Bégo († 843 ou 844)
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C’est à la fin de l’année 843 ou 844 que Bégo (dit aussi Bégon) est mort, à la limite de la Vendée et de la Loire-Atlantique actuelles. Ce qu’on sait se limite à ce qu’en rapporte la Chronique de Nantes, qui porte sur les années 570 à 1049, et qui a dû être rédigée peu après 1050. Les écrits postérieurs évoquant cet événement se basent tous sur elle, et si le texte original a été perdu, il a été reconstitué en 1896, par l’archiviste paléographe René Merlet1, reprenant la Compillation des Cronicques et ystores des Bretons, partie en III livretz rédigée en 1480 par Pierre Le Baud (1458-1505), à partir de diverses sources qui ont depuis disparu2.
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Bego dans "la Chronique de Nantes"
En 843 Charles le chauve, petit-fils de Charlemagne prit possession de territoires qui plus tard allaient former la France. Il voulut alors contrer Nominoë (v.800-851), roi de Bretagne, qui s’efforçait de faire reconnaître l’indépendance de celle-ci, telle qu’elle était à l’origine, au début du Ve siècle, aux temps du semi-légendaire Conan Mériadec. C’est pour cela qu’il nomma Bego "duc d’Aquitaine", un titre et une charge alors avant tout militaire, afin qu’il aille mettre fin à ces velléités. Un événement que rapporte la Chronique de Nantes....
Le passage de la reconstitution par René Merlet de la Chronique de Nantes,
rapportant ce que furent à la fin de l’année 843 (ou 844), la vie et la mort de Bego.
Charles le Chauve avait d’abord envoyé le comte de Poitiers, Renaud, (Rainaldus, † 843), pour ce faire, mais celui-ci fut battu et tué à la bataille de Messac par un allié de Nominoë, Lambert. Après quoi ce dernier prit le comté de Nantes et attribua le pays d’Herbauges à son neveu Geoffroy (Gunfroy), le pays des Mauges à Rénier, et le pays de Tiffauges à Girard.
Charles le Chauve nomma alors à la tête de l’Aquitaine un nouveau duc, Bégo (ou Bégon). Celui-ci se dirigea vers Nantes et fit construire, à proximité de la Loire, un château-fort auquel il donna son nom, mais il ne put affronter ses adversaires qui, avaient été prévenus et s’étaient dérobés. Cependant, alors qu’il prenait le chemin du retour, Bégo fut rattrapé par ceux-ci qui s’étaient rassemblés. Son arrière-garde fut mise en déroute alors qu’elle passait les "gués du Bléson" (ou Blaison), et lui-même fut tué dans cette fuite, et inhumé à Durinum, "une ville [du pays] de Tiffauges". Geoffroy s’empara alors du château de Bégo, mais peu après il en fut chassé par une expédition de Normands venus piller les rives de la Loire et leurs villes.
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Où Bégo est passé, et où il a trépassé
Malgré le peu de détails du récit, les relevés sur le terrain et l’examen attentif du texte permettent de localiser les lieux évoqués et de préciser le contexte local à l’époque. Ainsi, avec une certaine incertitude, le lieu où Bégo fut tué, c’est-à-dire les "gués du Bléson".
Une première hypothèse les situerait naturellement le long de l’ancienne voie romaine qui joignait Saintes (Mediolanum Santonum) à Rezé (Ratiatum), dont le tracé à été visible dans le paysage jusque dans la seconde moitié du XXe siècle. A l’endroit où elle traversait le Blaison, près de "la Guérinière" de Vieillevigne, se trouve une "planche" faite de longues pierres plates et appelée "pont gallo-romain" par les érudits locaux du XIXe siècle..
Une seconde hypothèse, les situerait dans le bas de "la Guittonnière" de Vieillevigne, face à "la Petite Roulière" de Saint-Hilaire-de-Loulay, endroit où il existe aussi une "planche" du même type, que les mêmes érudits ont en leur temps qualifié de "pont gaulois".
Le caractère exigu de l’un et de l’autre de ces lieux laisse à penser que la "multitude de chevaliers" évoquée par la Chronique de Nantes était toute relative et que les armées de cette époque, particulièrement ici, devaient être constituées d’effectifs assez limités.
