le chemin des Amours
rappel : avant toute utilisation d'extraits ou d'illustrations de ces pages, vous devez en demander l'autorisation à leur auteur.
Un toponyme évocateur
"Le chemin des Amours" contourne au sud-est le centre-bourg du Poiré, allant du quartier où se trouvait jusqu’en 1793 la chapelle de "Notre Dame de Bonne Nouvelle" (puis de ses ruines avant leur dispersion en 1826), pour rejoindre la route conduisant à la Genétouze. Il longe à quelques dizaines de mètres un filet d’eau qui, traversant le parc de "la Gibretière", alimentait autrefois le principal lavoir du bourg, avant de rejoindre "le Ruth" en contrebas de "la Jamonière".
"Le chemin des Amours" sur des vues aériennes, vers 1950 et le 28 mai 2022.
( environ : 600 x 300 m )
L’origine de son nom est très probablement liée à la présence près de cette chapelle, chaque 1er dimanche de septembre, du "préveil"1 du Poiré, ceci avant les années 1840 et depuis des temps immémoriaux. C’était l’occasion de rencontres pour les jeunes gens y participant... d’où le nom du chemin. Durant la guerre de 1914-1918, c'était aussi là le lieu de rendez-vous du même genre entre des jeunes filles du bourg du Poiré et des militaires français et aussi russes, en convalescence dans la demeure de "la Gibretière" alors transformée en maison de repos… ce qui confirmait la "vocation" du chemin.
------------------------------
D’une école à l’autre
Dans la seconde moitié du XIXe siècle les deux écoles du Poiré, établies jusqu’alors dans le centre-bourg, furent installées dans des bâtiments construits spécialement pour elles, à l’une et à l’autre extrémité du "chemin des Amours" : l’école des garçons en 1856-1857 près de la route conduisant à la Roche, celle des filles en 1873-1874 près de la route menant à la Genétouze.
A chacune des extrémités du "chemin des Amours" : l’école des garçons (à gauche) et l’école des filles (à droite)
au temps d’Ossian Morin d’Yvonnière, maire du Poiré de 1871 à 1878.
Il existait des écoles au Poiré avant 1375. Dans un acte du 9 décembre de cette année-là, Maurice Reverce, prêtre, reconnait qu’il tient du prieur de la Roche-sur-Yon le droit de tenir des écoles au Poiré ; ce même Maurice Reverce reconnaissant sur un autre acte, le 16 septembre 1377, le droit qu’avait l’abbaye de Marmoutier, dont dépendait le dit prieuré, de nommer les maîtres de ces écoles. Le 13 septembre 1456, une charte de ce prieuré de Saint-Lienne (de la Roche-sur-Yon) donne à Yvon Chouart, clerc, des provisions pour exercer le droit de tenir des écoles au Poiré. Quelques années plus tôt, Vincent de Pont-de-Vie avait voulu contester au prieur de Saint-Lienne ce droit "de mettre dans la paroisse du Poiré un homme clerc et lettré pour tenir les écoles en icelle". Une sentence fut rendue, à Paris, en 1448, qui donna main levée des empêchements soulevés par Vincent de Pont-de-Vie et maintint le prieur dans tous ses droits, relativement aux écoles du Poiré… Des droits qui pouvaient remonter à bien plus loin, puisque c’est en 1092, dans une charte, que Bernard, seigneur de la Roche-sur-Yon, avait donné à Saint-Martin et à ses moines de Marmoutier, l'église du Poiré : "ecclesiam quoque de Petræto terræ que mansuras tres"...2
Trois siècles et demi plus tard, en novembre 1787, Louis Bougreau fut agréé comme régent des "petites écoles" du Poiré :
"Aujourd’hui 18 novembre 1787, à l’Assemblée générale de la paroisse, convoquée au son de la cloche à l’issue de la messe paroissiale, sur la place du Gralleau, place de l’église, lieu ordinaire des assemblées, par devant nous notaires royaux de la Roche-sur-Yon […] a comparu le sieur Bougreau en personne pour être agréé comme régent ;
A l’endroit ont comparu Messires Pierre Moreau, curé, Louis Fumoleau, syndic […] lesquels ont dit que le sieur Louis Bougreau était un qui non seulement a les principes de la langue, mais encore de la langue latine, et y joint une connaissance du plain-chant, qualités essentielles dans une grande et nombreuse paroisse ;
L’ont tous d’un commun consentement et d’une commune voix nommé Régent en ladite paroisse pour y faire, lui seul, les petites écoles et y enseigner la langue latine, à charge d’enseigner gratis quatre pauvres à la nomination de M. le curé et des notables […]"3
Louis Bougreau, locataire "rue des écus" de la famille Goupilleau de Montaigu, n’exercera sa charge que cinq ans : en mars 1793 il sera élu "capitaine de paroisse" du Poiré, et le 20 octobre de cette même année il sera mis à mort à Fontenay-le-Comte4.
