Henri-Jean CAILLÉ (1753-1804)
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Henry Jean Caillé est né le 9 juin 1753, au Poiré-sous-la Roche (aujourd'hui le Poiré-sur-Vie), où il est mort le 7 février 18041.
Les Caillé, une dynastie de médecins
Il était un fils de Pierre Caillé (1716-1791) que l’on voit se titre, entre autres dates en 1753 et en 1760, de "noble homme" et de "docteur en médecine de l’université de Montpellier, mestre en chirurgie, médecin ordinaire de son Altesse Monseigneur le Duc d'Orléans, en sa principauté-payrie de la Roche-sur-Yon"… et de Jeanne Hélène Dupuy1. Ils habitaient la maison située en 2024 au n°16 de la place du marché du Poiré, sur la façade de laquelle était gravé : "MATHURIN CAILLE ET FRANÇOISE SAVIN, 1613", et où une grande cheminée à l’étage y portait gravé sur son manteau un blason chargé de trois oiseaux (des cailles !), posés 2 et 1, accompagné des lettres M. C. et F. S. et de la date 16142. Au XVIIIe siècle, les Caillé faisaient partie, des familles nanties du Poiré, possédant des biens au soleil (à "l’Aubretière", "la Thibaudière", "la Raslière", "la Courolière", "la Pitratière", "la Jamonière", sur le Poiré ou ailleurs) qu’ils étoffèrent ensuite3.

En 2024, au n°16 de la place du marché du Poiré,
l’état de la façade de la maison édifiée quelque 410 ans plus tôt par Mathurin Caillé,
de qui descendait Henri-Jean Caillé
et le linteau portant le nom de son père, Pierre Caillé.
A diverses dates, Henry Jean Caillé se voit attribuer de titres à connotations ecclésiastiques, étant dit tantôt "clerc tonsuré" (1777, 1783, 1791) et tantôt "abbé" ou "ex-abbé"1, appellations données aux à ceux qui avaient reçu les ordres mineurs, sans qu’ils continuent forcément vers la prêtrise. Il est parfois confondu avec Augustin Caillé qui lui est apparenté et qui fut curé de la paroisse des Essarts de 1784 à 1791, qui refusa au début de cette dernière année "le serment", et qui se trouva inscrit sur la liste des "prêtres déportables" du 26 août 17924.
Le ralliement d’Henry Jean Caillé aux nouveaux privilégiés
Quand en mars 1793 se produisit l’insurrection populaire, Henry Jean Caillé, comme le juge Joseph Tireau, s’enfuit du Poiré5 et se réfugia aux Sables, ne suivant pas ce faisant la majorité de sa famille qui perdit dans les mois suivants plusieurs de ses membres dans des massacres perpétrés par les troupes républicaines... parmi lesquels "Pierre-Joseph Caillé, chirurgien, âgé de trente-sept ans, au bourg du Luc" qui fut massacré fin février 1794 (n°246 du martyrologe relevé par Charles-Vincent Barbedette).
Trois ans plus tard Henri-Jean Caillé était de nouveau au Poiré, où jusqu’à l'été 1800 il fut omniprésent dans l’administration municipale cantonale. Il y exerça et y tint successivement ou simultanément toutes les fonctions. Durant l’été 1796 il y avait été nommé "Commissaire politique"6 par le Directoire exécutif départemental et payé (600 livres par an, s’ajoutant à ses revenus patrimoniaux et autres) pour surveiller et dénoncer les faits, gestes et façons de penser des habitants, y compris ceux de ses collègues, membres de cette administration municipale. C’est ainsi qu’il y fut particulièrement actif dans les manipulations des élections de 1797 et des années suivantes, dans le but explicitement affiché d'en exclure tous les opposants aux nouveaux hommes en place6. Un but qu’il ne réussit pas à atteindre en mars 1797, quand les 481 votants (sur sur 904 inscrits) élirent massivement d'anciens insurgés, malgré les multiples obstacles qu’il mit pour les empêcher de voter, les faisant vainement se déplacer à quatre reprises pour des journées entières. Il réussit cependant moins de six mois plus tard, à faire invalider les résultats de ce vote, qui étaient non conformes aux attentes du pouvoir du moment. Devant un tel déni de leurs suffrages, ceux qui se déplacèrent pour voter ne furent plus que 16 en mars 1798, puis que 21 à celles de mars 1799 ; soit des taux d’abstention de 98,2 % et de 97,7 %6.
