1788, la "Topographie médicale de Clisson" par M. Du Boueix
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Dix ans après l'article du Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne, de Jean-Baptiste Ogée, la "Topographie médicale de la ville et de l'hôpital de Clisson en Bretagne" écrite par un médecin local Michel Du Boüeix, et publiée dans le Journal Médecine de juin 1788, donne une nouvelle description de la ville et de ses environs.
Ce mémoire s’inscrivait dans le projet que la Société Royale de Médecine avait initié "d’après les ordres du Roi, de dresser un Tableau topographique et médical de toute la France", le terme "topographie médicale" étant à prendre dans le sens de "environnement médical".
Cette "topographie médicale de Clisson" rédigée en 1788 par Michel Du Boüeix, est à comparer avec celle faite l’année précédente par Louis Richard de la Vergne (fils aîné), docteur en médecine de l’université de Montpellier, sur "la ville de Montaigu en Poitou" dont le contenu inspire sensiblement plus de confiance quant aux compétences professionnelles de leur auteur. Elle peut être aussi comparée avec celle sur "Vieillevigne", plus succincte à tous points de vue, rédigée en 1787 et présentée en 1788 par Charles-René Baudry, docteur en médecine de l'université de Reims.
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Les deux premières pages de la
"Topographie médicale de la ville et de l'hôpital de Clisson en Bretagne"
dans le Journal de Médecine, chirurgie, pharmacie, &c.
et où on remarque la nom écrit avec particule de Michel "Du" Boueix.
(collection particulière)
TOPOGRAPHIE MÉDICALE
DE
LA VILLE ET DE L’HÔPITAL DE CLISSON EN BRETAGNE
par M. Du Boueix, docteur & professeur en médecine de l’université de Nantes,
médecin de l’hôpital de Clisson, etc.
(les sous-titres ont été ajoutés pour une meilleure lisibilité)
Localisation et origines
Clisson est une petite ville du comté Nantais, sur les frontières de la Bretagne, du Poitou & de l’Anjou, située à cinq lieues & demie sud-est de Nantes, au 47e deg. 6 min. de latitude septentrionale, & au 16e deg. 20 min de longitude1.
Ce qu’on trouve de plus ancien sur cette ville, c’est que Gilard, évêque de Nantes, fut forcé l’an 855, de se retirer à Guérande, & de céder à Attard son évêché, avec les doyennés de Clisson et de Retz.
En 1223, Olivier, seigneur de Clisson, trisaïeul du fameux connétable de ce nom, fit bâtir le château de cette ville sur un rocher, au confluent des deux rivières de Moyne & de Sèvre ; & dès que le château fut achevé, il fit entourer la ville de murailles, pour la mettre en état de défense. Cette place, petite, mais très forte, a soutenu plusieurs sièges avant la réunion de la Bretagne à la couronne. En 1381, le connétable Olivier de Clisson fit achever les remparts, que son trisaïeul avait commencés : ils subsistent encore aujourd’hui, mais ils sont en très mauvais état.
La ville de Clisson, distante de près de neuf lieues des bords de l’Océan, est élevée de cent cinquante pieds environ au-dessus du niveau de la mer. Elle est placée sur deux collines opposées, l’une étant au nord-est, & l’autre au sud-ouest. Les maisons, qui sont bâties en pierres du pays, sont, en général, mal construites, mais cependant disposées, pour la plupart, d’une manière assez salubre. Il est aisé de voir, par la position de la ville, que les habitations situées dans son centre, doivent être moins aérées que les autres : aussi sont-elles sombres & humides. On compte à Clisson environ deux mille habitants, répartis en cinq petites paroisses.
Relief et nature du sol
Le sol de Clisson & des environs, est partout fertile & bien cultivé ; car quoique le sol ait peu de profondeur sur le penchant des collines, les terres sont presque toutes mises en valeur.
La première couche, plus ou moins profonde, est la terre végétale qui est d’une couleur brune ou noirâtre, & quelquefois tirant sur le jaune. Elle est légère & sablonneuse dans quelques endroits, plus forte & argileuse dans d'autres, surtout vers la partie du sud, du sud-ouest & de l'est.
La seconde couche est un terreau jaunâtre ou rougeâtre en quelques endroits, plus ou moins lourd & tenace, suivant qu'il contient plus ou moins de graviers & de cailloux ; c'est ce que les habitants du pays appellent terre franche. On s’en sert pour faire le mortier nécessaire à la maçonnerie. Ce terreau, labouré & fumé, se convertit assez promptement en terre végétale excellente, surtout lorsqu'on la mêle avec la terre des anciens potagers, espèce d'engrais dont les laboureurs de ce canton ont reconnu l'excellence depuis une vingtaine d'années.
Dans quelques endroits éloignés du bord des rivières, on trouve immédiatement au-dessous de la terre végétale, des couches souvent épaisses de quatre à cinq pieds, & plus, d'une terre sablonneuse, grise, friable en grains anguleux, grossiers, parsemés de mica, & légèrement unis par un gluten argileux ; c'est ce qu'on appelle ici le chaple, qui n'est autre chose que la roche pourrie & décomposée. Ce chaple a quelquefois une telle consistance, qu'il ne peut être entamé qu'avec la pioche & le pic à pierre. Lorsqu'il est soulevé, écrasé & mis en labour, il ne présente d'autre aspect que celui d’une surface sablonneuse & stérile ; mais à l’aide du fumier, il devient bientôt une terre végétale.
