Auguste Ferron de La Ferronnays
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Auguste Ferron de La Ferronnays a vécu ses premières années à "la Bouchère" du Poiré-sur-Vie. De toutes les personnes ayant habité dans cette commune, il est celui qui a eu le rôle le plus important sur le plan national ou international (guerre de Vendée mise à part). Né en 1777 il mourut en 1842, ayant eu neuf enfants : Charles (1805-1843), Pauline (1808-1891), Félicie (1811-?), Albert (1812-1836), Eugénie (1813-1842), Fernand (1814-1866), Augustine (1819-1824), Sachtika (1820-1894), Olga (1822-1843)1. L’émigration puis sa carrière politique et diplomatique le firent voyager à travers toute l’Europe, sans revenir au Poiré où il avait passé son enfance.
Les enfances d’Auguste Ferron de La Ferronnays
Auguste Ferron de La Ferronnays est né le 4 décembre 1777 à Saint-Malo en Bretagne. Il est le fils d’Eugène (1730-1802) et d’Adélaïde Fournier de Bellevue (1755-1795) qui était originaire de Saint-Domingue (Haïti).
Le registre des baptêmes de 1777 de Saint-Malo en Bretagne, consignant
la naissance d’Auguste Ferron de La Ferronnays,
"fils d’Emmanuel Henry Eugène Ferron,
chevalier comte Eugène de la Ferronais,
seigneur des Loges, la Bouchère, la Flotterie et autres lieux".
( Arch. dép. d'Ille et Vilaine, 10 NUM 35288 796)
Peu après sa naissance, il fut amené par ses parents à "la Bouchère" du Poiré, dont le logis et l’amenage venaient d’être acquis en 1776 par la famille La Ferronnays. En 1787, il fut placé dans un pensionnat parisien dont l’activité se vit arrêtée moins de deux ans plus tard par les débuts de la Révolution, ce qui le fit revenir à "la Bouchère".
Le 20 avril 2018, la façade ouest du logis de la Bouchère,
qui fut vendu en 1826 par Auguste Ferron de La Ferronnays.
Cependant l’année suivante son père partit en émigration, l’emmenant avec lui, et laissant son épouse et ses deux filles, Agathe et Antoinette2. Arrivé en Suisse il confia son fils au collège de l’abbaye de Bellelay dont la notoriété était bien établie, afin qu’il y poursuive ses études. C’est ce qu’il fit durant cinq ans, se faisant remarquer par son agilité intellectuelle, et "une mémoire prodigieuse".
Sur les routes hasardeuses de l’émigration
En 1795, Auguste Ferron de La Ferronnays rejoignit son père à Brunswick et s’engagea dans l’armée de Condé, qu’il suivit dans ses déconvenues et dans ses pérégrinations jusque sur le territoire de la Pologne d’avant les partages. Pendant plus de quinze ans, il connut les vicissitudes des émigrés refusant d’abandonner la cause de la famille royale en exil. Il se maria en 1802, prit du service auprès du roi de Suède, effectua de perpétuels va et vient entre ce pays, la Russie, l’Allemagne et l’Angleterre. C’est pendant cette période qu’il devint un des proches du duc de Berry auquel il sera d’une fidélité qui n'excluait pas la critique.
La fin catastrophique de l’aventure napoléonienne lui permit de débarquer à ses côtés le 13 avril 1814 à Cherbourg, où celui-ci fut accueilli par une foule enthousiaste3. Cette même année 1814 Auguste Ferron de La Ferronnays reçut le grade de "maréchal de camp", et en 1828 il recevra celui de "lieutenant général"4.
Un diplomate efficace dans un contexte peu favorable
En 1815, Auguste Ferron de La Ferronnays fit partie en tant que membre héréditaire de la "Chambre des Pairs", tandis que ses liens avec le duc de Berry se distendaient. En 1817, il fut nommé ministre plénipotentiaire de France à Copenhague, et de 1819 à 1827 ministre plénipotentiaire puis ambassadeur de France à Saint-Pétersbourg.
C’est à ce dernier titre qu’il participera aux congrès de Troppau (1820), de Laibach (1821) et de Vérone (1822), qui réunissaient les représentants des vainqueurs de l’empire napoléonien, afin de veiller au maintien de l’ordre en Europe et à leurs intérêts propres. La France, qui y avait été admise, s’efforçait d’y retrouver une place dans le concert des nations. Auguste Ferron de La Ferronnays, grâce à ses qualités intellectuelles, à son entregent et son savoir-faire, à ses bons rapports avec l’empereur de Russie5, y contribua. Ses fonctions l’amenèrent à entretenir une correspondance avec Châteaubriand quand celui-ci fut ministre des Affaires étrangères (1822-1824) ; il est souvent cité dans les Mémoires d'outre-tombe6.
