la place de l'Eglise
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Une ancienneté se perdant dans les temps passés
"La place de l'Eglise" du Poiré n'a de "place" que le nom. Elle est constituée de l'espace allant du presbytère à "la place du marché". Avec les maisons le bordant, c'est plutôt une rue tortueuse ou un petit quartier dont les caractéristiques sont liées à "l’église Saint-Pierre" voisine1.
Le quartier de "la place d’ l’Église" sur le plan cadastral de 1975 du Poiré et, superposées en rouge,
les limites des parcelles de celui de 1836 ;
avec quelques problèmes liés à la justesse des levées de l’un et l’autre plans,
(environ 100 x 75 mètres).
Et ce même quartier sur le plan cadastral de 1836,
avec le tracé de la procession qui procéda,
le 8 février 1798, à la plantation d’un nouvel "arbre de la liberté"
(remplaçant le précédant qui avait été abattu,
et qui sera à son tour abattu le 31 octobre 1799).
La comparaison montre, avec le remplacement en 1869 de la nef originelle de l’église :
- la disparition de bâtiments annexes du presbytère,
- l’agrandissement de celui-ci vers 1895,
- le rétrécissement de la rue conduisant au clocher, et devenue une venelle,
- ainsi que la disparition en 1926 d’un bâtiment situé à l'entrée de celle-ci,
ce qui agrandit cette place.
( plans par Dominique Mignet )
On ignore ce qui pouvait exister au voisinage de l'emplacement de cette église avant qu'elle fût construite, au tout début du XIIIe siècle si on se fie à l’architecture de son chœur. Cependant, une tradition invérifiable rapportée au début du XIXe siècle prétend que celle-ci aurait
"été bâtie par des moines dont la maison se voyait il n'y a pas très longtemps, attenant presqu’à l’église actuelle"2 (c’est-à-dire dans sa configuration d’avant 1869).
Et des restes de souterrain ont été mis au jour en 1935 sur la bordure sud de l’église :
"l’entrée se trouve dans le puits situé dans la cour du presbytère. Le vendredi 9 août, plusieurs paroissiens et des amis de Monsieur le Curé en ont fait la visite. L’orifice qui mesure 0,60 m sur 0,50 m, placé à 3 m environ de la surface du sol et possédant encore des gonds, donne accès dans une galerie de 2,25 m de haut et de 2 m de large creusée dans le granit. A 7 m de l’entrée à droite s’amorce une autre galerie obstruée par la maçonnerie des murs de la cure. Au-delà, le sol s’élève progressivement jusqu’à toucher presque la voûte, et se trouve constitué de déblais déchargés en cet endroit (probablement au moment de la construction de la cure) par un trou traversant la voûte granitique. Avec beaucoup de peine, on déblaya un peu de terre, mais faute de temps, il a été impossible de pénétrer plus avant (2 m environ). Le puits s’est refermé et le souterrain garde encore son mystère"3.
Ainsi qu’en témoignent le style de ses ouvertures et la date de 1749 gravée sur la hotte d'une cheminée, l’essentiel du bâtiment principal de l’actuel presbytère fut édifié sous le ministère de Louis-Mathurin Grelier, curé de la paroisse de 1715 à 1758. La plus grande partie de ses dépendances disparurent et furent partiellement remplacées lors de l’agrandissement de l’église en 1869. Enfin, dans les années 1890 (sous le ministère d’Abel Morteau : 1887-1906) il reçut une extension à l’Ouest tandis que la partie Est de sa façade était restaurée.
Le presbytère vu de la route de la Genétouze le 29 décembre 2014
et son accès à partir de la route d’ Aizenay le 1er mai 2005 (photos par Dominique Mignet).
La localisation de la croix s’élevant dans son jardin avec sa photo le 4 août 2017,
et son dessin par Alfred Tallonneau dans l’Ange gardien du Poiré du 26 septembre 1926.
Cheminée du presbytère portant gravée la date de 1749.