Dans d'autres endroits, on trouve immédiatement au-dessous de la terre végétale, le roc vif. On sent assez que les terres, sur le sommet & le penchant des collines, doivent toujours être très arides, tandis qu’elles sont très humides dans les bas & dans les lieux plats, où le fond pierreux & argileux retient constamment les eaux pluviales & les eaux de source.
D’après l’inspection des carrières & de quelques puits que j'ai fait creuser, & surtout d’après l'examen que j'ai fait de la coupe des collines, dont quelques-unes ont près de cinquante toises, j’ai observé que les couches fossiles se présentaient dans l’ordre suivant :
1° la terre végétale ;
2° le terreau jaunâtre ou terre franche ;
3° le chaple ou terre sablonneuse, grise ou rougeâtre, qui est plus ou moins compacte, & plus ou moins friable : c’est la roche décomposée ;
4° le roc ;
5° des couches d'argile plus ou moins épaisses.
Cette différence intérieure de la terre est la plus générale dans le territoire de Clisson ; mais il y a des variations d'un canton à l'autre, & souvent à de petites distances. Dans quelques endroits, c'est la terre franche qu'on trouve la première, ensuite des lits d'argile d'une épaisseur très considérable, posés sur le chaple ou sur le roc vif ; dans d'autres, on rencontre d’abord ce même roc très dur à sa surface extérieure ; on le voit devenir un peu plus tendre à quelques pieds d'excavation, se durcir ensuite davantage, & enfin porter sur l'argile ou sur le chaple. Il paraît que le fond du sol est partout pierreux, & on n'y a jusqu’à présent trouvé aucune mine.
Cours d’eau et hydrologie
Ce pays est arrosé par deux rivières ; l’une, appelée la Moyne, prend sa source en Anjou, quelques lieues au-delà de la petite ville de Chollet ; l'autre, qui est la Sèvre, vient du Poitou où elle prend naissance à quelques lieues au-dessous de Châtillon.
La Moyne coule de l'est à l'ouest & se jette dans la Sèvre, au pied de la principale tour du château de Clisson. Elle n'est pas navigable tant à cause des roches dont son lit est rempli, que parce qu'elle se dessèche en plusieurs endroits pendant l’été.
La Sèvre, coulant du sud-est au nord-ouest, traverse la ville dans la gorge des deux collines, sur le penchant desquelles elle est bâtie, & va se jeter dans la Loire, à Nantes, à l’endroit appelé Pont-Rousseau. Cette rivière est navigable depuis Nantes jusqu'au bourg de Monnière, qui est situé à une lieue & demie de Clisson. Il serait très possible & peu coûteux de la rendre navigable dans toute cette étendue. Si ce projet, très utile pour le commerce de ce pays, s’exécutait, les denrées de l'Amérique & des Indes, qui sont transportées dans le Poitou & dans le bas-Anjou par des chevaux qui passent à Clisson, arriveraient jusqu’à cette ville sur des gabarres, ce qui épargnerait douze lieues de trajet par terre. Il y a lieu d’espérer que les États de Bretagne, occupés dans ce moment à ouvrir plusieurs canaux navigables, ne négligeront pas un travail peu dispendieux, en comparaison du bien qui en résulterait pour la province. Ce pays est partout entrecoupé de collines & de gorges formées par une grande quantité de ruisseaux plus ou moins forts, qui serpentent dans les terres en divers sens & vont se jeter dans les deux rivières ci-dessus décrites ; mais les collines les plus considérables sont les quatre chaînes qui bordent ces deux rivières, & qui sont coupées de distance en distance, sous différents angles, par les ruisseaux, qui, creusant eux-mêmes d'autres gorges, forment d'autres chaînes de coteaux dans les terres. En général, tout ce territoire est hérissé de rochers énormes. On les trouve amoncelés & entassés les uns sur les autres, depuis la base jusqu’au sommet des collines. Ces groupes s'élèvent de terre, dans certains endroits, à vingt ou trente pieds de hauteur. Dans d’autres, & c’est principalement sur le bord des rivières, l’assemblage de ces pierres bizarrement jetées, représentent des grottes, des pyramides, & d’autres objets d’autant plus pittoresques, que des masses de pierres énormes ne se touchent souvent que par des très petites surfaces, & que paraissant ainsi suspendues en l’air, elles ont un nouveau caractère pour étonner et effrayer même l’imagination des personnes qui les considèrent. Cette chaîne de roche se continue également dans les rivières, où tantôt on les voit sortir de l’eau de manière isolée, tantôt, plus réunies, on les formées des chaussées ou des digues naturelles.
L'eau de ces rivières coulant sur un fond de roches & de gros sable, formé de ses débris, est pure et limpide. Les habitants du pays n'en boivent cependant pas, parce qu'elle a un goût de marécage qu'elle tient des plantes & des feuilles des arbres qui croissent sur leurs bords.
Il est évident que ces rochers, si bizarrement groupés, ont été successivement découverts par les pluies, les orages & les torrents, qui ont entraîné et entraînent tous les jours les terres mobiles dans les fonds, dans les rivières & de là dans la mer. Cette dénudation successive, qui doit aller toujours en augmentant, a fait croire à quelques personnes que ces rochers croissaient sensiblement par une espèce de végétation lapidifique ; mais cette erreur ne mérite pas d’être réfutée.