Le comte Auguste Ferron de La Ferronnays (1777-1842),
et la comtesse née Albertine du Bouchet de Sourches (v.1782-1848)
en 1825-1827 à Saint Pétersbourg
( album d’aquarelles et de gouaches de la famille Middlelton
de Caroline du Sud,
musée d’Hillwood, Washington, district de Columbia, Etats-Unis ).
Ses bonnes relations avec les différents courants politiques de la Restauration et sa présence fortuite à Paris début janvier 1828 lui valurent d’être nommé ministre des affaires étrangères lors de la formation du nouveau gouvernement. Il y prépara l’expédition de Morée (1828-1829), qui fit suite à la bataille de Navarin (20 octobre 1827) et préluda à l’indépendance de la Grèce. On lui attribue d’avoir su faire taire les rivalités entre la Russie et l’Angleterre, partenaires de la France dans cette affaire, ce qui permit d’assurer le succès de l’opération, et de faire retrouver à la France une partie de son influence internationale qui avait été ruinée par les guerres de la Révolution et de l’Empire.
Cependant, en avril 1829 son état de santé l’obligea à démissionner. Il se retira à Nice, alors ville piémontaise, dont le climat était réputé favorable à la guérison de bien des maladies. En février 1830, il fut nommé ambassadeur à Rome, capitale des États pontificaux.
La famille d'Auguste Ferron de La Ferronnais7 durant l’hiver 1829-1830,
en promenade dans les environs du monastère de Cimiez,
près de Nice dont on aperçoit le site du château en arrière-plan à gauche.
( peinture sur toile, 68 x 94,5 cm, de Jean Fournier de Bellevue )
Les choix de la fidélité et de l’exil
Cependant, Auguste Ferron de La Ferronnays démissionna cinq mois plus tard : il était hors de question qu’il pût prêter serment à Louis-Philippe devenu roi grâce à la révolution de juillet à Paris.
Il s’exila à Naples, et lui et les siens resteront toujours très proches de la famille royale déchue. En 1832 il s’offrit vainement comme otage contre la libération de la duchesse de Berry, emprisonnée après l’échec de sa tentative de restauration. Il mourut à Rome le 17 janvier 1842.
Auguste Ferron de La Ferronnays ayant laissé de son passage au gouvernement la meilleure impression, certains, refaisant l’histoire, ont vu en lui celui qui aurait pu et su préserver le régime de Charles X des maladresses politiques qui le conduisirent à sa chute8.
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Notes, sources et références
1 Les prénoms des enfants d’Auguste Ferron de La Ferronnays sont les prénoms usuels, tels qu’ils étaient utilisés dans la vie familiale (cf. ci-dessous, les Mémoires de son épouse Albertine, et de sa belle-fille Guillemine). Ses deux dernières filles tiennent leurs prénoms usuels de Sachinka et d’Olga, du fait qu’elles sont l’une et l’autres nées à Saint-Pétersbourg, au temps où leur père y était ambassadeur.
2 Quand, à la fin de l’été 1793, les troupes républicaines envahirent le pays y répandant la terreur révolutionnaire, Adélaïde La Ferronnays se réfugia à Nantes avec ses deux filles pour échapper à leurs exactions. Mais elles y furent dénoncées, et si ses deux filles eurent la chance d’être récupérées par des voisins qui, pour les sauver, les enfermèrent durant onze mois dans leur cave, Adélaïde fut jetée en prison. Elle n’en sortit que treize mois plus tard mais dans un état de déchéance physique tel, qu’elle mourut fin1795, âgée de quarante ans.
3 Cette ambiance est décrite par Jean-Gabriel Peltier dans sa Relation du voyage de son Altesse royale Mgr le Duc de Berry depuis son débarquement à Cherbourg, jusqu'à son entrée à Paris, p. 4 à 10, qui sont un extrait de L'Ambigu ou Variétés littéraires, et politiques (cf. vol. 45 (portant sur la période allant d’avril à juin 1814). Cet état d’esprit n’est pas pour surprendre au bout de 22 ans de guerres révolutionnaires et bonapartistes sans fin ; il a aussi pu donner lieu à des chansons d’opposition telle que celle du Conscrit de l’An 1810.