C’est dans ce cadre qu’avec le notaire André-Philippe Danyau (nouveau "Commissaire politique" après septembre 1796), Henri-Jean Caillé fut désigné et rétribué pour être estimateur des Biens nationaux du canton (dont une cinquantaine de métairies sur la commune du Poiré d’alors). Ses estimations montrent des sous-évaluations des surfaces des terres concernées de 40 % en moyenne en comparaison avec les surfaces des mêmes terres mesurées sur le cadastre de 1836 du Poiré7. Ceci alors que le paiement de ces biens se faisait à tempérament et souvent en assignats ou en mandats territoriaux dont la valeur s’effondra, tandis que les loyers de ces métairies étaient payés en nature et non affectés par ces dévaluations ; et que les ventes demandaient de se déplacer au chef-lieu du département situé à Fontenay... On peut être suspicieux face à de si grandes "erreurs", difficilement attribuables à de l’incompétence de la part de ces "experts" qui ne pouvaient professionnellement qu’être familier avec ce genre de travail.

Les signatures des membres de la Municipalité cantonale du Poiré6
en bas des délibérations de sa séance du 4 fructidor an IVe (21 août 1796).
Au centre : "h.j. Caillé pr. le comis.".
Un retour post mortem aux valeurs de sa famille
Après le coup d’état de Bonaparte le 18 brumaire de l’an VIII (9 novembre 1799), Henri-Jean Caillé fut en 1800 nommé (et non élu) par les autorités départementales, adjoint dans la municipalité désormais communale du Poiré6.
Le 19 juillet 1802 (30 messidor de l'an X), il épousa, à l'âge de 49 ans, Marie-Jeanne Cantin, de près de 20 ans sa cadette. En 1797 celle-ci était servante ("fille de confiance") d’Henri-Jean et de ses deux frères Gaspard et Dominique, quand ils habitaient ensemble dans le bourg du Poiré8, et en 1802 elle vivait au village de "la Blélière", au seul service d’Henri-Jean Caillé. Celui-ci ne survécut que quelques mois à son mariage, et c’est là qu’il mourut, le 7 février 1804 (17 pluviôse de l'an XII)1, âgé de 50 ans.
Il laissait une fille, Mélanie Caillé, née le 18 septembre 1802 (1er jour complémentaire de l’An X), deux mois après ce mariage. Le souvenir de celle-ci s’est perpétué dans la mémoire familiale, dont celui des péripéties qui en 1820 précédèrent son mariage. Des péripéties qui montrent qu’au Poiré, à l’exception d’Henri-Jean Caillé lui-même, les membres de sa famille furent à cette époque très majoritairement engagés dans la révolte vendéenne9.

"Le Poiré-sous-la-Roche" et le village de "la Blélière"
où mourut Henry-Jean Caillé en 1804.
(carte de Cassini- 1766/1768)
Maurice MIGNET, le 25 nov. 2024
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Notes, sources et références
1 Les diverses informations généalogiques proviennent des registres paroissiaux et d’état civil, du Poiré, des Essarts et des Lucs. Dans ceux du Poiré on y voit souligné le titre de "médecin" de Pierre Caillé, père d’Henri-Jean Caillé. Une profession qui était une sorte de spécialité familiale, Pierre Caillé étant descendant de "médecins" ou de "chirurgiens", et ayant lui-même un de ses fils, Dominique Caillé (1760-1805) qui était "officier de santé", titre qui sous la Révolution remplaça les deux précédents, sans compter ses demi-frère et neveu des Lucs, ou son gendre Charles Chapot, de "la Chanonie" de Mouilleron.