La nature de ces pierres n’est pas difficile à connaître : elles sont toutes composées d’un agrégat de particules micacées, quartzeuses, siliqueuses, faisant feu contre l'acier. Traitées par la fusion elles sont toutes vitrescibles, & donnent un verre opaque & grisâtre : ainsi c’est la roche granitique. Les couches pierreuses de nos petites montagnes & collines, ne présentent pas de régularité dans leur assiette ; elles sont fendues et divisées en tous sens. Les fentes perpendiculaires sont cependant les plus régulières ; ce qui prouverait, suivant M. de Buffon, que cette roche granitique vitrescible, est de formation primitive, qu’elle est l’ouvrage du feu & du refroidissement successif du globe, plutôt que celui du sédiment des eaux de la mer dans leur retraite, &c.
On se sert de ces pierres pour bâtir, mais on ne les exploite qu'à grands frais dans la carrière, où l’on est obligé d’employer la poudre à canon. Les couches dont le grain est le plus serré, donne de très belles pierres de taille, qui s’unissent parfaitement bien avec le mortier.
On en trouve dans les environs de la ville des Pouding (Pudding-Stones) & il y en a aussi beaucoup sur le grand chemin de Nantes à Clisson. Quelques-unes représentent extérieurement des grappes de raisin. Leur surface est d'un rouge brun, & les lits de certains ruisseaux en sont parsemés. On en rencontre quelquefois des blocs de trois ou quatre pieds de diamètre, & même plus. Dans quelques-uns de ces blocs, les cailloux sont si intimement liés entre eux qu'ils paraissent se toucher sans aucun corps intermédiaire ; dans d'autres, ils sont réunis par une matière plus ou moins dure, & quelquefois assez friable. Ce gluten intermédiaire parait être une terre ferrugineuse ochracée, rougeâtre, brune ou noirâtre.
Je n'ai pas connaissance que personne ait trouvé dans les fouilles faites dans ce pays, aucune pétrification de substances organisées ; cependant il y a seize à dix-sept ans que, passant dans le cimetière du faubourg appelé la Madeleine du Temple, je ramassai une portion de cubitus, longue de deux à trois pouces, d'autant plus reconnaissable, qu'elle conservait sa forme & sa cavité. En examinant cet os, je vis qu'il était entièrement pétrifié, & qu'il avait acquis la dureté & la nature du silex ; il donnait en effet de fortes étincelles avec le briquet. J'ai fait depuis en vain quelques autres recherches dans le même cimetière.
Le faubourg de la Madeleine du Temple est ainsi nommé, parce qu'il a été jadis habité par les Templiers. Il est très antique, & l’on y voit les ruines d'un vieux château appartenant sans doute à ces chevaliers. Des tisserands pauvres habitent ce lieu, & les misérables demeures dans lesquelles ils logent, sont construites avec les débris encore subsistants des maisons des Templiers.
En considérant la, disposition du sol de Clisson, telle que nous venons de la décrire, en voyant la grande quantité de gorges & de ruisseaux qui coupent les collines sur lesquelles la ville est bâtie, & le resserrement du lit de la rivière entre ces deux collines, on présume bien que dans les années pluvieuses, ce pays doit être exposé à des inondations considérables, surtout dans les lieux bas, situés au milieu des deux montagnes & sur les bords de la rivière. Lorsque les terres sont déjà saturées par des pluies antérieures, il ne faut que deux ou trois jours pour causer du désastre. Il ne se passe guère d'année sans que ces deux rivières sortent de leur lit, & ne montent de cinq, six, huit à dix pieds au-dessus du niveau d'été. En 1770, dans la nuit du 15 au 26 novembre, après trois jours de pluie continue, la rivière monta en moins de six heures, à près de trente pieds au-dessus de son niveau. Les papeteries, les moulins à blé, à tan, à foulon, & tous les autres bâtiments établis sur le bord de la rivière, furent détruits en tout ou en partie, les ponts furent emportés, & cette inondation causa les plus grands ravages dans le cours des deux rivières. L'année suivante, le débordement fut encore porté à dix ou douze pieds : heureusement ces malheurs sont rares. On assure ici qu'il en arrive tous les trente ans de semblables. Des vieillards ont vu en 1740 & en 1710 des inondations aussi fortes que celle dont j'ai été témoin. Ce périodisme, s'il était bien prouvé, serait un phénomène qui mériterait bien l'attention des physiciens.
Nous n'avons aux environs de la ville, ni étangs considérables, ni marais, ni forêts. Mais dans les villages & dans les métairies, tous les paysans sont dans l’usage de pratiquer autour de leurs habitations, de grandes mares ou fossés qui reçoivent l’égout de leurs étables, & les fumiers qui en sortent ; ce qui, pendant l'été surtout, répand autour d'eux des exhalaisons infectes & malfaisantes. A trois lieues nord-nord-ouest de la ville, il y a un grand marais, dans les environs duquel les fièvres intermittentes sont endémiques ; mais son influence ne s'étend pas jusque sur Clisson.
Les eaux qui servent de boisson, viennent de sources abondantes & peu profondes qui découlent des fentes de la roche ou des bancs d'argile : elles se trouvent partout. Elles sont légères, limpides & salubres ; elles dissolvent bien le savon, ainsi que les légumes, qui s'y cuisent facilement. On n'y boit point d'eau de puits ni de citernes.
Evénements climatiques et météorologiques
Les vents dominants sont, en mars, avril, mai, décembre, janvier & février, le nord, le nord-est, le nord-ouest. Ils règnent surtout dans les hivers secs & froids. Le nord-est, l'est & le sud, sont les vents dominants pendant l'été ; le sud & le sud-ouest, sont propres à l'automne : il n'est cependant guère possible d'établir de règle générale sur cet article à cet égard. Je n'ai pas vu que ces météores eussent ici des périodes bien déterminées. Les saisons sont extrêmement variables d'année en année, & le ciel très inconstant. Dans les mois de mars, avril & mai, nous passons souvent tout-à-coup d'une chaleur étouffante à un froid très vif. En juin, juillet & août, les chaleurs sont assez constantes, & souvent très fortes & très sèches. L'automne est le plus souvent pluvieux. L’hiver, depuis quelques années surtout, est assez ordinairement froid & sec, depuis la fin de décembre jusqu’â celle de mars. Le dernier cependant a été doux & extrêmement pluvieux2.
