Lande blanche
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Aux origines, une Commanderie de l’Ordre du Temple...
Depuis toujours et jusqu’au milieu du XIXe siècle "Lande blanche"1 a fait partie de la paroisse puis commune du Poiré. Souvent on englobait aussi sous ce nom les villages voisins de "la Grande Croix", du "Champ d’avant", de "la Grouillère", des "Tuileries de Lande blanche" (ce dernier village incluant lui-même divers lieux comme "le Placin", "la Bergeonnée / Brégeonnée", "le Verger Drapeau", "le Grand Pré"), ain-si que les lieux-dits "l’allée de Lande blanche" et "le moulin de Lande blanche"2.
"Lande blanche", avec son moulin à vent, son four
et ses galeries de séchages de tuiles,
sur le plan cadastral de 1836 du Poiré (environ 515 x 805 m),
aux limites, à cette époque, du Poiré, de Belleville et de Saligny.
L’ensemble des différents villages constituant le quartier de "Lande blanche",
sur une vue aérienne du 3 septembre 2014 (environ 1050 x 910 m).
"Lande blanche ou Blanche Lande était autrefois une commanderie de l'Ordre des Templiers"3, l’ordre religieux et militaire bien connu qui avait été créé en 1120 afin de sécuriser le périlleux voyage des pèlerins se rendant en "Terre sainte". Une tâche qu’ils s’efforcèrent d’assumer jusqu’à la fin de celle-ci, en 1291.
La plus ancienne commanderie de Templiers en Bas-Poitou fut fondée vers 1130 à "Coudrie" non loin de Challans, grâce à Pierre III, l’important seigneur de la Garnache à l’époque4. On ignore par contre à quelle date fut fondée celle de "Lande blanche". On voit cependant en mai 1222…
"Guy de Tulle […], précepteur (prieur) d’Aquitaine, assisté du frère Stéphane, précepteur de Coudrie, et du frère Hamelin, précepteur de Lande blanche […] recevoir Guillaume Asselin comme homme du Temple"5.
En 1260, les Hommages d’Alphonse, comte de Poitiers, inventaire des rentes et des cens lui étant dus, relèvent près de "la Rocha super Oyon", "10 sous de cens [à payer] par les forestiers de la demeure de Lande blanche"6.
Le frère Jean de Ruans était le précepteur de de "Lande blanche" à la veille de la dissolution de l’ordre. En mars 1311, il comparut au célèbre procès de l’Ordre du Temple7, sans que l’on sache ce qu’il devint ensuite. Par contre, on sait que la commanderie de "Lande blanche" fit partie des biens des Templiers dévolus à l’Ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, lequel prit ensuite le nom d’Ordre de Malte.
En 2017 à "Lande blanche", de rares vestiges antérieurs à la Révolution
et leurs localisations et sur le plan cadastral de 1836 :
- au fond à gauche de la cour, une pierre sculptée qui pourrait être
le dernier vestige remontant à l’Ordre des Templiers ;
- à sa proximité, une ouverture à l’encadrement de "style médiéval" ;
- à droite, une borne fichée dans un mur près de l’entrée de "Lande blanche",
et portant les blasons des princes de la Roche et de l’Ordre de Malte8.
Plus tard elle fut réunie à la commanderie "des Habites", d’Apremont. Puis elle perdit son caractère religieux, devenant une simple seigneurie, sans qu’on puisse déterminer si c’était là une des suites de l’application du concordat de Bologne qui, en 1516, avait abouti à la sécularisation de nombreux domaines qui relevaient jusque-là de l’Église.
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…dont le souvenir a lentement sombré dans l’oubli
Au XVIIIe siècle, "Lande blanche" était la propriété des Budes, et était alors constituée…
"d'un logis, d'une métairie et de deux moulins, et elle percevait quelques devoirs, cens et rentes, à la Roche-sur-Yon et dans le voisinage"3.
Elle devait toujours verser quelques redevances à l’Ordre de Malte, comme aussi la "maison de la Croix blanche", située en haut de l’actuelle "place du marché" du Poiré, et qui avait dépendu d’elle. Son propriétaire était…
"tenu, en outre, d'avoir sur sa maison une croix de fer pour marquer la directe seigneurie de la dite commanderie"9.
