les vitraux historiques des Lucs et Monsieur Barbedette
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Les vitraux de l'église des Lucs ont été créés pour ceux de l'abside par les verriers Henri Curcier de Bordeaux et Henri Uzureau de Nantes, et pour ceux du transept et de la nef par le verrier Lux (Lucien) Fournier (1868-1962) de Tours en 1941-1942. Les premiers de ceux-ci évoquent la journée du 28 février 1794 aux Lucs, et ceux des bas-côtés la mémoire de Charles-Vincent Barbedette, dit le curé "Grands Bôts".
Ces derniers ont été présentés par le Père Huchet (alias le Frère Marie-Auguste), natif du Petit Luc, en souvenir de leur inauguration le 13 septembre 1942. C'est cette présentation qui vient ci-après.
Les vitraux des deux pignons du transept de l'église des Lucs,
de Lux Fournier.
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Charles-Vincent BARBEDETTE, dit curé "Grands Bôts,
curé du Grand Luc pendant la Révolution,
par le Père Huchet, 1943
Les grandes verrières, consacrées, l’an dernier à la mémoire de l'abbé Voyneau et de ses 562 compagnons de martyre, n'ont pas épuisé la série des gloires religieuses de notre paroisse. Pendant la Révolution, le Grand-Luc eut la bonne fortune de posséder un curé fameux que nous ne-saurions oublier, bien qu'il n'ait pas eu, comme tant de ses paroissiens et son confrère du Petit-Luc, l'honneur de verser son sang pour la causée sainte.
Prêtre insermenté, c'est-à-dire fidèle à son devoir, confesseur de la foi, prédicateur de la croisade vendéenne, soutien de nos pères à une époque encore plus tragique que la nôtre, mémorialiste de nos martyrs, héros légendaire dans tout le bocage... voilà des titres plus que suffisants pour nous permettre d'évoquer dans notre église la silhouette si originale de l'abbé Barbedette, notre cher curé Grands-Bots.
Ainsi pensa M. l'abbé Prouteau, à qui revient l'initiative de ces nouveaux vitraux, l'élaboration du plan d'ensemble et le choix des sujets. Comme son prédécesseur immédiat, notre pasteur actuel est persuadé qu'il contribuera grandement à maintenir la foi dans les âmes de ses fidèles, en faisant revivre nos glorieuses traditions paroissiales.
Il fallait être courageux pour bâtir un pareil projet. On devine les démarches, les tracas, les déboires qu'occasionne inévitablement à l'heure actuelle la mise en train d'une telle entreprise. Maintenant, l'œuvre est terminée : M. le Curé peut en être fier. Nos vitraux, riches en souvenirs et en enseignements, apportent une contribution importante à l'embellissement de notre chère église. M. Lux Fournier, ce Maître-Verrier qui possède, avec le sentiment chrétien, une connaissance si approfondie de l'art religieux, a su réaliser de nouveaux chefs d'œuvre1. Ce poème qui s'étale et flamboie en couleurs somptueuses et en dessins évocateurs pour chanter la gloire d'un prêtre de chez nous, restera à jamais comme le témoignage de la foi vendéenne et des talents incontestés de l'artiste qui l'a conçu et exécuté.
Cher Maître, nous admirons votre travail. Nous vous exprimons notre gratitude. Désormais, quiconque voudra écrire l'histoire de notre église devra prononcer votre nom. Désormais, vous êtes de chez nous.
Quand il s'est agi de glorifier M. Voyneau, l'humble curé du Petit-Luc, dont la vie nous échappe, il a suffi de représenter la scène de son martyre à la Malnaie "Appellabo Martyrem, prædicavi satis"2. En consacrant à un tel sujet une grande verrière, nous avons parfait la louange de ce bon pasteur que la tradition nous montre offrant sa vie pour sauver ses paroissiens.
M. Barbedette, dont la mort fut moins tragique, eut, en revanche, une vie plus mouvementée et ce n'était pas trop de onze médaillons pour donner une idée de son étonnante carrière. On aurait pu facilement rappeler d'autres épisodes d'une vie si remplie. Notons que notre Maître-Verrier a réalisé un douzième vitrail dont la place n'a pu être encore assignée : il représente la mort paisible de M. Barbedette, faisant contraste avec son existence si agitée.
L'explication de chacun de ces tableaux fournira le cadre tout indiqué d'une biographie sommaire de notre héros. Jadis le Bulletin Paroissial avait reproduit sa vie, d'après la Vendée Historique. En 1928, M. Basile Clénet, sur la demande de M. l'abbé Boudaud, son ancien professeur, dressait sur la scène de notre nouveau patronage la figure inoubliable de notre légendaire curé Grands-Bots3. Nous aimerons entendre encore parler de ce prêtre célèbre dont le souvenir, grâce à ses successeurs, se maintient toujours aussi vivant parmi nous.
1 Le Maître-Verrier de Tours est également l'auteur des deux grandes verrières du transept inaugurées le 3 août 1941.
2 "En t appelant martyr, n'aige pas tout dit ?" (S. Ambroise, office de Ste Agnès). Conformément aux décrets d'Urbain VIII, l'auteur déclare, qu'en donnant aux victimes des Lucs le titre de Martyrs il n'a voulu prévenir aucunement le jugement officiel de l'Eglise.
3 Un Prêtre Vendéen sous la. Révolution, drame historique en 5 actes. — A la même séance, les petits enfants des Lucs interprétaient une seconde œuvre du même auteur, intitulée Les Anges, drame lyrique en 2 actes, évoquant Le massacre des Saints Innocents du Petit-Luc et le martyre du curé Voyneau.
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M. Barbedette visite ses paroissiens
L'abbé Barbedette n'est pas d'origine vendéenne. Comme l'abbé Jacques Gautier4 qui lui succédera à la cure du Luc, il nous vient de Normandie. Ses parents, Vincent Barbedette et Jeanne-Madeleine Massé, habitaient le hameau de la Guillaumais, en la paroisse de Saint-Brice-de-Landelle (Manche).
Saint-Brice-de-Landelle est également le lieu de naissance de l'arrière-grand-père de Joseph et Eugène Barbedette, à qui la Sainte Vierge s'est montrée en 1871, en une apparition célèbre. Y-a-t-il quelque degré de parenté entre les petits voyants de Pontmain et le curé du Grand-Luc ? Nous ne saurions l'affirmer, mais il ne semble pas téméraire de le présumer.
Aîné de cinq enfants, Charles-Vincent, notre futur curé, naquit le 25 septembre 1742 et fut baptisé le lendemain par le vicaire de la paroisse. A notre époque où l'on aime à fêter les centenaires, nous aurons plaisir à souligner que nous inaugurons nos verrières juste à l'occasion du 200e anniversaire de la naissance de notre héros.
Ordonné prêtre à Avranches le 19 Septembre 1767, il exerça le ministère en son diocèse natal, au moins pendant 14 ans, avant de gagner le Bas-Poitou. Il fut successivement vicaire de Saint-Jean-de-la-Haize, co-desservant de Sartilly, puis jusqu'en septembre 1780, chapelain de N.-D. des Vertus au Chatellier. On perd ensuite sa trace jusqu'au début de 1787 où il succède comme curé du Grand-Luc5 à René de Jousbert de la Cour.