Il pleut beaucoup moins dans les environs de Clisson qu'à Nantes, malgré la petite distance qui sépare ces deux villes, parce que, sans doute, les orages formés sur l’Océan, retombent souvent sur la première de ces villes, avant de parvenir jusqu’à la seconde. Les vents d’ouest & de sud-ouest, sont ceux qui amènent les pluies : elles règnent quelquefois sous les vents de nord-ouest, mais alors elles sont opiniâtres & très froides. Les grêles sont fréquentes en mars & en avril, & l'on en voit quelquefois en juin. Ces grêles & de fortes gelées blanches, qui surviennent tout-à-coup après les premières chaleurs qui ont accéléré la végétation, détruisent quelquefois dans une seule nuit l'espérance que promettent les vignes, production la plus abondante de ce pays. Les mois de mai, juin, juillet & août, sont ordinairement les plus sereins de l'année. J'ai vu passer les trois mois d'été & une partie de l'automne sans qu'il tombât une seule goutte de pluie : quelquefois vers la mi-juin, les vents tournent tout-â-coup à l’ouest-sud-ouest ; nous éprouvons alors de petites pluies chaudes & permanentes qui durent jusqu’à la fin de juillet, & même davantage, & ces pluies continues font beaucoup de tort aux foins & aux blés. Nous avons souvent des orages en été & en automne, & il ne se passe pas d'année que le tonnerre ne cause quelque dommage à Clisson ou dans les environs.
Nous voyons quelques brouillards en avril & au commencement de mai, ainsi qu'en septembre. Dans le mois de décembre, l'atmosphère est souvent obscurcie par une brume épaisse & très froide, qui est différente de ces brouillards que l’on voit s'établir successivement de pays en pays à certaines périodes, tel qu'était celui qui a été observé dans toute l'Europe pendant l'été de 17823. Ce brouillard singulier, par sa nature sèche & chaude, fut accompagné à Clisson de fièvres intermittences épidémiques ; mais il ne parut pas faire la plus légère impression sur les bestiaux.
On observe encore, à l'époque des équinoxes du printemps & de l'automne, que le soir, & le plus souvent le matin, il s'élève dans les prairies & sur le bord des rivières, des brouillards blancs & épais qui ne montent qu'à peu de distance de la terre, & que les rayons du soleil dissipent très promptement. Je n'ai pas remarqué que ces brouillards exhalassent une mauvaise odeur, & il est de fait que les bestiaux qui paissent l'herbe qui en est humectée, n'en sont pas incommodés. A la vérité on a l’attention.de ne les mener au pacage qu'après le lever du soleil ; mais les chevaux qui couchent dans les prairies pendant les trois quarts de l'année, & les bestiaux qu'on y laisse de même, n’en souffrent pas davantage : au contraire, ils se portent infiniment mieux, & engraissent promptement quand on les met ainsi au vert. Les moutons ne parquent pas : ils sont ici d'une grandeur médiocre ; mais à quelques lieues de là, dans l’Anjou, ils sont très beaux.
Végétation et agriculture
Le sol de Clisson est très propre à la végétation, qui y est très florissante. Toutes les espèces de plantes potagères y sont cultivées avec succès ; on y trouve avec abondance toutes les plantes médicinales ; & l’on voit croître dans les jardins tous les arbres fruitiers ou d'agrément, à l'exception du châtaignier qui n'y vient pas bien4.
II y avait autrefois beaucoup de forêts dans les environs de Clisson. Dans la partie du nord & du nord-ouest, elles ont été détruites, & remplacées par des vignes qui sont le principal objet de culture.
Le vin blanc, le seul qu'on y recueille, est de médiocre qualité, d'une saveur acide & tartareuse ; on s'en sert principalement pour la fabrication des eaux-de-vie, qui sont très bonnes ; & qui font le principal objet du commerce avec l'étranger. Ces eaux-de-vie sont enlevées presque toutes pour le nord.
On cultive peu de grains aux environs de la ville, si ce n'est dans les cantons de l'ouest & du sud, & l’on sème beaucoup plus de seigle que de froment. Les maladies les plus ordinaires aux substances céréales, sont le charbon pour le froment, & l’ergot pour le seigle. On attribue la première aux brumes & aux brouillards, & l’on croit que l’ergot est occasionné par les pluies pendant la floraison. Selon MM. Tillet & Duhamel, ce dernier vice est produit par la piqûre de la chenille, qui fait dégénérer les grains piqués en une espèce de gale. En 1771, j'ai vu des fièvres malignes, des flux dysentériques, des tremblements, des vertiges, qui paraissaient occasionnés par la grande quantité d’ergot qui se trouvait dans les seigles de l’année précédente. Le bled n’est pas la seule semence céréale que l'on cultive : on sème de l’orge, des avoines, & un peu de sarrasin, qui ne sert ici que pour engraisser les volailles & les cochons. Le lin est une planté qui vient très bien dans les vallées, dans les terres humides & légères, & dont les agriculteurs ne négligent pas de tirer parti.
