le quartier de Sainte-Marie
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"Sainte-Marie" : une création des années 1870
La vue la plus pittoresque du bourg du Poiré est celle que l’on a en venant d’Aizenay. C’est là que se trouve le "quartier de Sainte-Marie", séparé du centre-bourg par le vallon où coule "le Ruth". Il est né après 1870 près du monument dit "la Colonne", élevé dans ces années-là et près duquel une petite dizaine de maisons vinrent s’aligner en bordure de la route.
Le long de la route allant à Aizenay en passant par "Saint-Louis" et "le Plessis" :
"le quartier de Sainte-Marie" et lieux voisins,
sur des vues aériennes vers 1950 et le 28 juin 2022 (environ 1100 x 540 m) ;
et une vue agrandie de ce quartier (environ 400 x 225 m).
Le nom de "Sainte-Marie", lui a été donné par Jean Tenailleau (1809-1880), meunier né à "la Tenaillère" et qui était venu vivre au "Plessis", près duquel il fit construire un moulin à vent en 1864. En 1867 il décida d’établir non loin et plus près du bourg, un moulin à eau sur "le Ruth". En 1872 il se fit édifier, juste au-dessus le long de la route, un vaste maison à laquelle il donna le nom de "Sainte-Marie du pré Chauvin", nom rapidement raccourci en "Sainte-Marie". Quant au moulin à eau, on l'appela bientôt "la Minoterie" vu l’installation d’une machine à vapeur pour relayer le débit faible et saisonnier du ruisseau, puis "le moulin à Elise" lorsqu'autour de 1990 sa restauration et la création d’un étang vinrent lui donner une nouvelle vie…
Points de vue sur "le quartier de Sainte-Marie" à partir du bourg, au début de 1914 et le 26 mai 2023 ;
et sur le bourg à partir de "la Colonne", le 26 mai 2023 et au début de 1907.
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"La Colonne", un monument emblématique du patrimoine du Poiré
"Le quartier de Sainte-Marie" est aussi appelé le "quartier de la Colonne", du nom du monument qui y a été élevé il y a (en 2023) en-viron un siècle et demi, et qui fait partie de la douzaine d’éléments emblématiques du patrimoine du Poiré1.
"Pour comprendre ce monument, il faut le situer dans le contexte de l’époque caractérisé par le mouvement des nationalités initié par la Révolution française, et par les maladresses politiques du gouvernement français qui, le 19 juillet 1870 et dans les plus mauvaises conditions qui soient, déclencha la désastreuse guerre franco-prussienne. Les jeunes gens de la paroisse, avant de partir aux combats, assistèrent à la messe et se placèrent sous la protection de la Vierge en prenant le scapulaire, et du Sacré-Cœur en emportant une image du Cœur de Jésus avec ces mots "Arrête, le Cœur de Jésus est avec moi"… retrouvant ainsi l’attitude de leurs ancêtres de 1793. Après leur départ, chaque semaine, plusieurs messes furent célébrées pour demander à Dieu de les protéger et de rendre la paix à la France.
C’est pour obtenir ces mêmes faveurs que le 15 août 1870 l’abbé Narcisse Milasseau, curé de la paroisse de 1854 à 1887, consacra celle-ci à la Sainte Vierge et que l’on porta sa statue (une Vierge de Lourdes) en procession au sommet du coteau qui domine "le Ruth" sur la route d’Aizenay. La Vierge y est invoquée sous le titre de 'Notre-Dame du Poiré, Reine de la Paix'.
‘La Colonne’, œuvre de style gothique en granit du sculpteur luçonnais Renaud Bizet, fut construite quelques années plus tard et elle fut inaugurée le 17 avril 1876.
Autrefois, on venait y faire la neuvaine préparatoire au 15 août, et la procession du vœu de Louis XIII gravissait, ce jour-là après les vêpres, la pente raide du coteau."2
La colline fut boisée par l’abbé Fabien Barreau, curé de la paroisse du Poiré de 1958 à 1971. Lors de la tempête mémorable du 13 février 1972 le monument lui-même fut épargné, mais pas les arbres qui l’entouraient. Ils furent replantés en plus grand nombre dans les années suivantes.
"La Colonne" autour de 1960, 1960, et le 7 juin 2023 (hauteur, statue incluse : environ 12 mètres).