Sur la limite entre Vieillevigne et Saint-Hilaire-de-Loulay, en janvier 2016,
les deux lieux ayant pu voir la fin de Bégo, "duc d’Aquitaine" :
- à gauche, en bas de "la Guittonnière" avec la planche dite "pont gaulois",
- à droite, en bas de "la Guérinière" sur le tracé de l’ancienne voie romaine de Saintes à Rezé.
Quant au "château de Bégo", édifié près de Nantes et de la Loire, il a laissé son nom à la commune de "Bouguenais" et à son écart de "Château-Bougon", tandis que "Durenum" (ou "Durivum", ou "Durin") correspond à l’actuel Saint-Georges-de-Montaigu.
Pour les "pays" d’Herbauges, de Tiffauges et des Mauges, il s’agit des "pagi" carolingiens réputés héritiers des circonscriptions administratives de l’empire romain. Cependant leurs limites telles que tracées sur la carte qui suit, présentent un grand degré d’incertitude.
Localisation des "gués du Bléson" sur une carte des "Pays" ("pagi")
à l’époque du traité de Verdun en août 843, avec
- en violet, l’Empire carolingien en cours de démembrement, avec de part et d’autre de la Loire :
au nord le royaume de Neustrie, au sud le royaume d’Aquitaine
(selon Auguste Longnon, Atlas historique de la France depuis César jusqu'à nos jours, 1885).
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Bégo, informateur sur son temps
Bien qu’elle ait été rédigée deux siècles après les faits et qu’elle soit à lire avec le recul qui s’impose, la Chronique de Nantes évoquant la fin sur les bords du Blaison du duc d’Aquitaine, Bégo, renseigne indirectement sur le contexte de l’époque. On y voit que...
- Les expéditions normandes qui, remontant les fleuves telle la Loire ravageaient la région, étaient à l’occasion utilisées comme alliées par les chefs locaux, y sont confirmées.
- La France n’existait pas encore en tant que telle mais que suite au traité de Verdun d’août 843, le petit-fils de Charlemagne, Charles le Chauve était devenu, le chef d’une Francie occidentale, partie ouest de l’empire franc.
- Au sud de la Loire s’étendait le royaume d’Aquitaine tandis qu’au nord se trouvait le royaume de Neustrie, l’un et l’autre éléments de cet empire carolingien lui-même partagé en trois par le traité de Verdun.
- Une expansion bretonne débutait au sud de la Loire, incluant d’une façon fluctuante du milieu de ce IXe siècle à la fin du Xe siècle au "royaume" breton d’alors, les pays d’Herbauges, de Tiffauges et des Mauges. Une expansion qui refluera et se stabilisera vers l’an 1000 autour de "Marches séparantes de Bretagne et du Poitou".
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Notes, sources et références…
(sauf mentions contraires, illustrations et texte sont dus à M. Mignet)
1 René Merlet (1866-1933), sorti en 1891 de l’École nationale des chartes, a aussi fait publier cette même année : Guerres d’indépendance de la Bretagne sous Nominoë et Érispoë, 841-851. Pour la mort de Bégo, duc d’Aquitaine, il donne 843 et non 844.
2 Dans la présentation de sa transcription de la Chronique de Nantes, René Merlet établit les sources lui ayant permit la reconstituer :
Un manuscrit sur parchemin de cette Compillation des Cronicques et ystores des Bretons, partie en III livretz de Pierre Le Baud est conservée à la Bibliothèque nationale de France (Département des Manuscrits. Français 8266), 395 p.
3 Voir entre autres cartes : de Prévoteau (Raoul) l’Atlas cantonal de la Vendée, 1/50 000, 1887 ; et de Tollenare (Charles de), l’Atlas du département de la Loire-Inférieure, 1/40 000, 1851. Voir aussi le cadastre de 1818 de Saint-Hilaire-de-Loulay, section K-2e, et le cadastre de 1822 de Vieillevigne, section F-1.
4 Longnon (Auguste), Atlas historique de la France depuis César jusqu'à nos jours, 1885.
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