prêcheurs (l'ordre dominicain).
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