la Copechagnière de mai 1940 à août 1944
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P a g e e n C o n s t r u c t i o n
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Le 1er Septembre 1939, la Mobilisation est décrétée et la guerre déclarée à l'ALLEMAGNE.
Les hommes quittent leur foyer, leur femme, leurs enfants et leurs familles, pour rejoindre le régiment où ils sont affectés. De là, après une préparation sommaire, ils iront rejoindre le front, soit en première ligne, soit dans les unités de couverture. C'est la désolation au sein de la Commune rurale. Les femmes resteront à l'exploitation agricole et poursuivront la tâche de leur mari. Dans cette Commune, essentiellement rurale comme la COPECHAGNIÈRE, bien peu de foyers ne seront pas touchés.
Les mois passeront, les hommes mobilisés attendront les événements, les uns dans leur caserne, les autres dans leur cantonnement, en contact permanent avec les populations frontalières ! ! ! Mais, rien de marquant n'aura lieu ; cette immobilité atteignait le moral des troupes et cela dura plus de 8 mois. Calme apparent qui permet d'accorder des permissions agricoles aux pères de familles dont les femmes sont restées à l'exploitation avec les enfants en bas âge...
Brusquement, le 10 Mai 1940, l'offensive allemande se déclenche. Les divisions blindées allemandes, précédées par des vagues d'avions de bombardement, se ruent et pénètrent en Belgique, traversent le pays de notre allié de toujours, attaquant nos lignes de fortification ou les contournant. Cette brusque offensive crée la panique, bien compréhensive, dans nos populations civiles et dans quelques-unes de nos unités. Les colonnes blindées poursuivent leur avance et resserrent, dans un vaste anneau allant depuis SEDAN et contournant les départements des ARDENNES, de l'AISNE, de la SOMME, du NORD, du PAS-DE-CALAIS, afin de rejoindre la mer, renfermant dans cette poche, des centaines de milliers de Prisonniers, d'Armement, etc.
Les civils fuient l'invasion; des soldats se mêlent aux civils et l'on voit de longues files de femmes, d'hommes, d'enfants juchés dans des tombereaux, traînés par un ou plusieurs chevaux ou traînant des charrettes à bras. L'aviation allemande mitraille et les avions laissent tomber des bombes incendiaires sur ces longues et malheureuses colonnes. Sur les routes, les gendarmes, les gardes mobiles doivent à tout prix dégager les routes et à l'aide de pelles, rejettent dans les fossés, des corps et des membres calcinés. Le spectacle est "dantesque". Il faut, à tout prix, que les colonnes de civils dans un sens, les colonnes militaires dans l'autre sens, passent afin d'éviter d'être massacrés en restant sur place ! ! !
Ce préambule a pour but de situer, mieux que toute autre explication, la situation dans laquelle se trouvaient nos Communes de l'Ouest, du Centre et du Midi. - Elles avaient à organiser, pour recevoir ces pauvres populations, logis et pièces d'accueil.
On pourra mieux comprendre aussi la situation et l'état d'esprit de ces réfugiés, 160 au départ de VALENCIENNES qui, après avoir parcouru plus de 800 kilomètres, après avoir abandonné maison, mobilier et tous leurs biens, représentant les économies de toute une vie pour certains, après avoir frôlé la mort, après avoir passé leurs nuits dans des abris ou dans des caves, éprouvaient un immense soulagement en approchant du but de leur étrange voyage.
C'est le 20 Mai 1940, à 11 heures du matin, que se situe pour la Commune de la COPECHAGNIERE, l'arrivée de la Société MATESMA avec la majorité de son personnel, de leurs familles, 23 véhicules : voitures tourisme, camions, ambulances et camions citernes, apportant avec elle plus de 80.000 litres de carburant et de gas-oil.
Reçus par la population, dans des conditions exceptionnelles de bonté et de chaleur, cet accueil suffit à créer un contact humain de confiance amicale qui ne devait jamais se départir. La dette de reconnaissance était créée et pendant cinq années, cette dette ne devait jamais trouver de faille. Ceux qui ont vécu ces années, sont là encore pour en témoigner.
