les Foires de l'Herbergement.
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Au milieu du XXe siècle, la fin des célèbres foires de l'Herbergement, a fait perdre son sens au (localement) bien connu dicton : "Ça durera moins longtemps que les foires de l'Herbergement". On fait remonter l'origine immémoriale de ces foires à une acte de concession octroyé en décembre 1569 par le roi de France Charles IX :
"CHARLES, PAR LA GRACE DE DIEU, ROY DE FRANCE, A TOUT PRESENS ET ADVENIR SALUT.
Nostre amé et féal chevalier de nostre ordre, le sr de Boischollet et de l'Herbergement-enthier, capitaine de cent chevaulx legiers, nous a faict dire et remonstrer qu'il est propriétaire de la terre, justice et seigneurie de l'Hebergement-entier, scituée et assize en nostre bas pays de Poitou, laquelle est assize en bon pays, habondant et fertille en blez, vins, bois, passaige de bonne et grande estendue, et qui a ung bon nombre de vassaulx ; de sorte qu'il seroit grandement requis pour le bien, proffict et commodité non seullement dudict sr de Boischollet et de sadicte terre et subjectz, mais aussi de tout le pays circonvoisin, qu'il y eust establissement de foires en icelle terre et seigneurie de l'Hebergement-enthier ; ce que ledict sr de Boischollet nous a très humblement faict supplier et requerir luy voulloir octroyer et accorder. SCAVOIR FAISONS que nous inclinans liberallement à la supplication et requeste qui faicte nous a esté par aucuns noz speciaux serviteurs en faveur dudict sr de Boischollet, avons en icelle terre et seigneurie de l'Hebergement-enthier creé, estably et ordonné, creons, ordonnons et establissons, de nostre grace special, plaine puissance et auctorité royale, par les presentes, huict foires par chacun an et ung marché chacune sepmaine, c'est assavoir : la première, le premier jour de l'an. la seconde le jour Sainct Paul, la troisiesme jour St-Mathias, la quatriesme le jour St-Mexme, la cinquiesme le jour St-Lyonne, la sixiesme le jour St-Leonard, la septiesme le jour St-Roch, la huictiesme le jour St-Martin, et lesdictz marchez au jour mercredy par chacune des sepmaines de l'année, pour lesdicts foires et marchez avoir et faire tenir par ledit sr de Boischollet et ses successeurs seigneurs en ladicte terre de l'Hebergement-enthier doresnavant par chacun an et perpetuellement aux susdicts jours. Voulons que tous marchans et autres gens qui les frequenteront et y afflueront puissent vendre, eschanger et distribuer toutes denrées et marchandises licites, et qu'ils jouissent de tels et semblables previlleiges, franchises et libertez dont ilz ont accoustumé de joyr et autres foires dudict pays, et que pour icelles avoir et tenir led. sr de Bois-Chollet puisse faire, dresser, construire et ediffier halles, estaulx et logis en tel lieu qu'il verra estre affaire propre et convenable pour cest effect, pourveu que, à quatre lieues à la ronde, au dicts jours n'y ayent autres foires et marchez. Si donnons en mandement par ces mesmes présentes au seneschal de Poictou ou son lieutenant et à tous noz autres justiciers, officiers et subjectz ou leurs lieutenans, presens et advenir, et chacun d'eulx en droict soy et si comme à lui appartiendra, que de nos presentes permissions ilz facent, souffrent et laissent led. sr de Boischollet, ses hoirs et successeurs seigneurs dud. l'Hebergement enthier, joyr et user plainement et paisiblement, en faisant crier et publier lesd. foires en lieulx et ainsy qu'il est accoustumé en tel cas, et joyr leds marchans frequentans lesd. foires desd. privilleiges, franchises et lybertez ainsy que dessus est dict, sans en ce lieu faire, mectre ou donner ne souffrir estre faict, mis ou donné aucun arrest, trouble, destourbier ou empeschement, au contraire, lequel si faict, mis ou donné luy avoit esté ou estoit, le mettent ou facent mestre incontinant et sans delay à pleyne et entiere delivrance et au premier estat et deu ; car tel est nostre plaisir. Et affin que ce soit chose ferme et stable à tousjours, nous avons ausd. presentes faict mestre scel, sauf en austres choses nostre droict et l'aultruy en toutes. Donné à Collonges lez Reaulx, au moys de décembre l'an de grace mil cinq cens soixante-neuf, et de nostre reigne le neufviesme.
