la Vieille Verrerie
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Un village disparu du Poiré d'avant 1850
"La Vieille Verrerie", ou "la Vieille Verrie", a aujourd’hui disparu. C’était un village de la commune du Poiré d’avant 1850, se trouvant tout près de la source de "la Vie", et qui fut détruit à la fin du XIXe siècle1. Cette destruction a été la conséquence de l’édification en 1880 sur son emplacement, d’un château auquel fut donné le nom du "Deffend" voisin2. Toutefois, à 400 m au nord-est, le nom du village de "la Verrie", construit depuis, en a gardé le souvenir. .
Les parages de "la Vieille Verrerie" (ou "Verrie"), en 1836 et en 2013
sur le premier cadastre du Poiré et sur une vue aérienne ( environ 880 m x 460 m),
et son ancien emplacement où ne subsiste aucun vestige en 2017.
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Le souvenir de quelque de quatre siècles d’activité verrière
Le nom de "la Vieille Verrerie", rappelle une activité qui, avant de sombrer dans l’oubli, exista durant près de quatre siècles dans ce secteur du Poiré, et dans ses environs. Le village et les terres de "la Vieille Verrerie" ont longtemps dépendu du château de "Rortheau", situé à 4 km de là sur Dompierre, et qui appartenait à des maîtres verriers, dont l’activité, comme celles de maîtres de forges, celles d’armement maritime, et quelques autres, pouvait être pratiquée par des nobles sans que ceux-ci dérogent, c’est-à-dire perdent leur statut social particulier.
Les premiers de ces verriers de "Rortheau" furent les Bertrand, qui pratiquaient déjà leur activité dans le Bas-Poitou au XIVe siècle. Le 24 janvier 1399 par lettres royales Charles VI (roi de France de 1380 à 1422), suite à…
"l'humble supplication de Philippon Bertrand, maistre de la verrerye de Moulchamps, pour luy et pour les autres verriers dudit lieu"3…
leur y concéda l’exclusivité de l’activité verrière, un statut nobiliaire et des privilèges fiscaux.
Ces droits seront confirmés le 9 novembre 1456 par René (duc d’Anjou de 1434 à 1480), qui accorda…
"à ses bien aimés Lucas Rillet, Jehan Bertran et Pierre Maigret, le privilège de prendre en la forêt de la Roche-sur-Yon le bois nécessaire à leur industrie, de la façon la moins dommageable possible à la dite forêt"3
(une forêt dont il ne reste guère six siècles plus tard que le souvenir, et encore !).
"La Vieille Verrerie" et "Rortheau", lieux d’activité verrière sur le Poiré et Dompierre
du XVe siècle au XVIIIe siècle :
- ci-dessus sur la carte de Cassini, en 1768.
- ci-dessous en 2016 (16,4 x 9 km,
avec, en tireté violet, les limites du Poiré et de Dompierre avant 1850).
Localement à cette époque, la fabrication du verre se faisait de façon artisanale à partir d’un mélange de sable et de potasse en proportions variables, un mélange qui permettait d’abaisser la température de fusion du verre. Cette potasse était fournie par des cendres végétales, telles que celles des fougères qui en étaient riches et qui venaient des landes, particulièrement étendues jusqu’aux débuts du XIXe siècle sur ce secteur du Poiré. Quant au bois de chauffe alimentant les fours, il provenait des bois et taillis existant à proximité, comme "le bois des Gâts", à cheval sur les paroisses voisines de Saligny et de Dompierre, près de "Rortheau".
En 2017 à "Rortheau" : des vestiges de la sole d’un four de verriers
(diamètre de ce vestige : environ 2 m),
avec l’œil du "tisard" par lequel se transmettait la chaleur au four (diamètre : 40 cm) ;
photo de traces de coulures de verre, subsistant depuis le milieu du XVIIIe siècle.
La "coupe d’un four de petite verrerie…" telle que la représente
une des planches de l’Encyclopédie dite de Diderot
( édition de 1772, volume 10, p. 481 / 608 ).
Au tournant du XVIIe et du XVIIIe siècle, les domaines de "Rortheau" passèrent avec leurs droits aux Rossy2 qui, dans les années 1750, semblent toujours pratiquer l’activité verrière, mais qui l’arrêtèrent peu après, sans que l’on sache à quelle date exactement4. En 2017, des vestiges d’un four et des déchets verriers subsistaient encore en ce dernier endroit.
Comme pour "la Vieille Verrerie", il existait en 1837 dans le "bois des Gâts" voisin, deux parcelles portant aussi le nom de "les Vieilles Verries"5. Dans ce même bois, qui était alors sensiblement plus vaste qu’aujourd’hui, on pouvait encore voir en 2020 les traces d’un ancien campement de charbonniers dont l’activité alimentait les fours de verriers, ainsi que les forges locales. Sous la Révolution, il servit de cantonnement pour une partie de la petite troupe de Charette, et un siècle et demi plus tard en 1944, de lieu de bivouac pour les résistants du "maquis des Gâts".
Les blasons des verriers successifs de "la Vieille Verrerie",
les Bertrand puis les Rossy ;
et le blason des Brunet de la Grange, ses propriétaires en 1836.