Cette "guerre de 1870" prit fin le 28 janvier 1871. Dans l’inventaire en cours fait par la section du Poiré des "Soldats de France", on trouve les noms de 29 soldats originaires du Poiré qui y périrent : 14 de maladies, 7 de causes non précisées, 8 au combat ou de blessures. Parmi ceux-ci, un Jean Tenailleau, fils de celui qui sera à l’origine de "Sainte-Marie", deux ans plus tard.3
Localisation des lieux d’origine des soldats connus du Poiré, étant morts lors de la guerre de 1870.
( étoiles évidées : villages créés après 1850 )
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"Le quartier de Sainte-Marie" du XXe au XXIe siècles
Ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale que ce petit "quartier de Sainte-Marie", établi près de la maison du même nom, finit par être considéré comme faisant partie du bourg du Poiré4, bien que resté séparé du "quartier du Pont" par un espace non bâti, jusque vers 1960.
La "maison de Sainte-Marie", le 7 juin 2023.
Un peu avant 1870, le tisserand Pierre Garnier fut de ses premiers habitants. Les maisons qui s’ajoutèrent à la sienne abritèrent, des ouvriers maçons ou charpentiers et surtout des journaliers vivant sur leurs modestes jardins potagers4. En 1886, ils sollicitèrent et obtinrent le droit de creuser à leur frais une fontaine sur le bord du chemin menant à "la Minoterie"5, le lavoir qui lui avait été adjoint était le seul des nombreux "gardours" et "douets"6 d’autrefois à subsister, inutilisé, sur le bourg du Poiré.
Le 7 juin 2023, le lavoir du "quartier de Sainte-Marie" et son voisinage, et celui-ci vers 1910.
Autour de 1970, la première "zone industrielle" du Poiré fut créée dans ce "quartier de Sainte-Marie". C’est l’actuelle "Zone d’Activités de la Colonne". Après des débuts difficiles, elle abritait en 2023, 16 entreprises de tailles et d’activités diverses.
Vue aérienne du "quartier de Sainte-Marie", le 15 juillet 2011.
( photo Dominique Mignet )
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Une famille engagée au service de sa commune
Durant deux siècles, la famille Tenailleau qui a fait construire en 1872 la maison appelée "Sainte-Marie", a eu un rôle important dans les assemblées municipales du Poiré7. Ceci en particulier après 1884, année à partir de laquelle les maires ne furent plus nommés par le Préfet du département, émanation du gouvernement, mais élus par les membres des Conseils municipaux.
Les descendants de Jean Tenailleau, de "la Tenaillère",
conseillers ou maires de la commune du Poiré entre 1790 et 2022.
( généalogie simplifiée, source E.-M. Vincent )
La famille Tenailleau, composée de laboureurs et de meuniers, était originaire de "la Tenaillère" où le plus ancien de ses membres connus, appelé Jean Tenailleau, mourut en 1756.
Trois génération plus tard, un de ses arrière-petits-fils, Mathurin Tenailleau (1797-1864), fit partie du Conseil municipal du Poiré entre 1838 et 1851, puis son frère Jean Tenailleau (1809-1880) entre 1853 et 1870. C’est lui qui en 1864, conjointement avec son beau-frère Louis Laurent, meunier vivant au "Plessis", fit construire non loin le moulin à vent dit "de la Gîte"...
En juin 1888, son fils Jean Tenailleau (1833-1889) fut élu maire du Poiré8. Il habitait dans le bourg du Poiré, à l’actuel n°4 de "la rue de la Messagerie". Mais il décéda l’année suivante.
Son frère, Pierre Tenailleau (1837-1906), fut alors élu maire. Comme de nombreux autres en Vendée, il fut suspendu de ses fonctions en avril 1902 par le Préfet (tout en restant conseiller municipal) dans le contexte de la politique anticléricale systématique de l’époque, avant d’être réélu en mai 1904. Durant cette période de plusieurs mois, ce fut son ami et adjoint Auguste Remaud, dit "Macaire", qui tint ce rôle. Redevenu maire, il ne le resta cependant que deux ans : le 25 décembre 1906 il signait l’acte de naissance de Marie Gouas (1906-1995) née de la veille, et mourait le lendemain, 26 décembre. De cette date aux élections suivantes, ce fut le notaire Henri Dorion qui assura la fonction de maire.
En mai 1908, Eugène Tenailleau (1862-1944), fils de Jean et donc neveu de Pierre (cf. arbre généalogique), qui fut élu maire. La guerre de 1914-1918 n’ayant pas permis la tenue d’élections en 1916, il le resta jusqu’en 1919.
