Saint-Georges
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Un village créé en 1914
Le village de "Saint-Georges" est un des douze à porter un nom à connotation religieuse1, sur les quelque 160 existant ou ayant existé au Poiré. Ces douze villages faisant eux-mêmes partie de la trentaine ayant été créés entre le milieu du XIXe siècle et les années 1950.
Situé à la limite de la commune, il s’élève le long de la route menant à la Genétouze, il fait face au chemin menant à "la Surie". À cet endroit s’élève une croix en granit, de 5 m de haut por-tant l’inscription "Jean Gauvrit et Hortense Aubret - 1900", qui étaient nés en 1849 et en 1851, et étaient alors agriculteurs dans ce village tout proche.
En 2016, les deux maisons de "Saint-Georges", construites
l’une en 1938 (à gauche)
et l’autre en 1914 (à droite),
avec, leur faisant face, la croix érigée en 1900 par la famille Gauvrit
qui a été à l’origine du village.
"Saint-Georges" est constitué de bâtiments agricoles et de deux maisons d’habitation, l’une et l’autre architecturalement représentatives des époques où elles furent construites, même si chacune d’elle a subi des modifications depuis. La première, avec sa génoise et les entourages de ses ouvertures faisant alterner briques et pierres de taille, fut élevée en 1914 par Auguste Gauvrit (1884-1938), fils de Jean. La seconde le fut en 1938 par Georges Gauvrit (1913-1982), fils d’Auguste, dans le nouveau style de l’époque, avec un sous-sol, des rampes d’escaliers extérieurs et des clôtures en ciment imitant l’écorce des arbres… Son fils Georges Gauvrit (né en 1938) prit sa suite jusqu’à ce qu’il quitte le village en 2007. Avec son fils Georges-Emmanuel (né en 1964), il en aura été le dernier agriculteur2.
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Le charismatique "Frère Maximin" et la permanence de son souvenir
Aux Aux Sables-d’Olonne, la rue où se trouve l’École des Pêches (devenue l’École des Formations Maritimes) a reçu vers 2005 le nom de "allée du Frère Maximin". Ceci en hommage à celui qui en fut l’infatigable animateur, de 1960 à 1979. De son nom de naissance, Raymond Gauvrit, celui-ci était né à "Saint-Georges" en 1919, et vingt-cinq ans après sa mort en 1995, son souvenir y est toujours évoqué avec émotion dans le milieu des marins-pêcheurs2, ainsi au hasard des témoignages de ceux l’ayant connu, celui qui suit racontant ce que pouvait être alors une journée ordinaire sur le port des Sables, à l’École des Pêches, et à l’Abri du marin3…
"A huit heures moins le quart, quand le petit jour apparaît, Maximin claque la porte pour se rendre à l’École des pêches. La criée, en pleine effervescence, barre le fond du port d’un trait lumineux. Quelques bateaux font manœuvre pour chercher l’accostage au quai du gazole ou de la glace. Les autres terminent leurs opérations de débarquement du poisson. Le quai de la criée, c’est l’itinéraire imposé pour relier l’École. Itinéraire dangereux pour l’homme pressé. Maximin avance le pas élastique et prudent, buste rigide, la silhouette un peu cassée d’un chercheur de champignons. Ses jambes battent sous un imperméable, comme un métronome au largo. Le quai de la criée, ce sont d’inévitables rencontres, d’inévitables arrêts. Isolés ou en groupe, des anciens élèves le reconnaissent et l’accostent. La conversation s’engage : la pêche, le mauvais fonctionnement du Decca (électronique de bord), les parages fréquentés pour la pêche, l’état de la mer, etc. Un honnête terrien, fût-il licencié en français aurait vite perdu le fil dans ce langage sibyllin !
Mais, un coup d’œil sur son bracelet-montre, Maximin réalise, sans s’affoler, que son quart d’heure d’avance est en train de fondre. Il serre des mains, décline des invitations à prendre un café « chez L’aria ». Le métronome se remet en route. Aujourd’hui Maximin traversera la criée sans pouvoir prendre le pouls de la vente aux enchères, car l’heure c’est l’heure.