Accueillies par le Maire, M. Martial CAILLAUD, visitées par M. le Curé LEVRON, toutes ces familles devaient ressentir la douceur de cet accueil. Et pourtant, le danger éloigné, la tranquillité retrouvée, n'était-ce pas le moment où tous pensaient à ce qu'ils avaient laissé derrière eux, à tout ce qu'ils avaient perdu ! ! !
Ces Français de deux régions différentes qui, la veille ne se connaissaient pas, se sentaient reçus non par pitié, mais avec affection, ce qui avait tout de suite créé ce climat de confiance, pouvant s'épancher librement, conter leurs peines, leurs souffrances, leurs épreuves encore si proches !
S'ils avaient retrouvé la douceur de vine, ils restaient inquiets de leur avenir, ayant laissé derrière eux, souvent, ce qui représentait les économies d'une vie entière et tout leur avoir et (fui sait, leur gagne-pain !
Deux événements exceptionnels devaient marquer cette année 1940 et décider de l'avenir de la COPECHAGNIÈRE.
Le premier événement fut l'arrivée de la Société MATESMA et de son personnel, augmentant la population de plus d'un tiers.
Le deuxième événement fut l'occupation allemande de toute la zone côtière, appelée la zone occupée ; crainte de ces Allemands que l'on connaissait bien pour les avoir combattus en 1914-1918, avoir vu les atrocités dont ils s'étaient rendus coupables à cette époque, en Belgique, dans le Nord de la France, en Alsace...
Le hasard nous ayant réuni, nous nous devions M. Martial CAILLAUD, Maire et moi-même, Responsable de la Société MATESMA, d'unir nos efforts vers un .seul et unique but : préserver et aider les habitants de la COPECHAGNIÈRE, anciens et nouveaux, à passer ensemble le temps et les heures sombres qui ne devaient pas manquer de nous assaillir.
C'est ainsi qu'est née la collaboration étroite de deux êtres qui, pendant vingt-six années, n'ont eu qu'un but : le bien de la population de la COPECHAGNIÈRE et de ses habitants d'adoption.
M. Martial CAILLAUD, Maire en fonction, devait, dès le 19 Mai 1940, examiner la situation de sa Commune, en raison de l'apport complémentaire de cette population.
Il me proposa de me faite faire la connaissance de sa Commune, me demanda, avec sa simplicité habituelle, de lui apporter mon concours et celui de mon Personnel, chaque fois qu'il en sentirait le besoin. J'acceptai de grand cœur et nous décidâmes de solutionner ensemble les problèmes particuliers qui pourraient venir se poser, l'obligeant à les soumettre à son Conseil pour les faire approuver.
Cette collaboration fut rendue facile grâce aux contacts étroits maintenus entre nous, pendant ces cinq premières années, grâce à la connaissance du Maire, des membres formant sa Communauté et aux très nombreux contacts qu'il avait toujours entretenus dans de nombreuses parties de la Vendée.
Très vite, nos rapports devinrent amicaux et l'avenir démontrera que cette collaboration loyale porta rapidement ses fruits, face aux événements que nous devions vivre dans les semaines qui suivirent notre arrivée du 20 Mai 1940. Et c'est ainsi que, de sa bouche, j'appris à connaître la Commune de la COPECHAGNIÈRE. La Commune Rurale de 377 habitants occupait, de par sa population, la 285e place sur les 307 Communes de Vendée. Aujourd'hui, elle occupe la 73e place.
Son Conseil Municipal était composé de 10 Membres :
- Maire : M. Martial CAILLAUD (élu en 1935).
- Adjoint : M. Georges CHOUIN, (élu en 1935).
- Conseillers : MM. GIRARD Henri Père, POTIER Alphonse, OIRY Léon, GALLOT Clément, BRUNELIÈRE Victor, PÉCHEREAU Maximin, FIÈVRE Eugène, FRAPPlER Clément, tous Exploitants Agricoles et un Minotier.
Secrétaire de Mairie : Théophile BESSON qui assuma ces fonctions bénévolement pendant plus de 35 ans et obtint la Médaille du Mérite Communal le 1er Mai 1949.