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Le presbytère, un lieu de manifestations civiques
Durant la Révolution, le presbytère connut les mêmes ravages de la part des troupes républicaines que l’ensemble de la commune du Poiré. Après l’unanimisme de 1789, l’antagonisme latent, séparant les notables de la majorité de la population, devint une opposition violente. Ce fut le cas le 17 avril 1791, comme le notaire Pierre-Alexandre Gibotteau le rapporte le 26 à son cousin Jacques Gourdon, juge de paix à Beaulieu :
"Le dimanche des Rameaux (17 avril), les paysans ont mis tous les bancs hors de l’église, à la réserve de ceux des nobles, avec la défense d’y toucher. On a menacé de mettre tous les bourgeois à feu et à sang, et les menaces deviennent plus considérables que jamais […] Vous savez sans doute que les bancs de Dompierre, la Ferrière, Saligny, Beaufou ont été aussi mis hors de l’église à la réserve de ceux des ci-devant nobles"4
Une exaspération croissante contre ceux perçus à raison comme récupérant à leur avantage les changements en cours, et qui aboutit à l’insurrection de mars 1793 et à l’incendie à plusieurs reprises, par les troupes républicaines dans les mois suivants, de l’ensemble du bourg et du presbytère. En dépit de son état de dégradation, celui-ci servit à partir de la fin 1796 de "maison commune". Sous la surveillance d’André-Philippe Danyau, commissaire en charge de la police politique et sans l’aval de qui rien ne pouvait être décidé, elle abritait les justice de paix, gendarmerie, maison d'arrêt, salle des délibérations des quelques membres de la municipalité cantonale du Poiré... Lors des "fêtes civiques"5, c’est de cette "maison commune" que partait le cortège des fonctionnaires municipaux, encadrés par la troupe occupant du pays. Arrivé sur "la place du marché", les discours convenus étaient prononcés et il était offert à boire à ceux qui étaient présents. Ce fut ainsi pour la cérémonie de plantation d’un arbre de la liberté, le 8 février 1797, en remplacement du précédent planté quelque cinq ans plus tôt, puis abattu. Cet arbre sera à son tour coupé dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1799 et n'aura pas de successeur6.
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Les salles de l’ancien patronage paroissial
La maison faisant face à la sortie du presbytère présente une architecture la faisant remonter au XVIIIe siècle. Elle abrite depuis des salles paroissiales, qui étaient dites autrefois "du patronage". C’était virtuellement le centre de multiples activités dont les origines se perdent dans le XIXe siècle voire auparavant, et qui connurent leur apogée dans les années 1950. Des activités qui procèdent de ce que le géographe Jean Renard a appelé "une société paroissiale"7.
Le parvis de l’église vue de "la Montparière" sur une carte postale du début des années 1910,
avant ses agrandissements successifs,
et avec, à droite, les salles du patronage, dont sa salle de théâtre déjà construite
(on remarquera l’absence, à cette époque, de la croix du parvis).
Parmi ces activités spirituelles et ces activités culturelles, on comptera les rencontres lors des temps forts de la vie paroissiale (missions, retraites…), celles des confréries telle que la confrérie du Rosaire ou des mouvements d’action catholique (ACJF…), la bibliothèque paroissiale, la fanfare, les activités de spectacles, l’organisation des kermesses… et, dernières venues, les activités sportives avec le club de foot de la Jeanne-d’Arc et celui de basket. Ces différentes activités étaient encadrées et animées par des paroissiens bénévoles : le chef de la musique, Auguste Bernard de "la Touche", l’animateur de théâtre Jacques Tallonneau, l’entraineur de basket Robert Gineau… Les revenus que certaines pouvaient générer étaient surtout destinés à assurer le financement toujours problématique des "écoles libres" et leurs enseignants qui scolarisaient la très grande majorité des enfants du Poiré8.
"La salle paroissiale", sans plus de précisions, désignait la salle de spectacles édifiée au début du XXe siècle. Elle accueillait des manifestations diverses : brièvement en 1930, des séances cinématographiques, avant et après cette date des séances théâtrales9 et aussi, dans les années 1950, "les Coupes de la Joie"10.
Autour de 1930, une représentation évoquant la Vendée des temps héroïques.
En janvier 1944, la troupe paroissiale interprètent la pièce policière
"la Chambre n°13", du prolifique A. Ducasse-Harispe
( qui est l’assassin ?... mais aussi, qui a été assassiné ?... ).
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Le parvis de l’église
Le parvis de l’église a eu des dimensions qui ont varié dans le temps. Sensiblement réduit en 1869 par l’agrandissement de l’église, il a été ensuite modifié à la marge, en particulier aux débuts des années 1920, avant d’être notablement élargi en 1997.
Le parvis de l’église vers 1960, en 1979 et en 2016.
La croix de ce parvis le 11 juillet 2014, vue du haut de l’église en rénovation,
dessinée dans l’Ange gardien du Poiré du 19 octobre 1924,
et sans sa rambarde le 15 juillet 2010 ( photos Dominique Mignet ).
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Croix, enfeu, bénitier, blasons… des témoins du temps qui passe
On y trouve un prtit monument : une croix, qui malgré sa petite taille (2,20 m), est omniprésente dans le paysage. Elle est constituée d’éléments disparates : un croisillon, un fût et une base, qui ont été rassemblés et installés là vers 1923.
