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Montaigu-en-Vendée
patrimoine et histoire

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Les foires en Vendée et la structuration sociale au XVIIIe siècle

rappel : avant toute utilisation d'extraits ou d'illustrations de ces pages, vous devez en demander l'autorisation à leur auteur.

 

Dans un article d'un numéro de la revue Études rurales, sur le thème des "Foires et marchés ruraux en France", Philippe Bossis a resitué les foires de l'Herbergement dans leur environnement géographique et sociétal au XVIIIe siècle.

Intitulé "La foire aux bestiaux en Vendée au XVIIIe siècle, une restructuration du monde rural", cet article peut être résumé ainsi :

Foires et marchés aux bestiaux tiennent une place exceptionnelle en Vendée : "le pays aux bœufs". Les pâtures variées occupent parfois 75 % des flnages et de 15 à 30 % de la superficie des fermes. La densité du gros bétail, une tête pour 2 ha en moyenne, est très supérieure à celle des openfields céréaliers. On élève le bétail pour sa force de travail principalement, mais on engraisse les bœufs réformés. Le métayage, les baux à cheptel "institutionnalisés" qui assurent 8 à 10 % de profit, multiplient les bailleurs : marchands, fermiers (généraux et partiels), officiers, curés, bourgeois et paysans aisés. Quelques-uns représentent les nobles qui ne pratiquent pas, sauf exception, le foirail. Les preneurs à cheptel sont métayers ou laboureurs, bordiers ou closiers (de 75 à 90 % des paysans). Ainsi donc, deux groupes, séparés d'ordinaire par leurs fonctions sociales, se retrouvent, s'informent et "officient" — pour certains plusieurs fois par mois — à la foire, dans le parler paysan ; contraints au jeu de l'offre et de la demande, de la spéculation et du crédit, aux nécessités économiques devenues habitudes et moyens de (re)connaissance sociale.


Avec l'autorisation de son auteur, en voici le contenu :


Le cadre traditionnel de la foire représente un milieu d'observation original, indispensable pour saisir l'économie de
(ce qui plus tard sera) la Vendée au XVIIIe siècle. L'isolement des hommes et de leurs productions, tout autant que la médiocrité des voies de communications, fonde sa nécessité.

La structure socio-professionnelle comporte ici deux catégories fondamentales : d'une part, les exploitants agricoles non-propriétaires, de l'autre, les propriétaires rentiers du sol, bourgeois ou nobles, seigneurs ou non. Les premiers sécrètent par leur travail la rente foncière que perçoivent les seconds ; clivages et antagonismes sociaux les séparent : les paysans, les plus nombreux, ne possèdent que 15 à 20 % du sol agricole, les autres en détiennent 80 %. Une institution privilégiée permet d'analyser les rapports sociaux : c'est la foire qui recompose à sa manière l'organisation sociale, qui a ses habitués et ses exclus.

Deux faits sont prééminents dans ces bocages sud-ligériens, et déterminent étroitement les caractères de la foire au gros bétail : la place considérable de l'élevage, la pratique courante du bail à cheptel à côté du métayage. En effet 15 à 30 % des surfaces agricoles des métairies1 sont occupées par des pâtures : prairies, prés, pâtureaux, pâtis... Les terres considérées comme incultes, landes, broussailles et mauvais taillis, sont néanmoins également pâturables. En moyenne, la densité est donc, par exploitation, au minimum d'un bovin pour deux hectares (sans compter plusieurs dizaines d'ovins par métairie) ; proportion largement supérieure à celle des openfields septentrionaux.

Élevage capital pour la région, dont le caractère "naisseur" est souligné par la demande des régions périphériques : Bretagne et, au-delà, Normandie, Haut-Anjou, Poitou... Cet élevage fournit d'abord les nombreux attelages des métairies (de 3 à 8 paires de bœufs suivant leur importance) ; il alimente les marchés des bourgades et des villes en viande, puisque veaux et bœufs réformés sont engraissés sur place.

Quelques "pays" apparaissent plus spécialisés, tel le marais occidental de Challans et de Machecoul, où les conditions naturelles propres à la pousse de l'herbe déterminent une densité bovine égale ou supérieure à une bête par hectare de métairie. L'ancienneté de l'élevage est ici affirmée ; il paraît lié au remembrement qui a marqué la période qui va de la fin du XVe au XVIIe siècle2 : il fallait un important cheptel pour permettre la mise en valeur des métairies nouvelles (de 15 ha à plus de 60 ha).