Par le roy, de LAUBESPINE"1
Il est cependant possible que cet acte de 1569 instituant les douze foires annuelles de l'Herbergement n'ait fait que confirmer et institutionnaliser des foires existant déjà antérieurement. En 1905, Jehan de la Chesnaye2 rapportait à leur sujet une tradition prétendant que le seigneur de la Roche-Thévenin, de la Guyonnière, aurait perdu ses foires au jeu contre celles du seigneur du Bois-Chollet...
Charles Moreau s'est penché en 1993 sur l'histoire des foires de l'Herbergement qui venaient de disparaître, et il en a laissé un livret de 47 pages abondamment illustré et naturellement intitulé : "Les Foires de l'Herbergement". C'est de ce livret, devenu quelque trente ans plus tard difficile à trouver, que proviennent les lignes qui suivent.
le Champ de foire
Ses débuts
1569
Dépendant des seigneurs du Bois-Chollet, le champ de foire fut implanté, à l'origine, à l'intersection de la route de Saint-Sulpice-le-Verdon et du chemin de l'Eviaud, face à l'entrée de l'allée du château du Bois Chollet. Terrain côté gauche en allant vers l'Eviaud.
Un premier champ de foire vit le jour après l'an 1569, année de l'acte de concession des Foires Royales, par le roi Charles IX ; et il fonctionna sur ce lieu jusqu'en 1844.
Sur ce champ de foire, des Halles furent construites. Elles mesuraient 90 mètres de long sur 10 mètres de large environ.
Une particularité : ces Halles étaient séparées intérieurement sur le sens de la longueur, en deux parties égales :
- l'une mentionnée "Halles",
- l'autre mentionnée "magasin".
1793
Signalons en passant, que le 10 janvier de cette année, elles sont utilisées comme lieu de repos, par la compagnie de cavalerie de Montaigu, qui revenait de Saint-Sulpice-le-Verdon, où elle était allée "réprimer" un début d'insurrection.
1797
L’état des halles en mai de cette année-là nous est connu grâce à un procès-verbal les expertisant en tant que biens nationaux, ainsi que le pourpris du Bois-Chollet : en bonne partie en ruine et partiellement incendiées.
1812
Cette année voit la réalisation de la route reliant Montaigu à Napoléon-Vendée, en passant par l'Hébergement, ce qui donne un essor très remarquable aux foires.
Par la suite, de grosses difficultés surgissent. L'état du Champ de Foire et de ses accès devient de plus en plus mauvais. Aussi la Municipalité envisage le transfert de l'emplacement de cette activité vers le centre bourg.
Pour cette petite commune de 280 habitants à l'époque, c'est une dépense considérable.
Son transfert
1838
La décision du transfert de l'emplacement du champ de foire est prise par le Conseil municipal, et à la fin de cette année, l'accord du préfet est obtenu.
C'est alors que se présente, pour le Conseil municipal, une tâche difficile, car il faut trouver et acquérir les terrains nécessaires à l'implantation de ce nouveau champ de foire.
Après de nombreuses tractations, la parcelle de 6317 m² (champ de foire actuel) est acquise pour la somme de 640 Fr à M. Quirion. La commune récupèrera cette somme en créant un péage d'entrée sur le champ de foire, pour chaque animal.
Une autre parcelle attenante est donnée à la Commune, par M. Chapleau, sous certaines conditions.
La superficie nécessaire étant réalisée, le projet de construction du nouveau champ de foire est alors confié à un architecte.
l'Herbergement en 1838, avant le transfert du champ de foire,
et le nouvel emplacement de celui-ci après 1841.
(extrait de tableaux d'assemblage du cadastre de 1838,
nord à 60° à droite, environ 1000 x 1100 m)
Ses aménagements
1844
La construction elle-même est adjugée à un sieur Hillériteau, qui finance lui-même les travaux et perçoit en contrepartie les péages d'entrée sur le champ de foire pendant une vingtaine d'années.