Une douzaine de jeunes de 18 à 25 ans attendent au portail de l’École en battant la semelle. Ce sont les candidats lieutenants et patrons de pêche auxquels Maximin consacre le plus clair de son temps. Navigation, calculs nautiques, cartes, règles de barre, météo, constituent le plat de résistance d’un programme qui inclut bien d’autres matières plus ou moins appétissantes. A travers cet enseignement, il s’agit, par-dessus tout, d’ouvrir à leurs responsabilités d’hommes et de meneurs d’hommes, ceux qui seront demain patrons de pêche et devront assurer l’orientation de la profession.
Le directeur de l’École bouclera la porte à 19h 30. Il reprendra en sens inverse l’itinéraire matinal, tout aussi dangereux d’ailleurs le soir que le matin. Il se retrouvera membre à part entière de la petite communauté de l’Abri du marin. Car Maximin est religieux, frère de Saint-Gabriel. Les circonstances l’ont amené à consacrer sa vie, ses qualités professionnelles d’éducateur, au monde des marins. Avec réalisme, il s’efforce de semer la confiance en l’avenir pour un monde qui en a bien besoin.
A l’Abri, des tasses traînent sur une table couverte de graffitis, les flaques de café noir, les petites cuillères au bord des tasses, évoquent des bateaux à la gîte, laissés là à la basse mer… Les graffitis eux aussi sont significatifs de la fréquentation de la maison. Sur la totalité de la table, des bateaux et des bateaux, à voile, à moteur, vus de l’avant, du travers. Au milieu des drisses, entre les mâts, des noms bien sablais, Clouteau, Pitra, Morisseau… Pour le visiteur que je suis, il est clair que des contingents de mousses sont venus s’installer autour de cette table et que les crayons feutres de Gaston Vinet ont constitué le matériel de ces dessinateurs improvisés.
Une horde envahit le couloir et entre dans le bureau pendant que retentit le téléphone. A tous ces mousses qui m’entourent, et à l’interlocuteur qui appel au bout du fil, j’adresse une réponse commune : ‘non, il n’est pas là pour le moment’.
A peine ai-je le temps de raccrocher que la bruyante équipe s’est installée. Sans la moindre timidité, chacun décline ses noms, mois de navigation ou de scolarité à l’École des pêches. Les projets, les difficultés, les espoirs et les illusions s’expriment, à travers un dialogue facile à établir. J’y devine la somme d’attention, de disponibilité, de patience requise pour écouter, rectifier, encourager, suggérer et canaliser cet extraordinaire débordement de vitalité […]"4.
Le "Frère Maximin" avait prononcé ses vœux perpétuels en 1942 et enseigné dans diverses écoles primaires5. Ayant suivi un complément de formation à "l’École des Rimains" (alors à Cancale) qui préparait aux brevets de la marine, il prit la charge de l’École des pêches des Sables. Il l’anima durant près de vingt ans et, l’âge de la retraite étant venu, il partit en 1979 pour l’ile Maurice où, en charge de l’aumônerie du port de Port-Louis, il fonda un accueil des marins philippins, taïwanais et autres. En 1994, il revint en France où il mourut en novembre 1995.
De "l’École des Pêches" des Sables-d’Olonne à "la Mission de la Mer" de Port-Louis (île Maurice)6
où il œuvra durant quinze ans avec Jacques Vacher et le Père Jacques Harel :
quelques images, entre 1960 et 1994, d’une vie à la fois simple et pas banale,
celle de Raymond Gauvrit de "Saint-Georges", plus connu sous le nom de "Frère Maximin".