4 L'abbé Gautier, mort curé des Lucs en 1815, avait desservi Soullans sous la Terreur. En 1797, son nom figure sur l'Etat des prêtres réfractaires, avec cette mention : "Gauthier, de Soullans, réfractaire à toutes les lois, il paraît paisible maintenant, tous ceux qui l’ont connu, et ont entendu parler de lui s'accordent à dire que, pendant la Guerre de la Vendée, il s'est souillé de tous les crimes". Voilà donc l'abbé Gautier apprécié par la Révolution en des termes aussi flatteurs que son compatriote, le sanguinaire (!) Barbedette.
5 Avant la Révolution, les Lucs formaient deux paroisses : Saint-Pierre du Luc ou le Grand-Luc, 2050 habitants et N.-D. du Luc ou le Petit-Luc, à peine 100 habitants. Après le massacre de M. Voyneau, curé de N.-D. (28 février 1794), l'église du Petit-Luc détruite ne fut plus pourvue de titulaire. Le Concordat de 1801 réunit en une seule les deux paroisses du Grand et du Petit-Luc sous la dénomination de les Lucs. On ne trouve pas trace de ce pluriel avant la Révolution.
Ce Normand, déraciné à 40 ans, ne fut pas long a s’acclimater sur le sol de notre Bocage. Pour se faire tout à tous, il se mit à apprendre le patois du pays qu'il parla même en chaire. Sa méthode d'apostolat consistait à se mêler le plus possible à la vie de ses paroissiens. Ce n'est pas sans raison que le premier vitrail nous le montre visitant ses fidèles. Marcheur intrépide, il parcourait à ses loisirs les chemins creux allait de village en village, s'arrêtant à causer avec les paysans ; puis, pour rattraper le temps perdu, s'offrait à leur donner un coup de main, quitte à partager ensuite avec eux, sans se faire trop prier, le bassuron6 au coin du champ.
Tout contribuait à lui donner un prestige exceptionnel : sa vie sacerdotale exemplaire, son éloquence sans phrases, mais saisissante, sa haute taille qui en imposait, son air jovial et bon enfant, son endurance à la fatigue, sa force physique étonnante, jusqu'à son adresse au jeu de boules, car, chaque dimanche après Vêpres, il faisait sa partie sur la place avec les marguilliers de l'année, conformément à une vieille tradition paroissiale.
M. le Curé, disait-on, avait réponse à tout. En conséquence, on s'adressait à lui pour régler des différents avec les voisins. On venait lui demander des conseils même pour la culture et, au lieu de présenter les enfants malades au docteur — on disait alors le chirurgien —- on se rendait plus volontiers chez M. le Curé, qui avait un don, à ce qu'on prétendait. Le sieur Pierre-Joseph Caillé, le médecin du Luc, qui devait mourir victime du massacre du 28 février 1794, ne semblait pas d'ailleurs, se froisser de cette concurrence... illégale : fabriqueur de l'église, il était au mieux avec son pasteur.
Bref, les paroissiens étaient enthousiastes de leur curé et, les jours de foire ou d'assemblée, en parlant avec les gens des paroisses voisines, ils ne tarissaient pas d'éloges sur son compte. Il n'y eut guère de voix discordantes. On cite pourtant un mauvais sujet, marchand au Luc, probablement le futur traître, connu sous le nom de la Navette, qui lui chercha des difficultés et lui intenta un procès en 1789. Mais ce fut là un cas exceptionnel, disons unique.
Tel était le pasteur du Grand-Luc à la veille de la Révolution. En preuve de sa popularité, il suffit de constater qu'en dehors des frontières paroissiales, il était déjà connu sous le nom de guerre qu'il illustrerait bientôt. Pour ses confrères, pour ses paroissiens, pour les gens des alentours, M. Barbedette, l'homme taillé en hercule et l’infatigable marcheur, était devenu le curé Grands-Bots7.
6 Le bassuron désigne la collation, le repas qui se prend à la "basse hure" (heure). Ce mot patois, à notre connaissance, n'est guère usité en dehors des Lucs et de ses environs.
7 Bot est, en patois, l'équivalent de sabot. La chaussure de cuir était encore très rare, et les prêtres de campagne portaient, d'ordinaire, comme leurs paroissiens, des sabots de bois.
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M. Barbedette refuse le serment schismatique
M. Barbedette accueillit avec une certaine faveur, semble-t-il, le mouvement d'idées de 1789 et les réformes, parfois généreuses, qu'il préconisait. Ainsi s'explique apparemment qu'il ait été choisi par l'Assemblée primaire du Poiré en juin 1790, au nombre des onze citoyens du canton, envoyés à Fontenay pour l'élection des membres de l'Administration départementale.
Mais vinrent les décrets anti-religieux : la Constitution civile du Clergé et ses suites. Le prêtre s'aperçut qu'il avait été joué. Alors, aussi intransigeant qu'il avait été libéral jusque-là, il se refusa à toute compromission. Quand, en janvier 1791, les curés furent astreints à prêter le serment schismatique, M. Barbedette, ennemi des demi-mesures et des ménagements, protesta énergiquement, il prêcha contre ce serment, même avant sa condamnation officielle par le pape Pie VI. Ce refus faisait de lui un suspect que la loi ordonnait de surveiller activement et lui valait même sa destitution et son remplacement à la cure du Luc par un prêtre jureur. Mais aucun curé assermenté ne se présenta chez nous, faute de personnel évidemment, et M. Barbedette, usant de la tolérance générale accordée au début, continua l'exercice de son ministère.
Après la chute de la Monarchie (10 août 1792) la situation empira tout à coup. Le 26 août, fut votée la loi de déportation, condamnant tous les prêtres non assermentés, âgés de moins de 60 ans, à quitter le territoire français. Beaucoup de bons prêtres obéirent et s'exilèrent. Mais notre curé Grands-Bots, nullement troublé par le décret de proscription et par les conséquences de son insoumission, résolut, confiant dans la Providence, de demeurer au milieu de ses paroissiens. Il vivait à une époque où les âmes n'avaient pas la possibilité de rester banales. Entre l'apostasie et la fidélité héroïque il n'y avait pas de moyen terme. Notre curé avait choisi sans hésiter et il était entré dans la voie de l'héroïsme : son épopée commençait.
L'abbé Barbedette dut se cacher ; et c'est la gloire de nos pères d'avoir protégé sa retraite par tous les moyens, même au risque de leur vie. Bientôt en effet fut votée une loi terrible, punissant de mort les receleurs de prêtres, c'est-à-dire les gens coupables d'en avoir hébergé chez eux. Néanmoins, les maisons s'ouvrirent toute grandes pour recevoir le proscrit. Le général Travot en fit plus tard un aveu non équivoque. Il écrivit : "les recherches que j'ai ordonnées après l'abbé Barbedette, curé du Luc, n'ont eu aucun succès. J'entrevois que j'aurai mille peines à le faire arrêter parce qu'il trouvera sa commune entière disposée à le soustraire à nos poursuites." Nous reconnaissons bien là cette foi héroïque de nos aïeux qui, seule, explique ce dévouement total à leurs prêtres.
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M. Barbedette distribue chapelets et scapulaires aux soldats vendéens
Seule également, la fidélité chrétienne donne la raison du soulèvement général qui dressa, en mars 1793, les 700 paroisses de la Vendée Militaire contre la Révolution. Mouvement spontané et populaire et non pas fomenté par les nobles et les prêtres, comme on l'a trop souvent prétendu. Mouvement essentiellement religieux ; les paysans réclamaient d'abord le libre exercice du culte et le retour de leurs bons prêtres.