Cantonnier Communal : M. Pierre MARTIN.
La Paroisse était confiée à M. l'Abbé LEVRON, saint homme respecté et aimé de tous.
La Directrice de l'Ecole Mixte Libre était la Sœur Marie-Ange.
Cette Commune essentiellement rurale, avait la structure suivante :
36 exploitations agricoles, de dimensions très diverses, et réparties comme suit :
22 avaient leur siège dans l'agglomération. Aucune Commune de Vendée ne possédait un nombre aussi important d'exploitations agricoles dans le bourg, ce qui faisait dire à beaucoup qu'il y avait moins d'habitants dans les maisons que d'animaux dans les étables. Les propriétaires de ces 22 Fermes se nommaient :
1. - AUTNEAU Père. 12. - HILLÉREAU Paul.
2. - GUILBAUD Baptiste. 13. - RABAUD Henri.
3. - BAUDRY Elie. 14. - HERMOUET Henri.
4. - GALLOT Clément. 15. - BERTHAND René.
5. - BROCHARD Henri. 16. - MIGNET Elie.
6. - PROUTIÈRE Jules. 17. - BRUNELIÈRE Victor.
7. - CAILLAUD Martial. 18. - ROUSSEAU Alphonse.
8. - FORGEAU Eugène. 19. - FRAPPIER Clément.
9. - GRATTON Emile. 20. - BATY Raphaël.
10. - PÉCHEREAU Maximin. 21. - BATY Joseph.
11. - FRESNEAU André. 22. - DE TINGUY.
4 au village de la Gendrelière
1. - GIRARD Henri Père. 3. - RORTAIS Georges.
2. - FÉTIVEAU Jean. 4. - MERLET Georges.
2 au village de la Graslière
1. -. CHATELIER Henri 2. - MAUDET Jean
1 au village de Bel-Air
1. - MIGNET Elie, lieu dit "la Barraque".
Autour de ces nombreuses exploitations, vivaient en contact étroit, les Artisans et Commerçants, assurant les approvisionnements et les travaux indispensables ; tous travaillaient et vivaient de la terre.
- Forgerons et Constructeurs de matériel Agricole
M. Martial CAILLAUD attira particulièrement notre attention sur un Artisan qui, en famille, avait déjà dépassé le stade de l'artisanat. Il s'agissait de la Maison AUDUREAU : M. AUDUREAU Père et ses trois Fils, Hyacinthe, Georges, Martial.
En 1940, ces Artisans employaient, en dehors de la main-d'œuvre familiale, 1 ouvrier et 1 apprenti. Les contacts permanents de chaque jour, entre les Agriculteurs et les Artisans, permettaient aux premiers de faire connaître leurs besoins aux seconds et nous pensons que ces contacts ont et représentent encore aujourd'hui, une richesse insoupçonnée pour le bien de la Commune.
M. AUDUREAU Père avait confié la responsabilité de son affaire à son fils aîné Hyacinthe, né le 31 Décembre 1892. Il avait raison, car dès 1926, AUDUREAU Hyacinthe comprit très vite qu'il fallait porter tous ses efforts vers la construction de matériel agricole.
Et, dès cette époque, il lança son pulvérisateur "Le Grala" pour détruire à l'acide les mauvaises herbes dans le blé. Il n'hésita pas à adapter une pompe "Redjaker" avec aspiration par le vide et à utiliser des tonneaux en bois. Ces tonneaux devaient supporter des pressions élevées et combien n'a-t-il pas eu à surmonter de difficultés pour les adapter ! Il réussit, par un travail acharné, à mettre au point son "Grala" qui lui fut commandé et vendu par de gros négociants en matériel agricole. Il était dans la bonne voie et devait poursuivre son effort dans ce sens.
En 1935, le "Pulverocept" devait apporter aux Propriétaires Vignerons, de gros avantages car il dépassait, en qualité et en conception deux des marques de Maisons importantes. La Maison AUDUREAU étendait déjà son action et sa clientèle : CORNUT aux HERBIERS, DURVILLE à CLISSON, et plus tard ne devait pas se contenter de la France et attaqua à l'étranger.