Le croisillon provient d’une croix qui existait en 1760 à "l’Idonnière" et qui y fut remplacée en 189311. Elle porte gravée l’inscription : "J H M" (Jesus Hominibus Miserere / Jésus prend pitié des hommes), qui est à rapprocher du développement, à partir de la seconde moitié du XVIIe siècle, de la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus, symbole de l’amour divin dans l’Église catholique. Ce qui serait concordant avec la date, approximative, de 1760. On retrouve la même inscription, et gravée dans le même style, sur une pierre insérée dans la hotte d’une cheminée à "la Turquoisière".
Le fût de la croix est constitué par une borne provenant de terres voisines du village de "la Bouchère". Elle porte gravée, côté parvis, les armes des Bourbons-Montpensier, qui furent princes de la Roche-sur-Yon après le milieu du XVe siècle12. Une borne portant le même blason a été trouvée dans une haie près de "Lande blanche".
Quant à la pierre servant de base à la croix, elle provient de la démolition en 1922 du bâtiment abritant depuis 1873 la gendarmerie, où elle était a priori un élément rapporté. Dans les limites de sa lisibilité, son blason peut correspondre aux armes d’Edouard (1330-1376), prince (/ duc) d’Aquitaine entre 1362 et 1372, et en tant que tel, prince de la Roche-sur-Yon13. Il est connu sous le nom de "Prince noir", et sur le revers des pièces sortant de ses ateliers monétaires, ses armes se présentaient : "écartelé en 1 et 4 d'azur à fleur de lys d'or et en 2 et 3 de gueules à léopard d'or".
Vues de la croix du parvis de l’église, le 19 octobre 2016
( photos Dominique Mignet )
et revers d’une pièce venant d’un atelier monétaire du Prince noir à Limoges :
vers 1368, argent, environ 1 g, diamètre 18 mm ; inscription : PRn / CPS / AQIT / AnIE
( source Eugène-Marie Vincent ).
Le côté du fût de cette croix tourné vers "la Montparière" porte un blason légèrement gravé. C’est celui de la famille Marchand (ou Mar-chant), seigneurs du château de "la Métairie" du XIVe au XVIIe siècle. Il comporte 3 moules disposées en 2 et 1, et d’une étoile en chef14. Le même blason se voit sur une pierre tombale provenant du chœur de l’église et insérée, lors de l'agrandissement de celle-ci en 1869, en bas du mur ouest, à gauche de la grande porte.
Blason de la famille Marchand sur le parvis de l’église et en d’autres lieux :
- peu lisible, au dos du fût de la croix du parvis de l’église,
- sur une pierre tombale inséré en bas d’un mur de l’église bordant son parvis,
- sur une clé de voûte de la tour centrale du château de "la Métairie" ( photo E-M Vincent ),
- sur un bénitier venant de ce château, et chez P. Br. à Mareuil-sur-Lay en 2022 (diamètre : 39 cm).
Enfin, le long du bas-côté nord de la nef se trouve une curieuse pierre sculptée formant une sorte d’estrade. Elle proviendrait d’un ancien enfeu (monument funéraire) existant autrefois dans la précédente nef de l’église. Longtemps surmontée d’un auvent, cette estrade servait quand il y avait à faire des annonces municipales dominicales. Elle servait plus souvent les dimanches entre Noël et la Chandeleur pour les "offrandes faites à la crèche". Celles-ci consistaient en des choses se mangeant (gâteaux, jambon, pâté, livre de beurre…) ou, rarement, d’une bouteille d’eau de vie. A la fin de la grand’messe, une personne ou une autre montait sur cette pierre et, en faisant le spectacle, vendait aux enchères la douzaine d’offrandes déposées ce jour-là devant la crèche. Les saladiers contenant de quoi faire des crêpes (farine et œufs), étaient particulièrement appréciés, l’heureux acquéreur rapportant le récipient devant la crèche le dimanche suivant.
Le 30 janvier 2005, bordant l’église, une pierre sculptée provenant d’un ancien enfeu
( photo Dominique Mignet ).
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Quelques anciens habitants et activités de "la place de l’église"
La partie de "la place de l'Eglise" s’étendant de son parvis à "la place du marché" est bordée d’une dizaine de maisons ayant vu se succéder au fil des ans des activités artisanales et commerçantes variées. Ceux qui les ont pratiquées ont laissé moins de traces dans l’histoire et les archives que ceux exerçant des professions faisant d'eux des notables locaux (notaires, médecins, juges, grands propriétaires…). Bien que modestes, les vies des premiers ne présentent pourtant pas moins de valeur que celles des seconds. A titre d’exemples, voici de courtes évocations d’habitants des maisons les plus proches du parvis15…
Celle qui est la plus près des portes d’entrée de l’église était habitée par Armand Fruchault (1851-1921). Il était menuisier, tandis que son épouse Anatolie Grit16 tenait une épicerie.
