les Seigneurs de Rochequairie depuis 1385
rappel : avant toute utilisation d'extraits ou d'illustrations de ces pages, vous devez en demander l'autorisation à leur auteur.
Au début du XXIe siècle, Rochequairie, situé à la limite de Saint-Etienne-du-Bois et de Beaufou, est un endroit bien oublié et sa période faste est du domaine d’un lointain passé. Son histoire reste encore à faire, bien qu’en 1935-1936, sept courts articles sur ses seigneurs aient été publiés dans le Bulletin paroissial de Saint-Etienne-du-Bois. Leurs sources n’y sont pas mentionnées, mais les registres de la paroisse, qui pour les plus anciens remontent à 1586 ont pu y contribuer. Hasard ou non, il se trouve que les autres paroisses ayant, comme Saint-Etienne-du-Bois, fait partie des Marches communes de Bretagne et de Poitou possèdent elles aussi des registres ayant une ancienneté nettement plus grande que l’ancienneté habituelle (1737) ; ainsi ceux de Bois-de-Cené remontent à 1601, ceux de Cugand à 1595, et même pour ceux de la Bruffière à 1508.
Voici ci-dessous le contenu de ces articles, dont l’intérêt est cependant relativement limité…
Les restes du château de Rochequairie en janvier 2021,
avec au premier plan la Petite Boulogne,
parcourant la parcelle dite "le pré de l'étang".
La plus importante de toutes les anciennes maisons de la paroisse de Saint-Etienne, mais qui malheureusement est en grande partie détruite, ce fut le château de Rochequairie. parmi les restes encore intéressants de cette demeure seigneuriale on voit une belle porte Renaissance, qui nous donne la date de sa construction : 1607.
Mais ce château ne fut pas le premier élevé en cet endroit. 300 ans plus tôt, il y avait déjà à Rochequairie une demeure seigneuriale avec une chapelle. On lit en effet dans un relevé des revenus de l’Eglise de Poitiers laissé par un de ses évêques, Gauthier de Bruges, qui écrivait en 1306 : "In parœchia S. Stephani de Bosco. Capellania quæ vocatur de Roc Carie, in domo cujusdam militis". Ce qui signifie qu'il y avait alors "dans la paroisse de Saint-Etienne-du-Bois, une chapelle dite de Rochequairie dans la demeure d'un gentilhomme guerrier". Ce castel qui n'était peut-être pas lui même le premier, devait avoir quelque importance à en juger par ce qui en reste : des pans de murailles avec fenêtres grillées, des contreforts et des glacis maçonnés en moyen appareil défendant les abords du château, un souterrain en partie comblé, une tourelle découronnée. tels sont aujourd'hui les seuls vestiges de ces constructions primitives.
Comment s'appelait le seigneur de Rochequairie au XIVe siècle ? Y résidait-il ? C'est ce qu'aucun document ne nous dit. Tout au plus peut-on conjecturer que les seigneurs de Rochequairie de cette époque reculée se confondent peut-être avec les seigneurs de la Roche-Brisard (prédécesseurs de la Roche-Thévenin) dans la paroisse de la Guyonnière, près Montaigu. C'est de là du moins que sont venus ceux dont nous possédons la liste à partir de la fin du XIVe siècle. Et encore, jusqu'à la reconstruction de leur château, au début du XVIIe siècle, cette famille n'habita-t-elle Rochequairie que par intervalles. Leur principale résidence était toujours la Roche-Brisard. Leur nom était Thévenin. C'était une des plus notables familles de la baronnie de Montaigu, ainsi que le prouvent les alliances contractées avec les plus nobles maisons du pays.
Le premier seigneur de Rochequairie connu s'appelait Léonard Thévenin ; il avait pour femme Anne Lucas et vivait vers 1385. De ce mariage naquit Jehan Thévenin, premier du nom. Il prit pour femme Marguerite Lingier et vivait dans la première moitié du XVe siècle. Il était donc contemporain de Jeanne d'Arc. Il eut un fils, qui lui succéda sous le nom de Jehan II, comme seigneur de Rochequairie.
Ce dernier épousa, le 28 mars 1457, Mathurine de la Forêt-Montpensier. C’était au temps de messire Nicolas Jalot premier curé connu de Saint-Etienne-du-Bois. De ce mariage naquit en 1460 un fils, auquel fut donné le nom de Guyard.