En 1940, c'était les semoirs qui rentraient dans ses fabrications. Les Foires du Département commencent à connaître son matériel. La garantie dont il accompagnait là vente de celui-ci, l'obligea à repenser son travail, à des, remises au point, mais grâce à sa ténacité, sa volonté et son intelligence lui permettaient d'aboutir, malgré des essais de début infructueux. Il n'hésitait pas à se rendre chez son client, devenu très vite, pour lui, un ami.
Si le Maire, M. CAILLAUD, s'était étendu en 1940 sur les progrès que devait faire cette Affaire dans l'avenir, nous ne pensions pas, non sans oser l'espérer, qu'elle deviendrait l'une des plus importantes de Vendée.
Son frère Georges, décédé prématurément, était le Comptable de l'Affaire et tenait aussi, bien la plume que le marteau.
Son troisième frère, Martial, mobilisé, commença à l'atelier et se forma techniquement Quelques années après, il ajouta à son acquis, ses qualités de vendeur. Grâce à lui la prospection progresse pour la vente du matériel de leur fabrication, auquel devra venir s'ajouter la concession de Maisons importantes.
Ceux des jeunes qui veulent se former, ont un bel exemple sous les yeux ; exemple vécu par beaucoup qui sont là, encore, pour en témoigner.
Quant aux héritiers d'un tel patrimoine de travail, et qui ont à cœur d'en poursuivre l'expansion, ils peuvent être fiers du passé de ces hommes qui les ont précédés.
M. Martial CAILLAUD m'apprit aussi combien la Paroisse devait à Hyacinthe AUDUREAU qui avait la charge de l'harmonium et suivait, en plus de son travail écrasant, les Mariages, les Enterrements, les Offices, et cela pendant un nombre d'années dépassant de beaucoup les années d'occupation.
Puis venaient ensuite :
- M. GRASSET Alfred, forgeron, avec un apprenti, ayant un café comme activité complémentaire ;
- M. CAILLAUD Martial, négociant en grains et engrais, dépositaire de la C.A.V.A. et exploitant agricole ;
- M. CHATELLIER Henri, tuilerie de la Graslière, employant deux ouvriers ;
- M. BORDET Eugène, entreprise de transport en commun ;
- M. BESSON Théophile, charpentier-charron, avec 1 apprenti ;
- M. RENAUDIN Henri Père, charpentier-charron, secondé par son fils Henri et un apprenti ;
- M. POMARAT Joseph, menuisier-ébéniste, 1 ouvrier et 1 apprenti ;
- M. Georges CHOUIN, minotier, 1 ouvrier ;
- M. MIGNET Elie, minotier et boulanger ;
- M. BAUDRY Emilien, buraliste, café, vins et liqueurs, réparateur de cycles ;
- M. GENDREAU Ferdinand, sabotier ;
- Mlle BOUANCHEAU Marie, épicerie ;
- Mme PIVETEAU, épicerie.
Les Tanneries de la COPECHAGNIÈRE furent florissantes avant 1875, grâce à la forêt de Gralas qui lui offrait l'écorce de plus de 400 hectares de taillis de chêne, auxquels s'ajoutaient les hectares de cette même forêt situés sur les territoires des Communes de CHAUCHÉ, des BROUZILS et de CHAVAGNES. Vers 1800, cette forêt comportait plus de 3.800 hectares et servit de refuge aux troupes du Général Charette. Depuis, plus de 3.000 hectares ont été déboisés et transformés pour la culture.
Le Maire, M. Martial CAILLAUD, me signala que les ressources de la Commune étaient minimes et que cet apport de population n'était pas fait pour améliorer cette situation. Il fallait donc tout tenter pour éviter l'asphyxie et changer son orientation.
PREMIÈRE DIFFICULTÉ
MATESMA avait dans son convoi les enfants de son Personnel actif, 15 enfants qui devaient être présentés au Certificat d'Etudes Primaires à la fin de Juin, début Juillet 1940. De plus, un nombre égal de jeunes ayant 17 à 18 ans, susceptibles d'être mobilisés, complétaient cet effectif.