Dans les années 1900 : Armand Fruchault (à gauche) devant son atelier donnant sur le parvis de l’église,
avec deux compagnons menuisiers, dont Germain Bousseau.
En 1882, son admission comme "membre participant fondateur" dans "la Société de Secours Mutuels du Poiré",
et la bannière de celui-ci (en 1894), déposée au Conservatoire des Musées de la Vendée.
Dans les mêmes années, sa fille Armande (1877-1960) devant l’épicerie familiale
où se vendaient aussi lampes à pétrole en un temps où l’éclairage électrique n’était pas encore présent ;
et des objets de piété, telles ces statues de la Vierge dont deux exemplaires se trouvaient en 2022
sur la croix de "la Touche" (h : 16 cm), un chez des descendants d’Armande (h : 18,5 cm).
Il était aussi "un esprit fort", travaillant le dimanche et particulièrement bruyamment à l’heure des offices. Cependant, les circonstances de la vie (la guérison inespérée d’un de ses enfants que la médecine de l’époque avait abandonné) l’amenèrent à résipiscence17. Dès lors, ce ne fut plus qu’en cas d’urgence qu’il travailla ce jour-là : c’est-à-dire lorsqu’il fallait fabriquer un cercueil, et il plaçait alors la croix en bois de celui-ci devant la porte de son atelier. En 1882, il fut aussi un des co-fondateurs de la Société de Secours Mutuels du Poiré18, constituée de quelques dizaines de commerçants et d’artisans du bourg, se donnant la mission de s’assister les uns les autres en cas de maladie ou d’invalidité, et lors des funérailles de l’un d’entre eux.
Ces mêmes lieux furent occupés après 1920 par un pharmacien, Gaston Flavet (1877-1932). Celui-ci était né à Couëron, avait vécu en Egypte, où étaient nées ses deux filles, et était revenu sur Nantes vers 1919... Après son décès son épouse Andrée Linyer-Flavet (1885-1945), connue pour son caractère fort, et leurs enfants, Louise (1912-1987), Nicole (1917-2001), Roger (1920-2007), retournèrent vivre à Nantes. C’est là que la mère et ses deux filles habitaient durant l’occupation, s’impliquant dans des filières d’évasion, en particulier d’aviateurs alliés abattus (le réseau Jade-Fitzroy). Suite à une dénonciation, due à un proche a-t-on dit19, elles furent arrêtées le 22 septembre 1941, avec un aviateur anglais qu’elles hébergeaient, et déportées en Allemagne. Après y avoir été déplacée de prison en pénitencier (Cologne, Lubeck-Lauerhof, Cottbus), Andrée Flavet y mourut au camp de Ravensbrück (matricule 84 116), le 13 janvier 1945. Ses deux filles en revinrent mais, dit-on encore15, dans un état de santé tel qu’elles n’eurent pas d’enfants par la suite.
Dans la maison suivante a habité Ernest Rocheteau (1888-1964) qui y fut épicier des années 1920 à la toute fin des années 1950. Fils de journaliers de "la Baillerie" de Saligny. Il fut gravement blessé le 6 septembre 1914 à la Fère-Champenoise. Rendu invalide à 50 %, il fut obligé d’abandonner son métier d’agriculteur après sa démobilisation. Il avait reçu la médaille militaire le 15 avril 1917. En 1959, il fut décoré de la légion d’honneur pour sa conduite quarante-cinq ans plus tôt : "Très bon soldat, énergique et brave au feu. Grièvement blessé le 6 septembre 1914 au cours d’un combat".
Extrait de la fiche matricule d’Ernest Rocheteau (Arch. dép. de la Vendée : 3 R) :
"Affecté au régiment d’infanterie de Fontenay-le-Comte (137e RI).
Rappelé à l’activité par le décret de mobilisation générale du 1er août 1914.
Arrivé au corps le 3 août 1914 - aux armées le 6 août 1914.
Blessé évacué le 6 septembre 1914. Entré à l’hôpital temporaire d’Orléans le 8 septembre 1914.
Entré à l’hôpital de de la Roche-sur-Yon le dit jour. Entré à l’hô- […]".
Parfois on trouve le nom de "place des bancs" donné à la partie de la place de l'Eglise touchant "la place du marché", et longtemps envahie par les activités d’artisans ou de commerçants.
Vers 1910 sur la place de l'église, la boulangerie Daviaud reçoit une livraison de farine.
La forge et taillanderie d'Auguste Mollé et de ses compagnons en 1927 (photo Auguste Mollé-fils).