Guyard Thévenin épousa, le 29 décembre 1484, Renée Duverger. Un peu plus tard, en 1498, sans doute à la suite de la mort de son père, il s'intitulait seigneur de la Roche Brisard. C'est lui, croit-on, qui changea le nom ancien de sa demeure de la Guyonnière, la Roche-Brisard, en celui de la Roche-Thévenin. De son alliance avec Renée Duverger, il eut un fils qui fut nomme Arthur.
Une fille de Guyard, sans doute Catherine de la Roche-Quérye, se maria vers 1520 à Antoine de Clérembault, seigneur de Chantebusain, et lui apporta le fief de la Perrotière, en Grand' Landes.
Arthur Thévenin se maria une première fois à demoiselle Françoise Goulard et une seconde fois, le 14 décembre 1526, à Marguerite Duvaux, dont il eut un fils, Anseaulme.
Anseaulme Thévenin se maria aussi deux fois : le 17 août 1551, avec Louise Buor de la Mothe-Freslon, et en avril 1572, avec Jehanne Poictevin. Il n'eut d enfant que de sa première femme, qui lui donna un fils nommé Claude, lequel lui succédera comme seigneur de Rochequairie.
Comme plusieurs seigneurs des alentours, Anseaulme Thévenin se laissa entraîner dans l'hérésie protestante, dont les partisans firent de nombreux et importants excès et ravages dans ce pays. Cependant le seigneur de Rochequairie revint vite de son erreur. L'influence de sa seconde femme. Jehanne Poictevin, fut peut-être pour quelque chose dans son retour à la foi catholique. Le fait est que trois mois après leur mariage et presque au lendemain de la Saint-Barthélémy, Anseaulme Thévenin et Jehanne Poictevin renoncèrent spontanément aux erreurs de la Réforme pour redevenir membres de l'Eglise catholique. Leur abjuration eut lieu le 25 novembre 1572, à Poitiers, ainsi que nous le savons par un acte, signé de Mgr Tiercelin. évêque de Luçon, et conservé aux archives de la seigneurie de Salidieu, paroisse de Bessay, seigneurie qui appartenait à Jehanne Poictevin.
L'acte de prestation de serment de foi catholique fait par le seigneur et la dame de Rochequairie entre les mains du délégué de l'Evêque de Luçon, n'a pas été retrouvé. D'ailleurs il résulte d'un grand nombre de titres qu'ils ont depuis persisté, ainsi que leurs descendants, dans la religion catholique.
Claude Thévenin succéda à son père Anseaulme. Nous n'avons pas de détails sur sa vie sauf en ce qui concerne son mariage et le nom de ses enfants. Il épousa, le 4 février 1579 Antoinette Prévost, qui était fille de Jehanne Poictevin, seconde femme d'Ansaulme Thévenin et veuve en première noces de Jacques Prévost seigneur de Salidieu, seigneurie dont Antoinette était l'héritière. Les deux époux étaient fort jeunes. Ils se mariaient avec le consentement de leurs parents et l'autorisation du conseil de famille, qui porte "qu'ils sont de bonne et semblable qualité, d'âge convenable, savoir est, le dit Claude Thévenin de l'âge de 17 à 18 ans, de bonnes mœurs et bien nourri en vertu, étant bien allié de plusieurs gentilshommes de bonne et grande lignée..." Et la jeune épouse était dans sa 14e année, et proche parente des seigneurs de Velaudain, la Boutière, le Chastellier et Damiette, qui portent le nom de Prévost, "tous lesquels sont gentilshommes et nobles et pour tels tenus et reputés de toute ancienneté."
Claude Thévenin et Antoinette Prévost eurent plusieurs enfants, dont nous connaissons les noms des trois fils : Jehan, qui succéda à son père comme seigneur de Rochequairie et fut le premier à y établir définitivement sa résidence ; Christophe, qui fut seigneur de Salidieu ; et Louis, qui fut homme d'église et chevalier de Malte.
Jehan Thévenin, écuyer, seigneur de la Roche-Thévenin, de Rochequairie, du Verger, du Rosteau, etc., épousa Marie Méance, veuve de Gilles de Puitesson, écuyer. seigneur de Puitesson et de la Chauché, fille de Jacques Méance, écuyer, seigneur de la Chardière.