La petite école mixte, de deux classes, avait déjà un effectif surchargé, rendant impossible l'entrée d'un supplément d'élèves aussi important, surtout en fin d'année, avec le risque de voir les enfants de la Commune en pâtir.
Or, dans les personnes amenées de VALENCIENNES par MATESMA, il se trouvait une institutrice de l'Etat, en fonction dans une Commune près de VALENCIENNES, Mme BODUCHIAN, qui avait accepté, à ma demande, à la halte d'EVREUX, de suivre la Société MATESMA pour s'occuper de ces enfants et les préparer à leur examen.
Le Maire accepta d'ouvrir, pour ces enfants, une école désaffectée et avec l'accord de l'Inspection d'Académie, Mme BODUCHIAN fut titularisée à la COPECHAGNIÈRE et prise en charge par l'Académie de Vendée. Tous les 15 enfants présentés, furent reçus et en septembre, cette institutrice reprit le chemin du Nord, envoyée à un poste important à l'Ecole Normale de LILLE. M. CAILLAUD et moi-même remercièrent cette personne dévouée qui, grâce à ses connaissances, nous avait été d'une aide précieuse.
A peine cette première difficulté résolue, une deuxième devait surgir.
MATESMA était replié officiellement à la COPECHAGNIÈRE, par la Préfecture de Vendée, et ce, pour un délai d'un mois. Il était nécessaire de faire proroger ce délai près du Ministère des Travaux Publics. Les carburants dépendaient de ce Ministère et nous obtenions, à la suite d'un voyage à PARIS, le repli officiel de cette Société à la COPECHAGNIÈRE avec reprise, sur place de son activité. Cette décision fut notifiée officiellement aux Autorités Préfectorales et au Maire.
Après cette décision, de nouvelles dispositions étaient à envisager. Nous savions que l'avance allemande continuait et venait d'atteindre PARIS en quelques semaines. Vers quel point se dirigeraient ensuite ces troupes ?
M. le Maire CAILLAUD et moi-même envisagions l'avenir de cette population inactive, pour une grosse. part, avec quelques inquiétudes.
Il fallait donc songer à l'occuper et c'est là que la "dette de reconnaissance" contractée par MATESMA à la COPECHAGNIÈRE devait jouer à son maximum. Déjà, les rapports avec les habitants étaient devenus amicaux et chacun avait déjà pu se rendre utile.
N'ayant aucune nouvelle des hommes mobilisés, les femmes étant restées à la ferme, acceptaient l'aide des hommes susceptibles de les seconder.
MATESMA avait à réaliser la mise en place de ses installations provisoires, la visite de son matériel, la création de son atelier, de sa menuiserie, etc. Préparer l'utilisation de son Personnel : électriciens, mécaniciens, maçons, cimentiers, etc. la mise en route et la reprise des transports de ses camions citernes, la régularisation sur place des véhicules, du Personnel, des permis de circulation, tout cela occupa les hommes pendant plusieurs mois.
La rapidité avec laquelle tout allait se passer fut ressentie cruellement par la population. Ceux qui avaient échappé une première fois et ceux qui avaient appris par leur bouche, le comportement des troupes allemandes, ne pouvaient pas ne pas créer une certaine anxiété.