2 Cf. l’Armorial général, de Charles d'Hozier, la Chronique paroissiale du Poiré, rédigée autour de 1900 par Hippolyte Boutin, et des visites de cette maison dans les années 1950 et antérieures.
3 Voir les matrices du cadastre de 1836 du Poiré (3 P 2039, vue 273-274) où, entre autres, est inventoriée une métairie à "la Blélière" dont Henri-Jean Caillé hérita de son père, où il vivait et où il mourut en 1804.
4 Dans le fait que, bien que n’étant pas ecclésiastique, Henri-Jean Caillé se faisait attribuer les titres de "clerc tonsuré" ou d'"abbé" on peut voir une volonté de sa part de souligner son niveau d’instruction, et le désir fréquent chez certains, tout au moins à cette époque, de se démarquer du commun des mortels. La même attribution de ces "titres" se retrouve avec une autre intentionnalité dans les rapports du 5 germinal an V / 25 mars 1797 et du 7 brumaire an VIII / 29 octobre 1799 (Arch. dép. de la Vendée : L 264) d’André-Philippe Danyau (1762-1813), le "commissaire du Directoire exécutif départemental près la municipalité cantonale du Poiré", qui s’y plaint de "[...] l’abbé Minaud [...] et l’abbé Rousseau, tous de la commune de Beaufou [...]". Les deux étant probablement André Minaud (né en 1767) de "la Millière" de Beaufou, et Jean Rousseau (né en 1774) de "la Vivantière" voisine.
Voir aussi le Livre d’or du Clergé vendéen d’Yves Chaille, 1955 (p. 45) à l’origine de la confusion entre Henri-Jean et Augustin Caillé.
5 Cf. le contenu du "Fonds Caillé" déposé plus tard par la famille Caillé dans les Archives paroissiales du Poiré.
6 La vie de l’administration de la municipalité cantonale du Poiré est connue par les compte rendus de ses délibérations, sa correspondance, les rapports du commissaire politique exerçant la surveillance policière des habitants, par quelques autres documents administratifs (Arch. dép. de la Vendée : cotes L 264, L 1238, L 1239, L 1240 et L 1242).
7 Procès-verbaux d’Estimations des biens nationaux sur la commune du Poiré (Arch. dép. de la Vendée : 1 Q 212). Y voir à titre d’exemple les estimations des métairies des amenages de "Rortheau", "la Bouchère", "Pont-de-Vie"... et leur mesures sur les états de sections du cadastre de 1836 du Poiré.
8 Dénombrement de la population de l’An V pour le Poiré (Arch. dép. de la Vendée : cote L 288, vues 9-10).
9 Pour ce qui concerne le mariage de Mélanie Caillé (1802-1871), la mémoire familiale a été recueillie dans les années 1970 auprès de Marcelle Martineau (1917-1997), une de ses arrière-arrière-petites-filles, et elle est confirmée dans les délibérations municipales du Poiré. Pour ce qui concerne le reste de la famille Caillé, elle a été recueillie à l'occasion d'entretiens avec des descendants de Pierre Caillé (1758-28 février 1794) "chirurgien juré" au bourg des Lucs et cousin germain d’Henri-Jean Caillé. La vie du frère aîné de ce dernier, Gaspard Caillé (1751-1806), de son départ forcé en septembre 1793 à Nantes où il réussit à échapper au tribunal révolutionnaire, à son mariage clandestin le 22 janvier 1798 avec Modeste Gard (sœur du poëlier Jacques Gard qui reçut en 1824 un "fusil de récompense"), confirme ce que rapporte ces traditions familiales.
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