1777-1789 - Auguste Beufvier et la 1re Société de Secours mutuels
rappel : avant toute utilisation d'extraits ou d'illustrations de ces pages, vous devez en demander l'autorisation à leur auteur.
Cette page est l'une de : Le XVIIIe siècle : Montaigu et le temps des physiocrates (1712-1789), chapitre qui devrait être à terme constitué au moins des parties qui suivent, elles-mêmes susceptibles d’évoluer au fil du temps…
• 1742 : François-Frédéric Belloüard de Jémonville écrit une première histoire de Montaigu
• Montaigu, centre administratif au XVIIIe siècle et jusqu’en 1810
- 1755-1757 : Montaigu et le grand chemin royal de Nantes à la Rochelle
- au XVIIIe siècle, les poste aux chevaux et poste aux lettres à Montaigu
- 1770 : le seigneur de Montaigu, Jacques-Gabriel Leclerc de Juigné, y développe les foires
- 1775-1783 : l’amiral Du Chaffault et les montacutains dans la guerre d’Indépendance américaine
• 1777-1789 : Auguste Beufvier fonde une première société de secours mutuels à Montaigu
• 1783-1786 : Montaigu sur la carte de Cassini…
• 1786 : la "Topographie médicale de la ville de Montaigu en Poitou" par Louis Richard de la Vergne
• 1789 (avril) : le futur "libertador" Francisco de Miranda à Montaigu
L'insertion de ces différentes parties ne se fera que progressivement. En cas d’utilisation de ces pages, y compris d’extraits, il va de soi qu'on en citera l’origine, l’auteur, et la date à laquelle elles ont été consultées. Enfin, toute remarque sur ce qu'elles contiennent (ou ne contiennent pas), sera la bienvenue (cf. "Contact").
----------------------
- 1777-1789 : Auguste Beufvier de la Louerie
fonde une première Société de secours mutuels à Montaigu -
En 1837, le registre des Délibérations municipales de Montaigu évoque la création de la "Société de Secours mutuels des artisans et marchands de Montaigu"1, qui passe pour avoir été la première à avoir été fondée en Vendée. Cependant, Georges Laronze, dans son Histoire de Montaigu, rapporte que "sous l’Ancien régime, Augustin Beufvier de la Louerie, lieutenant des vaisseaux du roi, avait fondé à Montaigu une société de Secours mutuels dite la Parfaite Harmonie, mais elle ne groupait que des marins"2.
René-Augustin (ou "Augustin", ou "Auguste") Beufvier (1736- ? ) appartenait à une famille détentrice de fiefs sur l’ancienne seigneurie de Montaigu, et qui, lointain héritage de vieilles obligations féodales, possédaient une demeure dans la ville même de Montaigu. Cette demeure, appelée le "Grand Logis", se trouvait le long de la "rue de Tiffauges", Auguste Beufvier était dit "de la la Louerie", du nom d’une propriété familiale située sur Boufféré3. En 1759, il était dans les gardes de la marine aux Antilles ; en 1763, enseigne de vaisseau. Il poursuivit sa carrière jusqu’en janvier 1777, successivement à Toulon, Rochefort et Brest. Initié dans la franc-maçonnerie, probablement à Saint-Domingue autour de 1760, il est à l’origine de la création de loges à Rochefort (1762), à Toulon (1764), à Malte (1765)4 et à Brest (1775), des loges qui portaient souvent les titres interchangeables de "l’Accord parfait" ou de "la Parfaite Harmonie"5, et qui étaient indépendantes de fait des différences obédiences maçonniques. En 1793, il rejoindra son frère Charles-Alexis Beufvier de la Sécherie (1735-1805) dans les rangs de la révolte vendéenne6, et on trouve son nom parmi les quatorze signataires de la sommation faite par les chefs de celle-ci à la municipalité de Nantes, fin juin 17937. On ignore quand et dans quelles circonstances il mourut.
L’emplacement de "la Louerie" sur le plan cadastral de Boufféré en 1819,
et sur une vue aérienne en 2014 (environ 675 x 575 m).