En 1836, le terme "abbaye", encore accolé au village de "Lande blanche" sur le plan cadastral du Poiré, ne correspondait plus qu’à un lointain souvenir. Ses anciens bâtiments dégradés abritaient alors 57 habitants, dont un des trois meuniers du "moulin de Lande blanche", des journaliers et des "chaumiers". Ces derniers étaient des fabricants de tuiles dont les galeries de séchage et le four commun se situaient à 500 mètres au sud-est du village2.
En 2016, la disposition des lieux n’avait pas bougé depuis 180 ans. Presque plus rien n’y rappelait l’ancienne présence de la commanderie, à l’exception d’une pierre sculptée d’une petite croix templière, d’environ 40 cm de haut et qui avait été replacée au-dessus d’un portail. D’origine plus récente et récupérée dans une haie voisine, une borne d’un peu plus d’un mètre de long fichée dans une façade, porte d’un côté une croix de l’Ordre de Malte, et de l’autre les armes des Bourbons-Montpensier, qui furent princes de la Roche-sur-Yon après le milieu du XVe siècle10.
On rapporte que vers 1900 un souterrain aurait été trouvé près de "Lande blanche"3, sans qu’on en ait conservé des traces. Cela serait en relation avec la tradition locale disant qu’à tel endroit proche de bâtiments anciens du village : "ça sonne creux"11. Mais en conclure à la possible existence d’une cavité souterraine cachée ou d’une crypte oubliée, semble bien excessif.
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Les variations de la limite entre le Poiré et Belleville au fil du temps
Le transfert en 1850 de "Lande blanche" et de 17 autres villages plus 4 moulins à vent du Poiré vers Belleville rappelle les variations des limites de cette commune au fil de l’histoire.
Pour certains, c’est pour des raisons paroissiales que toute la partie est du Poiré fut détachée de celui-ci pour être réunie à Belleville :
"en vertu d'une ordonnance de Mgr Soyer, évêque de Luçon, du 13 septembre 1844, et sur la demande des deux curés du Poiré-sur-Vie et de BelleviIle, MM. Garnier et Meunier, afin de faciliter aux fidèles l'accomplissement des devoirs religieux, les villages dont les noms suivent furent distraits de la paroisse du Poiré et annexés à celle de Belleville […]"9.
Le 8 juin 1847, le conseil municipal du Poiré était saisi d’une
"demande faite par la commune de Belleville, tendant à faire réunir à cette commune vingt-trois villages dépendant de la commune du Poiré […]".
...considérant
"que les limites de la commune du Poiré ne sont pas l’effet du hasard, mais que les motifs qui en ont tracé les bornes doivent être aujourd’hui de la même importance [que] les raisons données par Belleville […]"12,
…le conseil municipal rejeta cette demande par 25 voix contre 1.
Mais le préfet usa de son pouvoir discrétionnaire, et ce changement finit quand même par avoir lieu au début de 1850. Le Poiré passa ainsi de 8107 ha et de 4022 habitants en 1846, à 7295 ha, et à 3685 habitants en 1851, tandis que la commune de Belleville, qui s’était de plus aussi agrandie pour les mêmes motifs de "la Morandière" et de "l’Ardouinière" de Beaufou, passa de 433 à 1516 ha13, et de 402 à 912 habitants14.
Les extensions successives de Belleville, à partir de…
- la paroisse / commune du Poiré (en rouge),
- la paroisse / commune de Beaufou (en vert),
- la paroisse / commune de Saligny (en violet)…
à l’époque de la modification des limites communales de 1850
(environ 6 x 8 km).
Avec, dans le rectangle gris, la petite "ville" de Belleville à l’époque féodale,
et sa représentation sur le plan cadastral de 1837 de Belleville
(environ 780 x 400 m)
Bien avant 1850, et à des époques indéterminées, les limites des paroisses du Poiré et de Belleville avaient déjà connu d’autres modifications, liées à l’histoire de Belleville au Moyen Age16. En effet, à l’époque féodale et contrairement aux paroisses de ses alentours, Belleville jouissait du statut de "ville". Cela lui conférait des droits particuliers mais aussi des obligations spécifiques, notamment au niveau fiscal, ceux-ci s’étendant sur une surface très limitée de moins d’une vingtaine d’hectares. Cet espace réduit était entouré d’une enceinte précédée par un fossé et d'un étroit glacis. La "ville" était complétée par un petit faubourg, appelé plus tard "le vieux bourg"13, qui s’étendait en direction du Poiré et était le point de départ de tous les chemins menant aux paroisses voisines.