Lettres de Louis Thévenin. — Voici, à titre de curiosité, des extraits de lettres de Louis Thévenin, troisième fils de Claude Thévenin. Il les écrivait du collège de la Flèche où il était entré à l'âge de 12 ans et où il termina le cours de ses études. Il était destiné à entrer dans le clergé, c'est pourquoi peu après son arrivée au collège et dès l'âge de 12 ans, le 12 mai 1611, il reçut la tonsure. Il devint plus tard chevalier de Malte. — Les chevaliers de Malte formaient un Ordre à la fois religieux et militaire qui avait été fondé en Palestine au temps des Croisades pour la défense des lieux saints, sous le nom de chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Chassés plus tard de Palestine par les Turcs, ils se réfugièrent dans l'île de Malte et s'appelèrent chevaliers de Saint-Jean de Malte ou simplement chevaliers de Malte.
Le 9 février 1612, Louis écrivait à ses parents.
"... La première fois qu'on composa, je fus presque des derniers, maintenant je suis empereur (c'est-à-dire premier). J'espère être en la 4e classe à Pâques."
Ses progrès à la Flèche lui firent regretter le temps passé dans un autre collège : "Si deux ans a que j’étais à Angers, je fusse venu à la Flèche, je serais à cette heure de la seconde (classe), tant on y profite. Je vous prie de m’envoyer ou me faire avoir ici ce dont j’ai besoin pour passer mon hiver, à savoir une grande robe, parce que la mienne est toute déchirée, une toque, des habits, un chapeau : car vous auriez honte de me voir en tel équipage ; et quand il vient de la compagnie, je suis contraint de demeurer en ma chambre ou me cacher derrière les autres."
1613. 28 août. — "Je vous supplie de bailler charge à celui qui me viendra quérir de m'acheter une paire de botte ; car, au collège, il n'y a pas si petit qui n'en ait. Elles reviendront au plus à 3 livres 10 ou 12 sols avec les éperons."
1614. 15 janvier. — "Je vous supplie d'envoyer les dépens de ma maladie ; car l'apothicaire (pharmacien), le barbier (chirurgien), le médecin sont tous les jours après moi à me demander leur argent : 2 écus au barbier. Depuis que j'ai eu la petite vérole, il m'est venu une aposthume (abcès) à la jambe pour laquelle panser il a fallu 2 écus ; tellement qu'ils m'ont pansé l'espace de cinq semaines, durant lesquelles j'ai été huit jours à l'infirmerie sans marcher : 2 écus ; et pour le garçon de l'infirmerie : 16 sols ; à l'apothicaire : 4 écus ; au médecin : 1 écu ; au serviteur de l'infirmerie durant la petite vérole : 5 livres."
Nous savons par d'autres lettres que le prix de la pension était de 46 livres par quartier ou trimestre. En plus des frais ordinaires du collège qui se paient encore aujourd'hui, on payait alors aussi l’éclairage, qui consistait en de la chandelle. Du 22 octobre 1611 au 5 février 1612, M. de la Roche en paya pour 5 livres, ce qui représentait, en poids, 17 livres. "Voilà bien des chandelles, écrivait Louis Thévenin, mais nous nous couchons tard, et nous levons bien matin."
Mais voici que le jeune étudiant, si enchanté par ses progrès au début se décourage maintenant et parle de quitter le collège. Et pourquoi ? parce qu'il ne peut réussir du premier coup à faire des vers latins et du grec. Il ignore encore que par du travail on arrive a faire ce qui paraissait d'abord impossible. II l'apprendra bientôt par son expérience. Voici ce qu'il écrivait :
1614 novembre. — "Monsieur et père. J'ai mis la main à la plume pour vous avertir qu’il n'y a pas moyen que j'étudie en ce collège où l'on me fait faire tant de carmes (carmina, vers latins) et de grec par force, et il n'y a pas en tout moyen que je m'y puisse adonner et en faire. Je vous écris ce mot, sachant bien que si je n'étudiais et perdisse une année, vous en seriez fâché... Employant mon temps aux vers et au grec, je quitte ce qui m'est le plus nécessaire, à savoir la prose et les leçons. J'avais bien demandé l'exemption des vers au régent, mais il ne la veut pas octroyer. Je vous supplie de m'envoyer la réponse ; car ce n'est que temps perdu que je demeure ici ; car vous savez bien que personne ne peut faire des vers qu'il n'y soit adonné de nature."
C'est une chose bien démontrée : Louis Thévenin va perdre son année à cause de ces malheureux vers latins. Attendons un peu. Avant un mois il va y prendre goût et refusera d'être dispensé d'en faire. Il écrit le 26 novembre à son père : "Vous craignez que ce ne soit quelque dégoût des études qui m'a fait vous mander que je ne pouvais faire des vers ; vous ne devez point craindre cela, car je désire parfaire mes études, l.e Père Principal m'a dispensé de la moitié des carmes que le régent baille en classe. Je ne trouve point tant de peine à en composer, que je faisais au commencement ; c'est pourquoi il m'a semblé être assez d'en être délivré de la moitié, encore que le Père Principal m'en eût bien dispensé du tout, si j'eusse voulu."