Les conditions mêmes du bail à métayage, qui est resté dominant jusque dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, supposent un nombre de bœufs considérable (labours, charrois). Ce sont les transactions sur le bétail et les fameux baux à cheptel qui enrichirent les intermédiaires entre la noblesse et les paysans. Tout loueur d'animaux "baille à mi-croît, mi-profit" — ou mi-perte, éventuellement — un certain cheptel au paysan. La seule propriété d'un troupeau assure donc la moitié du revenu d'élevage. Par ailleurs, le métayage "idéal" consiste en cette région, et jusqu'au XXe siècle, à partager le cheptel de l'exploitation en deux parties égales, ou "fourniture à moitié". L'exploitant entre sur la ferme avec sa part. Le plus souvent, celle du bailleur s'y trouve déjà. Notons que le bailleur peut être propriétaire de la ferme, ou seulement fermier général. Il peut posséder la souche des bestiaux à l'entrée du nouveau métayer, ou la lui fournir ensuite. Dans ce cas, il y a dissociation entre propriété du sol et propriété du cheptel. Mais les proportions idéales sont peu respectées ; elles varient et oscillent, même en cours de bail, entre deux cas extrêmes qui sont...
- l'appartenance complète des animaux aux paysans — généralement fermiers — comme dans les Mauges du Choletais3,
- ou bien l'exclusion totale du métayer de la propriété animale, comme en Gâtine poitevine4.

Quelle que soit leur part dans le troupeau, métayers ou fermiers ont la responsabilité de la conduite des animaux. Ils peuvent en trafiquer pour les besoins de l'exploitation ou les avantages du marché. Quand ils ne sont pas propriétaires des bêtes, il leur faut l'accord au moins tacite et préalable du maître (le propriétaire), qu'ils obtiennent sans difficulté. Et c'est dans le cadre de la foire qu'ils pourront montrer leur initiative.

Le foirail devient le lieu de réunion des hommes dont l'activité essentielle est l'élevage, comme le montrent tous les documents locaux.

Réseau des foires et rythme de participation

L'absence de mercuriales du bétail laisse un grand vide dans l'information ; l'analphabétisme paysan, qui est encore très général, nous prive de tout document d'origine populaire. Nous bénéficions en revanche des archives seigneuriales et domaniales : les comptes de la "classe propriétaire", suivant l'expression heureuse des physiocrates. Aux Archives départementales, sont conservés quelques livres de comptes bien tenus et suivis. Il est possible de recouper leurs informations avec celles des juridictions seigneuriales et des almanachs du XVIIIe siècle.

Bossis foires 18e_fig1_MenV-1000

Fig. 1 : carte de localisation.


D'une manière générale, aucune habitation paysanne n'est éloignée de plus de 15 à 20 km du lieu d'une grande foire mensuelle au bétail (cf. Fig. 1, les exemples de Soullans et de l'Herbergement). Dans chacun de ces cercles d'espace rural se situent trois ou quatre foires secondaires, mais les transactions animales n'y occupent pas toujours la première place.

La grande foire au bétail s'est généralement implantée en pays de contact :
- soit aux confins de deux mondes agricoles, comme marais et bocage ;
- soit à proximité d'une frontière provinciale, comme le pays des Marches, entre Bretagne et Poitou.
La foire occupe une position centrale par rapport à son aire d'attraction, et ce n'est pas la facilité des voies de communication qui, au XVIIIe siècle, semble jouer un rôle fondamental. A la foire, très anciennement implantée, conduisent surtout vieux chemins et sentiers : parcours sans obstacle ni danger, entre les talus et les haies du bocage, et les canaux du marais. Dans les marais, les chemins, plus rares, commandent étroitement les relations avec les
"pays" voisins.

C'est la grande seigneurie médiévale qui paraît avoir obtenu la création de la foire sur un vaste commun (une lande) bien relié à la mouvance, tandis que les petits fiefs contrôlaient une foire installée dans les paroisses les plus importantes. Les rassemblements hebdomadaires dans chaque paroisse et au bourg sont de simples marchés. Il ne faut pas les assimiler à des foires, bien qu'il puisse y avoir coïncidence, une fois par mois en général.

Le calendrier des foires amène les laboureurs des métairies attentifs au commerce du bétail à lui consacrer un jour par semaine. Ils ne manqueront jamais le grand rassemblement mensuel des animaux de la région. Dans les archives de toute terre (synonyme ici de seigneurie), ou de tout domaine important, sont notés les ventes et les achats de leurs métayers sur les foires.