En général, on peut dire que dans les paroisses de campagne, dont les grains sont la principale production, le laboureur entend très bien la culture, & que les terres y sont d'une très grande valeur. Les grands propriétaires de terres de Poitou ont souvent recours à ces hommes instruits par l’expérience ; & ils les attirent sur leurs métairies, parce qu’ils ont la certitude d’en voir bientôt augmenter considérablement le revenu.
Les bestiaux sont sains & vigoureux. Les bœufs servent au labour, & les chevaux aux charrois & aux transports. Mais malgré la bonne qualité des bestiaux & la nature excellente des fourrages dont ils sont nourris, il ne laisse pas que d'en périr. Cette mortalité doit plutôt être attribuée à la manière dont ils sont gouvernés, qu'à la nature de leurs maladies.
Celle qui est la plus commune, est désignée dans le pays sous le nom de crud. C'est une espèce d'indigestion, accompagnée de vives tranchées, de coliques venteuses, de météorisme, &c. qui est occasionnée par les choux, les navets, les herbes grasses aquatiques, qu'on donne imprudemment & en trop grande abondance aux animaux, lorsqu'elles sont encore humectées par la rosée, par la pluie, ou couvertes de gelée blanche. Les bestiaux y sont surtout exposés, lorsqu'au sortir de l'hiver on les fait passer de l'usage des fourrages secs, à celui d'une nourriture fraîche, succulente & venteuse. Les moyens les plus propres à combattre cette maladie, sont la thériaque & la saumure chaude.
J'ai vu quelquefois des bestiaux attaqués d'une espèce de fièvre maligne, dont la marche était entièrement rapide : ils périssaient en deux ou trois jours, & la putréfaction s'en emparait promptement. Mais ce qu'il y avait de plus remarquable, c'est qu'il survenait à la plupart une ou deux pustules phlegmoneuses à la peau, qui m'ont paru être de véritables anthrax ou charbon malin5.
Je n'ai trouvé aucune observation particulière à faire sur les différentes espèces du règne animal que l’on trouve à Clisson, si ce n'est que l’on y voit quelquefois des loups, quoiqu'il n'y ait pas de forêts, & que les chiens y sont fort sujets à la rage. Il ne se passe pas d'année sans que quelques-uns en soient attaqués, ce qui occasionne souvent du désastre, soit parmi les hommes, soit dans les bestiaux. Les personnes mordues ne prennent ordinairement pas d'autre précaution, que celle d'aller une fois seulement se baigner à la mer ; aussi n'est-il pas rare de voir des victimes de cette cruelle maladie.
Commerce et activités industrielles
Le commerce de ce pays consiste en vins, eaux-de-vie, bestiaux, fil de lin, & en coutil, toiles, serges & gros draps qui se fabriquent dans les environs. A proprement parler, il n'y a pas de manufacture dans la ville, car on ne peut guère qualifier de ce nom une fabrique d'indiennes, établie depuis quatre à cinq ans, par deux ouvriers Suisses ; mais à une demi-lieue de Clisson, dans la paroisse de Cugand, il y a deux établissements considérables qui en tiennent lieu.
L'un est une fabrique de papiers & cartons, qui occupe tous les habitants d'un village nommé Antier, situé sur les bords de la Sèvre. On y fait des papiers de toute grandeur & qualité. Cette manufacture & quelques autres de même espèce, situées à peu de distance sur la même rive, forment une branche de commerce très importante. Les ouvriers de ces papeteries sont pâles & maigres ; ils ont communément les jambes œdématiées ; les maladies dont ils sont le plus souvent affectés, sont les rhumatismes, les catarrhes, & plusieurs meurent phthisiques. Les femmes que l’on emploie au tirage du papier, & qui sont occupées journellement à le plier & à le nettoyer, sont sujettes à la suppression des règles, à la chlorose, & à la cachexie qui en est la suite.
L'autre établissement, situé dans la même paroisse de Cugand, à un quart de lieue de la ville, & sur la rive gauche de la Sèvre, est une forge ou fonderie de fer, qui devient de plus en plus considérable, étant aujourd'hui dirigée par un négociant très riche. On s'occupe dans cette forge à refondre tous les débris de canons & autres ouvrages en fer, marqués à la fonderie de Nantes, ainsi que tous les rebuts appelés carcas, & les ferrailles que l’on recueille de toutes parts. On en fait du fer en baguettes cylindriques, qui sert pour les chevilles de navire, du fer plat & des pivots de moulin à sucre pour l'Amérique.
Etat sanitaire de la population
Les ouvriers de cette forge sont maigres, pâles, sujets aux affections inflammatoires, & particulièrement aux péripneumonies6.
Dans la ville de Clisson, les tanneurs, les mégissiers, les chamoiseurs, qui sont en assez grand nombre, ne sont pas plus sujets aux maladies que les autres habitants, & on ne leur en connait pas de particulière, ce qu'on peut attribuer à la pureté de l'air de la ville, & à l'aisance qui permet à ces ouvriers d'être bien vêtus, bien nourris, & surtout de faire usage du vin.
Les tisserands, qui habitent le faubourg de la Madeleine du Temple, & celui de Saint-Gilles, qui lui est contigu, ne sont pas aussi mal constitués & aussi souvent malades, que le sont ces mêmes ouvriers dans les autres pays, parce qu'au lieu d'avoir leur métier dans des caves, ils travaillent au rez-de-chaussée, & qu'ils ont tous des jardins élevés, où ils prennent l'air de temps en temps.
