le Blaison, un ruisseau et une frontière millénaire
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Le ruisseau "le Blaison" est parfois orthographié "Bléson", dans le respect de la prononciation locale. Il se jette dans "la Maine", rive gauche, à la limite de Saint-Hilaire-de-Loulay et de Remouillé, après avoir pris sa source à quelque 18 km plus au sud, sur les Brouzils. Localement et malgré sa modestie, il constitue la limite entre la Bretagne (Vieillevigne, Saint-André-Treize-Voies) et le Poitou (Remouillé, Saint-Hilaire-de-Loulay et Boufféré) qui jusqu’au XIIIe siècle était une partie de l’Aquitaine. Cette limite a longtemps fluctué, les pays des Mauges, d’Herbauges et de Tiffauges ayant été disputés entre les Bretons d'une part, et les Aquitains et Angevins d'autre part. Au Xe siècle, elle se stabilisa, se fixant ici sur "le Blaison", avec la constitution des "Marches de Bretagne et de Poitou"1, une zone de juridictions intermédiaires qui perdura jusqu’en 1789.
La Chronique de Nantes (v. 1050) évoque un combat qui eut lieu en décembre 843 ou 844 sur un passage du "Blaison", et qui opposa des seigneurs bretons au duc d’Aquitaine, Bégon. Bégon (ou Bégo) venait d’être nommé duc par Charles le Chauve (823-877), "roi des Francs", avec entre autres missions celle de refouler les Bretons au nord de la Loire, mais cela se passa mal pour lui : il y perdit la vie ainsi que le raconte la Chronique de Nantes2...
"Et adonc Lambert, qui avoit perpétré toutes ces choses, print la comté de Nantes, et la distribua à ses chevaliers, c'est à scavoir à Gunfroy, son neveu, la région, d'Erbauges, à Rainarius Maulge et à Girard Thiffaulges, et toutes ces choses leur concéda par droict héritel.
Après la mort Rainaldus, constitua le roy Charles un autre duc en Acquitaine pour déffendre la province, appellé Bégo, lequel, forma un chastel sur la rive du fleuve de Loire, assez près de la cité de Nantes, auquel chastel il imposa son nom. Et voulant celuy duc Bégo chasser et débouter les dessusdits nommez Gunfroy, Rainarius et Girard de celles régions, vint en despourveu premièrement, en Herbaulge avecques multitude de chevaliers cuider assaillir Gunfroy, lequel il ne trouva pas, car il avoit eu cognoissance de sa venue, et s'estoit absenté.
Mais, ainsi que Bégo s'en retournoit, Gunfroy appella ses compagnons Rainarius et Girard en son aide, et chevaucha celéement tant qu'il acconsuivit Bégo ainsi qu'il passoit les gués de Bléson. Et, comme jà la moitié des chevaliers eussent trespassé lesdits gués, il courut sus impétueusement à la dernière compagnie, dont il occist plusieurs en l'estrif, et les autres enchâssa, entre lesquels fuyants Bégo, duc des Acquitains, fut occis et ensevely à Durenum, une ville de Thiffaulges. Et lors vint Gunfroy au chastel Bégo, lequel il print et l'habita jusques à ce que les Norwégiens peu après retournèrent par Loire à gaster les citez voisines des rives diceluy fleuve, qui par long siège prindrent violentement ledit chastel."
Cette Chronique confirme l’existence de Saint-Georges-de-Montaigu, appelé alors Durin (traduit en latin : Durinum), ainsi que celle des raids des Vikings sur la Loire. Par contre, on remarque qu'elle ne fait aucune allusion à une possible existence de Montaigu dans ces années 800. De Bégon il est resté le souvenir de son nom qui est resté dans celui de "Château-Bougon", le "chastel Bégo" évoqué dans la Chronique, et celui de "Bouguenais", la commune où ce '"chastel" avait été construit.
Quant aux "gués de Bléson" où mourut cet infortuné vassal de Charles le Chauve, lis devaient être proches du tracé probable de la voie romaine allant de Saintes à Rezé. Selon René Merlet, l’auteur de l’édition en 1896 de la Chronique de Nantes, ils pourraient correspondre à un passage bordé par une "planche" (passerelle pour piétons) faite de grosses pierres plates et située entre "la Petite Roulière" de Saint-Hilaire-de-Loulay et "la Guittonnière" de Vieillevigne. Au XIXe siècle, les érudits locaux l'avaient qualifiée de "pont gaulois"3. Cependant à un peu plus d'un kilomètre en aval, près de "la Guérinière" de Vieillevigne et plus proche du tracé de l'ancienne voie romaine, il existe aussi une autre "planche" mégalithique... L'une et l'autre sont toujours visibles en 2021.
Le cours du "Blaison", du "Hallay" de Boufféré
à "la Mussetière" de Saint-Hilaire-de-Loulay,
sur une carte (environ 4,6 x 10,5 km)
de l’Atlas cantonal de la Vendée de Raoul Prévoteau (vers 1887).
Avec en hiver 2016, le "pont gaulois" entre "la Petite-Roulière" et "la Guittonière",
et celui similaire en contrebas de "la Guérinière",
l'un où l'autre pouvant correspondre aux "gués du Bléson"
où le duc d’Aquitaine, Bégon, fut occis par les Bretons qu'il venait attaquer.
Plus loin, près de la confluence du "Blaison" avec "la Maine", subsistent des vestiges ténus d’un petit moulin à eau. Juste avant ceux-ci, le ruisseau est franchi, en cet endroit encaissé, par un pont souvent qualifié de fortifié et de médiéval, et comme pouvant être un reste d'un château de "la Mussetière" antérieur à celui d'aujourd'hui qui, lui, ne date que du XVIIIe siècle.
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1 Cintré (René), les Marches de Bretagne au Moyen Age, 1992, p. 12 à 16.
2 Chronique de Nantes, de 570 à 1049, rédigée vers 1050, éd. de 1896 de René Merlet, p. 22 à 25. Pour un peu plus de détails sur cet événement de 843 ou 844, voir la page sur les origines de Montaigu.
3 Cette planche mégalithique de "la Guittonnière" a été restaurée autour de l'an 2000 par l'atelier "Mémoire collective" de l'Association Lolayo, de Saint-Hilaire-de-Loulay.
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