Et pour finir voici un passage de lettre à sa mère, au 6 mai 1615 : "Mademoiselle, ma mère (c'était la formule de ce temps-là). Ce petit mot ne sera sinon pour vous remercier de l'habit que m'avez envoyé et vous assurer de ma bonne santé et du labeur que je prends tous les jours, ce qui est de mon devoir, à vous obéir et non outrepasser vos commandements."
Jehan Thévenin et son épouse, Marie Méance, furent, comme il a déjà été dit, les premiers seigneurs de Rochequairie qui y établirent leur résidence fixe. Ce ne fut cependant que quelques années après leur mariage, qui eut lieu le 24 août 1606, puisque leurs deux enfants, Jehan et Jehanne n'y sont pas nés. Avant de se fixer à Rochequairie, ils eurent à s'y faire construite une demeure convenable à la place du vieux manoir qui datait de trois siècles exactement. C'est en effet de cette même année de leur mariage que date le château dont il reste encore des parties importantes. Il est à croire que les travaux durèrent plus d'une année, ce qui peut suffire à expliquer qu’ils aient dû attendre pour venir habiter cette nouvelle demeure seigneuriale.
Le château de Rochequairie en 1833 sur le cadastre de Saint-Etienne-du-Bois
(environ : 320 x 230 m ).
Dans le même temps, comme on l'a vu précédemment, avait lieu également un changement dans la baronnie de Palluau. Loys Gouflier, duc du Roanais, marquis de Bouin, comte de Maulévrier, baron de Palluau, etc., par un contrat du 23 mai 1607, cédait sa seigneurie de Palluau à Jacques de Clérembault, chevalier, seigneur de Changebusain, la Gordouère, Villegaie et la Cybretière. Les Clérembault étaient dès lors les plus importants seigneurs de la contrée. Nous avons vu que beaucoup de terres nobles de Saint-Etienne-du-Bois relevaient de la baronnie de Palluau et en particulier la seigneurie de Rochequairie ; ce qui n'empêchera pas cette puissante maison de s'allier bientôt à la famille de Rochequairie.
En effet. Jehan Thévenin, fils de Jehan Thévenin et de Marie Méance. se maria en 1628 à "Damoiselle Louise de Clérembault, fille de haut et puissant messire Jacques de Clérembault, chevalier. baron de Palluau, seigneur de Chantebusain, veuve de N. Plouel."
De ce mariage naquirent six enfants : Jacques. Jehan, Jehanne, Louise. Gabriel et Suzanne.
Voici l'acte de baptême de l'aîné : "Aujourd'hui, vingtième jour du présent mois de décembre mil six cent vingt-neuf, a esté baptizé Jacques, fils de hault el puissant Jehan Thévenin, escuyer, seigneur de Rochequairie et de dame Loyse de Clérembault, sa femme. A esté parrain hault el puissant messire Jacques Clérembault, chevalier, baron de Palluau, seigneur de Chanbusain, et marraine, dame Marie Louer, femme espouse de hault et puissant Jacques de Monthosier, chevalier, seigneur de la Charoullière et des Châteigners. Signé : Marie Louer, Jacques Clérembault, Pérochean, prêtre, curé".
On peut remarquer, ici comme précédemment, avec quelle complaisance, tous ces seigneurs, grands et petits, aimaient à étaler tous leurs titres. Cela ne cadre guère avec nos manières actuelles, beaucoup plus égalitaires. Autre temps, autres mœurs.
Mais la mort ne s’arrête pas devant les titres. Jehan Thévenin, seigneur de Rochequairie, mourut en 1637, et sa femme, Louise de Clérembault en 1654. Tous les deux furent inhumés dans l'église paroissiale, dans la chapelle dite de saint Jacques, qui était la chapelle des seigneurs de Rochequairie et où se voyait leur blason.
Jacques Thévenin succéda à son père dans le titre de seigneur de Rochequairie. Il signe "sieur de Rochequèrie" ou même simplement "Rochequèrie". Mais lui même allait, encore jeune, succomber aux coups de la mort. Il mourut la même année que sa mère, en 1654, sans laisser de postérité; et comme son frère cadet, Jehan, était mort avant lui. c'est à son dernier frère, Gabriel, que passèrent le titre et les droits de seigneur de Rochequairie.