La ville de Clisson a encore l'avantage d'être peu exposée aux maladies épidémiques ; en effet, quoique l'on voie de temps en temps des épidémies dans les campagnes voisines, & particulièrement dans les cantons vignobles, ces maladies ne pénètrent presque jamais dans l'intérieur de la ville. Il est aisé d'en apercevoir la raison en comparant l'un & l’autre sol, & particulièrement en observant que Clisson est bâti sur la pente de deux collines, au milieu desquelles coule la rivière ; que par cette situation, l'air y est toujours agité & renouvelé, tandis que les eaux pluviales qui descendent avec rapidité, balayent les rues, & entraînent toutes les immondices dans la rivière.
Les habitants de Clisson sont en général d'un bon tempérament & d'une taille avantageuse. On y trouve beaucoup de vieillards de l'un & l'autre sexe, dont plusieurs sont bien au-delà de quatre-vingts ans. Il y en aurait un plus grand nombre si l'ivrognerie, qui est un vice assez commun parmi les artisans, n'en moissonnait pas une grande partie au milieu de leur carrière.
La nourriture ordinaire des gens aisés est le pain de froment, la viande de boucherie, le gibier, qui est abondant, & les légumes. Le pain de seigle & d'orge, le lard & le beurre sont les aliments ordinaires du bas peuple. Le vin blanc du pays est la boisson d'usage. Il n'y a que les plus pauvres qui boivent de l'eau ou du mauvais cidre, fait avec des cerises ou des pruneaux fermentés dans l'eau.
Les filles de la ville sont communément réglées entre quatorze & quinze ans, mais celles des villageois le sont beaucoup plus tard. J'ai vu souvent parmi ces dernières, des filles de dix-huit à vingt ans, qui ne l'étaient pas encore. Les femmes sont très fécondes, & elles cessent d'être sujettes au flux périodique entre quarante-cinq & cinquante ans.
La seule maladie que l’on puisse caractériser d'endémique à ce pays, ce sont les affections scrofuleuses, qui se masquent sous différents symptômes, comme tumeurs glanduleuses au col & aux aisselles, ulcères en différentes parties, & particulièrement aux jambes, sous le nom de loups, lippitudes, ophtalmies, maladies qui du reste paraissent attachées plus particulièrement à l'indigence & à ta malpropreté des habitants de la dernière classe.
Hôpital de Clisson.
Cet hôpital est situé dans le faubourg Saint-Antoine, sur la rive droite de la Sèvre, au confluent de celle de la Moyne. Le logement des pauvres est composé de deux salles, l’une au rez-de-chaussée pour les femmes, & l'autre au premier pour les hommes. L’exposition de ces salles est au nord & au sud, & elles ont des croisées opposées. Chaque salle contient douze lits ; on n'y reçoit point d'étrangers, d'incurables, ni de maladies contagieuses. Le service des malades est confiée quatre femmes, qui, sous le nom de sœurs, se vouent au service des malades, en se réservant le pouvoir de quitter la maison à leur volonté, & en se soumettant aux ordres de l'administration. Ces sœurs sont secondées par quatre domestiques ; douze citoyens ecclésiastiques, nobles ou roturiers, & un receveur, forment le corps de l’administration. Les officiers de santé sont un médecin & un chirurgien. Quoique les revenus de l'hôpital ne soient pas considérables, les charités qu'il exerce ne se bornent pas aux soins qu'il donne aux pauvres dans l'hôpital ; les administrateurs font distribuer de plus chaque semaine aux indigents, trente boisseaux de seigle en pain. Voici l'origine & les progrès de ce petit hôpital.
En 1661, Louis XIV engagea, par un édit, tous ses sujets à former dans chaque ville un bureau de charité. En 1688, les habitants de Clisson avaient déjà formé un établissement assez considérable. En 1687, au mois de janvier, Jean Hallouin, sénéchal de Clisson, acheta de ses domaines une maison au faubourg Saint-Jacques, pour y établir un asile pour les pauvres malades ; & en effet on commença dès lors à meubler cette maison de lits en proportion des revenus dont jouissait ce nouvel établissement.
Au mois de décembre de la même année, sur la demande de la communauté de Clisson, le roi accorda des lettres-patentes pour l'érection d'un hôpital général en cette ville, qui furent enregistrées au parlement de Bretagne, le 27 mai 1693. Ces lettres-patentes accordent à cet hôpital des droits & privilèges très étendus, & en règlent l'administration.
Il existait dans le faubourg Saint-Antoine une communauté des frères Antonins, qui furent obligés de quitter leur maison vers l'année 1655. Les administrateurs de l'hôpital aperçurent dans cet endroit un lieu propre à seconder les vues qu'ils avaient d'augmenter leur établissement. Un bâtiment très logeable pour les sœurs, deux grandes salles propres à placer des malades, des jardins vastes & bien cultivés, une grands église & une chapelle, tel était le terrain abandonné par les Antonins, dont Sa Majesté accorda la propriété à l'hôpital général, établi huit ans auparavant. En conséquence, les pauvres & les malades furent transportés dans cette nouvelle maison. Par succession de temps, les seigneurs de Clisson ajoutèrent aux biens modiques formant sa dotation primitive, des legs pieux, qui mirent les administrateurs dans le cas d'y pouvoir établir les vingt-quatre lits qui servent aujourd'hui aux pauvres de cette ville & de ses faubourgs.
En général, le peuple a beaucoup de répugnance a se faire transporter à l'hôpital, & les lits ne sont souvent occupés que par des vieilles gens attaqués de maladies incurables, ou par des malades plus jeunes, qu'on n'y conduit que lorsqu’ils sont sans ressource. Les maladies que l'on voit le plus communément dans cet hôpital, ainsi que dans la ville, sont la goutte & l'hydropisie, affections assez communes-chez les ivrognes.