Aux municipales de décembre 1919, Henri Tenailleau (1865-1941), cousin d’Eugène Tenailleau (étant le fils de Pierre décédé en 1906) fut élu maire à son tour. Il habitait "près du pont" (…de la route d’Aizenay) et sera maire jusqu’en décembre 1940 : atteint par la maladie il dut alors abandonner sa charge à son adjoint, Jacques Dugast, et mourut en août suivant.
Au cours des années 1920 et de gauche à droite :
Joseph Mignet (1880-1935) et Henri Tenailleau (1865-1941).
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Une conseillère et un conseil municipal face à l'Occupation
Tout comme en 1916, les élections municipales qui devaient avoir lieu en 1941 durent être reportées du fait de la guerre, et le Conseil municipal élu en 1935 fut dans les faits reconduit et complété par 5 nouveaux membres cooptés afin de remplacer les conseillers empêchés pour raisons de captivité ou autres. Par ailleurs en vertu de la loi du 16 novembre 1940, le Poiré ayant plus de 2000 habitants, deux conseillers proposés par le conseil reconduit devait être : l’un, père de famille nombreuse (ce fut Joseph Vrignon) et l’autre, être une conseillère, ceci bien que les femmes n’aient pas alors le droit de vote9. Celle qui fut sollicitée pour assumer cette fonction en ces temps difficiles fut Marguerite Tenailleau (1896-1978, communément appelée "Mademoiselle Tenailleau de Sainte-Marie") qui, par sa mère, était une cousine germaine des anciens maires Eugène et Henri Tenailleau. Avec Joseph Vrignon, elle sera en charge de la Commission d’Assistance aux démunis et aux réfugiés, ayant à couvrir l’hébergement de familles juives à "la Pampinière" (celle de Rachel Cohen) par des membres du Conseil municipal, au "Chemin" (celle de Jacob Bitrand), et ailleurs. De même, avec le secrétaire de mairie de l’époque, Auguste Bernard (1894-1976), "…peu regardant quand il s’agissait de procurer des papiers à ceux se trouvant en délicatesse avec les autorités occupantes", permirent-ils à des prisonniers évadés, à des réfugiés alsaciens-lorrains susceptibles à tout moment d’être mobilisés dans la Wehrmacht, d’échapper à l’occupant10.
Aussi seront-ils confirmés dans leurs fonctions avec tous les membres du Conseil municipal par le Comité français de Libération nationale, le 10 novembre 1944. Et en mai 1945, ils feront partie des 17 sortants (sur 23) reconduits lors des nouvelles élections municipales11.
Marguerite Tenailleau sera réélue en 1947, en 1953 et en 1959. On comprend pourquoi, en 2020, le nom de "Marguerite Tenailleau" fut proposé et adopté pour une rue du Poiré, rappelant ainsi sa conduite pendant la guerre, ses 24 ans de mandats municipaux, et qu’elle y a été la première femme à être conseiller(e) municipal(e)12.
"Mlle Tenailleau de Sainte-Marie" (X) parmi les membres du Conseil municipal13
lors de la cérémonie de décoration des mères de familles nombreuses, le dimanche 24 mai 1953.
( photo Armand Mignet )
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Notes, sources et références...
(sauf mentions contraires, illustrations et texte sont dus à M. Mignet)
1 On peut considérer comme autres monuments patrimoniaux emblématiques du Poiré : le mégalithe de la Merlière ; l’église avec son chœur du début du XIIIe siècle, son retable de la fin du XVIIe siècle, son clocher de 1826 avec sa flèche en bois, son orgue classé ; sur "la place du marché" la maison de la Renaissance finissante, et la fresque dite des "mariés du Poiré" ; le calvaire monumental de "la Jamonière" et la grotte toute proche ; le "moulin à Elise"… On pourrait y ajouter dans le domaine du petit patrimoine, l’ensemble des humbles croix de pierre dispersées sur toute la commune, ou encore les anciens "tramails", (pour le ferrage des bêtes), "douets" (lavoirs), "planches" (passerelles)... Autrefois on y aurait ajouté les châteaux de "Pont-de-Vie", de "la Métairie", et les vestiges de quelques anciennes demeures seigneuriales ("la Rételière", "la Bouchère", "le Fief", "le Bossé"…)..
2 D’après la brochure Les sites cultuels du Poiré-sur-Vie, réalisée vers 1985 à la demande du Syndicat d’Initiative du Poiré. Voir aussi dans le numéro du vendredi 21 avril 1876 du Publicateur – journal de la Vendée, l’article sur l’inauguration du monument enfin achevé, qui venait d’avoir lieu quatre jours plus tôt, c’est-à-dire le lundi de Pâques de cette année-là.