------------------------------
Cette école de garçons, constituée d’une vaste salle, était située en bordure du cimetière de l’époque, qui occupait alors l’essentiel de l’actuelle "place du marché". Elle est appelée "école mutuelle" sur le cadastre de 1836 du Poiré.
Elle tenait ce nom de la méthode qui y était pratiquée, et par laquelle un seul maître dispensait son enseignement à un groupe d’élèves, pouvant largement dépasser la centaine. Cela se faisait grâce à la participation des élèves les plus avancés qui relayaient auprès des autres les instructions du maître (d’où son nom). Ce qui demandait une discipline stricte. En France cette méthode avait été initiée au XVIIe siècle par Charles Démia (1637-1689), prêtre lyonnais. A une époque où le financement des écoles était essentiellement assuré par les familles, cela permettait, pour un prix modique, de faire accéder un plus grand nombre d’enfants à l’école, dans les paroisses / communes à la population importante, telles que le Poiré.
Les inconvénients que présentait cette méthode et les oppositions politiques firent qu’elle fut remplacé par la méthode dite de "l’enseignement simultané" qui aboutit – très progressivement – à augmenter le nombre de maîtres et à réduire leur nombre d’élèves, et ce qui nécessita des locaux adaptés. Ce changement fit qu’en 1856, le conseil municipal fut amené à construire une nouvelle école des garçons le long de la route de la Roche, à l’entrée du "chemin des Amours". Elle était composé de plusieurs salles de classes et d’une habitation pour le(s) maître(s) d’école. En 1872, pour succéder à Auguste Bizière (né en 1806)5, il fit appel à la congrégation des Frères de Saint-Gabriel pour tenir cette école communale de garçons. En 1876, celle-ci comptait dans les 340 élèves se répartissant en quatre classes avec :
- 60 élèves dans la 1re (celles des plus âgés),
- 80 élèves dans la 2e classe,
- 80 élèves dans la 3e classe,
- 120 élèves dans la 4e classe.
Armand Michaud de "la Mignardière" (1866-1947), Pierre Fétiveau de "l’Aumère" (1866-1955), Stanislas Remaud (1870-1953) de "la Gibretière" du bourg, ont laissé sur cette école des témoignages nostalgiques qui sont aussi ceux des années passées de leur enfance6.
Les deux piliers de l’entrée de la cour de récréation, seul vestige de l’ancienne école des garçons,
et le dessin de sa façade est sur le projet de construction de 18567.
La loi Ferry du 28 mars 1882, interdisant la présence de membres de congrégations religieuses dans les écoles communales, obligea les habitants à construire une nouvelle école de garçons. Grâce à la mobilisation de la population, son édification commença le 11 janvier 1886 à "la Jamonière" sur des terrains donnés par les familles Violleau et Tenailleau, et elle put ouvrir dès mai suivant. Les Frères de Saint-Gabriel sécularisés y récupéreront la grande majorité de leurs anciens élèves. L’ancienne école subsistera jusqu’à ses fermeture et démolition dans les années 19706.