Une quarantaine d’années plus tard, pour la fête des mères de familles nombreuses,
et menée par Auguste Bernard, la fanfare de la Jeanne-d’Arc quitte l’église après la grand’messe
se dirigeant entre deux rangs d’enfants des écoles, vers la mairie pour les décorations.
( photo Armand Mignet )
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La Mission de 1962 : l’arc de de triomphe des habitants du centre du bourg
C’est à la sortie de "la place de l'Eglise", face à celle du marché, que les nombreux participants du centre du bourg à la Mission de 1962 élevèrent leur arc de triomphe. Le choix, tant de sa forme que de ses couleurs sang et or, tranchaient par rapport aux autres arcs de triomphe de cette mission et des précédentes. Cela fut l’objet de nombreux commentaires20.
A la fin de la Mission de 1962 : l’arc de triomphe du centre du bourg
avec une partie de ses participants
(dont plusieurs gendarmes, ce qui n’aurait pas été envisageable quelque trente ans plus tôt).
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Pierre Moreau, un curé collabo ?
Durant la Révolution et depuis 1759, Pierre Moreau (1728-1799) était curé de la paroisse du Poiré. Les archives et les mémoires en ont transmis des souvenirs contradictoires et controversés. Des controverses portant principalement – mais pas seulement – sur ses prises de positions dans les derniers mois de la résistance de Charette. Dans ses mémoires, Pierre-François Remaud, un proche de Charette, l’accuse d’avoir été de ceux qui par leur manque de soutien ont contribué à la perte de celui-ci. Pour Jean Brumauld de Beauregard (1749-1841), vicaire général de l’évêque de Luçon, présent localement à cette époque, la situation de Charette était désespérée et que seule une attitude de soumission était alors possible21.
Pierre Moreau naquit à Fontenay-le-Comte le 28 octobre 1728, et c’est à seulement trente ans qu’il fut nommé curé du Poiré. En mars 1789, il était présent à Poitiers à l’assemblée du Clergé réunie pour l’élection de députés aux Etats-généraux. Partageant l’unanimisme du moment, il participa à la nouvelle organisation territoriale du pays qui aboutit à une attribution des postes administratifs privilégiant les plus riches. Ainsi fut-il en juin 1790 un des six "électeurs" du Poiré chargés à Fontenay de la mise en place des premières institutions départementales et, doyen des électeurs ecclésiastiques, il chanta dans la chapelle des Cordeliers la messe introductive.
Cependant l’année suivante il refusa le serment à la Constitution civile du Clergé, ce qui le mettait hors la loi et passible de déportation. Le 3 novembre 1792 il fut emprisonné à Fontenay, mais le 25 mai suivant il fut délivré par les Vendéens lorsque ceux-ci prirent la ville. Il revint au Poiré, où il sera président du Comité de la paroisse, élu pour se substituer à la peu représentative municipalité précédente. Le 4 août 1795, il fut un des 57 participants au synode diocésain réuni à "Pont-de-Vie".
Signature le 9 mai 1788 par Pierre Moreau, curé du Poiré,
de l’acte de décès de Charles Dubois, 27 ans, maréchal-ferrant au bourg du Poiré ;
les témoins sont Joseph Pilâtron (cordonnier et sacristain âgé alors de 27 ans, et futur insurgé)
et Pierre Gréaud (qui est soit l’aubergiste de ce nom, âgé alors de 41 ans,
soit son homonyme, le tailleur d’habits âgé alors de 51 ans).
Mais la situation de Charette et de ses fidèles était alors effectivement sans espoir : le choix était ou de se rendre et être exécutés, ou de se battre et être tués. Ce qui se produisit à la fin mars 1796. Comme la majorité de la population, Pierre Moreau eut à composer avec l’administration locale mise en place en août 1796 par les autorités départementales et n’agissant que sous leur étroit contrôle. Cependant, lorsqu’en septembre 1797 il estima qu’il lui était impossible de ne pas prêter le serment de "haine à la royauté et à l’anarchie, attachement et fidélité à la république et à la constitution de l’an trois", exigé de tous les fonctionnaires, cela fut perçu comme une sorte de trahison qui entraîna la perte de "la confiance des citoyens de la campagne en faisant sa soumission. Son influence en ce moment est peu de chose" selon un rapport d’un commissaire politique22. Déconsidéré, Pierre Moreau vit ses paroissiens s’éloigner de lui et se tourner vers les prêtres de la Genétouze ou de Beaufou, voire vers le plus intransigeant et populaire curé des Lucs, Charles Barbedette.
Il mourut au Poiré le 2 août 1799, trois mois avant le coup d’état de Bonaparte mettant fin aux persécutions religieuses et apaisant le pays.