A Montaigu, on ne connaît pas la composition de la Société de Secours mutuels "la Parfaite Harmonie", hors le fait que c’étaient des anciens marins ayant servis sur les vaisseaux du roi8. Extrapolant sur ce qui existait jusqu’alors dans la ville, sur ce qui y a existé par la suite, et sur ce qu’étaient les loges maçonniques créées précédemment par Augustin Beufvier, on peut l’imaginer comme étant un cercle de sociabilité et d’entraides mutuelles, et sans doute aussi d’activités culturelles telles que clubs de lecture et autres, réunissant un nombre d’habitants limité et faisant partie d’une certaine catégorie sociale.
"L’Isle", emplacement de l’ancien château de "la Louerie"9,
vue en 2017 à partir de l’ancienne métairie de ce nom à Boufféré.
Et une pierre déposée au château de Montaigu, gravée aux armes des Beufvier
(d'azur à 3 rencontres de bœufs d'argent couronnées d'or),
entourées des symboles des marins de "la Société de la Parfaite Harmonie" :
un canon et une ancre entrecroisés.
L’activité de "la Parfaite Harmonie" n’était cependant que marginale par rapport à l’ensemble des autres actions sociales existant à Montaigu, avant la Révolution, et qui étaient essentiellement prises en charge par les paroisses. Ainsi dans celle de Saint-Jean : "la confrérie de la Charité" avait la mission de "soigner à domicile les malades pauvres qui n'avaient pas été reçus à l'hôpital"10 ; "la confrérie Notre-Dame des Agonisants" préparait les mourants et les accompagnait jusqu’à leur dernière demeure… Le financement des activités de ces confréries était assuré par les ressources de leurs paroisses, qui se confondaient avec les ressources personnelles des curés de celles-ci. Après 1793, ce financement devra être assuré par les municipalités.
Ce ne fut que le 14 mai 1837 qu’une "Société de Secours mutuels des Artisans et Marchands de Montaigu" fut fondée, recevant son autorisation le 21 mars 183811. En effet, les principes individualistes de la Révolution avaient, sous prétexte d’égalité, abouti à interdire les associations et ce n’est qu’en 1810 que des sociétés d’entraide furent autorisées à se constituer. Le pouvoir en place, craignant qu’elles servent de couverture à des menées subversives, limitait alors le nombre de leurs membres à vingt, et confiait leur surveillance aux maires, eux-mêmes, nommés par les préfets à l’époque.
Cette Société de Secours mutuels de Montaigu était organisée par des statuts12 réglementant en cinquante articles, sa composition, ses ressources et son fonctionnement, et s’efforçant de prévenir de possibles abus ou dérives. Les principales aides apportées à ses membres étaient des soutiens financiers journaliers en cas d’incapacités à travailler, et des accompagnements lors de leur décès13. Il n’y est pas question de remboursements de frais médicaux, ce qui correspond au scepticisme de la population locale nourrissait à l’époque, vis-à-vis des compétences du corps médical14. En 1843, le nombre des membres de cette Société de Secours mutuels était de dix-sept15.
En 1856, deux autres sociétés de secours mutuels furent crées à Montaigu : la "Société de Secours mutuels des Sapeurs-pompiers de Montaigu" et la "Société de Secours mutuels des Dames et Demoiselles de Montaigu"1. Cette dernière était constituée à sa fondation de dix "membres participants" et de huit "membres honoraires"16 ; et en 1906 elle prit le nom de "Société de Secours mutuels Sainte Anne de Montaigu".
Par la suite, les Sociétés de Secours mutuels de Vendée se regroupèrent, puis, après de multiples fusions, ont pour nom depuis 2013 : "Harmonie mutuelle". Un nom qui rappelle curieusement celui de "la Parfaite Harmonie" d’Auguste Beufvier de la Louerie. C’est aussi là l’héritage d’un marin, franc-maçon et officier vendéen, de traditions d’entraide des confréries paroissiales, et de l’altruisme relatif des élites bourgeoises et aristocratiques du XVIIIe siècle.