Gabriel devait être le dernier des Thévenin de Rochequairie. C'est qu'il était entré dans la cléricature et qu'au jour où il devint titulaire de la seigneurie de ses ancêtres, il était déjà sous-diacre. De l'avis de M. Boutin, il semblerait même qu'il resta sous-diacre toute sa vie. sans jamais monter à la prêtrise. En plus de sa seigneurie de Rochequairie, il reçut les bénéfices ecclésiastiques suivants : le prieuré de Saint-Paul-de-Montpenit. celui de Saint-Gilles de Palluau. celui de Saint-Jacques-des-Hardilliers et celui de Sainte-Marie-Magdeleine de la Pérauche, qui lui avaient été attribués par suite de la démission qu'eu avait faite le très illustre et très Révérend Père en Dieu, Mgr Gilbert de Clérembault évêque de Poitiers.
Gabriel Thévenin mourut en 1685. La seigneurie de Rochequairie passa alors à son neveu Philippe: fils de sa sœur Louise, mariée en 1656 avec Alexandre-Daniel Robineau de la Renolière-Cantinière. C'est ainsi que la famille Robineau a succédé à la famille Thévenin dans la seigneurie de Rochequairie.
Lorsque Gabriel Thévenin mourut en 1687, à l’âge de 55 ans, la seigneurie de Rochequairie passa aux Robineau de la Renolière-Cantinière par suite du mariage de Louise Thévenin, sœur de Gabriel, avec Alexandre-Daniel Robineau, écuyer, seigneur de la Renolière-Cantinière.
Ce mariage avait eu lieu en 1656, sous le pastorat de M. Nicou. Alexandre-Daniel Robineau se mariait pour la troisième fois, il avait 36 ans.
Les Robineau étaient une très ancienne famille1 qui, dès le XVIe siècle, avait de nombreuses ramifications dans le Bas-Poitou, on distinguait les Robineau de la Vergne-Chauvinière, les Robineau de la Renollière-Plessis-Gastineau, les Robineau de la Fumoire, branche qui n’a pas durée, et les Robineau de la Renolière-Cantinière, branche qui est devenue Robineau de Rochequairie et qui est encore existante avec le même titre.
Le blason des Robineau porte "de gueules à la croix ancrée d’argent et au chef de même, chargé de 5 tourteaux rangés de champ". Dans l’ancienne église de Saint-Etienne-du-Bois, au mur de droite de la chapelle dite de saint Jacques, de deux blasons des Thévenin et des Robineau étaient accolés et n’en formaient qu’un, qui avait comme supports deux palmes et des trophées de fanions et d’étendards, où l’on remarquait un croissant, ce qui indique, d’après les hommes compétents, que les ancêtres de ces familles avaient pris part aux Croisades. Ce serait aussi la signification de la croix ancrée.
Du mariage d’Alexandre Robineau et Louise Thévenin naquirent neuf enfants.
Le premier, Philippe, futur seigneur de Rochequairie, eut pour parrain Philippe de Clérembault, comte de Palluau, marquis de l’île de Bouin, gouverneur pour le Roy du pays et duché de Berry et maréchal de France, et pour marraine damoiselle Elisabeth Robineau, demoiselle du Plessis. Il fut baptisé à Saint Etienne-du-Bois, le 6 février 1659 par M. Nicou.
Les autres enfants Robineau furent :
2° Louise-Olive, baptisée à Saint-Etienne-du-Bois, le 6 mars 1660 ; 3° Louis-François, baptisé à Saint-Etienne, le 10 décembre 1661 ; 4° Nicolas, baptisé à Saint-Etienne, le 16 juin 1663 ; 5° Françoise, baptisée à saint Etienne, le 4 septembre 1664 ; 6° Germanic, baptisé à Saint Etienne le 21 juillet 1666 ; 7° Yvonne, baptisée à Saint-Etienne, le 10 mars 1668 ; 8° Daniel-Alexandre, baptisé à Saint-Etienne, le 14 juillet1669 ; 9° Louis, baptisé à Saint-Etienne, le3 mars 1674.
Il n'y avait cependant pas que des joies au château de Rochequairie. A cette série d'heureuses arrivées à la vie, allait succéder une période de deuils nombreux et rapprochés.
Ce fut d'abord celui de Messire Daniel-Alexandre Robineau, qui mourut le 14 août 1683, à l'âge de 63 ans. Son acte de sépulture est signé de son fils Philippe et de son beau-frère Gabriel Thévenin, sous-diacre, sieur de Rochequairie.