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Notes, sources et références…
(sauf mentions contraires, illustrations et texte sont dus à M. Mignet)
1 Pour une description détaillée de "l’église Saint-Pierre" du Poiré, voir 1871-2021 - L’église Saint-Pierre du Poiré-sur-Vie, de Jean Mignet (2021, 100 p.) et, l’élargissant, Le Poiré-sur-Vie de 1871 à 2021, du même (2021, 296 p.).
2 "Notes et Remarques", manuscrit ébauché dans les années 1840 par Théophile Denieau-Lamarre (1802-1847), vicaire au Poiré durant six mois en 1836, et qui mourut en 1847 à Avrillé dont il était alors le curé (Arch. mun. d’Avrillé, en Vendée).
3 "L’Ange gardien du Poiré" (bulletin paroissial), n°34 du 25 août 1935. La présence de ce souterrain pourrait être liée aux bâtiments existant précédemment en cet endroit. Quant au puits, il a aujourd’hui disparu, mais on dit que lorsqu’il tombait de la neige celle-ci fondait plus vite sur son ancien emplacement. Le 1er numéro de "l’Ange gardien", bulletin paroissial hebdomadaire du Poiré, parut à la fin de 1re semaine de mars 1909
4 Lettre dont l’orthographe incertaine a été actualisée, et qui est conservée dans le Fonds Caillé des Archives paroissiales du Poiré. A cette époque, seules les personnes d’un certain statut social disposaient de leurs bancs dans l’église, les autres fidèles assistant debout aux cérémonies.
5 Durant l’an VI, ces "fêtes civiques" eurent lieu les : 14 juillet (célébrant la prise de la bastille), 27 juillet (fête dite "de la liberté" célébrant la chute et la mort de Robespierre), 10 août (célébrant la fin de la monarchie constitutionnelle), 4 septembre (célébrant le coup d’état de fructidor an V), 22 septembre (célébrant la fondation de la République). Cependant, le 21 janvier de cette même année, la prestation obligatoire du "serment de haine" avait été boudée par certains membres théoriquement "républicains" de la municipalité cantonale du Poiré.
6 Sur les incendies et autres ravages perpétrés sur le Poiré les 23 novembre 1793, 3 janvier, 9 et 12 février, 16 août 1794, voir, entre autres sources venant du parti "républicain" : les "Cahiers manuscrits d’André Collinet" (Arch. dép. de la Vendée : 144 J 1 à 30), publiés en 2003 sous le titre Les Sables et les guerres de Vendée – Manuscrits de Collinet (1788-1804), pages 183, 192, 210, 291. Voir aussi dans ces Archives départementales les cotes : L 264, 1238, 1239, 1240, 1242.
7 Pour la notion de "société paroissiale" qui n’est pas spécifique au Poiré, on se reportera à la description que Jean Renard (1936-2020) en fait aux pages concernées, dans Les Évolutions contemporaines de la vie rurale dans la région nantaise : Loire-Atlantique, bocages vendéens, Mauges, 432 p. (thèse de doctorat soutenue en juin 1975).
8 Dans les années 1950, ces "écoles libres" scolarisaient dans les 80 à 90 % des enfants du Poiré. Ce pourcentage avait augmenté depuis qu’après 1945 les fonctionnaires n’étaient plus tenus de mettre leurs enfants aux écoles "dites laïques", ainsi parmi les cinq ou six familles de gendarmes de l’époque, certaines (Nicolleau, Perroteau, Brodu…) fréquentaient désormais les écoles du "Sacré-Cœur" et de "la Jamonière".
9 Les "Coupes de la Joie" étaient des spectacles de variétés (chants, intermèdes, musique, danses…) très courus, organisés dans le cadre des mouvements de l’A.C.J.F. Elles donnaient ensuite lieu à des manifestations départementales puis nationales. Ceux, de moins en moins nombreux, qui y ont participé les évoquent avec émotion et nostalgie. Voir Fiers d’être paysans, la JAC en Vendée, d’Albert (Roger) et Bély (Gilles), 2010, 356 p.
10 Dans les années suivantes, la troupe théâtrale de la Jeanne-d’Arc du Poiré fut un des premières troupes de patronage à devenir mixte en Vendée. Sur ce sujet, voir : Phillips (Henry), "Le théâtre catholique en Europe et au Canada : un milieu réuni dans la dispersion", Revue de littérature comparée, n° 2, 2008, p. 175-194.
11 Cf. Boutin (Hippolyte), Chronique paroissiale du Poiré, 1901, p. 20. La croix de 1893 a été détruite lors de travaux de voierie par les services techniques municipaux. Au bout de plusieurs décennies, elle a été restaurée en 2023 dans le cadre de la mise en valeur du petit patrimoine du Poiré.