Les gâs du Luc, des premiers à s'insurger, mirent à leur tête le sieur Renaudin comme capitaine de paroisse8. Nous les rencontrons, avec ceux de Beaufou et de Saint-Etienne-du-Bois, le 11 mars à Legé et au Retail où ils s'opposent au pillage des biens de M. de Goulard, seigneur du Retail. C'est dans cette échauffourée que le sang coula pour la première fois dans la paroisse.
La lutte était déclenchée. Aussitôt les révoltés du Luc, de concert avec ceux des paroisses voisines, allèrent attaquer la ville de Palluau. Ils y entraient le 14 mars.
Quel rôle joua le curé Barbedette en ces premiers jours de la Guerre de Vendée ? Si l'on ne peut affirmer, comme on l'a écrit gratuitement, qu'il travailla de tout son pouvoir à préparer l'insurrection, il faut bien reconnaître qu’une fois l'affaire engagée, il se jeta a, corps perdu dans la résistance. Dès la première levée d'armes, il suivit ses paroissiens au combat, non pas évidemment pour faire le coup de feu, mais pour les encourager, tant par sa présence que par ses exhortations. Les vainqueurs de Palluau reconnurent si bien l'influence prépondérante du curé Grands-Bots qu'ils le choisirent comme membre du Comité royaliste créé en cette place. Peut-être même en fut-il le président, comme le pense M. Bourgeois. Toujours est-il qu'il joua un rôle de premier plan dans cet organisme. A preuve sa lettre au Comité de la Roche où, après la bataille de Fontenay, il réclame l'aide de la Grande Armée victorieuse "pour nous délivrer, dit-il, du voisinage de nos ennemis pillards et toujours impies." (fin mai 1793).
8 En janvier 1794, nous trouvons mention d'un autre chef pour les soldats du Luc : un nommé Charbonnier qu'il faut sans doute identifier avec Jean-François Chardonneau, maréchal-taillandier, du Petit-Luc. Jean-François Charbonneau "demeura capitaine dans la division de Savin, au moins jusqu'en juin 1795. Blessé aux armées royales, ayant perdu complètement la vue d'un coup de feu tiré à bout portant, il reçut en 1817, du roi Louis XVIII, un brevet d'honneur en récompense de ses services…"
Cf. Les Mercier du Bocage vendéen, par MM. Mercier des Rochettes (p. 85). Le livre de raison d'où nous tirons ces précisions contient, avec les généalogies d'une famille célèbre de chez nous, une foule de renseignements d'un précieux intérêt pour notre histoire locale, car les Mercier, pendant cinq siècles, ont occupé au Luc les plus hautes charges, en particulier à la principauté-pairie.
A Palluau, M. Barbedette prêche la guerre sainte. "Il assure aux paysans, prétendent les révolutionnaires, que les balles et les boulets ne les atteindront pas"9.
D'autres prêtres sont là, en particulier un ex-vicaire du Luc, l'abbé Pierre Gogué, curé depuis deux ans, de Saint-Jacques-de-Clisson, heureux de faire la campagne comme aumônier aux côtés de son ancien curé. Plus tard, il passera la Loire avec la Grande Armée et sera fusillé à Savenay.
Les troupes cantonnées à Palluau sous le commandement des deux frères Savin, futurs lieutenants de Charette, se rendent, le 22 mars, à la Mothe-Achard pour faire leur jonction avec les bandes de Joly dans le but d'attaquer les Sables. L'abbé Barbedette les accompagne. Il prépare les Pâques, donne l'absolution générale et communie un grand nombre de soldats. Au moment de la mise en marche du corps principal, il distribue abondamment — c'est la scène représentée par ce 3e vitrail — "des chapelets, pour porter autour du cou, et des Sacrés-Cœurs, brodés sur drap ou peints sur papier, à mettre sur la poitrine". Décidément, les révolutionnaires, qui nous ont conservé ces détails, ont tenu à nous démontrer que l'armée vendéenne entreprenait une croisade, une véritable guerre religieuse.
9 Les dépositions des prisonniers Bleus signalent également qu'avec d’autres prêtres, il a rebéni l'église de Palluau : sans doute avait-elle été profanée par les révolutionnaires.
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M. Barbedette revient blessé dans sa paroisse
Les Vendéens, sortis de la Mothe-Achard le 24 mars, jour des Rameaux, tentèrent donc l'assaut de la grande ville patriote de Vendée, le port des Sables. Sommés de se rendre au nom de la religion, les Bleus, pour toute réponse, ouvrent le feu. Les combattants sont à égalité de nombre — 5000 de part et d'autre — mais les républicains dominent par l'armement et l'expérience de la guerre. Après une bataille acharnée, les Blancs doivent se retirer, laissant 300 morts. De retour à la Mothe-Achard, l'abbé Barbedette célèbre solennellement la messe, le Jeudi-Saint, et il prononce un sermon doux et pathétique, note un chroniqueur sablais, devant les troupes, concentrées à nouveau pour prendre leur revanche.
Une deuxième attaque, le lendemain 29, ne fut pas plus heureuse que la première et le curé Grands-Bots était au nombre des disparus. Comme à son habitude, il s'était tenu au premier rang, exhortant les combattants, donnant l'absolution aux blessés. Au moment le plus critique de la bataille, il était tombé, frappé d'une balle en pleine poitrine. C'était déjà la déroute et l'on n'avait pu l'assister. Les combattants du Luc, certains de la mort de leur curé, en portèrent la triste nouvelle à la paroisse consternée.
Or, à trois semaines de là, un voyageur vint frapper, la nuit, à la porte du bonhomme Vrignaud, sacristain du Luc comme ses pères depuis son jeune temps et bien connu chez nous sous le surnom de père la Riquette.
L'épisode a été délicieusement conté par M. Henri Bourgeois dans la Vendée Historique. Le père la Riquette et sa femme entendant la voix du curé Grands-Bots, furent épouvantés : "C'est M. le Curé, se dirent-ils, qui revient pour demander des prières !..." Et tous deux de faire le signe de la croix, plutôt que d'aller ouvrir. Mais, au dehors, le revenant s'impatientait et secouait énergiquement la porte. Un coup plus fort eut raison du verrou mal assujetti et... le curé Grands-Bots entra — car c'était bien lui, mais en chair et en os —. De suite, il s'approcha du feu pour se sécher et se chauffer, preuve évidente qu'il ne venait pas du Purgatoire !...
Pleinement remis de leurs émotions et pleurant de joie, les deux bons vieux restaurèrent leur pasteur vénéré tout en écoutant son histoire. Blessé et laissé pour mort sur le champ de bataille des Sables, il avait pu se traîner jusqu'à une ferme voisine où de braves gens l'avaient soigné et guéri. Alors, clopin-clopant, il avait réussi, à la faveur d'un déguisement de mendiant, à regagner sa chère paroisse.
Ce 4e vitrail, d'un coloris remarquable, nous rappelle cette scène. L'intérieur ici représenté retiendra l'attention des amateurs du folklore vendéen. Quant aux paroissiens des Lucs, en examinant de près les personnages, ils reconnaîtront facilement que notre sympathique ancien sacristain Firmin Vrignaud garde un air de famille incontestable avec son ancêtre le père la Riquette. M. le Curé a voulu ainsi conserver le souvenir de cette famille de vieux serviteurs de l'église, qui compta plusieurs de ses membres parmi les martyrs du 28 février 1794, et où l'on fut sacristain du Luc, de père en fils, pendant plusieurs siècles. Qui n'envierait pour sa famille d'aussi beaux titres de noblesse ?