------------------------------
Les origines de l’école des filles sont plus obscures. Il est à présumé qu’il fallut attendre la loi Guizot de 1830 pour qu’elle voie le jour. Si on connaît les noms de ses deux premières institutrices : Mme Giraud entre 1833 et 1840, puis Mlle Mallet jusqu’en 1843 ; sa première localisation, près du presbytère dans une maison aujourd’hui disparue, reste hypothétique. En 1843, à la forte sollicitation de Pierre Garnier, curé du Poiré, la municipalité fit appel aux Sœurs de la Puye de Poitiers pour être les institutrices de l’école communale des filles, et les installa dans une maison située alors en bordure de "la place du marché", au niveau de la mairie actuelle. En 1862 pour des raisons de complications administratives, elles furent remplacées par les Sœurs de Torfou. Cependant, l’état et les dimensions des locaux laissant plus qu’à désirer, en 1872, l’actif maire Ossian Morin d’Yvonnière (1814-1890) décida de faire bâtir une nouvelle école des filles8 près de l’entrée du "chemin des Amours", côté route de la Genétouze. Elle sera construite en 1873-1874 : c’est le bâtiment toujours appelé en 2023, "école du chemin des Amours"9.
Dessin de la façade ouest de l’école dite "du chemin des Amours" autours de 188010,
et la même façade en 2023 ( Journal du Pays yonnais, 23 février 2023 ).
Comme pour l’école des garçons, les lois scolaires des années 1880 en chassèrent les religieuses, amenèrent à construite ce qui est en 2023 "l’école du Sacré-Cœur", et entraîna une forte baisse des effectifs de l’ancienne école qui ne subsistera un temps que grâce à l’obligation faite jusqu’après 1945 aux fonctionnaires, tels que les gendarmes, de mettre leurs enfants dans les "écoles dites laïques". Dans les années 1960 ces dernières fusionnèrent et devinrent mixtes.
Une des 2 classes des écoles dites "laïques" du Poiré en 1968
( source : Lionel Turquaud et famille Paitreaud ).
------------------------------
Alors que la commune du Poiré comptait 3800 habitants en 1975, elle en comptait plus de 8600 habitants en 2020. Cette arrivée de populations nouvelles fuyant les villes, a redonné de l’importance aux écoles dites "laïques" de la commune11. Deux nouvelles écoles ont été construites : l’une en 1976 au "Beignon-Basset", l’autre en 2008 à "l’Idonnière".
Quant à l’école subsistant au "chemin des Amours", elle a conservé sur ses façades, des symboles hérités du temps où ses institutrices étaient membres de congrégations religieuses12. Au début des années 1980, elle a connu divers agrandissements, mais quarante ans plus tard, elle vit ses dernières rentrées scolaires : les besoins de rénovation et la nécessité d’optimiser son fonctionnement conduisant à son regroupement avec l’école de "l’Idonnière"13.
------------------------------
Un hiver rigoureux
Au début du XIXe siècle le long du "chemin des Amours", à 200 mètres à gauche en venant du "quartier de la Chapelle", était un moulin à vent appelé "moulin Ardente" (ou "moulin de la Chapelle"). Appartenant pour les deux tiers aux Laurent du "Plessis", il fut démoli en 1866. Un siècle plus tard on en devinait encore une vague trace qui s’est effacée depuis.
Toute proche, une petite carrière avait fourni les pierres diverses ayant servi à construire les maisons voisines. Dans les années 1950, elle était devenue une décharge pour les ordures ménagères du bourg du Poiré, et aussi un terrain de jeux pour les enfants du quartier. C’est près de là que, durant l’hiver 1955-1956, bien connu pour ses chutes de neige exceptionnelles, ceux-ci en firent un bonhomme devant lequel ils posèrent. Soixante-cinq ans plus tard, certains pourront les reconnaître sur le tirage en carte postale de cette photo. Au dos de l’une de celles-ci, Arsène Remaud (né en 1891, et ornithologue amateur local) releva alors :
"Hiver terrible, février 1956, migration sans précédent des pinsons d’Ardenne en Vendée".
Du bon usage de la neige, au début de l’année 1956 (photo A. Mignet14)
avec une annotation d’Arsène Remaud sur la présence exceptionnelle du "fringilla montifringilla".