D’autres, femmes et hommes, étant nés, comme le "Frère Maximin", ou ayant vécu au Poiré y ont marqué par leur charisme ceux qui les ont connus. Pour se limiter à quelques-uns d’entre eux, on peut évoquer les noms de : Régina Ertus (1874-1903), en son temps figure de l’école du Sacré-Cœur ; Henri Gauvrit (1912-2007), musicien et innovateur dans l’éducation des aveugles ; Joseph Poissonnet (1923-2004), et son action dans la J.A.C. ; Auguste Charaud (1917-2005) à la tête de l’école de "la Jamonière", puis aux côtés des retraités7… Cependant, le temps passant et ceux les ayant connus disparaissant les uns après les autres, leur souvenir finit lui aussi par s’effacer et leur noms par devenir étrangers aux générations suivantes.
Des témoignages écrits ou oraux à leur propos, il ressort des traits de personnalité communs aux uns et aux autres : le sens qu’ils avaient de la rencontre, leur écoute d’autrui, la place égale qu’ils donnaient à tous, la cohérence entre ce qu’ils disaient et ce qu’il faisaient, leur conviction des dignités identiques de chacun, leur souci de tirer les gens vers le haut, leur désintéressement personnel. Des qualités opposée. aux individualismes égocentriques.
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Notes, sources et références...
(sauf mentions contraires, illustrations et texte sont dus à M. Mignet)
1 Ces douze villages aux noms à connotation religieuse sont, chronologiquement : "la Providence", "l’Espérance", "Sainte-Marie", "Saint-Pierre", "Saint-Louis", "Sainte-Anne", "Saint-Joseph", "Saint-Jean", "Saint-Georges", "Jeanne-d’Arc", "Sainte-Thérèse", "Sainte-Madeleine". A ceux-ci peuvent être ajoutés sur la commune du Poiré d’avant 1850, celui de "la Grande Croix" qui leur est antérieur et celui de "Saint Hubert" qui leur est postérieur.
2 Entretiens entre 2016 et 2021 avec Georges Gauvrit, fils de Georges Gauvrit et neveu du "Frère Maximin", et en 2021 avec Roland Mornet, de la Chaume, ancien élève de ce dernier, devenu capitaine de navire océanographique puis auteur de nombreux ouvrages liés à la mer.
3 "L’Abri du marin", sur les quais des Sables, est le local de "la Mission de la mer".
4 Récit d’Auguste Lefèbvre rapporté par Jacques Migné dans Parcours-singuliers. Sur l’École des pêches et le "Frère Maximin", voir aussi : La mer pour horizon (2021, p. 26-37 et 165-174), par Claude Babarit et Gaston Vinet qui ont fourni les photos illustrant ces lignes.
5 Raymond Gauvrit prononça ses premiers vœux de religieux de Saint-Gabriel en 1936, et ses vœux perpétuels en 1942. Il avait occupé entre temps différents postes : à Paris, l’école de Torcy, puis les Herbiers, Olonne et Bagneux. De 1942 à 1954 il sera directeur de l’école de Bretignolles, puis durant deux ans à Beaupreau, et durant quatre ans à l’école d’Entraygues-sur-Truyère. En 1960, il fut nommé à l’école des Pêches des Sables. Dans sa notice nécrologique le Frère Louis Pasquier écrit de lui :
"C’est là qu’il étudia à fond les secrets de la navigation, toutes les questions maritimes, les problèmes des marins et tout ce qui a rapport à la mer. Il y reste 19 ans. Au cours de cette époque, il passe 5 mois à Rome pour un second noviciat. Lorsque le frère Maximin, comme on l’appelait à l’époque, quitta l’école des Sables, une quarantaine d’anciens élèves étaient présents, marquant l’estime et la reconnaissance qu’ils témoignaient à leur ancien maître, au ‘patron’ comme ils l’appelaient amicalement."
6 La mémoire du Frère Maximin / Raymond Gauvrit à Maurice, a été rappelée à diverses reprises dans la presse locale, à l’occasion d’articles sur Jean Vacher (cf. l’Express du 8 août 2007, ou le Mauricien du 19 mars 2012 lors du décès de celui-ci).
7 Ces noms, auxquels d’autres pourraient être ajoutés, sont ou sont évoqués dans les pages sur "le quartier du Sacré-Cœur", "la Bardinière", "la Jamonière"...
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