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M. Barbedette, aumônier militaire, assiste les blessés
A peine remis de sa blessure, le curé Grands-Bots continua son rôle d'aumônier auprès des soldats de la Grand'Guerre. Henri Bourgeois nous le montre les jours de bataille "marchant à l'avant-garde, un crucifix en main, relevant les blessés et donnant l'absolution aux mourants, sans se soucier des balles qui sifflaient autour de lui. Il ranimait les courages après la défaite, poussant à la revanche et tenant toujours ses gâs en haleine, en leur faisant espérer la victoire finale et le prochain triomphe de la cause religieuse".
C'est ce ministère qui inspira à l'artiste son 5e vitrail. Le curé Grands-Bots, penché sur un blessé qu'il vient de panser, le prépare aux derniers sacrements. La scène se passe au Retail, tout près de la célèbre chapelle aujourd'hui inutilisée, hélas ! bien qu'elle ait reçu, il y a plusieurs siècles, les honneurs de la consécration10.
Le Retail faisait autrefois partie de notre paroisse... Il ne fut annexé à Legé, avec 13 autres villages des Lucs, qu'en 1863, sous le pastoral de M. Jean Bart qui ne put jamais s'en consoler, "J'ai perdu, disait-il, le plus beau fleuron de ma couronne". Ne convenait-il pas d'évoquer dans nos verrières cet ancien village de chez nous, si riche en souvenirs historiques ?11
10 Son autel de granit garde le souvenir des messes célébrées par M. Barbedette, au temps où l'église paroissiale, brûlée par les colonnes infernales, était hors d'état de servir au culte.
11 Rappelons, entre autres faits, que là se termina la bataille de la Vivantière du 5 mars 1794. Les gâs de Charette, poursuivant les Bleus, les tuchiront, selon leur expressif langage, par la Jaumerie, et le Fief-Gourdeau, jusqu'au Retail où ils achevèrent de les tailler en pièces.
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M. Sarbedette célèbre la messe dans les bois
Tout en consacrant à l'armée vendéenne de longues journées, le curé Grands-Bots n'oubliait pas qu'il restait avant tout curé du Luc. Le dimanche, d'ordinaire, il laissait à d'autres prêtres le soin d'officier pour les soldats de Charette et se réservait pour ses paroissiens.
Depuis août 1792 jusqu'à février 1795, depuis septembre 1797 jusqu'à juin 1800, il lui fallut chercher un refuge dans un village écarté ou dans un bois12. Même au temps de la persécution la plus sanglante, il assura fidèlement l'office dominical. Les anciens avaient gardé le souvenir de ces messes du temps de proscription. J'ai ouï dire plusieurs fois à Adele Fétiveau du Petit-Luc, écho fidèle des traditions paroissiales relatives à la Grand'Guerre, que le curé Grands-Bots avait dit la messe, entre autres lieux, à la Brosse, aux Gats, à la Gaconnière, à l’Etheliere et dans la gîte du Bois-Masson sur la pierre dite pierre du sacrifice que l'on prétend d'origine druidique13.
12 Grâce à la détente qui suivit le traité de la Jaunaie (17 février 1795) et la loi du 3 ventôse an III (21 février 1795), il put célébrer librement, pendant deux ans et demi, dans son église.
13 Le Luc (Lucus, Bois sacré) fut sûrement un lieu de culte important à l'époque celtique, témoins les dolmens des Temples, du Plessis et de la Gourmaudière, malheureusement disparus aujourd'hui ; témoin encore; l'oppidum gaulois du Petit-Luc, sorte de camp retranché avec ses douves et ses trois collines, élevées de mains d'homme, à la jonction de la Boulogne et d'un petit affluent.
Ce 6e vitrail, la Messe dans les Bois, dont le sujet a inspiré si souvent les artistes, rappelle spécialement, précise l'inscription, le souvenir de la Messe de Minuit. Certes, nous n'avons pas, pour les Lucs, les détails émouvants de la Chronique de Beaufou, à propos de ce Noël 1793, solennellement célébré au Bois des Rivières par M. Henri de Jousbert de la Cour14. Mais qu'importent les détails quand le fait n'est pas douteux : les fidèles du Luc ont eu, eux aussi, leur messe de minuit célébrée par leur cher curé Grands-Bots.
Paroissiens des Lucs, quand vous aurez à vous accuser à confesse d'avoir manqué la messe par votre faute, venez contempler ce vitrail. Vous comparerez votre conduite à celle de vos pères traqués, persécutés, chassés de leur église et fidèles, malgré tout, à la messe dominicale. A chaque fois ils risquaient leur vie. Ils avaient bien compris, ces chrétiens authentiques, qu'à la messe, participation au Sacrifice du Christ, ils trouveraient le secret de cette force surhumaine qui leur était demandée en ces temps héroïques. Pour rien au monde, ils n'auraient manqué leur messe. Encore ne se contentaient-ils pas d'une assistance passive. Chaque dimanche, ils allaient pour la plupart à la communion, les hommes aussi bien que les femmes, les hommes plus que les femmes, assurent les mémoires de Marie Trichet de la Bultière15. Où est-il ce temps de foi, chers compatriotes ? Maintenant ne trouverait-on pas aux Lucs des descendants de ces héros qui manquent la messe, sans scrupule, sans remords ? D'autres qui s'endimanchent, viennent au bourg et passent au café le temps de la messe ? Mais alors, nous serions des dégénérés ! Aurions-nous encore le droit de nous glorifier de l'histoire de nos pères ?
14 M. Barbedette ne fut point le seul prêtre célèbre de la contrée. M. Henri de Jousbert de la Cour, curé de Beaufou, après avoir été vicaire au Grand-Luc de 1761 à 1764, a, lui aussi, son histoire, passionnante d'intérêt, rapportée dans la Chronique de Beaufou. Signalons encore l'abbé Ténèbre qui, au plus fort de la Terreur, bâtissait, sous le vocable de Notre-Dame des Martyrs du Bas-Poitou, la chapelle de la Tullevrière à 5 kilomètres des Lucs. (Cf. sa biographie par l'abbé Hte Boutin, curé de Saint-Etienne-du-Bois, Fontenay, 1892).
15 Les souvenirs de Marie Trichet, publiés dans la Chronique de Beaufou, comptent parmi les pages les plus émouvantes écrites par les témoins des Colonnes Infernales.
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M. Barbedette prie devant les martyrs du Petit-Luc
Les Vendéens, au sortir de la messe, allaient "sûrs de vaincre ou de recevoir en mourant la palme du martyre". C'est l'organisateur des Colonnes Infernales, l'infâme Turreau, qui, dans ses Mémoires, a rendu à nos ancêtres ce splendide témoignage16. A la messe dans les bois, notre série de vitraux fait succéder un tableau qui représente non le triomphe des Vendéens, mais leur immolation, leur martyre.
Sur le tertre dévasté du Petit-Luc, devant une église en ruines qui, par un anachronisme voulu, rappelle la chapelle d'aujourd'hui, M. Barbedette se recueille et prie devant les cadavres de ses paroissiens massacrés le 28 février 1794. Quel tableau saisissant !