Trois ans après, Philippe Robineau, déjà marié à demoiselle Suzanne Guesdon, avait la douleur de perdre son épouse, morte le 1er juillet 1686. en mettant au monde un fils, Philippe-Alexandre, qui mourut lui-même le 4 juillet.
L'année suivante, le 1er juillet 1687 (et non 1685), c'était le tour du dernier des Thévenin de Rochequairie, Gabriel Thévenin, qui mourait à l'âge de 55 ans. Et quelques semaines après, le 14 août. mourait à la fleur de l'âge, à 21 ans. Germanic Robineau. fils de Daniel Robineau et de Louise Thévenin. Enfin celle même Louise Thévenin, suivant de près son frère et son fils, mourut le 9 septembre de cette année 1687. Cela faisait six décès en quatre ans, dont les trois derniers en un peu plus de deux mois. Toutes ces inhumations se firent dans l'église de Saint-Etienne-du-Bois. dans la chapelle de saint Philippe et saint Jacques, qui était la chapelle des seigneurs de Rochequairie.
Philippe Robineau. Seigneur de Rochequairie depuis la mort de son oncle, Gabriel Thévenin, et devenu veuf, comme nous venons de le voir le 1er juillet 1686. se remaria le 13 mai 1688 à demoiselle Françoise de la Grue. De ce mariage naquirent deux fils :
1° Jules-Louis, baptisé à Saint-Etienne-du-Bois le 26 février 1689. Il eut pour parrain son grand-oncle, Jules de Clérembault, docteur en Sorbonne. abbé de Jard et de Saint-Savin ; et pour marraine sa grand'tante, dame Louise Françoise Bouthillier, épouse du Maréchal de Clérembault.
Cet abbé Jules de Clérembault était. au dire d'un écrivain de l'époque, Saint-Simon, "un vilain bossu qui avait de l'esprit et de la science", aussi fut-il membre de l'Académie française où il remplaça un immortel beaucoup plus illustre que lui, le fabuliste La Fontaine.
2° Joachim, baptisé à Saint-Etienne-du-Bois le 31 décembre 1690. Il eut pour parrain Joachim de Boishorant et pour marraine Jeanne Huppel, veuve Barillon.
Cependant les jours de bonheur ne furent pas encore de longue durée pour les châtelains de Rochequairie. Après quatre ans de ce second mariage. Philippe Robineau mourait lui-même le 16 janvier l692, âgé de 42 ans. Comme ses prédécesseurs il fut enterré dans la chapelle de saint Philippe et saint Jacques.
Sa veuve, Françoise de la Grue, se remaria le 28 novembre 1701, à Joseph Régnon, sieur de la Gautrounière d'Aizenay, lequel vint habiter le château de Rochequairie avec son épouse et les enfants Robineau encore jeunes. Le 2l mai 1701, les époux Régnon avaient la joie de faire baptiser un fils, François-Paul. Mais l'année suivante, le 8 septembre, Françoise de la Grue mourait elle-même, et, comble de malheurs, à la fin de cette même année, en décembre, son fils aîné, Jules Robineau, héritier et successeur de Philippe Robineau, succombait aussi à la mort, à l'âge de 16 ans.
Tons ces deuils remplirent le château de Rochequairie de tristesse et de désolation. C'est pourquoi, Joachim Robineau. devenu seigneur du lieu par la mort de son frère aîné, songera bientôt à quitter cette demeure pour aller s'établir ailleurs. Resté seul héritier du titre et des droits de seigneur de Rochequairie et orphelin âgé seulement de 15 ans, il eut à s'occuper de régler la question des droits de succession. Ainsi, nous le voyons, en sa qualité de chevalier, seigneur de la Renollière et du Fief de la Millière (en la paroisse de la Chapelle-Achard), rendre hommage de ces deux terres nobles à la baronnie de Brandois (de la Mothe-Achard). En sa qualité de seigneur de Rochequairie, il eut à rendre les mêmes devoirs au comte Phelypeaux de Pontchartrain, seigneur de Palluau.
Le 14 août 1713, il signait "un reçu de lods et ventes a lui appartenant, à raison des ventes faites par un nommé Bouquard, de la Chiffaudière", à "Rochequairie, ce quatorze août mil sept cent trèze. Joachim Robineau, de ta Renollière". Ce petit fait est un exemple de ce qui se faisait alors et que voici : les terres non nobles, dites terres roturières, étaient dans une certaine dépendance vis-à-vis des terres nobles, ou vis-à-vis du seigneur de ces terres, et chaque fois que ces terres roturières se vendaient, le seigneur avait droit de toucher une certaine redevance, comme aujourd'hui l'Etat perçoit des droits de mutation.