La fréquentation paraît exceptionnelle à la fin du printemps (indépendamment du rendement de la fenaison) et en automne, au moment des labours, ainsi qu'aux alentours des dates charnières du calendrier agricole, celles des renouvellements des baux : de la Saint-Georges (23 avril) à la Toussaint, en passant par la Saint-Michel (29 septembre). C'est alors que se dispersent ou se reconstituent les cheptels aux mains des "bourgeois banquiers en bestiaux", dont nous reparlerons.

La société des participants à la foire

Nous sommes en présence d'un rassemblement masculin, uniquement. Dans le milieu bourgeois, la femme ne travaille pas et ne s'occupe qu'à l'intérieur de sa maison (filature par exemple). Nous rencontrons dans ces documents des fermières générales, mais rien n'atteste leur présence sur un champ de foire. Dans la classe paysanne, le petit élevage de basse-cour est un domaine réservé à la femme, mais c'est là affaire de simple marché et non de foire. Quelle que soit l'autorité d'une veuve chef de communauté de métairie, elle n'ira pas sur le foirail. Son fils aîné, son gendre, ou un voisin y représenteront les intérêts du groupe.

Hors des étables et des écuries, c'est l'homme qui commande exclusivement au bétail. Nous le voyons bien dans les labours et les charrois. C'est lui qui "touchera" à la foire les animaux5. Ces paysans, exploitants "maîtres" des fermes, y rencontrent d'autres "maîtres", propriétaires "bourgeois" ceux-là, mais rarement leurs maîtres quand ceux-ci sont nobles. Le foirail n'est pas pour un noble lieu de fréquentation. Il faudrait être un bien pauvre "nobliet" pour se mêler de commerce et d'argent, activité dérogeante. Les nobles sont représentés par leurs régisseurs, voire leurs fermiers généraux, et les plus modestes par un homme de confiance paysan. Il n'y a pas ici, comme en Bretagne du Nord, de plèbe nobiliaire. La présence de nobles est attestée néanmoins sur les foires aux chevaux de selle très spécialisées (la Garnache, Saint-Gervais). En principe, il n'y est pas question d'activité lucrative...

Nous rencontrons donc sur la foire les paysans chefs d'exploitation (laboureurs, métayers, principaux bordiers ou closiers, tous ceux qui disposent d'au moins un train de labourage), les régisseurs des domaines nobles, les fermiers (généraux ou partiels) de domaines et seigneuries, les bourgeois locaux, propriétaires de métairies et de cheptels, souvent membres de professions dites aujourd'hui libérales. Parmi eux, il n'est pas exceptionnel de rencontrer un prêtre, par exemple un curé de paroisse originaire et membre de cette bourgeoisie rurale ; enfin on y rencontre aussi les marchands de bestiaux, plus ou moins spécialisés, qui habitent le voisinage (un Mathurin Dixneuf à Tiffauges par exemple), ou sont étrangers au pays.

Il n'y a pas que les nobles qui soient exclus, mais aussi le paysan parcellaire, le journalier ou l'artisan qui ne vendent pas sur la foire les produits d'un élevage trop médiocre pour autoriser le déplacement. Toutefois les travaux subalternes de surveillance et de pansage des bêtes exigent parfois la présence de domestiques et d'hommes de journée.

L'artisan, qui habite principalement le bourg, lieu de rassemblement, n'est pas toujours étranger à l'événement. Le maréchal-ferrant, le bourrelier, le charron, l'affranchisseur offrent leurs services sur le champ de foire. La paysannerie représente la majorité de leur clientèle, et ce sont des fréquentations régulières aux foires qui rapprochent ouvriers — c'est-à-dire gens de métiers — et paysans.

Bossis foires 18e_fig2_MenV-800

Fig. 2 : Créanciers du marchand en bestiaux, M. Dixneuf,
habitant Tiffauges en Poitou, le 20 août 1779.