Ces troupes poursuivaient leur offensive et descendaient rapidement le long des départements côtiers. Ils ne s'occupaient plus de faire des prisonniers et l'on voyait, sur les routes, des soldats par petits groupes et quelques fois même, isolés, regagnant leur domicile. Tous ceux qui ont pu se sauver ainsi, se cachant souvent le jour et voyageant la nuit, évitant ainsi le camp de CHATEAUBRIANT et l'ALLEMAGNE, nous permirent de juger plus clairement la situation qui devait nous atteindre. Beaucoup rejoignirent leur foyer, mais malheureusement, tous ceux qui avaient été pris dans la poche, au nord de la Somme, ne devaient plus revenir avant les mois de Mai et Juin 1945. Leurs noms ne doivent pas être oubliés et ils sont rappelés ici. Dix-huit devaient rester prisonniers soixante-neuf mois absents de chez eux, de Septembre 1939 à fin Mai 1945, vivant derrière les barbelés, dans des baraques qu'ils quittaient chaque matin pour les travaux forcés. Réfléchissez et pensez à leurs souffrances, à la longueur des journées et des nuits qu'ils ont passées là-bas ! Leurs noms :
- Henri GIRARD Fils, - Joseph GIRARD,
- Baptiste GUILBAUD, - René OIRY,
- Joseph ROUSSEAU, - Albert MENANTEAU,
- Georges GALLOT, - Gérard OIRY,
- Albert PAVAGEAU, - Olivier PAVAGEAU,
- Armand BRUNELIÈRE, - Jean GABORIEAU,
- Léon BAUDRY, - Baptiste CLAIRGEAU,
- Victor BOURCIER, - Armand MAUDET,
- Victor CHAILLOU, - Louis MOINARD.
Ensuite, nous devions voir partir nos requis, travail obligatoire en Allemagne (S.T.O.) : Bernard AUDUREAU, Abel PROUTIÈRE, Marcel BOURGET, André JANIÈRE.
Inutile de vous rappeler les demandes formulées par les troupes d'occupation, sous la forme de circulaires de la Préfecture et du Service du Ravitaillement. Le recensement obligatoire de la Population, du matériel, des véhicules, des armes, des animaux… vous laissera penser le travail accablant d'un Maire et de son Secrétaire ! ! !
Mais à la tête de l'Agriculture de Vendée se trouvait M. des ROCHETTES, Maire des LUCS-sur-Boulogne. Cet homme intègre, connaissant bien sa Vendée, ses titres et talents d'Ingénieur Agronome, lui ont permis de faire passer, en Vendée, ces années d'occupation dans d'assez bonnes conditions, malgré les difficultés et les discussions de tout ordre.
Il prit la tête du Syndicat Agricole et désigna, dans chaque Canton et dans chaque Commune, un Syndic Agricole. Il me demanda d'accepter cette charge délicate ; après en avoir entretenu M. CAILLAUD, je lui donnai mon accord et bénévolement, demandai à M. Gaston DEBERGH, de s'occuper du Secrétariat. Après avoir pris contact avec les Chefs d'Exploitation, MM. Alexis PERROCHEAU, Eugène FORGEAU, Henri BROCHARD, Henri GIRARD Père, et Hyacinthe AUDUREAU, je me rendis compte que le travail serait facile, du fait que nous nous étions bien compris, la discrétion étant alors la première qualité de tous.
Nous devions faire régulièrement (ce que M. DEBEHGH assuma pendant près de 5 années ; qu'il en soit ici remercié) le recensement du cheptel de chaque Exploitation, déclarer la superficie ensemencée et la nature, les quantités de céréales, récoltes, blé, avoine, seigle, le beurre produit en fonction des vaches déclarées.
Le Syndic faisait connaître le montant des impositions de chacun, il délivrait les bons matières aux cultivateurs et aux artisans, les bons d'achat de matériel ménager, d'animaux, etc. etc. Les contacts réguliers avec le Syndic Cantonal, M. de GRANDCOURT, étaient indispensables et celui avec les Administrations et les divers Offices, encore davantage.
Mais, à la fin de l'occupation, nous pouvions être satisfaits du travail réalisé, entre les Exploitants et nous-mêmes, car aucune amende aucun complément d'imposition n'avait été supporté ni par la Commune, ni par la population agricole et artisanale. La tôle des cuves d'acier, ramenées de NOIRMOUTIER par camions, avait bien contribué à compléter les bons matières et permis à nos forgerons de réaliser des socs de charrue et à tous de poursuivre leur activité dans les conditions les moins mauvaises.
Tout ceci ne devait pas nous faire oublier les obligations que nous nous étions donnés comme ligne de conduite.
L'armistice avait été signé entre le Gouvernement de Vichy et les Allemands. Une partie de la France fut séparée en deux zones, l'une occupée, l'autre devait porter le nom de- zone libre.