Le montant de cette redevance est fixé par le Conseil municipal.
Les travaux avancent, mais des modifications sont demandées et acceptées, notamment la construction en pierres de taille des angles des murs des Halles, ainsi que l'aménagement différent à l'intérieur.
1845
Le nouveau champ de foire est mis en service, mais le concessionnaire ayant financé les travaux, constatant l'absence d'apports de moutons sur le marché, en raison du péage, demande la suppression de ce droit d'entrée pour ces animaux.
L'adjudicataire est alors autorisé à percevoir d'autres droits, sur la place du bourg, à proximité de l'église.
1864
La commune demande à la préfecture l'autorisation d'ouverture d'un marché pour les denrées chaque mercredi. La suite donnée n'est pas connue.
Le champ de foire aux moutons, en mauvais état, est transféré rue de la gare ; emplacement sis entre l'ancienne gendarmerie et la maison Charles Guillemain. Son agrandissement est décidé et nécessite l'acquisition des terrains Coumailleau, pour 380 Fr.
1868
En raison de l'évolution des foires, qui prennent un essor important, un nouvel agrandissement du champ de foire devient nécessaire.
La Commune fait alors l'acquisition d'un pré appartenant à M. Chapleau.
1914
Un projet de reconstruction des Halles est confié à un architecte, M. Guichet. Ce projet est annulé pour cause de guerre.
1921
La partie ouest des Halles est réparée.
1935
La bascule publique, construite en 1887 à l'emplacement actuel de la Mairie est transféré sur le champ de foire.
1939
Les étagères et les bancs installés à l'intérieur des Halles, sont supprimés pour y loger des mulets venant d'Espagne, et quelques chevaux.
1950
Tous ces aménagements, dans leur grandes lignes correspondent au champ de foire tel qu'on l'a connu jusque vers les années 1950.
1969
Les Halles, construites en 1844, sont démolies, ne pouvant plus être utilisées convenablement.
1973
Les beaux platanes, sous lesquels étaient parqués les porcs, les jours de foire, sont sacrifiés pour faire place à la salle des sports actuelle.
Cette dernière est inaugurée le 7 septembre 1974.
1975
L'ex champ de foire aux moutons, rue de la gare, est aménagé en jardins et parking publics.
1983
La bascule publique, place du champ de foire est supprimée.
Quelques vues du champ de foire de l'Herbergement vers 1900-1910 :
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l'Évolution des foires de 1850 à 1950
Elles connaissent un essor considérable à partir de 1866, année où la voie ferrée Nantes à Napoléon-Vendée est ouverte et livrée au trafic des voyageurs et marchandises.
Les arrivages et les expéditions de bétail se font par wagons entiers, ce qui fait que l'Herbergement devient un centre commercial très important, constituant un pôle d'attraction pour toute la région.
Aussi de très nombreux commerces et services voient le jour, afin de faire face à cette nouvelle situation.
1906
Devant l'importance toujours croissante des arrivages et des expéditions de bestiaux par le train, la Municipalité adresse une requête à la Société des Chemins de fer, pour que celle-ci installe un parc à bestiaux sur le terre-plein, gare des marchandises.
1908
C'est au cours de cette année que les plus importants départs par train sont enregistrés.
Aux foires d'hiver des mois de février et de mars, 37 wagons sont expédiés sur différentes destinations, dont 15 pour Paris (la Villette).
C'est dire l'importance des foires dans les années d'avant 1914.
1939
Les foires connaissent un déclin important après la guerre 1939-1945.
Les épidémies de fièvre aphteuse ont pour conséquence l'interdiction des foires. C'est alors que les marchands de bestiaux et de volailles prennent l'habitude de faire leurs achats directement dans les fermes.
Autre cause de ce déclin : la circulation des animaux sur le réseau routier.
le Déroulement des foires de 1850 à 1950
Les bovins
La veille de la foire, l'après-midi, c'est l'arrivage des bovins en gare de l'Herbergement, par wagons complets. Aux grosses foires, de 15 à 20 wagons arrivent en provenance de la Nièvre, de la Creuse, de la Haute-Vienne et de la Vienne.