Tout calcul fait, la foire aux bestiaux rassemble donc la couche supérieure de la paysannerie, propriétaire ou locataire de ses animaux de trait et de boucherie principalement. Si on lui adjoint la fraction la plus à l'aise des paysans moyens (bordagers et closiers), il s'agit là d'une majorité paysanne.
En face d'elle, très minoritaire, représentant 10 % peut-être de l'ensemble, le groupe des marchands dont l'activité chevauche les aires d'attraction de plusieurs foires (cf. Fig. 2) et celui des fermiers généraux et bourgeois propriétaires de cheptels, moins assidus que les régisseurs. Avec les professionnels du commerce, ces derniers sont les plus fidèles au rassemblement. Ils y traitent les affaires de leur employeur, vendent et achètent pour l'exploitation en faire-valoir direct associée au château, et qu'ils dirigent. Ils surveillent aussi discrètement les laboureurs du domaine présents sur la foire. Qu'ils aient fait des affaires ou non, ils notent leurs frais de déplacement : une journée de foire vaut 1 livre au régisseur avant 1785, 1 livre 10 sols après (exemple choisi sur la côte vendéenne).

Chez les bourgeois et fermiers généraux, on se mêle aussi de contrôle et d'information. On peut apprécier la réussite de tel métayer, les besoins en cheptel de tel autre et manœuvrer en conséquence pour placer sa marchandise. Quoi qu'il en soit, l'écrasante majorité paysanne donne le ton à la foire, même si le poids économique des marchands infléchit quelque peu la loi de l'offre et de la demande.

Rapports particuliers sur la foire

Tous sont vendeurs ou acheteurs selon les besoins de leur entreprise ou de leur exploitation, et selon la conjoncture d'ensemble (l'intense sécheresse de 1785 bouleversa beaucoup de prévisions). Ils obéissent à une même loi économique susceptible d'effacer un temps les rapports sociaux établis à l'extérieur de la foire.

L'acte commercial, est individuel, suppose un choix et engage une responsabilité. Ce n'est pas sans effets du côté paysan, puisque vendre ou acheter exige le maniement de fortes sommes en espèces : plusieurs centaines de livres par paire de bœufs (autant que l'impôt direct annuel d'une grande métairie). Transporter et manier cet argent inquiète le laboureur. Analphabètes pour les deux tiers, les paysans se méfient du "billet" qui permet le crédit à court ou moyen terme s'il s'agit de fortes sommes. L'usage en devient courant cependant chez les bourgeois au XVIIIe siècle.

Il ne faudrait pas croire que le paysan est démuni de moyens financiers ; les paiements que les régisseurs assurent aux métayers le montrent bien. C'est avec leur propre argent que ceux-ci acquièrent sur la foire les animaux indispensables, dont une moitié ou parfois la totalité revient au propriétaire.

L'initiative commerciale du paysan face au vendeur ou à l'acheteur est réelle. Elle lui permet de s'affirmer dans une confrontation où, a priori, les armes paraissent égales. Le paysan exerce à la foire, mieux qu'ailleurs sans doute, ses qualités personnelles. Il sait qu'on le jauge et que son bien est convoité. Sa décision exige un jugement d'expérience : savoir apprécier la marchandise de l'autre ou défendre la sienne propre. Un esprit de discernement aussi : le coup d'œil est tout ; d'où le recours à l'astuce dans la présentation des bêtes. On observera que les pratiques de maquignon d'un côté, les marchandages infinis et retors de l'autre n'excluent pas l'exercice du jugement et de la bonne foi. Elles se présentent souvent comme un voile que les négociations jettent sur des réalités parfaitement appréciées dès l'abord. Mais sans ce rituel la transaction perdrait son intérêt et la foire son attrait spécifique.

Tout accord se réalise d'individu à individu. L'enjeu en est le profit sur la vente ou la réussite de l'achat ; toujours la recherche du gain. Situation d'inquiétude pour le paysan : le succès d'une transaction apparaît longtemps douteux à son esprit méfiant et d'autant plus calculateur qu'il maîtrise mal l'arithmétique. Mais aussi instants de détente et de joie car le marchandage est un jeu, une composition avec le plaisir de "coiffer" l'adversaire ou le concurrent à quelques livres d'écart.

Nous savons que le marché conclu entraîne les parties aux libations euphorisantes. Il est vraisemblable aussi que, par ailleurs, la foire ait été l'occasion de retrouvailles joyeuses et bruyantes, mais nous n'avons pas de renseignements sur les distractions favorites de l'assistance en dehors du passage au cabaret et de quelques allusions aux jeux de quilles et de cartes. L'exemple du marchand de Tiffauges est aussi celui d'un aubergiste, professionnel du commerce en bestiaux, et de ce fait rassembleur d'hommes et échotier. La place tenue par les cabaretiers et perruquiers dans la vie des collectivités rurales mériterait aussi attention, et précisément sur les lieux de foire. Combien d'artisans ont été les confidents de paysans à cette occasion et sont devenus ensuite leurs porte-parole.