Il fallait bien associer le curé Grands-Bots au souvenir de nos martyrs : il fut mêlé de si près à leurs souffrances ! Il a tant contribué à les rendre courageux devant la mort ! S'ils furent immolés, le Sacré-Cœur sur la poitrine et le Rosaire à la main, n'est-ce pas grâce aux exhortations de ce prêtre qui, dès le début de la guerre sainte, nous apparaît distribuant chapelets et scapulaires ?
16 Cette phrase, inutile de le souligner, n'est point un cri d'admiration échappé au persécuteur. "Les Vendéens étaient enivrés de tous les poisons du fanatisme", explique Turreau, incapable de s'élever à une plus haute compréhension de l'héroïsme des paysans de 1793 ! N'importe, nous retenons son aveu.
De plus, c'est lui qui recueillit pieusement leurs noms. Quelle relique insigne que ce manuscrit conservé avec vénération à la cure des Lucs !17
Aucune autre paroisse de la Vendée Militaire ne saurait présenter un martyrologe aussi complet, aussi officiel. Il se termine par cette attestation solennelle :
"Lesquels noms cy-dessus, au nombre de 56418, des personnes massacrées en divers lieux de la paroisse du Grand-Luc m'ont été référés par des parents échappés au massacre, pour être inscrits sur le présent registre, autant qu'il a été possible de les recueillir dans un teins de persécution la plus atroce, les corps morts ayant été plus d'un mois sans être inhumés dans les champs de chaque village du Luc ; ce que j'atteste comme trop véritable, après avoir été témoin oculaire de ces horreurs et exposé plusieurs fois à en être aussi la victime.
au Luc, ce 30 mars 1794,
C. Barbedette, curé du Luc"
Si un jour, notre paroisse a l'insigne honneur de voir la Sainte Eglise introduire la cause de Béatification de nos 110 petits enfants, émules des Saints Innocents de Bethléem19, elle le devra surtout au précieux témoignage du prêtre fidèle, providentiellement épargné, semble-t-il,, pour garder la mémoire de ses paroissiens, martyrs de leur foi.
On aura remarqué que le tableau évoquant nos martyrs couronne le monument aux morts de la guerre. M. le Curé a voulu unir dans un même souvenir nos héros tombés pour la patrie — ceux de 1914-1918, ceux, trop oubliés, hélas ! de 1939-194020 — et leurs pères immolés pour leur Dieu. Le courage déployé par les uns et les autres nous sera une leçon de vaillance pour porter chaque jour notre croix.
17 Le jour de la bénédiction des vitraux, il était exposé d'ans l'église, à côté des ornements sacerdotaux qui servirent, dit-on, au curé Grands-Bots.
18 Par inadvertance, M. Barbedette a inscrit 2 fois la même victime : Pierre Erceau, de la Devinière (214e et 462e de la liste Jean Bart). C'est donc 563 martyrs que fit au Luc la journée du 28 février 1794.
Le précieux recueil du curé Grands-Bots ne nous est malheureusement pas parvenu dans son intégrité. Au lieu de 563 noms, il n'en contient plus que 458. La page du milieu s'est égarée et, avec elle, ont disparu les noms de 105 victimes.
En publiant, en 1874, le martyrologe encore inédit de M. Barbedette, M. Jean Bart, curé des Lucs, n'a pas soupçonné cette disparition. Ne sachant comment expliquer le nombre de 564, donné par le manuscrit, il l'a supprimé de son texte. En plus de nombreuses fautes de transcription, sa liste comporte une erreur de numérotation. M. Bart a voulu assigner à chaque nom un numéro d'ordre ; or il passe sans intermédiaires du n° 130 au n° 140, du n° 180 au n° 190, etc... On ne peut s'étonner dès lors que le dernier en liste, venant le 459e, porte le n° 485. C'est pourtant ce dernier chiffre, si manifestement erroné, qui a fait foi pour les historiens postérieurs.
Nous aimons à rétablir les chiffres exacts : 563 martyrs, dont 105 anonymes et 458 bien identifiés.
19 S. E. Mgr Cazaux, évêque de Luçon, vient d'approuver (9 mai 1942) une prière pour demander la béatification des petits Saints Innocents des Lucs. On peut se procurer à la cure l'image qui la reproduit avec la liste de nos enfants martyrs.
20 Cent soixante-trois enfants de la paroisse sont morts pour la France en 1914-1918, et huit autres en 1939-1940.
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M. Barbedette "ensorcèle" les bleus
Après les massacres des colonnes infernales21, les survivants se groupèrent davantage encore autour de leur curé qui renonça alors complètement, semble-t-il, à ses fonctions d'aumônier militaire. L'année suivante, le traité de la Jaunaie (17 février 1795) rendit aux Vendéens le libre exercice du culte ; le curé Grands-Bots regagna son église brûlée et pillée. Le 4 août 1795, il assista au Synode qui rassembla au Poiré 57 prêtres de la région. Cette paix fut, hélas ! bien éphémère. La lutte reprit. A nouveau, Charette sillonna notre paroisse avec sa poignée d'hommes, jusqu'au 23 mars 1796, où, après les marches forcées de la Pellerinière, de la Guyonnière, du Sableau, il tomba entre les mains du général Travot, dans les bois de la Chabotterse, en Saint-Sulpice-le-Verdon22.
Après la prise de Charette, les officiers que l'on appelait pacificateurs de la Vendée cessèrent un temps toute vexation pour motif religieux. Hoche, le général en chef, promit dans ses proclamations la liberté du culte et assura que les mesures prises contre les prêtres par le gouvernement ne regardaient en rien la Vendée. Malgré tout, le curé du Luc restait défiant. Ses confrères voisins lui reprochèrent souvent cette attitude. Messire Moreau, curé du Poiré, lui écrivit en mars 1796 : "Le général Travot m'a toujours dit avoir à se plaindre de vous. J'ignore précisément pourquoi, mais en général, il vous attribue l'état actuel de votre paroisse... Il me charge aussi de vous engager à être plus circonspect lorsqu'il est question de la République ou du général Charette."
Mais l'abbé Barbedette garde sa liberté de pensée et de parole. Les commissaires reconnaissent que parfois "il exhorte à la plus aveugle soumission aux lois de la République" (janvier 1797) ; mais quand ces lois vont contre ses droits et contre sa conscience, il ne craint pas d'y faire l'opposition la plus nette. Ainsi, il n'est pas pressé d'obéir aux décrets obligeant les curés à remettre à la mairie les registres de catholicité (février 1797). Il s'enhardit même à poser des revendications qui ne sont pas du goût de l'Administration. Un jour, il fait demander par une délégation de paroissiens la permission de faire monter une cloche (février 1797) ; une autre fois, il exhale son mécontentement d'avoir été chassé de sa cure, ou encore il porte plainte auprès du général Travot contre les officiers du Poiré qui lui ont volé des vases sacrés (octobre 1796).
21 Il y eut chez nous d'autres victimes que celle de février 1794. Les officiers municipaux de Sainte-Cécile et des Essarts, qui suivaient les colonnes en juillet 1794, nous donnent ces détails sur leur vandalisme dans la région.
"Le 17 juillet, à 4 heures du matin, on se met en marche, on arrive au village de la Bésilière, où l'on s'arrête 4 à 5 heures. Tous les hommes et les femmes, même trouvés sans armes dans les champs, occupés à leurs ouvrages, y sont égorgés et fusillés. Le village est entièrement incendié. Deux pièces de terre, ensemencées en froment, sont livrées aux flammes. On va bivouaquer dans les landes du Grand-Luc : on ne rencontre qu'un homme et une femme fuyant, ils sont fusillés."