Dès l'arrivée, tous ces bovins sont débarqués et, selon les cas sont, soit parqués dans les parcs mobiles sur le quai d'arrivage, soit acheminés sur les écuries pouvant les recevoir.
Le matin de la foire, tous ces bovins sont conduits au foirail.
Beaucoup d'autres arrivent par la route, à pied. Certains troupeaux se déplacent toute la nuit pour arriver au petit matin sur le champ de foire.
Ils arrivent principalement des régions de Sainte-Hermine, Bournezeau où la foire a lieu la veille, de Thorigny, Chantonnay, la Mothe-Achard, et le sud-Vendée.
Les hommes chargés de les acheminer ont une tâche difficile. Conduire un troupeau important par des nuits sans lune et sans en perdre en cours de route est une mission que seuls des hommes entraînés et rompus à cette tâche, peuvent accomplir (on les appelle "les toucheurs").
Ils sont aidés en cela par des chiens qualifiés qui leur sont d'un précieux secours.
On devine le tintamarre des matins de foire. De toutes les routes convergent vers le foirail d'importants troupeaux, tout à la fois exténués par une longue marche, et excités par le bruit et les jurons des hommes, sans compter les coups de bâtons.
Arrivés sur le champ de foire, les animaux sont rangés selon leur âge et leur sexe, dans les alignements correspondants. Aux grosses foires, le foirail est comble.
La foire de mai rassemble également de nombreux animaux gras. C'est la fin de la période d'engraissement et le terme pour les fermages : la saint Georges (23 avril). La plupart de ces animaux sont expédiés par la gare pour le marché de la Villette.
Les veaux blancs (charolais destinés à la reproduction)
En provenance du Nivernais, ils sont très recherchés et se vendent bien.
Toutes ces bêtes appartiennent aux marchands-expéditeurs de bestiaux, qui sont allés les acheter les jours précédents dans les départements déjà cités. Ils ont leurs emplacements réservés pour un nombre donné de têtes de bovins.
Les acheteurs s'adressent à eux. Ils viennent d'un peu toute la France, mais surtout du département et des départements limitrophes, ainsi que de toute la Bretagne.
Les porcs
Ils sont parqués sur l'emplacement actuel de la salle des sports, sous les beaux platanes qui se trouvaient là et donnaient l'été un bel ombrage.
Ce commerce se limite à la région.
Les moutons
Ils ont leur propre champ de foire, rue de la gare, sur la place entre l'ancienne gendarmerie et la maison Charles Guillemin.
Ce commerce se limite également à la région.
Le jour de la foire, toute transaction est interdite entre vendeurs et acheteurs avant huit heures du matin. Les actes de vente ne peuvent être conclus qu'après le signal de la cloche actionnée par le garde-champêtre. Cette cloche, gardée maintenant en mairie, repose sur deux consoles en fer fixées dans le mur de la maison Bidet (actuellement maison Roger), au premier étage.
Notons au passage que tout ce commerce se règle en argent liquide, les chèques n'étant pas encore utilisés. Aussi les portes-feuilles des marchands sont parfois super-gonflés.
L'Herbergement le 6 septembre 2019, le champ de foire n'y existant plus
(nord à 60° à droite, environ 1000 x 1100 m).
Les dates indiquées pour ces foires dans l'acte de concession de 1569 se fixèrent par la suite au 1er mercredi de chaque mois. Tandis que les foires au bétail cessèrent leur activité à la toute fin des années 1950, les foires-marchés qui les accompagnaient ont subsisté, et ont toujours lieu le premier mercredi de chaque mois.
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1 Cité dans la Revue des Provinces de l'Ouest, de décembre 1858. On notera que le "seigneur de Boischollet" dont il est question est Roland de la Boucherie († 1574), et que cet acte de concession est signé de "Coulonges-les-Royaux", aujourd'hui Coulonges-sur-l'Autize, où résidaient autour de Noël 1569, le roi Charles IX et la famille royale.
2 La Chesnaye (Jehan de ), L'Hébergement-Entier et la seigneurie du Bois-de-Chollet, 1905, 63 p.
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