Nous ne trouvons aucune trace de conflit sur la foire entre le monde des paysans et celui des marchands, qui font partie d'un même groupe social et culturel. Mais qu'en est-il dans la vie quotidienne, lorsque marchands et bourgeois dominent les intérêts paysans en contrôlant soit la terre et ses charges féodales et seigneuriales, soit le crédit ? C'est là un problème qui exigerait une analyse poussée.

La dimension économique du contact à la foire n'est pas isolée. Toute relation commerciale ne peut être suivie sans un minimum de confiance et d'estime, en somme un langage commun. Cette société temporaire parle une même langue technique, celle des éleveurs et des marchands de bestiaux. Elle lui est indispensable et assure une connivence de groupe. Parler un même langage est source de cohésion et non de division ; il uniformise des attitudes que tend à renforcer un habillement analogue pour tous : la simple et ample blouse adaptée au côtoiement des animaux, et que le XIXe siècle ne paraît pas avoir modifiée.

La curiosité intellectuelle paysanne a probablement été éveillée par un nouveau vocabulaire véhiculé par les marchands et les bourgeois de la foire. Mais il faudrait pouvoir apprécier l'information et la culture du bourgeois rural d'alors. Etaient-elles pénétrées d'idées économiques nouvelles ? Les marchands "étrangers", fournisseurs des marchés de Sceaux et de Poissy, ont-ils laissé des traces d'un savoir propre ?

La foire aux bestiaux fut l'occasion de comparer et d'apprécier, de vulgariser sans doute des produits animaux, mais les comportements d'un empirisme étroit persistèrent et aucun signe décisif de changement n'apparaît en profondeur. La foire fut certainement lieu de protestation contre les entraves à la circulation des animaux : péages, droits de traite (douane), tout particulièrement entre la Bretagne et le Poitou. L'existence de "marches communes" entre les deux provinces entraîna la fraude. Les habitants des Marches faisaient passer en franchise du bétail poitevin en Bretagne, prétextant qu'il avait été élevé chez eux. Les témoignages de ces revendications apparaissent dans les cahiers de doléances de ces pays, qui veulent libérer les échanges et "repousser aux frontières du royaume" toute barrière douanière.

La foire est donc le point de rapprochement de deux grandes catégories socioprofessionnelles aussi distinctes que la ville l'était de la campagne ; d'un côté des marchands et des représentants de la noblesse et de la bourgeoisie propriétaires : des bourgeois au sens juridique du terme ; de l'autre une masse paysanne sensibilisée à la hausse des prix du bétail, des baux et des terres d'élevage (à la fin du XVIIIe siècle le prix des pâtures s'élève plus vite que celui des terres labourables).

Ce rapprochement des classes rurales qui favorisait une meilleure connaissance d'autrui, a-t-il été impuissant à freiner les antagonismes ? Toujours est-il que si des marchands et des fermiers généraux ont été pris et traînés en otages en tête des bandes insurgées, il ne faut pas s'en tenir à des formes de conduite unilatérales chez le paysan au cours de la Révolution. C'est à l'emplacement des foires, comme celle de l'Oie par exemple, rendez-vous de l'armée vendéenne du Centre, que ces mêmes paysans se rassembleront aussi en camps militaires. Et comment rendre compte des marches et contre-marches des hommes de Charette dans le marais et le bas-bocage, sans évoquer les habitudes et les contacts entretenus par la fréquentation des foires si importantes en ce pays ?

Philippe Bossis, Études rurales, année 1980, n° 78-80, p. 143-150.


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1 Toute grande ferme de l'Ouest s'appelle métairie, quel que soit son mode d'exploitation, fermage ou métayage. Par contre, on notera qu'à cette époque et dans cet article, le terme de "fermier" est à prendre dans le sens de "personne tenant à ferme un droit".
2 Cf. Louis Merle, La métairie et révolution agraire de la Gâtine poitevine de la fin du Moyen Age à la Révolution. Paris, SEVPEN, 1958, 254 p.
3 Cf. Ph. Bossis, "Le milieu paysan aux confins de l'Anjou, du Poitou et de la Bretagne (1771-1789)", Études rurales, juil.-sept. 1972, 47 : 122-147.
4 Cf. L. Merle, op. cit.
5 "Toucher", au sens de mener avec l'aide de cordes et surtout de l'aiguillon quand il s'agit de conduire une paire de bœufs.

 


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