L’incendie de la Bultière, racontée par Marie Trichet, se place vraisemblablement à cette date.
22 L'abbé Barbedette semble être resté étranger aux derniers combats de Charette. Mais nous savons que plusieurs paroissiens du Luc furent parmi .les ultimes défenseurs du: général Vendéen, entre autres, le meunier de Gâtebourse, Jaunâtre, et le fils d'un métayer de la Pellerinière, probablement Pierre Delhommeau. Chassin note que le Luc fut l'une des dernières paroisses attachées à Charette, en mars 1796.
Le Commissaire du Directoire exécutif près le canton du Poiré commente ainsi l'une de ces récriminations : "Le curé Barbedette n'a aucun droit à réclamer, par la raison qu'il n'a pas fait sa déclaration à la loi du 7 Vendémiaire ; mais il doit être ménagé, par d'autant plus de motifs qu'il est très influent et très dangereux. La tranquillité de ce canton dépend essentiellement de la manière dont sera traité cet homme." (octobre 1796).
Petit à petit, les choses se gâtent. Sur le compte du curé Grands-Bots, des rapports se succèdent, de plus en plus haineux, qui disent par exemple : "Barbedette, prêtre, a couru les villages de la commune du Luc et de Beaufou, ainsi que deux ex-abbés, afin d'engager le peuple à nommer Mercier Gilardière, ex-président du Comité royaliste, pour juge de paix. Barbedette persuade au peuple qu'il fallait assister aux assemblées pour le soutien de la religion. La commune est tourmentée par cet individu qui, soit menace ou confiance, la fait mouvoir ainsi que celle de Beaufou. Il serait bien intéressant que ce canton fût débarrassé de cet individu, sans quoi les patriotes ont tout à craindre d'un pareil homme." (25 mars 1797).
On se met à épier les sermons du fameux curé. Le rapport suivant en fournit la preuve :
"Un patriote digne de foie (sic) de la commune du Grand-Luc m'a dit que, depuis peu, le curé disait dans son prône, en parlant de la guerre civile, que le temps de la vengeance n'était pas encore arrivé." (26 avril 1797). Quatre mois plus tard, l'abbé Barbedette récidive. De ses sermons, on a retenu ces phrases incendiaires : "Voilà l'instant, mes amis, où je dois vous avertir de vous tenir sur vos gardes" et encore "Prenez courage, mes amis, les apostats ne seront pas toujours les maîtres."
La coupe était pleine. D'ailleurs fort opportunément le Directoire, après l'accalmie thermidorienne, avait repris au 18 fructidor an V (4 septembre 1797) son œuvre persécutrice. Il était donc facile de sévir. Tant et si bien que le 28 septembre 1797, "l'Administration centrale du département, informée que Barbedette, prêtre réfractaire, sujet à la déportation, n'exerce au mépris des lois le ministère de son culte dans la commune du Luc, qu'en contravention à la loi de vendémiaire an IV, qu'il a provoqué à l'anéantissement de la République et encouragé ceux qui assistaient à ses exercices à la rébellion contre le Gouvernement par ses discours et prédications", ordonne au général Travot de l'arrêter et "de le faire conduire par devant l'accusateur public près le tribunal criminel de Fontenay-le-Peuple, pour être contre lui procédé suivant les lois."
L'ordre d'arrestation était plus facile à donner qu'à exécuter. Travot le prévoyait bien. Il répondait à l'Administration (3 octobre 1797) : "J'ai peine à croire qu'on réussira, car Barbedette est, comme bien d'autres prêtres, soigneusement caché. Si j'avais été instruit plus tôt des propos qu'il a tenus, j'eusse prévenu les dispositions de votre arrêté et l'eusse fait saisir avant qu'il ait disparu". Le célèbre général qui avait réussi, 18 mois auparavant, la capture de Charette, n'eut pas la gloire de s'emparer du terrible curé. Il fut contraint d'écrire, découragé : "La recherche de Barbedette, curé de la très mauvaise commune du Luc, est restée infructueuse."
Pour se consoler de cet échec, le directoire de Fontenay, à la date du 7 janvier 1798, ordonnait à nouveau de se saisir de Barbedette Charles, prêtre réfractaire du Grand-Luc, pour le déporter en Guyane et les commissaires du Gouvernement l'inscrivaient au numéro 42 sur l'Etat Officiel des prêtres réfractaires, en l'honorant de cette note spéciale : "Barbedette, du Grand-Luc, homme dangereux, le plus sanguinaire qui ait existé pendant la Guerre de Vendée, il a toujours excité secrètement à la rébellion, réfractaire à toutes les lois, il s'est caché dès qu'il a eu connaissance de celle du 19 fructidor ; il est maintenant déguisé et parcourt les campagnes où il distille le poison du fanatisme et de la discorde." Un prêtre fidèle à son devoir et à sa conscience ne pouvait être signalé en d'autres termes.
Nous l'avons dit, les paroissiens du Luc, tout dévoués à leur pasteur, l'aidaient grandement à dépister les sbires acharnés à sa recherche. De ce fait, on les engloba dans les mêmes réprobations que le prêtre. Les textes abondent, que nous pouvons citer à l'honneur de notre paroisse,
De Travot : "Je partage bien, avec les personnes qui vous donnent les renseignements sur la commune du Luc, leur manière de juger de l'esprit des habitants : il est très mauvais et l'a toujours été." (octobre 1797)
Autre texte : "Ce serait bien ici l'occasion de provoquer contre cette commune du Luc qui jusqu'ici n'a cessé de se montrer attachée à la cause de la royauté et du fanatisme, des peines très sévères. Elle est la seule qui paraisse tenir à ces sortes de principes d'une manière aussi prononcée, et, s'il est besoin d'un exemple de sévérité dans ces contrées, il serait à préférer qu'elle en servît plutôt que tout autre." (août 1798).
Les crimes de ces gens ? Un rapport nous en signale un exemple : "Les habitants du Luc se font marier par les prêtres cachés et notamment par Barbedette qui est toujours en ces communes du Luc, de Saint-Etienne et de Legé." (janvier 1799).
De plus certains paroissiens du Luc ont refusé de payer les impôts et, évidemment, on fait honneur de cette résistance au curé Grands-Bots. Le général Travot écrit à ce sujet (août 1798) : "Il n'y a pas à douter que cette espèce de révolte n'ait été suscitée par le curé Barbedette dont l'influence n'est que trop réelle dans cette commune et qu'elle y a été menée par des hommes extrêmement dévoués à ce prêtre. Les nommés (François) Bouron et (Pierre) Rorthais (de la Gaconnière) sont certainement de cette catégorie et on ne leur fait pas d'injustice en les accusant d'être les chefs de ce parti. Je vais faire arrêter ces deux individus pour les faire traduire devant le juge de paix (de Montaigu) comme prévenus de préméditation contre-révolutionnaire."23.