3 Aubret (Daniel), Mémorial du Poiré-sur-Vie, site créé par la section des "Soldats de France" du Poiré afin de rappeler le souvenir de ceux qui, originaires de la commune, sont morts ou ont participé aux Première et Seconde Guerres mondiales, et de ceux ayant péri au cours d’autres conflits des XIXe et XXe siècles et dont les noms sont connus.
4 Listes nominatives des recensements du Poiré de 1861 à 1946 (Arch. dép. de la Vendée : 6 M 280-281-282, 497 W).
5 Délibérations du Conseil municipal du Poiré du 13 juin 1886 (Arch. dép. de la Vendée : AC 178 8).
6 En parler local voir : pour "gardour", le Dictionnaire français › poitevin-saintongeais, poetevin-séntunjhaes › françaes de Vianney Pivetea, p. 559 ; pour "douet", le Glossaire étymologique et historique des patois et des parlers de l'Anjou, d’Anatole-Joseph Verrier et de René Onillon, t. 1, p. 298.
7 Délibérations du Conseils municipal du Poiré de 1838 à 1962, et actes d’état civil du Poiré (Arch. dép. de la Vendée : AC 178/3-18, et AD2E 178/1-…).
8 Depuis 1790 et jusqu’en 1884, les maires de la commune du Poiré, nommés par le Préfet, avaient été principalement des notaires ou des hommes ayant des situations professionnelles et sociales à l’époque assimilables (Joseph Tireau, André-Philippe Danyau, Pierre Arnaud, Arsène Bardoul, Armand Landois, Camille Gouin…). Le passage en 1888 à leur désignation par les conseillers municipaux, eux-mêmes élus, donna une représentation plus démocratique et fut une rupture dans les origines et mentalités des maires du Poiré.
9 Loi du 16 novembre 1940 relative à la réorganisation des corps municipaux, cf. les articles 13 et 14 (Journal officiel de la République française. Lois et décrets, n° 0321 du 12 décembre 1940, p. 2-3).
10 Entretiens en 2016 avec Charles Gauthier (1922-2017), dont le père avait en 1940 exfiltré cette famille Cohen sur le Poiré, puis confié celle-ci à son ami de chasse Auguste Archambaud ; entretiens entre 2018 et 2023 avec les habitants des villages évoqués (A. Archambaud ; J.-Y. Cornu, famille Bernard…) ; voir aussi de Gouraud (Louis) : La traque - le destin des juifs de Vendée pendant la Seconde guerre mondiale, 2015, 259 p. Pour certains d’entre eux, la résistance à cette persécution était un rappel de celle qu’avait connue la région un siècle et demi plus tôt.
11 Délibérations du Conseils municipal du Poiré du 24 décembre 1944 et du 17 mai 1945 (Arch. dép. de la Vendée : AC 178 17 et suite).
12 D’autres en Vendée, comme Marguerite Tenailleau, devinrent conseillères municipales en 1941, parmi celles-ci et plus connue qu’elle : Hélène de Suzannet à Chavagnes qui organisa des filières d’évasions, accueillit et cacha des enfants juifs, fut arrêtée par la Gestapo, échappa de peu à la déportation… et fit partie du Comité départemental de Libération de la Vendée (cf. La Vendée libre, n°7 du 4 octobre 1944). En 1945, elle fut élue Conseillère générale du canton de Saint-Fulgent et une des 33 premières femmes députées (cf. de Constance de Pommereau : "Hélène de Suzannet (1901-1961), combats humanistes d’une femme engagée pour la paix et pour l’Europe", in Recherches vendéennes, n°22 / 2015-2016, p. 55-122). Et aussi Joseph Vrignon, qui avait basculé dans le gaullisme dès la fin octobre 1940, a compté un beau-frère (Joseph Arnaud) et un frère (Louis Vrignon) parmi les membres du Comité départemental de Libération de la Vendée, et un autre de ses beaux-frères (Pierre Arnaud) avait été arrêté et déporté en Allemagne où il fut tué en novembre 1944 dans le camp de concentration de Husum-Schwesing. Etc. Est-il besoin de préciser quel était l'état d'esprit du Conseil municipal du Poiré tout au long de l'Occupation ?
13 Délibérations du Conseil municipal du Poiré du 21 mai 1953 (Arch. dép. de la Vendée : AC 178 18, vue 52). Sur la photo, on reconnaîtra à gauche de Mlle Tenailleau : Mme Dugast, Mme Cathal, Georges Cathal (préfet), Jacques Dugast (maire), etc.
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