12 Ces mêmes armes, des Bourbon-Montpensier princes de la Roche-sur-Yon (cf. les Princes de la Roche-sur-Yon, par Gaston de Maupeou Montbail, 1959, 60 p.).
13 On était alors au début de la guerre dite par la suite "de Cent Ans" (1337-1453) qui opposa au sujet de la succession au trône de France, le descendant d’un frère du roi Philippe IV le Bel, Philippe de Valois (qui "découvrit" alors une plus ou moins mythique loi salique lui donnant opportunément des droits successoraux) à Edouard Plantagenet petit-fils, donc plus proche parent, de Philippe IV le Bel mais par une fille ; cet Edouard, père du "Prince noir", pouvait de plus se revendiquer héritier des anciens ducs d’Aquitaine. Les seigneurs du Poitou soutinrent longtemps les droits de ces derniers.
14 Sur la famille Marchand, les plus anciens possesseurs connus de "la Métairie", voir ce qu’écrit Guy de Raigniac dans De châteaux en logis, itinéraires des familles de la Vendée, tome IV, 1992, p. 83 à 88, dans lequel il ne renseigne cependant pas sur le second blason se devinant sur la pierre tombale insérée dans le mur de l’église.
15 Souvenirs recueillis dans les années 1950 à 2020 auprès d’habitants du bourg du Poiré : Armande Fruchault, Alfred et Jacques Tallonneau, Ernest Rocheteau, Auguste Mollé…
16 Anatolie Grit (1847-1919) était, par alliance, une petite-nièce de Jean Herbreteau (1762-1836) qui avait été prêtre réfractaire durant la Révolution ; et en 1960 à la mort de sa fille, Armande Fruchault épouse Mignet, on trouva dans les affaires familiales un surplis (ou une aube) et quelques papiers se rapportant à l’exil de celui-ci à Calahorra (Navarre / Rioja) de 1792 à 1794. A six reprises on voit la signature de Jean Herbreteau de novembre 1791 à janvier 1792 dans les registres paroissiaux du Poiré, mais ayant refusé le serment à la Constitution civile du Clergé, il fut déporté quelques lois plus tard en Espagne à partir des Sables, sur l’Heureux-Hasard. Début septembre 1797, il tenta de rentrer en France mais, pris dans une tempête, son navire s’échoua à l’Aiguillon-sur-Mer où, le coup d’état de fructidor an V ayant fait reprendre la persécution religieuse, il fut arrêté avec ses compagnons de voyage. Incarcéré à Fontenay-le-Comte puis conduit à Rochefort, il s’évada dans la nuit du 8 au 9 janvier 1798, ce qui lui évita la déportation particulièrement mortifère en Guyane, et il réussit à regagner la Vendée. Début 1800, il était au Poiré, paroisse dont il sera vicaire jusqu’en 1809. Durant toute cette période, son caractère semble-t-il affirmé le fit mal voir tant, de son évêque en exil M.-Ch.-Is. de Mercy, que du préfet de la Vendée J.-B. Faucheux, aussi soucieux l’un que l’autre qu’on leur fût strictement soumis. Curé de Mouchamps en 1810, il prit plus tard sa retraite au Poiré où il mourut en janvier 1836, laissant quelques modestes souvenirs chez les descendants d’Alexis Herbreteau (1782-1855), le plus jeune de ses huit frères et sœurs.
12 décembre 1791 : baptême de Marie-Anne Bourron, du Beignon-Jauffrit,
second des actes signés par Jean Herbreteau sur les registres paroissiaux du Poiré
(Arch. dép. de la Vendée : AD2E 178/4).
17 A cette époque, le principal propriétaire terrien sur le Poiré était Eugène Gendreau qui possédait aussi abattoir à la Roche-sur-Yon, conserverie à Croix-de-Vie, etc. Se voulant "républicain", c’est-à-dire pour l’essentiel anticlérical, il exigeait entre autres choses de ses métayers qu’ils mettent leurs enfants à l’école publique. C’est en bonne partie pour avoir la clientèle de ceux-ci, qu’Armand Fruchault avait choisi la même école pour ses enfants. A la suite de cette guérison miraculeuse de son jeune fils, il les changea d’école (conversations avec sa fille, Armande Fruchault, à la fin des années 1950). Ce genre de réaction était loin d’être unique, ainsi quand Jean Brethomé, qui était métayer d’Eugène Gendreau à "la Thibaudière", trouva une métairie disponible à "la Moissandière" il saisit l’occasion afin de pouvoir mettre lui aussi ses enfants dans les écoles libres du Poiré (rapporté en 2022 par Marie-Reine Praud, une de ses descendantes).