4 Au XXIe siècle, ces grades correspondraient plus ou moins, pour "maréchal de camp" à celui de général de brigade, et pour "lieutenant général" à celui de général de division.
5 En décembre 1825, alors que le tsar Alexandre 1er venait de mourir et que l’agitation décabriste menaçait le pouvoir en Russie, Auguste Ferron de La Ferronnays eut un rôle déterminant auprès du futur Nicolas 1er pour que celui-ci se décide à accepter la succession de son frère. Le nouveau tsar lui en garda une profonde et généreuse reconnaissance.
6 Leur commune origine malouine aurait, dit-il, joué pour expliquer les bonnes relations que Châteaubriand eut avec "son noble ami", un titre rare sous sa plume. Ces relations furent cependant avant tout professionnelles, par exemple à la page 499 du tome VI de l’édition Garnier de 1849, des Mémoires d’outre-tombe, où dans sa lettre du 14 mai 1824, il aborde le fait que le gouvernement tsariste peut lire toute la correspondance diplomatique de la France, les services de renseignement russes s’étant procurés à Paris les codes du chiffrage français… (voir aussi : t.1, p. 46 ; t.4, p. 277, 297-301, 357, 497, 500-501 ; t.5, p. 63, 65, 68, 107-118, 161, 231, 246 ; t.6, p. 301, 331, 499-520, 527-533).
7 On reconnaitra sur le tableau :
Au… Auguste Ferron de La Ferronnays (1777-1842) ;
Pa… Pauline (1808-1891), sa fille et future romancière à succès ;
Em… Emma de Lagrange (1810-1876), épouse de… ;
Ch… Charles (1805-1863), son fils ainé ;
Je… Jean Fournier de Bellevue (1776-1858), un cousin germain maternel et auteur du tableau ;
El… Elisabeth Fournier de Bellevue (1800-1883), fille de ce dernier.
En 2011 ce tableau, qui avait été conservé dans la famille, a été mis aux enchères à Drouot et adjugé pour la somme de 5000 euros.
8 Dans La Restauration, ouvrage faisant toujours autorité pour ce qui concerne cette période, l’historien Guillaume Bertier de Sauvigny porte (p. 409-410) sur Auguste Ferron de La Ferronnays le jugement suivant :
"Le nouveau titulaire des Affaires étrangères, le comte de La Ferronnays, était un diplomate de carrière, sans appartenance bien définie, ayant vécu à Saint-Pétersbourg depuis 1819 ; la générosité chevaleresque de son caractère, l’amitié intime qui l’avait lié jadis au duc de Berry, devaient lui assurer la confiance du roi, et la possibilité de donner une direction nouvelle et heureuse à la politique extérieure. Si sa santé ne l’avait trahi, au début de 1829, il aurait sans doute accompli la prédiction de Richelieu qui avait vu en lui un futur chef de gouvernement. Et peut-être alors aurait-il pu faire admettre au roi comme aux différentes factions du parti royaliste sa politique de conciliation entre le principe monarchique et les aspirations libérales modérées."
Outre les références citées dans le texte lui-même ou dans les notes ci-dessus, les autres sources principalement utilisées pour la réalisation de cette notice sur Auguste Ferron de La Ferronnays ont été...
- Boutin (Hippolyte), Chronique paroissiale du Poiré, 1901, p. 132-141 ;
- Dictionnaire des parlementaires français depuis le 1er mai 1789 jusqu'au 1er mai 1889, tome 2, 1891, p. 632 ;
- La Ferronnays (Albertine), Mémoires de la Csse de La Ferronnays, 1791-1816, 430 p. (1782-1848, son épouse) ;
- La Ferronnays (Guillemine), Mémoires de Mme de La Ferronnays, 1899, 338 p. (1820-1906, une de ses belles-filles) ;
- Costa de Beauregard (Charles-Albert), En émigration : souvenirs tirés des papiers du Cte A. de La Ferronnays (1777-1813), 1901, 436 p. ;
- Tocqueville (Hervé Clérel de), Mémoires, 2019, 511 p, (1772-1856, père d'Alexis) ;
- Bertier de Sauvigny (Guillaume), La Restauration, 1955, 652 p. ;
- Démier (Francis) : La France de la Restauration, l’impossible retour du passé 1814-1830, 2012, 1180 p.
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