aux origines (avant l’an 1000)
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L'existence de Montaigu en tant que tel – avec son château et sa ville – n’est pas attestée avant la toute fin du Haut Moyen Âge, que l’on fait traditionnellement se terminer avant l’an 1000, à l’époque où Hugues Capet devient, en 987, "roi des Francs" (et non "roi de France"). C’est au IXe ou au Xe siècle, devant l'insécurité que faisaient peser les incursions normandes que, pense-t-on, le site relativement escarpé de l'actuel château fut choisi pour être fortifié, et qu’une nouvelle localité se créa sous sa protection. Elle prit le pas sur sa voisine Durivum (ou Durinum), qui, au vu de restes archéologiques, avait connu un important essor durant la période gallo-romaine et qui correspond aujourd'hui au bourg de Saint-Georges-de-Montaigu.
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- 843 / 844 : rivalités entre Bretons et Francs près de Montaigu -
C’est en décembre 844 (ou 843) que Bégo (ou Bégon), duc d’Aquitaine est mort sur la limite des actuelles communes de Vieillevigne et de Saint-Hilaire-de-Loulay, et qu’il fut enterré à Saint-Georges-de-Montaigu.
Bégo dans les sources incertaines du haut Moyen Age breton
Cet événement, lointain dans le temps mais proche dans l’espace, n’est connu que par une source unique, la Chronique de Nantes, qui porte sur les années 570 à 1049, et qui fut rédigée probablement peu après cette dernière date. Tous les écrits postérieurs évoquant Bégo se basent sur elle. Le texte original n’est pas parvenu jusqu’à nous, mais il a été reconstitué en 1896, par l’archiviste paléographe René Merlet1, principalement à partir de la Chronique de Saint-Brieuc (v. 1415), des Cronicques et Ystoires des Bretons (1480) de Pierre Le Baud2, d’un Recueil manuscrit de l’église de Nantes (également disparu), et de quelques autres sources fragmentaires. Arthur de La Borderie a utilisé pour cette période ces mêmes sources dans son Histoire de Bretagne3, (1896-1914), ouvrage faisant encore référence aujourd’hui, et dont il ressort que...
"Autour de l’année 843, Nominoë s’efforçait de faire reconnaître le retour de l’indépendance de la Bretagne par Charles le Chauve, petit-fils de l’empereur Charlemagne. Son lieutenant, Lambert, ayant battu et tué le comte de Poitiers, Renaud, venu le mettre à raison, prit le comté de Nantes et attribua à titre héréditaire le pays d’Herbauge à son neveu Geoffroy, le pays des Mauges à Rénier, le pays de Tiffauges à Girard.
Pour reconquérir ces territoires perdus, Charles le Chauve nomma alors un nouveau duc d’Aquitaine, Bégo. Celui-ci se dirigea vers Nantes et fit construire, à proximité de la Loire, un château-fort auquel il donna son nom, mais il ne put affronter ses adversaires qui, ayant été prévenus, s’étaient dérobés. Cependant quand Bégo prit le chemin du retour, son arrière-garde fut rattrapée et mise en fuite par ceux-ci alors qu’elle passait les "gués du Bléson" (ou Blaison), et il fut lui-même tué dans cette affaire, puis inhumé à Durinum, en pays de Tiffauges.
Geoffroy s’empara alors de son château, mais une expédition de Normands, venus piller les rives de la Loire et leurs villes, l’en chassa peu après."3
Localisation des "gués du Bléson" sur une carte des "Pays" ("pagi")
à l’époque du traité de Verdun en août 843.
En blanc, la Bretagne à la veille de son extension aux IXe et Xe siècles.
En violet, l’Empire carolingien en cours de démembrement,
avec de part et d’autre de la Loire :
au nord le royaume de Neustrie, au sud le royaume d’Aquitaine
(selon Auguste Longnon, Atlas historique de la France depuis César jusqu'à nos jours, 1885).
La localisation de la mort de Bégo
La localisation précise de la mort de Bégo, c’est-à-dire celle des "gués du Bléson", présente une certaine incertitude...
- une première hypothèse, la plus naturelle, localiserait ces "gués" le long de l’ancienne voie romaine qui joignait Saintes (Mediolanum Santonum) à Rezé (Ratiatum), à l’endroit où elle traversait le Blaison, près de la Guérinière de Vieillevigne, et où se trouve une "planche" faite de longues pierres plates et qualifiée de "pont gallo-romain" par les érudits locaux du XIXe siècle.
- une seconde hypothèse les localiserait dans le bas de la Guittonnière de Vieillevigne et de la Petite Roulière de Saint-Hilaire-de-Loulay, où existe aussi une autre "planche" du même type et que les mêmes érudits qualifièrent de "pont gaulois".