A la fin du XVIIIe siècle, le village de "la Vieille Verrerie" n’était constituée que par une métairie de 15,4 ha, que les troupes révolutionnaires "incendièrent en totalité" quelques années plus tard6. Y vivait alors Jean Morilleau, qui participa au soulèvement vendéen de 1793 à 17957.
"La Vieille Verrerie", comme l’ensemble des domaines de "Rortheau" échappa à la vente en tant que bien national, et par mariage elle passa en 1820 avec eux des Rossy aux Brunet de la Grange. En 1857, elle fut vendue avec "le Deffend" aux Rouchy, puis en 1877 à Prosper Deshayes8, qui construisit en 1880 du château du "Deffend" sur l’emplacement du village de "la Vieille Verrerie". En 1917, ce château sera acquis par la famille Fleury.
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Le verre de potasse et le verre de soude autour du Poiré
Si on ne connait pas d’objets en verre qui proviendraient de "la Vieille Verrerie" ou de "Rortheau", c’est parce que le verre qui y était fait était à base de silice et de potasse. Un verre qui a la particularité de finir par se dissoudre en terre, ce qui ne laisse aucune chance d’en trouver un jour des débris dans le sol9.
Par contre en 1854-1855, un cimetière gallo-romain fut mis au jour dans un champ des Grandes Cheitres de "la Créancière" de Dompierre10. Il contenait de nombreux objets en verre dont certains furent confiés au Musée de la Roche-sur-Yon où ils étaient toujours exposés en 2017. Les pièces de monnaie s’y trouvant aussi a permis de les dater du IIe siècle de notre ère,. Leur subsistance en terre a tenu à ce que ce verre est à base de silice et de soude, ce qui laisse présumer une origine d’ateliers situés près de la côte, la soude provenant de cendre d’algues.
Le site de l’ancien cimetière gallo-romain mis au jour à "la Créancière" de Dompierre,
et assailli en 2017 par l’urbanisation.
Et ci-dessous, quelques-uns des objets qui y furent découverts en 1854-1855
(Musée de la Roche-sur-Yon, 2017)…
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Notes, sources et références...
(sauf mentions contraires, illustrations et texte sont dus à M. Mignet)
1 Plans, états de sections, matrices du cadastre du Poiré, 1836 (Arch. dép. de la Vendée : 3 P 178).
2 Cf. Raigniac (Guy de), De Châteaux en Logis, 1998, t. VIII, p. 39. On trouvera aussi chez Guy de Raigniac, la succession des propriétaires de "Rortheau" et terres en dépendant, parmi lesquelles celles de "la Vieille Verrerie".
3 Cf. l’article "Gentilshommes verriers de Mouchamps en Bas-Poitou, 1399", dans la revue de la Société académique de Nantes, tome 32, 1861, p. 213-215 ; une lettre aussi citée par Edouard Garnier, dans son Histoire de la verrerie et l’émaillerie, 1886, p. 176-177.
4 Cf. Raigniac (Guy de), De Châteaux en Logis, 1998, t. VIII, p. 192 :
"Un procès-verbal de 1758 du Maître particulier des Eaux et Forêts explique que le sieur de Rortheau avait vendu en 1740, au sieur de Beauregard et au sieur de la Jarrie, ses droits de coupe sur vingt arpents de leurs bois de Rortheau contre 1500 livres et un arrentement de vingt arpents dans la forêt des Gâts"
(un arpent couvrant environ 0,50 ha).
5 Plans et états de la section du cadastre de 1837 de Saligny, parcelles C 468 et C 470 (Arch. dép. de la Vendée : 3 P 279 et 3 P 3121).
6 Cf. les Estimations des biens nationaux sur la commune du Poiré (Arch. dép. de la Vendée : 1 Q 212). En raison du prolongement du soulèvement vendéen dans la région du Poiré, jusqu’au début de l’année 1796, ces estimations furent très retardées, et du coup les adjudications qui auraient dû suivre en furent retardées. C’est ce qui fit que cles biens finirent par rester à leurs propriétaires d’origine.
7 Voir les fournitures apportées par Jean Morilleau de "la Vieille Verrerie", à l’armée catholique le 30 août 1793, dans les Cahiers des réquisitions de l’armée catholique et royale dans la paroisse du Poiré (Bibl. mun. de la Roche-sur-Yon : ms 19).
8 Prosper Deshayes (1833-1907), qui fit construire le château du Deffend en 1880, était un notaire et riche propriétaire foncier de Luçon, ville dont il fut maire de 1878 à sa mort 29 ans plus tard. Il fut aussi conseiller général du département de la Vendée de 1887 à 1898 et un de ses députés, membre du parti radical, à l’Assemblée nationale de 1893 à 1906. Ces caractéristiques, tant sociologiques que de fortune, le rendent représentatif des hommes politiques de "la gauche" vendéenne de cette époque.
9 Cf. la notice Une activité verrière ancienne au Poiré et dans ses alentours, élaborée à partir de l’exposition "Pour plus de transparence… Histoire du verre dans l’Antiquité, et plus particu-lièrement en Vendée", qui eut lieu du 13 juin au 2 juillet 2017 à l’Historial des Lucs.
10 Leroy de la Brière, "Notes sur les objets gallo-romains découverts en Vendée depuis la création du Musée départemental", Annuaire de la Société d’Emulation de la Vendée, 1855, p. 165 à 176.
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