Ces textes, que l'on pourrait multiplier, expliquent mieux que tous commentaires le prestige qu'exerçait le curé Grands-Bots sur ses paroissiens. Et ce prestige fit naître une curieuse popularité qu'a voulu traduire ce huitième vitrail. Pendant la guerre, M. Barbedette, toujours exposé aux plus grands dangers, s'en était tiré avec un tel bonheur ; plus tard, traqué sans cesse, il avait réussi tant de fois à dépister les Bleus que ses paroissiens avaient brodé sur son compte toute une légende. On lui attribua le don d'être invulnérable aux balles, de passer inaperçu au milieu des Bleus, et au besoin de conjurer toute une armée... Ah ! les bonnes histoires de ses sabots, de son chapeau et de son bâton de mélier24 qui couraient de village en village, sans cesse amplifiées et enjolivées ! Elles firent, durant plusieurs générations, le régal de nos pères, en ces douces veillées d'hiver dont l'attrait est perdu aujourd'hui.
Le récit évoqué par notre vitrail fut connu dans tout le bocage. Un jour, le curé Grands-Bots traversait les landes de la Loubisse, en Saint-Etienne-du-Bois, lorsque les paysans effrayés lui montrèrent à l'horizon une troupe de Bleus qui accourait vers eux. M. Barbedette, nullement décontenancé, plante son bâton sur le chemin et le coiffe de son chapeau. Arrivés près de la canne, les Bleus ne purent passer outre ; pris comme d'un accès de folie, ils se mirent à danser autour, puis s'endormirent d'un profond sommeil. Ils étaient ensorcelés !... M. Barbedette alla tranquillement chercher son chapeau et son bâton et continua sa route. Les anciens ne manquaient pas d'ajouter à ce récit en guise de conclusion que, sûr et certain, ils ne disaient que la vraie vérité.
Cette anecdote, qui rencontra jadis tant de crédit, méritait bien, en marge de nos tableaux historiques, de trouver place ici, pour auréoler davantage la figure du légendaire curé Grands-Bots.
23 De fait, on signale leur arrestation le lendemain.
Jusqu'à la fin de la persécution, les gens du Luc donneront du fil à retordre aux révolutionnaires. En juillet 1799, un rapport alarmant était ainsi rédigé : "Le pays est dans les transes ; on parle d'un prochain égorgement des patriotes. Personne n’ose coucher dans sa maison ; depuis que l'avis du prochain retour des Chouans a été donné au Luc, on dérouille les vieux fusils." Et pour finir, cette naïveté dictée par la peur : "Les habitants des campagnes paraissent désirer la liberté du culte catholique".
24 Mêlier, en français néflier.
Les lecteurs, avides de plus amples détails, peuvent se reporter aux pages de 'la Vendée Historique' (1912) où M. Bourgeois s'étend à plaisir sur les mystérieux pouvoirs que la légende a prêtée au curé Grands-Bots.
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M. Barbedette conduit les Bleus qui le cherchent
On n'avait pas besoin d'ailleurs d'inventer des histoires sur son compte, "Il arriva, dit M. Bourgeois, maintes fois au curé Barbedette de se payer la tête de ceux qui le traquaient et il faudrait un roman historique en plusieurs volumes pour raconter tous les bons tours qu'il joua aux Bleus". II faut lire ces curieux récits dans la Revue du Bas-Poitou ou dans la Vendée Historique. Nous nous contenterons de rapporter ici les deux histoires qui forment le sujet des 9e et 10e vitraux. Elles ont été écrites — peut-être bien un peu romancées —- par l'inimitable conteur qu'était M. Henri Bourgeois. Pour ne rien perdre de leur originale saveur, nous les reproduisons ici dans leur texte même.
"Un soir que, déguisé en mendiant, l'abbé Barbedette rentrait à la ferme qui lui donnait alors asile et où, la nuit suivante, il devait célébrer la messe, il voit tout à coup venir en face de lui une patrouille. Sûr qu'on ne le reconnaîtra pas, il s'avance hardiment, bien qu'il eût le temps de fuir, prend un air niais et souhaite, ben le bonjour aux soldats et demande où ils vont à pareille heure, ‘Au village de la Morelière (en Beaufou), répond le chef, et tu arrives juste pour nous tirer d'embarras ; car nous ne nous reconnaissons plus dans ce satané pays et le diable m'emporte si je sais où je me trouve.’ Très complaisamment, le faux mendiant accepte de servir de guide aux Bleus et les invite à le suivre. Chemin faisant, il leur demande ce qu'ils vont faire à la Morelière et si ‘o serait pas, daux foués, por pincer tchielle enfant de bougre de tchuré Barbedette qui mettait tôt à l’envers dans le pays.’ Persuadé qu'il a affaire à un fervent patriote, le commandant de l'escorte répond affirmativement et promet au pauvre diable une récompense s'il les conduit à la Morelière. Le guide jure qu'il ne demande pas mieux ‘bounes gens’. Puis il se met à déblatérer contre ‘tchio diable de tchuré’ et à défiler sur ce thème un tel chapelet d'imprécations que les Bleus ravis marchent à sa suite sans méfiance et même en se félicitant de la bonne fortune qui leur a fait rencontrer un si bon citoyen.
Au bout d'un quart d'heure, le citoyen s'arrête, met un doigt sur la bouche, pour recommander aux soldats, le silence, et leur montre la ferme éclairée par une faible lumière, à peine visible à travers les taillis ; puis il souhaite bonne chance à la troupe, maudit encore une fois, mais tout bas, le damné calotin, empoche sans sourciller la pièce de monnaie que lui tend le chef et s'en retourne tranquillement vers une métairie voisine où il sait devoir être en sureté..."
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M. Barbedette délivre un paroissien arrêté à sa place
La scène évoquée par ce dixième vitrail est dans toutes les mémoires. Elle a été représentée en un acte particulièrement vigoureux de la pièce de M. Basile Clénet.
Or donc, une fois, "la police ayant fait cerner, de nuit, une maison où on lui avait signalé (et le renseignement était exact) la présence de l'insaisissable curé, celui-ci, comme toujours, eut la chance de s'échapper à temps. Mais les Bleus, pour ne pas rentrer bredouilles, arrêtèrent comme complice le propriétaire de la maison suspecte et l'amenèrent au Poiré en attendant qu'on lui fît son procès. C’était un nommé Ricouleau, ancien soldat de Charette. On le trouva de bonne, prise et en vertu du proverbe qu’à défaut de grives, on mange des merles, il fut décidé qu'on le garderait prisonnier jusqu'à l'arrestation de l'abbé Barbedette.
A quelques jours de là, sur les 10 heures du soir, le commissaire cantonal du Poiré, qui était déjà couché et endormi, est subitement réveillé par un coup violent frappé à sa porte. Il ouvre et se trouve en face d'un magnifique hussard qui, du haut de son cheval, lui tend un, pli cacheté. C'était un ordre signé du général Travot et réclamant le prisonnier pour le faire passer en conseil de guerre.
Travot exerçait alors une sorte de dictature : il n'y avait point à plaisanter avec lui. Aussi le commissaire, sans même prendre le temps de s'habiller complètement, s'empresse-t-il de se rendre à l'a prison suivi du hussard auquel il fait remettre Ricouleau. L'estafette signe un reçu, passe les menottes à son prisonnier, l'attache à la queue de son cheval et s'en va, non sans avoir accepté de se rafraîchir aux frais du commissaire, qui le charge de tous ses compliments pour le général.
Au bout d'une heure de marche, le hussard s'arrête au milieu d'un bois épais, descend de cheval, délie le prisonnier, lui enlève les menottes et se met à rire bruyamment. Puis il se décoiffe, arrache les énormes moustaches postiches qui le défigurent, se croise les bras et s'écrie : ‘Me reconnaîtras-tu enfin, mon brave Ricouleau ?’