On pourrait cependant trouver quelques genres de maladie plus communs dans ce pays-ci que les autres ; le premier est l'affection scrofuleuse dont nous avons parlé. Le second est la disposition vermineuse que nous rencontrons toujours dans les maladies du peuple. J'ai vu rendre, en trois ou quatre jours par le même sujet, jusqu’à cent cinquante lombricaux très grands. Il est très commun que les malades attaqués de maladies, aiguës, en expulsent cinquante, soixante ou quatre-vingt en peu de jours. J'ai suivi plusieurs malades attaqués des deux espèces de ténia ; l'huile de Ricin est le vermifuge qui m'a le mieux réussi. Un chirurgien très instruit, qui a pratiqué ici pendant trente ans, m'a assuré que cette complication vermineuse, qui domine dans toutes les maladies, n'était devenue dominante que depuis une épidémie dysentérique qui ravagea ce pays en 1765. Le troisième genre de maladie est un ulcère phagédénique incurable, auquel on donne vulgairement le nom de loup. Cette maladie chronique règne dans toutes les classes d’habitants, mais elle est, ainsi que les deux autres, beaucoup plus répandue sur les gens du peuple, & par conséquent sur ceux qui sont dans le cas d'avoir recours à l'hôpital.
L'observation la plus remarquable que j'aie faite à l'hôpital de Clisson, a pour objet la guérison d'un tétanos idiopathique universel. Je ne la rapporterai pas, parce qu'elle est déjà décrite dans le Journal de médecine7 ; il suffira seulement de rappeler ici que ce tétanos était caractérisé par tous les symptômes les plus graves, & qu'après avoir essayé les bains, les délayans, les minoratifs plus ou moins aiguisés sans en obtenir aucun avantage, j'eus recours aux frictions mercurielles, qui eurent un succès complet & décisif.
Journal de Médecine, chirurgie, pharmacie, &c. tome LXXV, juin 1788, p. 385 à 417.
Sur le plan cadastral de 1809, en bleu dans le faubourg St-Antoine,
l'Hôpital de Clisson qui avait été détruit en septembre 1793 par les troupes révolutionnaires de Kléber8.
Il avait succédé en 1696 à l'aumônerie Saint-Antoine, alors restaurée et agrandie ;
il sera reconstruit et réaménagé entre 1813 et 1822.
L'ancien hôpital Saint-Antoine, reconverti en maison particulière,
quelques années après qu'il eut été désaffecté en 1977.
Michel Duboüeix9 fils d'un notaire local, était né à Clisson le 21 décembre 1742. Après une scolarité à Nantes, il commença début 1762 des études de médecine à Angers, et il y soutint sa thèse "Chlorosis aqua mineralis acties cum Laude"10 à la fin 1764, avant d'aller se perfectionner à Paris. C'est en 1774 qu'il vient à l'hôpital de Clisson, avec l'ambition de devenir professeur à la faculté de Médecine de Nantes, ce qui lui demande de soutenir une nouvelle thèse. Il est correspondant de la Société Royale de Médecine, et participe de 1769 à 1788 à une dizaine d'articles dans le Journal de Médecine, Chirurgie et Pharmacie, sous le nom d'allure plus aristocratique de "Du Boüeix". C'est à cette époque qu'il rédigea sa "Topographie médicale sur la ville et l'hôpital de Clisson en Bretagne"
Durant cette année 1788, il revint habiter à Clisson, mais on ne trouve son nom l'année suivante ni parmi ceux des participants, ni parmi ceux des signataires du Cahier de doléances de la ville, ni non plus parmi ceux du Cahier de doléances de la Sénéchaussée de Nantes. Cependant, les bouleversements politiques d'alors lui permirent de se faire élire à la charge de nouveau maire de la commune en 1790, de devenir en 1791 trésorier du District de Clisson, et toujours en 1791 d'être élu au suffrage censitaire et indirect député suppléant à l'Assemblée législative. Aux élections municipales de 1792, il fut remplacé comme maire par Guillaume-René Boutillier qui, avec d'autres membres du conseil municipal, fut bientôt arrêté et emprisonné à Nantes, ce qui permit à Michel Duboüeix de redevenir maire en août 1792.
Sa situation et son comportement de nouveau privilégié en firent une cible pour l'exaspération populaire en mars 1793. Dans sa fuite précipitée vers Nantes il oublia de prendre la caisse du District, qu'il vint récupérer un peu plus tard pour la déposer chez son logeur nantais. En juillet 1793, il demanda aux troupes chargées de la répression, qu'elles évitent dans leurs destructions de toucher à ses biens ; mais on ne sait s'il fut exaucé. Il mourut le 27 décembre suivant, ayant semble-t-il eut dans les dernières semaines de sa vie l'occasion d'exercer son métier dans des prisons nantaises auprès de leurs nombreux prisonniers, pour la plupart destinés à la mort.
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1 La longitude des coordonnées géographiques données par Michel Du Boüeix se base sur un méridien d’origine passant par l'extrémité ouest de l’île de Fer (Hierro), la plus occidentale des îles Canaries (17° 39' 46" à l’ouest de Greenwich), dont l’usage avait été fixé le 1er juillet 1634 par une ordonnance de Louis XIII, à la suite d’une conférence tenue à l'Arsenal de Paris le 25 avril précédent, et qui reprenait une référence de la Géographie de Ptolémée, datant du IIe siècle av. J.-C. Ce méridien fut utilisé jusqu’en 1792, et les minutes indiquées sont des minutes centésimales. Par rapport au méridien de Greenwich, les coordonnées du clocher de Notre-Dame de Clisson étaient en 2012 : 47° 05’ 14,92" N et 1° 16’ 52,42" W. (note de M-V)
2 Depuis sept à huit ans que je tiens un registre exact d’observations météorologiques, je trouve que la plus grande dilatation du mercure au thermomètre de Réaumur, a été de 15 à 16 degrés, observée au soleil levant ; & la plus grande condensation, de 11 degrés au-dessous de zéro. Dans l'hiver de 1776, le thermomètre descendit à 15 degrés.