Joachim eut d'ailleurs à soutenir quelques-uns de ses droits contestés et le 3 août 1722, il obtenait une sentence favorable au tribunal des Sables-d'Olonne. C'était un jour heureux pour lui, car, à la même date, 3 août 1722, à l'âge de 32 ans, il épousait, à la Motte-Glain, demoiselle Louise-Françoise-Pélagie Le Lou, fille unique de Michel Le Lou, seigneur de la Motte-Glain, et de Louise Renée Guichardy de Martigné.
Ce mariage allait donner à l'existence du seigneur de Rochequairie une orientation nouvelle. Rochequairie, où la mort avait tout fauché autour de lui, n'ayant plus pour lui aucun attrait, il le quitta pour aller habiter avec son épouse à la Motte-Glain, en Bretagne, dans la région de Châteaubriant. Le château de la Motte-Glain fait aujourd'hui partie de la commune de la Chapelle-Glain, dans l'arrondissement de Châteaubriant.
Quant au castel de Rochequairie, laissé sans doute à la garde d'un serviteur, il fut, du moins pendant quelque temps encore, conservé en état de loger passagèrement ses propriétaires. Ils y reparaissaient soit pour s'occuper de leurs intérêts, soit à l'occasion de baptêmes, mariages, sépultures de leurs métayers ou domestiques. Ainsi "dame Louise-Françoise-Pélagie Le Lou de la Motte-Glain, de Rochequairie" est marraine en 1727, puis en 1729 où elle est désignée sous le nom de "Marquise Le Lou de la Motte-Glain". En 1732, elle signe à un mariage : "Le Lou de la Motte-Glain, de Rochequairie". Il arriva même que pendant un de ces séjours, un prêtre, originaire du village de la Thibaudière, messire Louis Raoul, et curé de la Guyonnière, pays d'origine des seigneurs de Rochequairie, les Thévenin, étant venu leur faire visite, tomba malade au château de Rochequairie et y mourut le 30 novembre 1739.
Les époux Joachim Robineau et Louise-Françoise-Pélagie Le Lou eurent 3 enfants : Jérôme-Joachim-Michel, baptisé à Saint-Laurent de Nantes, le 13 janvier 1730 ; Marie-Louise-Françoise, née en 1734 ; et Emilie-Sainte.
Joachim Robineau ne vécut à la Motte-Glain que 16 années. Il mourut à l'âge de 48 ans, le 12 septembre 1738, et fut inhumé à la Chapelle-Glain. D'après l'acte d'inhumation, il était capitaine-général garde-côte de l'île de Bouin.
Jérôme-Joachim-Michel Robineau succéda à son père dans les titres de marquis de Rochequairie, seigneur de la Renollière, de la Motte-Glain et de la Millière. Ayant épousée en 1731 demoiselle Agathe-Louise-Charlotte de la Moussaye, celle-ci mourut l'année suivante sans laisser de postérité. Il se remaria en septembre 1770, à Marie-Ursule de Maillé de la Tour-Landry dont il eut plusieurs enfants.
Ce qui subsistait du château de Rochequairie en 2016
(environ : 1,100 x 0,950 km).
Si l’auteur du Bulletin paroissial de Saint Etienne-du-Bois, attribue Rochequairie aux Thévenin dès 1385, Guy de Raigniac21, hésite à leur en attribuer la possession avant 1610. Il voit parmi les prédécesseurs des Thévenin à Rochequairie , et dès avant 1343, un N. de Mayre puis ses descendants, et par mariages et successivement au cours du 16e siècle, des La Mure, Chastaigner et Beaumont. Puis ils s’accordent l’un et l’autre sur la succession de Jehan Thévenin et celle de ses héritiers, dont en 1687 celle des Robineau de Rochequairie. Ceux-ci délaissèrent bientôt Saint-Etienne-du-Bois pour leur plus important château de la Motte-Glain, en Bretagne, où on les voit porter au XVIIIe siècle le titre de "marquis de Rochequairie".