---------------------
Notes, sources et références...
(sauf mentions contraires, illustrations et texte sont dus à M. Mignet)
1 Arrêtés et Délibérations municipales de Montaigu, 1793-1837, vue 164 (Arch. dép. de la Vendée : 146 R2).
2 Laronze (Georges), Montaigu ville d’histoire (IVe-XXe siècle), 1958, p. 118, note 157.
3 Boutin (Hippolyte), "Chronique paroissiale de Boufféré", 1895.
4 Mollier (Pierre), "Malte, les Chevaliers et la Franc-maçonnerie" in Cahiers de la Méditerranée, n°72, juin 2006, p. 1-15.
5 Van Hille (Jean-Marc), Dictionnaire des marins francs-maçons, édition 2011, p. 61. La précision des faits est parfois incertaine, ainsi Augustin Beufvier y meurt-il prématurément, suite à une confusion avec la date de décès de son père, Charles-Modeste, en 1781 à Bouaine.
6 Beauchet-Filleau (Henri), Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, 1894, t. 1er, p. 518.
7 Voir le Fonds Dugast-Matifeux, 2e série, Documents pour servir à l’histoire de la Révolution, 21-District et commune de Nantes : lettre datée du 20 juin 1793, d’Angers, adressée par les chefs vendéens au maire et aux officiers municipaux de la ville de Nantes (Arch. mun. de Nantes : catalogue de la collection, p. 145).
8 Deux cents ans plus tard, cette société réunissant au XVIIIe siècle des montacutains ayant servi dans "la Royale", eut pour héritière l’"Association de Marins et Marins Anciens Combattants de Montaigu", fondée en 1949 et toujours actuelle, et qui a compté jusqu’à 70 membres.
9 L’ancien cadastre de 1819 de Boufféré laisse non seulement deviner les traces de l’ancien château de "la Louerie", mais aussi celles d’un petit moulin à eau voisin, sur le cours du Blaison, l’un et l’autre ayant disparu depuis longtemps à l’époque de l’établissement de ce cadastre. En 1819, les terres de "la Louerie", comme les quelques biens que les Beufvier possédaient à Montaigu, avaient échu à des neveux et nièces à la mode de Bretagne d’Augustin Beufvier de la Louerie et de son frère Charles-Alexis.
10 Mignen (Gustave), Paroisses, églises et cures de Montaigu "Bas-Poitou", 1900.
11 Courrier du 27 mars 1838, du préfet de la Vendée, Paulze d’Yvoie, au maire de Montaigu.
12 Statuts de la "Société de Secours mutuels des artisans et marchands de Montaigu", 1841, 16 p.
13 L’obligation des membres des Sociétés de Secours mutuels de Montaigu à assister, sous peine d’amende, aux funérailles de l’un de ses membres existait toujours en 1950 (témoignage en 2017 d’Hubert Louis, qui en faisait partie à cette date).
14 Cette méfiance est évoquée par Armand-Désiré La Fontenelle de Vaudoré dans Statistiques ou description générale du département de la Vendée (1844, tome 3, p. 852-853). Pour Stève Desgré et Jean-Luc Souchet (la Force des solidarités vendéennes, 2005, p. 38-40), Armand Trastour, maire de Montaigu entre 1837 et 1870, et médecin "républicain", aurait apporté un soutien désintéressé à ces sociétés. La carrière du dit maire, dont les convictions politiques furent à géométrie variable, montre surtout son fort désir de reconnaissance sociale et de conservation de son statut de notable local et départemental.
15 Lettre du préfet au ministre de l’Intérieur, 22 mars 1843 (Arch. dép. de la Vendée, 4 M 112).
16 Statuts de la "Société de Secours mutuels des Dames et Demoiselles de Montaigu", 1856, 25 pages manuscrites (Archives paroissiales de Montaigu).
retour à
Histoire de Montaigu
◄ page précédente : Le XVIIIe siècle : Montaigu et le temps des physiocrates (1712-1789) Haut ▲ page suivante : Les désillusions et ravages de la Révolution (1789-1799) ►