18 Dans La force des solidarités vendéennes (2005, 224 p.), Steve Desgré et Jean-Luc Souchet évoquent l’histoire de la mutualité vendéenne prenant ses racines dans les confréries de Charité paroissiales de toujours et les clubs de sociabilité des XVIIIe et XIXe siècles. Voir aussi la création par Auguste Beufvier à Montaigu dans les années 1770 / 1780, de la Société de Secours mutuels "la Parfaite Harmonie", première de celles de la future Vendée et, à titre comparatif, voir les statuts de deux de celles qui lui succédèrent à Montaigu en 1841 et en 1856.
19 Il est aussi possible que ce soit suite à des bavardages intempestifs que ces arrestations eurent lieu, ceci aux dires de la personne qui fut soupçonnée d’être l’auteur de cette dénonciation. C’est du moins ce que, de passage au Poiré quelque cinquante ans plus tard, celle-ci déclara à Jacques Tallonneau, qui avait été un de ses amis d’enfance. Pour le destin de Mme Flavet et de ses filles, voir : Livre Mémorial des Déportés de France, de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation (tome IV, IV.2) ; et aussi de Terrière (Jean-Claude), La résistance en Loire-inférieure, 2006, 414 p. ; ou encore d'Aglan (Alya), Mémoires résistantes : histoire du réseau Jade-Fitzroy, 1940-1944, 1994, 339 p. Le réseau Jade-Fitzroy a été fondé en décembre 1940 par Claude Lamirault (1918-1945, ex-membre de l’Action française, résistant dès juin 1940, et un des 1038 Compagnons de la Libération) et par Pierre Hentic (1917-2004, ex-membre atypique du Parti communiste français, étant de ceux peu nombreux de son parti à être entré dès cette époque dans la Résistance, alors qu’en cette année 1940 les instances dirigeantes de ce parti restaient alignées sur le Pacte germano-soviétique qui avait été conclu à la fin août 1939).
20 Les Missions étaient des festivités spirituelles qui mobilisaient de loin en loin toute la paroisse. On en aura une description des plus pertinentes dans "n siècle de vie paroissiale, 1896 / 1996 – l’Herbergement (1996, p. 68 à 77), ou dans les pages sur "l’Aumère". Pour l’arc de triomphe e"s habitants du centre-bourg, on fit plus ou moins aimablement remarquer qu’il "aurait eu plus sa place à la foire-exposition de la Roche". Plus important : par opposition aux autres arcs et à ceux antérieurs, sa réalisation n’avait pas été une œuvre collective avec la participation de tous. Plus tard, on constatera que cela avait correspondu au passage d’une époque à une autre, un passage qui voyait les modes de vie et les rythmes de travail changer.
21 Les mémoires laissé(e)s par le parti vendéen sur cette époque et pour le secteur sous le commandement de Charette, sont rares et difficilement accessibles. Les trois rédigés en 1803, 1814 et 1817 par Pierre-François Remaud sont succincts. Mais celui qu’il avait rédigé de septembre 1796 à janvier 1797 est beaucoup plus circonstancié ; constitué de 240 pages manuscrites, il fut perdu à cette époque et ne fut retrouvé que vers 2016 ; il est resté inédit jusqu’à ce jour (2023). Les Mémoires de Mgr de Beauregard, publiées en 1842, n’évoquent que marginalement les rencontres de celui-ci avec Charette, la tenue du synode diocésain à "Pont-de-Vie"… (tome 2, p. 66 à 155). Voir aussi les Mémoires de la Guerre de Vendée (1793-1796), manuscrit de Lucas Championnière, rédigé en 1797-1798, édité pour la première fois en 1904 (208 p.).
Les sources de première main les plus abondantes proviennent des autorités civiles et militaires chargées de la répression ; elles sont surtout constituées de rapports, de correspondances et de mémoires divers, souvent attachés à défendre les intérêts de leurs auteurs.
22 Sur Pierre Moreau, curé du Poiré, voir dans la Revue du Bas-Poitou, 1909, p. 13 à 35, l’article d’Edgar Bourloton : "le Clergé de la Vendée pendant la Révolution – le Poiré-sur-Vie". Pour la période de 1796 à 1799, il s’appuie (p. 25) sur des correspondances de Pierre Moreau ou le concernant ; et pour le discrédit dans lequel celui-ci tomba à partir de la fin de l’année 1797 (p. 26 à 33), sur les subtiles et longues explications par lesquelles il justifie sa prestation du "serment de haine" dans une lettre adressée à Gabriel Paillou (1735-1826) qui était, comme Jean Brumauld de Beauregard, un des vicaires généraux de Mgr de Mercy, l’évêque de Luçon en exil.
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