C'est le dessin des parcelles du cadastre de 1837 de Belleville13 qui permet de reconstituer les anciennes limites de la "ville", avec le tracé de son enceinte et de ses douves qui, à cette date, étaient encore en partie en eau. A l’intérieur de ces limites se trouvaient le logis du Château et la vieille église Sainte-Anne, dont les origines remontent au XIIe siècle. En 2017, il ne restait guère de cette mémoire médiévale, que le porche aux sculptures romanes de l'ancienne église, et le tracé de l’axe de l’ancien faubourg (portant le nom de "rue Jean Moulin").
Reconstitution à partir du cadastre de 1837 (environ 500 x 300 m)
de la "ville" de Belleville à l’époque médiévale,
éventrée en 1812 par les nouvelles routes vers la Roche, vers Montaigu et vers Nantes.
Une photo en 2016 du porche de son église du XIIe siècle,
désormais seul reste de cette époque.
En haut à droite, "gironné de gueules et de vair de douze pièces",
les armoiries des seigneurs de Belleville15.
Pendant longtemps et sans qu’on sache jusqu’à quand, l’espace immédiatement au-delà de cette enceinte et de ce faubourg a fait partie des paroisses voisines. Ainsi en 1260, dans les "Hommages d’Alphonse, comte de Poitiers"6, "la Sauvagère" est incluse dans celle du Poiré. C'était alors aussi le cas de "la Piglière", "la Mercerie", "Beaupré", "le Petit Logis" et "le Petit Beaulieu" (ou "Beaulieu-lez-Belleville"17). Quant au village du "Recrédy" et ses parages, ils faisaient partie de la paroisse de Saligny.
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Notes, sources et références...
(sauf mentions contraires, illustrations et texte sont dus à M. Mignet)
1 On remarquera que l’on dit et écrit "Lande blanche", sans article, et non "LA Lande blanche" ; ainsi annoncera-t-on que : "Demain, nous irons à Lande blanche" (et non que "Demain nous irons à LA Lande blanche").
2 Si on suit Eugène Aillery, repris par Hippolyte Boutin, ce qu’on peut appeler le quartier de "Lande blanche" s’étendait au-delà de ces lieux proches, et même, après le village de "la Vignetière", jusque sur ceux des "Grandes Vergnes" et des "Petites Vergnes" de Dompierre eux aussi autrefois dans "la dépendance de la châtellenie de Lande blanche" (Chronique paroissiale de Dompierre, 1890, p. 2). Par ailleurs entre 1742 et 1777 André-François Danyau, en résidence au Poiré, se présente comme étant "notaire et procureur fiscal de la commanderie de Lande blanche" (…ainsi que de divers autres lieux). Enfin, cette notion plus ou moins large de quartier de "Lande blanche" se retrouve plus tard dans le traitement des recensements de la population, plus particulièrement dans ceux de 1836 et de 1891 (Arch. dép. de la Vendée… respectivement pour chacune de ces années : 6 M 280 et 6 M 54).
4 En 2024, il ne restait de la commanderie de "Coudrie" que sa chapelle romane, qui donne une idée de ce que pouvaient être au XIIe siècle les constructions du Temple dans le Poitou : rectangulaire (22,50 x 6,20 m), voutée, avec d'épais contreforts et un chevet plat…
3 Boutin (Hippolyte), Chronique paroissiale de Belleville, 1908, p. 578 à 580.
4 En 2024, il ne restait de la commanderie de "Coudrie" que sa chapelle romane, qui peut être indicatif de ce que pouvaient être au XIIe siècle les constructions du Temple dans le Poitou : rectangulaire (22,50 x 6,20 m), voutée, avec d'épais contreforts et un chevet plat…
La chapelle de la commanderie des Templiers de "Coudrie" en mars 2021.3
5 Voir le manuscrit consignant la réception en mai 1222 par Guy de Tulle, précepteur des Templiers d'Aquitaine, de Guillaume Asselin comme "homme du Temple de Lande blanche" (Arch. dép. de la Vienne : H3, liasse 398).