Localisation à proximité de Montaigu, des "gués du Bléson"4
et d’autres restes ou souvenirs
des époques gauloise, gallo-romaine et du haut-Moyen Age :
- sur une carte de fin du XIXe siècle
(environ 7,8 x 8 km, avec les limites communales d’alors),
- sur un extrait colorié de l’Atlas de Tollenare,
reprenant des données du plan cadastral de Vieillevigne de 1822,
dont les types d’occupation des terres (champs, prés, vignes, bois, jardins).
Pour ce qui est du "château de Bégo", édifié près de Nantes, le long de la Loire, il en est resté les noms de "Bouguenais" et de "Château-Bougon". Le "Durinum" (ou "Durivum", ou "Durin"), où Bégo fut inhumé est le Saint-Georges-de-Montaigu d’aujourd’hui, mais où aucune trace n’a été découverte de cette inhumation. Quant aux pays d’Herbauge, de Tiffauges et des Mauges, "pagi" carolingiens réputés être hérités des circonscriptions administratives de l’empire romain, leurs limites sont d’un tracé très incertain.
En janvier 2016, sur la limite séparant Vieillevigne de Saint-Hilaire-de-Loulay,
les deux lieux ayant pu voir la fin de Bégo, duc d’Aquitaine :
- à gauche, en bas de la Guérinière, avec la planche dite "le pont gallo-romain"
sur le tracé de l’ancienne voie romaine de Saintes à Rezé ;
- à droite, en bas de la Guittonnière avec la planche dite "le pont gaulois".
La mort de Bégo témoin du contexte historique local au haut Moyen Âge
La mort de Bégo sur les bords du Blaison, relatée dans la Chronique de Nantes, renvoie à un temps sur lequel les connaissances sont limitées. Au-delà de l’événement lui-même, cette relation apporte indirectement des informations sur cette période qui vit la fin de l’Empire carolingien, partagé en trois en 843 par le traité de Verdun. A cette époque Nominoë, se posant en héritier des "rois de Bretagne", s’opposa à Charles le chauve, "roi de Francie occidentale", et commença une expansion bretonne fluctuante qui, avant de refluer, se prolongea durant près d’un siècle et demi.
Au sud de la Loire, jusqu’alors considérée comme limite septentrionale du "royaume d’Aquitaine", cette expansion s’étendit un temps sur les pays d’Herbauge, de Tiffauges et des Mauges. Les comtes d’Anjou puis ceux du Poitou la firent reculer, donnant naissance autour de l’an Mil aux "Marches séparantes de Bretagne et du Poitou", une limite qui plus de mille ans plus tard est toujours celle la Bretagne à quelques détails près… C’est sur celle-ci que se trouve le Blaison, entre la Loire-Atlantique et la Vendée, et entre Vieillevigne et Saint-Hilaire-de-Loulay.
Les "Marches communes de Bretagne et du Poitou" et celles
"avantagères du Poitou" et celles "avantagères de Bretagne" au XVIIIe siècle
(d’après Yves Chéneau).
La Chronique de Nantes non seulement évoque les expéditions des Normands remontant la Loire, pillant et ravageant la région, mais aussi, elle confirme que ceux-ci furent à l’occasion utilisés comme alliés ou comme mercenaires par les seigneurs locaux.
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Notes, sources et références
1 Merlet (René), la Chronique de Nantes, 570-1049, 1896, 247 p. dont une longue présentation et de nombreuses annotations. En 1891, il avait aussi publié : Guerres d’indépendance de la Bretagne sous Nominoë et Érispoë, 841-851. Ci-dessous le passage de la Chronique de Nantes (p. 22 à 25) où il est question de Bégo, tel qu’en son temps il a été reconstitué en latin puis traduit en ancien français par René Merlet…
2 Le Baud (Pierre), Cronicques et Ystoires des Bretons, 1480, éd. 1911, tome 3, cf. p. 97-99.
3-La Borderie (Arthur de), Histoire de Bretagne, 1898, tome 2, cf. p. 44.
4 Les extraits de cartes proviennent l’un de l’Atlas cantonal de la Vendée, 1887, de Raoul Prévoteau ; et l’autre de l’Atlas du département de la Loire-Inférieure, 1851, de Charles de Tollenare. Voir aussi les plans cadastraux de 1818 de Saint-Hilaire-de-Loulay (Arch. dép. de la Vendée : 3 P 224, section K2), et de 1822 de Vieillevigne (Arch. dép. de la Loire-Atlantique, section F1).
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