Le prétendu messager de Travot n'était autre que le curé Grands-Bots qui, après s'être procuré dans une métairie des Lucs l'uniforme d'un hussard tué et dépouillé pendant la guerre, avait imaginé, ce bon tour à ses risques et périls, en vue de délivrer un fidèle paroissien compromis pour sa cause.
Le lendemain matin, le commissaire du Poiré trouva sous sa porte un billet ainsi conçu : ‘le prisonnier que tu as remis à une fausse estafette du général Travot est en liberté. Arrange-loi comme lu voudras, pour qu'on le laisse tranquille. Sinon, gare à ta peau’. ‘le Vengeur’."
Le policier du Poiré était lâche ; il s’empressa d'enterrer l'affaire en prétextant que l'arrestation avait eu lieu à la suite de faux renseignements et Ricouleau ne fut jamais inquiété.
L'histoire ne tarda pas à être connue. On se la chuchota bien vite d'un bout à l'autre du canton et le dimanche suivant, dans les auberges du Poiré, les anciens gâs de Charette vidèrent plus d'une bouteille à la santé de l'estafette du général Travot.
Jusqu'à la fin de la persécution, c'est-à-dire jusqu'au consulat, conclue M. Bourgeois, le curé Grands-Bots fit ainsi la nique à la police républicaine lancée à ses trousses...
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M. Barbedette officie dans son église enfin rendue au cuite
Mais vint le jour où, après avoir tant bataillé, tant souffert, le curé Grands-Bots eut la satisfaction de voir la religion reparaître au grand jour et refleurir en France. Une ère nouvelle commençait. Timidement d'abord, les églises se rouvrirent. M. Barbedette fit présenter par quelques paroissiens une pétition tendant à obtenir la sienne. Et le 17 Juin 1800, le préfet de la Vendée, Le Faucheux, déclarait que "les habitants de la commune du Luc sont autorisés à user librement et sous la surveillance des autorités constituées, de l'édifice qui était anciennement destiné à l'exercice du culte catholique dans la commune, sans que personne puisse les troubler, ni les inquiéter, tant qu'eux et leur ministre donneront des preuves non équivoques de leur soumission aux lois de la République." C'était la victoire. La vieille église, qui avait tant souffert elle aussi, accueillit donc à nouveau curé et paroissiens. Quel beau jour de fête dût être celui du rétablissement du culte au Luc. M. Barbedette entonna le Te Deum de la reconnaissance et, avec la liberté de langage qui lui était coutumière, il chanta, du haut de la chaire, le triomphe de la cause religieuse. C'est ce que rappelle le onzième vitrail qui couronne dignement dans notre église cette série de tableaux.
Mais il prenait un peu trop, au dire des autorités civiles, des airs de vainqueur. Ses anciens ennemis, toujours restés au pouvoir, ne cachaient pas leur dépit de le voir maintenant agir en liberté avec l'immunité de la loi. Les délégués de l'Administration continuèrent à rapporter sur son compte. Bientôt, on le classerait à la préfecture "parmi les prêtres n'inspirant pas confiance" et on l'apprécierait, lui, le si populaire curé Grands-Bots, en ces termes étranges : "Tête extrêmement chaude dont se plaignent tous les habitants !"
Il était dit que M. Barbedette ne jouirait guère en paix de la liberté religieuse enfin reconquise. D'autres difficultés surgirent. Avec son humeur combative et son caractère entier, le curé du Luc s'adaptait mal à la situation nouvelle et n'était guère disposé aux concessions réclamées par les circonstances. Il était fait pour la lutte. Puisqu'elle n'avait plus sa raison d'être, sa tâche était achevée.
Il prit le parti de demander son exeat à son évêque et, le 4 mars 1803, il dit adieu à sa chère paroisse.
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M. Barbedette sur son lit de mort25
L'histoire du curé Grands-Bots se termine avec son départ des Lucs. Quelques rares documents sans intérêt parlent encore de lui. Nous le retrouvons, en mai 1804, établi comme prêtre habitué à Roussay, près de Montfaucon-sur-Moine (Maine-et-Loire), puis nous perdons complètement sa trace. Il n'est pas improbable qu'il ait fini ses jours en son pays natal. On sait du moins qu'il avait eu l'intention de se retirer en Normandie. Notre ardent lutteur qui avait failli tant de fois périr de mort violente eut sans doute une fin paisible. Comme Saint Athanase, selon l'énergique expression du bréviaire romain, il dut mourir dans son lit. L'artiste, en un vitrail supplémentaire, l'a représenté sur sa couche funèbre, revêtu de ses ornements sacerdotaux, en un décor de presbytère de campagne...
Il n'est pas question évidemment de canoniser l'abbé Barbedette, encore que sa vie soit émaillée de traits d'héroïsme ; mais c'est pour nous un sujet de légitime fierté de nous rappeler son histoire à laquelle furent si intimement mêlés nos pères.
25 En 2018 ce vitrail, sensé se trouver dans la sacristie de l’église des Lucs, a disparu sans que l’on ait plus d’information à ce sujet.
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Contrairement à ce qu'écrivait alors, en 1942, le Père Huchet, on retrouve la trace de Monsieur Barbedette après qu'il eut quitté les Lucs en 1803. Etant prêtre anti-concordataire, il aurait été arrêté en 1804. Après avoir été à Roussay, il se trouvait le 27 octobre de la même année 1804 à Savennières, et le 12 février 1809 à la Possonnière, toutes trois communes du Maine-et-Loire. Le 17 juin 1809 il était chapelain de l’hospice d’Ernée en Mayenne, c'est là qu’il mourut le 30 septembre 1813, âgé de 71 ans (Arch. dép. de la Vendée : Dictionnaire des Vendéens).
Acte du décès de Charles-Vincent Barbedette, prêtre, survenu la veille à Ernée.
(Arch. dép. de la Mayenne : 4 E 110/30)
Monsieur Babedette n'a pas été le seul prêtre, resté en Vendée pendant la Révolution, à avoir eu une vie particulièrement mouvementée. Pour mémoire, on peut citer entre autres celle de Jacques Chabot (1747-1815), né à Aizenay, curé d'Aubigny dès 1778, qui fut lui aussi présent lors de l'attaque des Sables, qui poursuivit son périlleux ministère jusqu'à la fin de la persécution, et que Mireille Brisseau-Geffard évoque dans Si Aubigny m'était conté, en 2007 ; ou encore celle de Jean Girard (1759-1836), né à Saint-Hilaire-de-Loulay, vicaire à Olonne jusqu'en 1791 avant qu'il revienne dans sa commune d'origine, desservant puis curé de Saint-Georges-de-Montaigu à partir de 1801... et dont la vie agitée est longuement racontée dans un manuscrit écrit en 1865 par Pierre Remaud, un de ses successeurs dans cette dernière paroisse. Ou encore Julien Mitrecey (1752-1809) sur la Grolle (Rocheservière), Alexandre Ténèbre (1742-1822) sur Beaufou, Pierre-François Remaud (1756-1830) sur Maché...
Une constante pour ces différents prêtres ayant refusé de partir en émigration, ayant vécu la vie de morts en sursis à laquelle les condamnait leur situation de prêtres réfractaires et ayant cependant réussi à survivre : le peu de considération qu'eurent pour eux alors et par la suite leur évêque Marie-Charles-Isidore de Mercy (1736-1811) et son vicaire général Gabriel Paillou (1735-1826), en exil l'un en Italie et l'autre en Espagne.
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