6 Les Hommages d’Alphonse comte de Poitiers, sont une sorte de registre renseignant sur l’état du Poitou, partie du domaine royal prise aux Plantagenets quelques décennies plus tôt, et confiée depuis 1241 en apanage à Alphonse (1220-1271), frère du roi de France Louis IX (saint Louis). Les fiefs, leurs détenteurs, leurs redevances y sont inventoriés, ce qui fait connaître l’existence à cette époque de certains villages du Poiré ; parmi lesquels "la Sauvagère, in perrochia de Pereyo" (dans la paroisse du Poiré). Ce manuscrit, où le latin se mêle au français médiéval, provient des registres XI et XXIV du Trésor des Chartres ; il a été transcrit et publié en 1872 par Abel Bardonnet (174 p.).
7 Cité en 1851 dans le Procès des Templiers, de Jules Michelet (tome 2, p. 52 et p. 90 à 108). Voir aussi d’Alain Demurger, La persécution des Templiers, journal 1307-1314, 2015, 400 p.
8 Photos prises par Eugène-Marie Vincent, le 5 octobre 2016.
9 Boutin (Hippolyte), Chronique paroissiale du Poiré, 1901, p. 7 et p. 151-152. Sur le plan cadastral de 1837 du Poiré, la "maison de la Croix blanche" occupait la parcelle M 243 ; elle portait ce nom écrit sur sa façade au début du XXe siècle.
10 Ces mêmes armes, des Bourbon-Montpensier princes de la Roche-sur-Yon (cf. les Princes de la Roche-sur-Yon, par Gaston de Maupeou Montbail, 1959, 60 p.) se trouvent aussi sur le fût de la croix située sur le parvis de l’église du Poiré, fût réputé être une ancienne borne provenant de terres voisines du village de "la Bouchère", situé à 3,5 km de "Lande blanche".
11 Entretiens en 2016 et en 2018 avec des habitants et natifs de "Lande blanche".
12 Délibérations municipales du Poiré-sur-Vie (Arch. dép. de la Vendée : AC 178-3).
13 Plans, états de sections et matrices cadastraux du Poiré, 1836 (Arch. dép. de la Vendée : 3 P 178) ; plan cadastral de 1837 de Belleville (Arch. dép. de la Vendée : 3 P 019) ; plan cadastral de 1837 de Beaufou (Arch. dép. de la Vendée : 3 P 015/15).
14 Voir les listes nominatives des recensements de la population, et plus particulièrement celles des recensements de 1836 et de 1891 (Arch. dép. de la Vendée : respectivement pour chacune de ces années, 6 M 280 et 6 M 54).
15 Les plus anciens seigneurs de Belleville sont mal connus. Au début du XIIIe siècle, Agnès Guarat de Belleville épousa Brient II de Commequiers qui, en 1241 hérita de sa sœur Marguerite de Montaigu. Il réunit ainsi la seigneurie de Belleville à celle de Montaigu et à ses nombreux autres biens. Leur arrière-petite-fille, Jeanne de Belleville, sera la plus connue des possesseurs de Belleville, en raison de sa vie particulièrement mouvementée et héroïque de veuve justicière (une vie qui est présentée par certains comme étant celle d’une pirate cruelle et sanguinaire). Ses descendants et héritiers, devenus par alliance les Harpedane, joindront ce nom à celui de Belleville à la fin du XIVe siècle.
Pour les biographies des Jeanne de Belleville (1300-1359), Jean Ier Harpedane (1330-1389), Jean II Harpedane-Belleville (1363-1434) et Jean III Harpedane-Belleville (1408-1462), voir les notices qui leurs sont consacrées dans le Dictionnaire des Vendéens, en ligne sur le site des Archives départementales de la Vendée. En 2022, Astrid de Belleville a publié sur son ancêtre au 25e degré : Jeanne de Belleville - une véritable histoire, où au cours de 205 pages elle fait la part entre ce qui est de l’histoire et ce qui est de la légende ou du roman.
16 Beauchet-Filleau (Henri), Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, 1891, tome 1, p. 426.
17 Cf. une lettre de René, "roy de Jherusalem et de Sicille, duc d'Anjou, per de France, duc de Bar, conte de Prouvence, de Forcalquier et de Pimont", datée de "Beaulieu-lez-Belleville" le 9 novembre 1456, citée par Paul Marchegay dans "Une verrerie dans la forêt de la Roche-sur-Yon, en 1456", Annuaire de la Société d'émulation de la Vendée, 1857, p. 220 sq. (Arch. dép. de la Vendée : 4 Num 51/8). "Beaulieu-lez-Belleville" étant à prendre dans le sens de "Beaulieu-près-de-Belleville".
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