la Malingerie
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Un nom malencontreusement effacé
"La Malingerie" est loin d’être le village le plus connu de la commune du Poiré. Il est quasiment contigu à celui de "la Jucaillère", auquel il n’a été longtemps relié sur quelques dizaines de mètres que par un abominable chemin creux, transformé en route autour de 1960. Le nom de "la Malingerie" a lui-même disparu officiellement suite à un malentendu qui l’a fait assimiler à "la Jucaillère" voisine1.
"La Malingerie" le 20 avril 2017 vers midi (vue en direction du sud-est),
et son plus ancien bâtiment,
dont les poutres ont conservé dans leurs fentes de mystérieux messages anciens restant à déchiffrer.
La liste nominative de ses habitants lors du recensement de 1936 :
Louis Roy, né en 1892, en sera le dernier agriculteur, cessant son activité vers 1965,
et, dans deux petites maisons voisines, Louis Bernard et Jean Gouas.
Au début du XIXe siècle, le village était constitué d’une seule ferme, de 18 ha, à laquelle quelques petites habitations s’ajoutèrent, hébergeant des personnes seules. Durant deux siècles sa population a oscillé entre 5 et 8 personnes, quoique dans les années 1850-1860, le partage momentané de sa ferme en deux exploitations ait fait monter passagèrement ce nombre à une quinzaine d’habitants. L’exploitation agricole disparut à la fin du XXe siècle, mais en 2019, une chèvrerie la remplaça. Jusqu’à ce qu’elle cesse son activité, elle a été, avec seulement 1 ha, la plus petite ferme du Poiré2. Dans le même temps, une autre maison s’étant ajoutée, la population est passée à 10 habitants
"La Malingerie" a été très liée aux Bernard, qui en ont longtemps été à la fois propriétaires et exploitants. De 1793 à 1795, durant la Révolution, Louis Bernard (1751-1819) soutint matériellement Charette, lui fournissant 32 boisseaux de "bleds" (22 de froment, 4 de seigle, 6 de mil)3, et il fit partie jusqu’à la fin de ces années 1790, de ceux qui "bénéficièrent" de perquisitions, visites domiciliaires et autres tracasseries de la part des troupes occupant le pays à l’époque4. En 2022, vivaient dans le village des descendants de ce Louis Bernard aux 6e, 7e et 8e génération.
Le seul bâtiment de "la Malingerie" existant déjà avant la Révolution,
vu et peint par Chantal Jauffrit, avant sa restauration en 2000.
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De mystérieuses petites découvertes
Autour de l’année 2000, lors de la restauration et de la transformation en maison d’habitation, du seul bâtiment de "la Malingerie" datant d’avant la Révolution, on a découvert cachés dans une fente d’une de ses poutres, une pierre à fusil, un petit couteau, un morceau de papier si bruni que le texte s’y trouvant écrit en est illisible, et une petite paire de ciseaux en morceaux. Leur attribution aux temps héroïques et incertains de l’époque révolutionnaire serait hasardeuse, même si le village a été comme "la Jucaillère" un de ceux ayant servi de refuge aux derniers révoltés5.
En 2020, quelques modestes objets découverts dans une fente d’une poutre
quelque vingt ans plus tôt.
(longueur du petit couteau : 5,1 cm fermé, et 8,9 cm ouvert)
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Structures foncières d’une exploitation familiale au début du XIXe siècle
Comment se présentait les structures foncières de la petite propriété paysanne au début du XIXe siècle ? Les premiers registres cadastraux peuvent en donner une idée à partir de ce qu’était en 1836 l’exploitation de "la Malingerie"6.
Ses terres appartenaient alors à parts égales aux quatre fils de Louis Bernard, à qui elles étaient sous la Révolution, et elles étaient exploitées par Jacques Guibert (né en 1783). Les principales caractéristiques de ces terres était le grand nombre et la faible taille des parcelles, 55 sur une surface de 18 hectares, soit une moyenne de 0,327 ha par parcelle, et leur dispersion. Les plus éloignées, situées à près de 2 km de "la Malingerie", près du moulin à vent du Fresneau, étaient en landes à cette date. Ces caractéristiques étaient probablement dues à des acquisitions progressives et au coup par coup. Comme partout dans le bocage du sud de la Loire, elles étaient entourées par des haies sur talus, aux utilisations étroitement codifiées7.
Par sa taille l’exploitation de "la Malingerie" était sensiblement plus étendue que la plupart des exploitations en faire-valoir direct d’alors, mais plus petite que les "métairies" en faire-valoir indirect. Autre différence majeure de ces dernières, le regroupement et la taille plus grande des parcelles, comme on peut le voir pour la métairie de "la Brossière" ou celle du "Puy Chabot" à la même époque.
Pour les systèmes d’exploitation et de productions, assez semblables, des unes et des autres, ils sont connus grâce aux descriptions détaillées de l’agriculture du Bocage, faites en 1818 par J.-A. Cavoleau, et complétées en 1844 par A.-D. La Fontenelle de Vaudoré8.
Les 55 parcelles des 18 ha exploités par "la Malingerie" en 1836.
(sur une vue aérienne de 1950 - environ 1900 x 1750 m)
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Notes, sources et références...
(sauf mentions contraires, illustrations et texte sont dus à M. Mignet)
1 Entretiens en 2019 avec Marie Jauffrit de "la Malingerie" (née en 1942), et avec Armande Bourmaud de "la Jucaillère" (née en 1927), toutes deux lointainement apparentées à Louis Bernard de la fin du XVIIIe siècle.
2 "Angélique, l’agricultrice aux 300 chèvres" (Ouest-France, 8 avril 2019).
3 Cahier des réquisitions de l’armée catholique et royale dans la paroisse du Poiré (Méd. mun. de La Roche-sur-Yon : ms 019), extrait : réquisitions à "la Malingerie" ; voir aussi de Lorvoire (Jean-Claude), "les Réquisitions de l’armée catholique et royale dans la paroisse du Poiré-sur-Vie", in Recherches vendéennes, n° 3, 1996, p. 257-299.
4 Délibérations de la municipalité cantonale du Poiré, 7 thermidor an 6 / 25 juillet 1798 (Arch. dép. de la Vendée : L 1238).
5 Cf. Lucas Championnière (P.-S.), Mémoires de la Guerre de Vendée (1793-1796), édition 1983, p. 132.
6 Plans et états de sections du cadastre du Poiré de 1836 (Arch. dép. de la Vendée : 3 P 178).
7 Voir les chapitres 1, 2 et 3 des Usages locaux du canton du Poiré-sur-Vie, réédition 1934, 38 p. (1re édition 1897-1898).
8 Voir les pages 162 à 194 : "Culture du Bocage", de Description du département de la Vendée (…), 1818, 389 p., de Jean-Alexandre Cavoleau (1754-1839) ; et les pages 506 à 544 au même titre de Statistique ou Description générale du département de la Vendée, 1844, 944 p., d’Armand-Désiré de La Fontenelle de Vaudoré (1784-1847). Ce dernier reprenant et développant abondamment le travail du premier.
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