la vieille église romane de Belleville
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Le porche roman de l'ancienne église Sainte-Anne est le monument emblématique de Belleville. Pour l'essentiel, les représentations que l'on en a remontent au plus tôt au dernier quart du XIXe siècle, alors qu'elle venait ou était en train de disparaître.
En juin 1880 Georges Loquet (1848-1926), architecte départemental, visitait ce qui n'était plus alors que l'ancienne église de Belleville. Il en a laissé une description détaillée...
"[...] Le bâtiment en question était autrefois la chapelle du château des 'de Belleville'. Il dut être bâti vers la fin du XIIe siècle, à l'époque de transition, au moment où les premières ogives viennent se mêler aux arcades romanes ; les arcs ogivaux de la porte d'entrée et les deux arcs doubleaux encore debout de la voûte intérieure, annoncent les premières tendances des constructeurs à la recherche d'une forme plus durable, et surtout plus légère que celles des voûtes plein cintre. Cette chapelle se compose actuellement d'une seule petite nef de dix-neuf mètres de longueur sur six mètres quatre-vingts de largeur à l'intérieur.
Le portail donnant accès à cette nef est d'un beau style ; composé de quatre arcades ogivales concentriques, moulurées et reposant sur des colonnettes et chapiteaux ornées ; il se trouve flanqué sur les côtés par deux colonnes au tiers engagées et terminées par de très jolis chapiteaux de la belle époque romane. Ces colonnes sont elles-mêmes surmontées d'un petit contrefort carré qui va mourir sur le cordon supérieur. Au-dessus de la porte est percée une fenêtre plein cintre avec colonnettes et arc ornée de dents de scie ; elle est séparée de celle-ci par un cordon horizontal et six corbelets sculptés avec des têtes plus ou moins grotesques. Deux énormes contreforts viennent terminer la façade à droite et à gauche, et un clocher beaucoup plus moderne en charpente et recouvert d'ardoises couronne le fronton qui primitivement devait probablement supporter un petit abri pour les cloches, comme on en rencontre encore souvent dans nos églises de campagne du Poitou.
La nef se compose de trois travées dont les deux premières ont pu conserver leurs piliers avec leurs chapiteaux et leurs bases presque intactes, tandis que la dernière est agrémentée de ce style rococo que l'on regrette de voir s'étaler si souvent dans nos églises modernisées auprès des plus belles sculptures du moyen-âge. Cinq fenêtres en plein cintre très étroites mais très hautes éclairent dans l'intérieur. La voûte de ces trois travées est complètement détruite et remplacée par un tillis de bois formant à peu près le cintre. Le départ seul des arcs formerets et doubleaux pu résister : ces paries sont d'ailleurs ce qu'il reste de plus important avec le portail extérieur. Aux angles en effet, des travées, au départ de chaque arc arêtiers, les fondateurs de cette chapelle ont fait placer des images de saints et de saintes qui produisent un très bel effet. Ces statues debout ou assises, accompagnées de leurs attributs viennent compléter l'ornementation déjà caractéristique des chapiteaux des piliers. Ceux-ci adossés au mur renferment dans leurs angles rentrants quatre colonnettes dégagées recevant les nervures de la voûte et une colonne beaucoup plus forte, un tiers engagé, qui vient supporter la retombée de l'arc doubleau.
Des murs de un mètre soixante d'épaisseur, quoique soutenus par des contreforts au droit des piliers, n'ont pu résister à la poussée des voûtes. Il est facile de remarquer leur manque d'aplomb, cause certaine de la ruine des anciennes voûtes. Malgré cette inclinaison vers l'extérieur, ces murs sont encore très bons et sans aucune lézarde ; ils peuvent durer encore bien des siècles si on les charges médiocrement.
Le dallage en pierre de taille contient une douzaine de pierres tombales avec armoiries et inscriptions. Le sol, du reste, a été exhaussé ; peut-être en existe-t-il un autre au-dessous car les bases des colonnes et des piliers sont aujourd'hui presque entièrement enfouies, car je ne pense pas, d'après ce que j'ai pu constater, que le vieux sol ait été bouleversé pendant les guerres civiles ou les guerres de religion qui ont ravagé le pays [...]"
C'est la seule description détaillée que l'on ait de l'ancienne église Sainte-Anne de Belleville1.
Le porche de l'église romane de Belleville, surmonté de son clocher en bois à la fin du XIXe siècle,
et représenté par Paul-Adrien Bouroux en 19362.