La mémoire populaire, recueillie autour de 18853, rapportait que durant la Révolution…
"un jour six femmes, surprises par les Bleus près des villages du Rorthais et des Emerillères furent interrogées sur le lieu où se trouvaient leurs maris, et comme elles refusaient de répondre et que les menaces suivies de mauvais traitements n’aboutissaient à rien, les Bleus, furieux, les garrottèrent et les conduisirent près du vieux moulin de Rochequairie, où ils les massacrèrent sans miséricorde. Leurs corps restèrent plusieurs jours étendus au pied du moulin sans qu’on osât en approcher, tant était grande la terreur des habitants. Cependant, un métayer des Emérillères, plus brave que les autres, se décida, un soir, à lier ses bœufs et à venir ramasser les six cadavres qui répandaient déjà une odeur insupportable. Une fosse avait été préparée secrètement dans le bas-jardin de la cure, pour les recevoir; mais quand on fut sur le point de les déposer dans cette fosse, on s’aperçut qu’il manquait le corps d’une femme ; au lieu de six il ne s’en trouvait que cinq. Les cahots du chemin avaient fait glisser l’autre de la charrette ; il fut retrouvé non loin du Rorthais..."
Ce "vieux moulin de Rochequairie" était situé de l’autre côté de la Petite Boulogne, en direction du Rorthais et des Emerillères. Il est représenté sur la carte de Cassini des années 1780 et sur le cadastre de 1837 de Beaufou, sur le territoire duquel il se trouvait. Pour le château de Rochequairie (qui n’est pas localisé sur la carte de Cassini) cette même mémoire populaire rapportait aussi que…
"le vieux manoir des Thévenin et des Robineau échappa, on ne sait pourquoi, à l’incendie et à la destruction du village. Il n’y eut, dans son enceinte qu’une petite construction, insignifiante, qui devint la proie des flammes, d’après Henri Chabot, dont la famille habitait et cultivait la métairie du château dès avant la Révolution."
Elle disait enfin que… "les gens [des villages voisins] ne venaient dans les maisons en ruines que pendant la nuit et ils se cachaient, pendant le jour, dans les champs et surtout dans le bois de Rochequaire qui à cette époque était immense et très fourré !". Ce bois fut défriché et disparut au milieu du XIXe siècle.
Quarante ans plus tard, en 1833, le premier cadastre indique que le château de Rochequairie et ses 75 ha, dont 15 ha de bois, appartenaient à Daniel-Alexandre Robineau (1775-1838), fils de Jérôme-Joachim-Michel. S’y ajoutaient de l’autre côté de la Petite Boulogne 42 ha, dont la métairie du Petit Rorthais et le moulin à vent de Rochequairie, sur l’actuelle commune de Beaufou mais qui étaient précédemment considérés comme faisant partie de Saint-Etienne-du-Bois. De père en fils, ils passeront à Charles-Joachim (1820-1880), à Daniel-Jérôme (1856-1919), à Edgar (1896-1975), à Antoine (1924-1996) Robineau de Rochequairie. Et en 2021, ils appartenaient à la veuve de ce dernier et à leur fils, Edgar (né en 1977).
Ainsi donc, et depuis avant 1385 si on suit les Bulletins paroissiaux de Saint-Etienne-du-Bois, Rochequairie est dans les mains de la même famille des Thévenin puis Robineau… de Rochequairie, soit depuis au moins 19 générations et sur plus de 636 ans. Une permanence tout-à-fait exceptionnelle, et qu’on a du mal à rencontrer ailleurs.
1 Le blason des Rochequairie, "à la croix ancrée avec en chef des besants" indiquait que ceux-ci, qu'ils soient Thévenin ou qu'ils soient Robineau, prétendaient que leurs ancêtres avaient guerroyé en Terre Sainte à l'époque des croisades (la croix ancrée), et qu'ils y avaient subi la captivité (les besants de leur rachat ; le besant, était une monnaie byzantine en usage dans tout l'Orient à cette époque).
2 Curieusement, alors que dans le Fonds La Rochequairie (Arch. dép. de la Vendée : 8 J 111-1-2), Guy de Raigniac (1909-1987) rejoint globalement la généalogie des articles du Bulletin paroissial de Saint-Etienne-du-Bois, dans le tome V de son œuvre majeure, De Chateaux en Logis, il en remet le début en cause.
3 Bulletin paroissial de Saint Etienne-du-Bois, années 1955 à 1957.
Porte de Rochequairie, avec la date de 1607 sur son fronton.
On trouve plusieurs autres portes du même style et de la même époque
dans le bourg de Saint-Etienne-du-Bois.
--------------------
retour à Saint-Etienne-du-Bois
◄ page précédente : Chronique paroissiale de Saint-Etienne-du-Bois Haut ▲ page suivante : 1793-1794 : incendies et massacres dans les villages de St-Etienne ►