La plus grande dilatation du baromètre a été de 28 pouces 9 lignes, & la moindre de 26 pouces 11 lignes. Il est descendu à ce terme le 11 février dernier ; & le 28 novembre 1779, il descendit à 26 pouces 10 lignes ½. Sur les. dix heures du soir de cette nuit, il y eut une violente tempête Pendant l’hiver dernier, les variations de cet instrument, qui ont été fréquentes & très considérables, n'ont presque jamais été d'accord avec l’état de l'atmosphère. Le mercure s'est tenu le plus souvent au-dessus de 18 pouces & les pluies n'en étaient pas moins presque continuelles & abondantes, même par les vents de nord & de nord-est.
3 Lire plutôt "1783", année connue pour les perturbations climatiques engendrées par l’éruption du volcan islandais Laki (8 juin 1783 / 7 février 1784) et ses énormes émissions de gaz et de cendres. (note de M-V)
4 On rencontre fréquemment dans les vallées, dans les haies, la clandestine, lathræa, Linné, le colchique, colchicum commune, C. E. Dans les prés bas & argileux, toutes les espèces d'orchys, le gallium à fleurs blanches & jaunes. Dans les genets on voit l'orobanche, orobanche major caryophyllum olens ; sur le bords des rivières & des ruisseaux, l'œnanche œnante aquatica, Wepfer, dont les vétérinaires emploient avec succès les racines écrasées pour consumer les fics & autres excroissances des bestiaux : ils l'appellent pansaire ; les salicaires, les lisymachies, les gratioles, les digitales, les eupatoires à feuilles de chanvre, se trouvent dans les mêmes endroits ; le cyperus ou souchet, dont la racine est si aromatique, toutes les espèces de menthe, le calamenthe, l'origan, le pouliot, sont des plantes qui ne sont pas rares. Dans les prairies, dans les haies, dans les lieux humides, dans les terres en jachère, on voit naître une grande quantité de brunelle, la bugle, la brione, le conyse, la benoite, l'ulmaire, les sedum, &c. ; tous les capillaires, ainsi que les lauréoles, viennent dans les haies & dans les lieux ombragés, ainsi que les nasturtium ; les fisimbrium, l’eruca, la valériane, la véronique, l'espèce de bruyère appelée eryca major scoparia foliis deciduis, le caltha arvensis, sont des plantes très communes dans les chemins, dans les champs & dans les vignes. Les mares & les fossés qui ne tarissent pas, les petits étangs qui sont dans nos environs, donnent beaucoup de maire ou châtaigne d’eau, tribuloides.
5 Les Maiges, qui sont les vétérinaires du pays appellent cette maladie la pest. Leur méthode curative est souverainement absurde ; j'en ai vu qui commençaient par suspendre des crapauds desséchés dans plusieurs endroits de l’étable. Ils donnent aux animaux certains breuvages dont j’ignore la composition, mais dont la thériaque & des drogues aromatiques sont ordinairement la base. Ils introduisent dans la tumeur (lorsqu’il y en a) un morceau de racine d'ellébore ou autre racine irritante & caustique, pour donner, disent-ils, du vent, (& ce n'est pas ce qu'ils font de plus mal). Enfin, quand l'animal meurt, ce qui arrive le plus souvent, ils le font enterrer assez superficiellement dans l’étable même ou restent les autres bestiaux malades ou sains, afin (prétendent-ils) d'attirer tous le venin sur le cadavre, & d'en garantir les autres animaux.
6 On m'a assuré qu'en creusant les fondements de cette fonderie, on avait trouvé de l'antimoine. Une personne, versée par état dans la chimie, m'a même dit avoir possédé, pendant quelque temps, un gros morceau de ce minéral qui lui avait été donné par un maçon, employé à cet ouvrage. Ces indices m'ont paru peu probants pour un fait de cette nature, surtout quand j’ai vu qu'on ne trouvait aux environs de cette forge, qu'une roche granitique très dure & quelques silex.
7 Voyez le Journal de médecine, cahier de septembre 1774, tome XLII, p. 222.
8 Voir l'Etat des maisons détruites à Clisson pendant la guerre de la Vendée (Arch. dép. de Loire Atlantique : 2 R 124).
9 Sur Michel Duboüeix, on pourra lire sur sa vie les pages hagiographiques 112 à 115 de "Se soigner autrefois en Vallée de Clisson", livraison 2013 de la Revue de l'Association Clisson Histoire et Patrimoine. Quant à sa "Topographie médicale de la ville et de l'hôpital de Clisson", une version manuscrite est conservée aux Archives départementales de la Loire Atlantique (cote C 626).
10 Le latin incertain de ce titre de thèse fait soupçonner des erreurs dans les transcriptions ou recopies qu'il a pu connaître, à moins d'envisager une maîtrise très relative de cette langue par Michel Duboueix. En prenant quelques risques et sans garantie aucune, on peut penser qu'elle portait sur les Effets bénéfiques de l'eau chlorée et minérale.
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