L'histoire de cette ancienne église Sainte-Anne est aussi peu connue, au point qu'elle se limite avant tout aux déductions qui peuvent être faites à partir de ses caractéristiques architecturales. Celles-ci la font dater ses origines de la seconde moitié du XIIe siècle.
A la fin du XIXe siècle, Charles Dugast-Matifeux et son alter ego Benjamin Fillon, respectivement "érudits locaux" de Montaigu et de Fontenay-le-Comte, ont laissé quelques écrits à la fiabilité incertaine sur cette ancienne église. Ils sont rappelés dans la Chronique paroissiale de Belleville3...
"[...] Les réparations exécutées, sous la monarchie de Juillet, à l'église de Belleville (Vendée), ont amené la découverte d'un très beau vase et des débris d'un plat, que [Benjamin Fillon] estime être de la seconde moitié du XIIIe siècle, mais que MM. Riocreux et Milet croient d'une date un peu moins ancienne. (Nos 18 et 19 de la planche des Poteries poitevines.)
Le vase, haut de 0m 37, est revêtu d'un vernis vert foncé, d'inégale épaisseur sur ses diverses parties. Les courants, les fleurs de lis et les quadrillés dont il est décoré ont été tracés à la pointe avant la cuisson et ont été remplis par le vernis, ce qui les fait presque trancher en noir sur le fond. La plupart des ornements du plat ont, au contraire, été imprimes en creux avec un moule ou poinçon, et reliés entre eux par des linéaments faits à la pointe. Les armes, autant qu'on peut en juger par les fragments qui subsistent, sont celles de la maison de Lusignan : burelé d'argent et d'azur. Dans son entier, ce plat avait 0m 42 de diamètre. Il est pareillement enduit d'un vernis vert assez foncé. La terre des deux pièces est rouge et très bien cuite."
Les autres spéculations historiques sur les origines de cette ancienne église de Belleville renvoient à de possibles "fondations" (donations) par les différents seigneurs "de Belleville, seigneur de Montaigu, la Garnache, Commequiers..." de la fin du XIIe siècle et du XIIIe siècle.
Au XIXe siècle, son devenir à été l'objet des préoccupations de l'abbé Mathurin Baudry (1813-1877), curé de Belleville de 1844 à 1877. Après avoir envisagé sa restauration, puis sa reconstruction, il s'orienta à la fin des années 1860 vers la réalisation d'une nouvelle église, elle aussi sous le vocable de sainte Anne. Sa construction débuta en mars 1873, et sa bénédiction eut lieu le 27 mars 1875.
L'ancienne église Sainte-Anne sur le plan cadastral de 1837 (environ 600 x 300 m),
et, en cours de démolition, sur un plan de 1886 (environ 90 x 70 m).
Sept siècles après la date probable de sa construction, la vieille église Sainte-Anne de Belleville perdait ses fonctions paroissiales. Cinq ans plus tard, suite à sa visite faite en juin 1880, Georges Loquet proposa que ce qui pouvait subsister d'intéressant, selon lui, en soit conservé, pouvant constituer une sorte de chapelle ou d'oratoire. Mais la situation financière de la paroisse, endettée par la construction de la nouvelle église, et l'état d'esprit de la municipalité joint aux nécessités du moment d’étendre le champ de foire1, ne le permirent pas.
Seul le porche de cette ancienne église romane fut conservé. Il est le monument emblématique de Belleville, et il a aussi été classé Monument historique en 1947.
Ci-dessous, des photos du porche de l’ancienne église, prises en 2017 par Michel Vincendeau.
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1 Voir de Fréneau (François-Xavier) : Monographie bellevilloise, 1975, pages 13 à 18 ; et pour les détails sur la réalisation de la nouvelle église de Belleville, les pages 35 à 52. A défaut de sources plus explicites, on déduira des différents textes auxquels il est fait référence, du plan de 1886, des cartes postales anciennes et des Délibérations municipales de Belleville du 8 août 1897. que la disparition de cette ancienne église et de son clocher (le porche excepté) a dû avoir lieu progressivement, de 1875 à la toute fin des années 1890.
2 Bruzon (Paul), Rivières et forêts vendéennes, 1936, p. 60.
3 Dugast-Matifeux (Charles) : "Précis historique de Belleville-sur-Vie (Vendée)", in Echos du Bocage vendéen, janv.-févr. 1888, p. 1 à 8. Fillon (Benjamin) : L'art de terre chez les Poitevins..., 1864, p.47. Boutin (Hippolyte) : Chronique paroissiale de Belleville, 1901, p. 576. Les pratiques avérées de faussaire de Benjamin Fillon laissent planer des doutes sur la fiabilité de l'ensemble de ses travaux.
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