------------------------------
Notes, sources et références…
(sauf mentions contraires, illustrations et texte sont dus à M. Mignet)
1 Le "préveil" est souvent présenté comme correspondant à la fête patronale d’une paroisse. Ce n’était pas toujours le cas, ainsi au Poiré dont le patron est saint Pierre, mais dont le "préveil" avait lieu le 8 septembre, jour de la nativité de la Vierge (puis, plus tard, chaque premier dimanche de ce mois) ; une date peut-être à mettre en relation avec le nom de la chapelle près de laquelle il se tenait alors. Cf. le Glossaire étymologique et historique des patois et des parlers de l'Anjou, de Verrier (A.-J.) et Onillon (R.), 1908, tome 2, p. 152-153.
2 Voir de Marchegay (Paul) : Cartulaire du Bas-Poitou, prieuré de la Roche-sur-Yon, 1977 (Arch. dép. de la Vendée : BIB B 1366) ; ainsi que, le complétant, de Mignen (Dr Gustave) : "Prieuré de la Roche-sur-Yon ou de Saint-Lienne", in Bulletin de la Société d’Emulation de la Vendée, 1909, 1910, 1911.
3 Actes notariés des études de la Roche-sur-Yon (Arch. dép. de la Vendée : série E…).
4 La Boutetière (Louis de), La Justice révolutionnaire à Fontenay-le-Comte, en 1793, 1879, p. 7.).
5 Auguste Bizière, qui fut "maître d’école" au Poiré de 1837 à 1872, était né à Saint-Malô-du-Bois en octobre 1806, fils de Jacques Bizière, tisserand, et de Marie-Elisabeth née Lamprière. On ignore où et quand il finit sa vie. Début 1837, il était "maître d’école" aux Châtelliers où naquit son fils Auguste, qui est "sous-maître" au Poiré lors de son mariage à Belleville en 1864 avec Renée Jutard, "lingère".
6 Perrocheau (Pierre), Le Poiré-sur-Vie et son école de Frères de Saint-Gabriel de 1872 à 1972, 1972, p. 7 à 9, et p. 10 à 13.
7 Plan de bâtiments publics du Poiré-sur-Vie (Arch. dép. de la Vendée : (Fi)-1 T 1898-3).
8 Délibérations du Conseil municipal du Poiré, 29 septembre et 10 novembre 1872 (Arch. communales du Poiré : AC 1 D 4).
9 Lorvoire (Jean-Claude), Le Poiré-sur-Vie : centenaire de l’école du Sacré-Cœur, 1883-1983, 1983 ; p. 7 à 19.
10 Plan de bâtiments publics du Poiré-sur-Vie (Arch. dép. de la Vendée : (Fi)-1 T 1898-1).
11 En 2021-2022 on comptait sur la commune du Poiré 896 élèves scolarisés dans l’enseignement primaire : 160 à l’école du chemin des Amours, 168 à l’école de l’Idonnière, 443 à l’école du Sacré-Cœur, et 125 à l’école des Pensées au "Beignon-Basset". En 2015-2016, ces effectifs étaient respectivement : de 1095, de 219, de 211, de 497 et de 168 ; la population de la commune étant de 8719 habitants en 2022, et étant de 6497 en 2016.
12 Sur cette question qui met certains dans tous leurs états, voir la jurisprudence développée autour de l’application de la loi de séparation des Églises et de l’État, du 9 décembre 1905, une jurisprudence qui veut que les symboles "étant fixés" ne doivent pas être supprimés, tandis que ceux qui ne sont pas "fixés" peuvent être déplacés.
13 "Le Poiré-sur-Vie - l’école du chemin des Amours s’en va à l’Idonnière", in Ouest-France, du 26 janvier 2023.
14 On reconnaîtra, de gauche à droite, sur la photo rappelant cet événement météorologique…
debout : Marie Buton et Louisette Bulteau, Marie-Reine Mignet, Pierre Mignet, Guy Guillet, Daniel Roirand, Maurice Buton, Jany Dannenhoffer, Henri Caillaud ;
et accroupis : Yves Buton, Claude Mignet, Geneviève Buton, Colette Mignet, Jojo Buton, Jean-Yves Guillet, Jean Mignet, Francis Bulteau.
avant toute utilisation d'extraits ou d'illustrations de ces pages, vous devez en demander l'autorisation à leur auteur
◄ page précédente : l'Alouette Haut ▲ page suivante : l'Arnaudière ►