A force de recherches, tant à PARIS qu'en Vendée, nous apprenions qu'un Commissaire aux Sports avait été désigné par le Gouvernement de Vichy et que les Communes pouvaient s'intéresser aux exercices sportifs. C'était l'occasion toute trouvée pour mettre à profit ce que nous possédions avec la main-d'œuvre MATESMA, ses véhicules, la mise en chantier et la création d'un terrain de sports.
Pour ce faire, il fallait trouver un terrain, faire accepter à l'Administration le projet de construction et obtenir des subventions, La Commune ne disposant pas de fonds, il fallait avec la main-d'œuvre gratuite et le matériel MATESMA, assurer ces travaux.
Un terrain était fort bien placé, de qualité médiocre et appartenant à M. JACOBSEN qui avait, comme fermier, M. Eugène FORGEAU, cultivateur compréhensif et entreprenant. M. CAILLAUD demanda alors au propriétaire un don de cette parcelle pour la Commune, avec accord tacite de son fermier. Le refus formel du propriétaire obligea alors le Conseil Municipal à faire jouer le droit de réquisition du Maire ; nous étions en guerre et ce droit lui appartenait : ce qui permit de prendre possession du terrain immédiatement, sans aucun délai.
Les travaux représentaient un très important terrassement : à l'époque, seulement la pioche, les pelles, les voies decauville avec wagonnet et benne pouvaient être utilisés. Une partie du Personnel MATESMA fut employé aux travaux du terrain, le reste à l'extraction de la pierre offerte gratuitement par M. BROCHARD Henri, l'actuel premier Adjoint. Ce matériau servit au nivellement, au drainage du terrain de basket et à la construction des vestiaires. Les camions de MATESMA assuraient le transport de ce matériau et des terres, malgré la pénurie d'essence.
L'étude du projet de construction établi par les Services des Ponts et Chaussées, prévoyait le terrassement et la construction d'un plateau d'évolution (terrain de foot), une piste de 303 mètres, une de 100 mètres. La construction et les pistes étaient subventionnées. Cela parut insuffisant à la Commune et en plus du projet initial, il fut créé un terrain de basket, un sautoir en longueur, un sautoir en hauteur, un portique bois avec agrès, deux barres parallèles, deux barres fixes, deux vestiaires. Tout cet ensemble permit aux jeunes, chaque année, de présenter leur brevet sportif. Quant à la réquisition du terrain en 1940, l'expropriation fut obtenue en 1944. - Achat du terrain : 8.000 A,F. - Frais d'Expropriation : 1.200 A.F.
La Commune avait pu ainsi utiliser, pendant plusieurs mois, une main-d'œuvre et des transports gratuits, obtenu des matériaux gratuitement, si bien que les subventions permirent de couvrir la location des wagonnets, la construction du portique, l'achat des agrès, la construction de deux vestiaires, scories pour les pistes, sable des sautoirs, poteaux de buts, filets. La Commune ne devait prendre à sa charge que l'achat du terrain, pour la somme prévue dans son budget extraordinaire de 1944.
Nous commencions alors à intéresser les jeunes vers le football et l'athlétisme, en leur fournissant d'autres distractions le dimanche, que la visite des caves. L'Etoile Sportive de LA COPECHAGNIÈRE pouvait alors être constituée, avec des Membres Bienfaiteurs, des Membres Honoraires et des Membres Actifs, officieusement dès 1941, officiellement le 11 Décembre 1942.
Parmi les joueurs qui composeront les premiers éléments actifs, on pourra y relever les noms de GIRARD Léopold, CAILLAUD Martial, de BUOR Henry, de BUOR Guy, JOUSSEAUME Victor, DEFAUX, DANEULEUZI Delio, DANEULEUZI Bruno, HOUILLE, GUINEBAUD, PERROCIIEAU Henri, RABAUD Florent, DUVAL, BAPTISTON, FORGEAU Raymond, SANTONl Mario, JOUSSEAUME Gérard, etc.
Les débuts, sur ce terrain mis à la disposition de l'E.S.C. par la Commune, permirent de constater qu'ils étaient prometteurs et dans les mois qui suivirent, une équipe de Minimes était mise sur pied. Leurs noms : YOU Maurice, de BUOR Hugues, JOUSSEAUME Marcel, ROUSSEAU Henri, ROUSSEAU Alphonse, PERROCHEAU Maurice, AUDUREAU Henri, SANTONI Roger, PAILLOUSSE Alfred, DOUILLER Roger, LANG Charles, etc.
En rappelant quelques-uns des noms de ces Minimes, vous retrouverez encore maintenant des joueurs que vous avez vus et que nous voyons évoluer sur les terrains, soit comme joueur, soit comme dirigeant.
Les travaux du Stade se poursuivent et mène les joueurs apportèrent leur concours à l'assainissement de leur terrain et de leur piste. Les déplacements se faisaient en voiture dans des conditions précaires, CITROEN C 4 et remorques de 800 kg bâchées. Les chemins vicinaux étaient utilisés pour éviter le plus possible les rencontres avec les autorités occupantes.
Ces véhicules tourisme, l'Ambulance, transportaient gratuitement, chaque fois que cela était nécessaire, soit les malades, soit les personnes désirant se rendre au chef-lieu du département. Le vin manquait clans nos cafés. Alors, n'a-t-on pas vu partir de la COPECHAGNIÈRE, un camion MATESMA de 10 T. marque Saurer, chargé de 30 barriques, pour aller les remplir à BORDEAUX et réapprovisionner les caves de GRASSET et de BAUDRY ! Si des risques étaient pris, l'on avait au moins la satisfaction d'aider cette population à supporter ces longues journées d'occupation.
Sous l'impulsion de son Maire et de son Conseil Municipal, la Commune créa un Comité d'Aide pour nos prisonniers. Des séances de cinéma récréatives payantes furent faites au profit de ceux qui, en Allemagne, avaient leurs pensées tournées vers la COPECHAGNIÈRE. A l'emplacement de l'actuelle cantine, un préau fut transformé gratuitement par le Personnel de MATESMA, Ce bâtiment servit de classe pour les tout-petits, en même temps que de salle de représentations. Les fonds recueillis permirent d'envoyer, chaque mois, des colis à nos prisonniers et cela pendant toute leur détention.
Là encore, la Maison AUDUREAU vient en aide à la Commune, en donnant du travail à quelques jeunes réfugiés.
Plus tard, les liens créés entre ces deux populations, devinrent plus étroits. Des mariages eurent lieu : les uns remontèrent dans le Nord, d'autres restèrent en Vendée, mais cela ne se produisit qu'après la Libération.
L'arrivée des Allemands, dans nos campagnes, devait créer, comme vous pouvez le penser, une certaine perturbation. Les marchands ambulants ne passaient plus ; les produits n'étaient plus emportés par eux, vers les villes ; le beurre, les œufs, les poulets, etc. Les marchés fonctionnaient au ralenti. Les couples de poulets se vendaient 15 F sur les marchés et tout suivait. Le ravitaillement imposait, par réquisition, des quantités de divers produits, mais certains étaient pessimistes, et pourtant, pendant ces cinq années, nos cultivateurs surent leur donner tout ce qu'ils pouvaient espérer et même au-delà...
Mais, le Français s'adapte très vite à toutes les situations et l'on vit, chaque matin, et surtout le samedi de chaque semaine, débarquer dans les gares proches "les voyageurs aux valises". Chacun apportait quelque chose, repartait avec du ravitaillement, œufs, beurre, poulets, porc, etc. Ces denrées étaient payées en argent ou troquées contre des coupons d'étoffe, des vêtements, chemises, robes, etc.
La Commune, pendant cinq ans, assura l'entretien de ses quelques chemins vicinaux, grâce au cantonnier Pierre MARTIN, homme travailleur et consciencieux. A cette époque, les cultivateurs coupaient la fournille pour les boulangers et les tuileries, les haies, les têtards, facilitant grandement le travail du cantonnier. Le bois était le seul chauffage possible et les années 1940 à 1945 devaient se passer dans un calme relatif. Mais nous restions toujours sur le qui-vive et nous avions raison.
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