1910 - Gustave Mignen ébauche une nouvelle histoire de Montaigu
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- 1845 : Charles Dugast-Matifeux crée une deuxième histoire de Montaigu
- 1866-1956 : Montaigu, le chemin de fer et l’industrie
- 1870 : le maire Armand Trastour contraint à la démission
• 1884-1890 : début et fin de la revue montacutaine, "Echos du Bocage vendéen"
• 1900 (avril) : mort du Montacutain Georges Villebois-Mareuil
• 1906 (sept.) : voyage officiel à Montaigu du ministre de l’intérieur, Georges Clemenceau
• 1910 : Gustave Mignen ébauche une nouvelle histoire de Montaigu
- 1925-1934 : élection de Joseph Chapelain et fin du règne des Gaillard-Trastour
L'insertion de ces différentes parties ne se fera que progressivement. En cas d’utilisation de ces pages, y compris d’extraits, il va de soi qu'on en citera l’origine, l’auteur, et la date à laquelle elles ont été consultées. Enfin, toute remarque sur ce qu'elles contiennent (ou ne contiennent pas), sera la bienvenue (cf. "Contact").
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- 1910 : Gustave Mignen ébauche une troisième histoire de Montaigu -
C’est à plus d’un titre que Gustave Mignen a été quelqu’un d’important à Montaigu, où il est né en 1848. Son père, Martin (1817-1865), y était depuis 1844 le directeur de l’école-pensionnat de garçons, ceci en un temps où les nombreux monarchistes légitimistes du secteur se félicitaient de la toute récente chute du régime abhorré de Louis-Philippe, tandis que Martin Mignen annonçait à ses amis "la naissance d’un bon petit républicain"1. Cependant quatre ans plus tard, la Seconde République qui venait de naître fut remplacée par le Second Empire de Napoléon III, auquel le maire Armand Trastour, qui se présentait jusqu’alors comme "républicain", s'empressa de se rallier. Quand vingt ans plus tard la IIIe République sera établie, Gustave Mignen fera partie des municipalités républicaines successives de Montaigu, tout en ne semblant pas se faire beaucoup d’illusions sur les incohérences de ses amis élus locaux, qui proclamaient de grands principes mais qui avaient au quotidien des comportements de notables installés.
Après des études au lycée de la Roche-sur-Yon, puis de médecine à Nantes, et une thèse de doctorat en 1873 à Paris (Essai sur les vertiges au point de vue du diagnostic), Gustave Mignen revint à Montaigu en 1875 pour s’y installer comme médecin. En 1881, il fut un de ceux qui seront à l'origine de "l'Union des Syndicats médicaux de France", à une époque où la France vivait encore sur les principes sociaux issus de la Révolution, limitant de façon importante les libertés syndicales.
Ses centres d’intérêt ne s’arrêtaient pas aux questions professionnelles et municipales : très tôt, il se pencha sur l’archéologie et sur l’histoire locales, alors domaines réservés de "l’érudit" et "homme de lettres" montacutain, Charles Dugast-Matifeux (1812-1894). Cela le conduisit en 1882 à rejoindre la Société d’Émulation de la Vendée, dont il deviendra le président en 1909. Il le restera jusqu’à sa mort, en 1921.
En 1900, il avait publié "Paroisses églises et cures de Montaigu ‘Bas-Poitou’", présenté comme un élément d’un travail beaucoup plus vaste : "l’Histoire de la baronnie de Montaigu", un projet qui n’arrivera jamais à son terme. Il publiera néanmoins : "les Religieuses Fontevristes de Notre-Dame de Saint-Sauveur à Montaigu" en 1902, "Chartes de Fondations pour l’Aumônerie-Hôpital de Montaigu" en 1904, "les Maîtresses et Maîtres d’école de Montaigu avant et après 1789", en 1907.
Le Docteur Gustave Mignen vers 1910 :
Ancien Président de l’Union des Syndicats médicaux de France,
Président du Syndicat des Médecins de la Vendée,
Président de la Société d’Émulation de la Vendée.
En 1910, les inondations de février dans la région parisienne entrainèrent un mouvement de solidarité nationale. A Montaigu, cela donna lieu le dimanche 13 mars à une "Fête de Bienfaisance". Le docteur Gustave Mignen y donna une conférence sur "l’Ancien Montaigu", c’est-à-dire sur le Montaigu d’avant la Renaissance.
Ce sera son dernier travail historique. Et après sa mort, le "Fonds Gustave Mignen" fut légué aux Archives départementales de la Vendée, à l’exception de ce qui concernait Montaigu qui en fut soustrait pour être confié aux Archives municipales de la ville. C’est là que se trouvait le manuscrit de cette conférence de 1910, qui, en 2020, n’a jamais été publié.
Voici la transcription du manuscrit de cette conférence. Afin d’en faciliter la lecture, des titres de parties y ont été ajoutés, ainsi que quelques notes de bas de page.
Mesdames, Messieurs.
Montaigu, petite cité qui nous est chère parce qu'elle a été notre berceau, que nous y avons des parents et des amis, ou que temporairement même que nous l'habitons, a joué un rôle important dans l'histoire de notre pays.
Présentation d’ensemble de l’histoire de Montaigu
Les seigneurs qui l'ont successivement possédée mériteraient de fixer notre attention. Ils appartiennent aux familles illustres des Belleville, des Châteaubriant, des Laval, des Clisson, des Belleville-Harpedane, des La Trémoille, des Machecoul, des Juigné, auxquelles il faudrait ajouter la maison de France représentée par les rois Louis XI et Charles VIII.
D'autre part, le sol que chaque jour nous foulons de d'un pas indifférent a été le théâtre d'événements qui nous offriraient une ample matière à de très intéressants développements. J'aurais à vous dire les luttes des Seigneurs de Montaigu pour imposer leur suzeraineté aux seigneurs voisins ; les luttes contre les Bretons envahisseurs, qui amenèrent souvent l'intervention armées des Comtes de Poitou ; les guerres suivies de l'annexion du Poitou au domaine de la Couronne, et les alliances qui le firent passer sous la puissance des rois d'Angleterre ; la funeste et douloureuse époque de la guerre de Cent ans − car durant plus de deux siècles le Poitou demeura sous domination anglaise − les guerres de Religion pendant lesquelles Montaigu, à cause de sa situation de seule place forte entre Nantes et la Rochelle, connut les horreurs de huit sièges ; les guerres de la Vendée militaire ; les insurrections royalistes de 1815 et de 1832 ; mais cela est impossible dans le temps limité dont je dispose. Pourrais-je même vous en faire la fastidieuse énumération ?
Aussi, limitant mon sujet, je vous demanderai de causer devant vous, simplement, sans prétention aucune, pour vous dire dans quel milieu ont vécu nos pères, et, évoquant les quelques ruines qui subsistent encore malgré le vandalisme conscient des hommes, et l'injure inexorable des âges, contribuer à vous les faire connaître et à vous les faire aimer davantage.
Les très limités mérites d’historien de Dugast-Matifeux
Tout d'abord, je vous répéterai – ce que j'ai dit souvent à beaucoup, d'entre vous – qu'il n'existe pas d'histoire écrite de Montaigu. M. Dugast-Matifeux avait bien conçu le projet de se faire l'historien de notre petite ville. Il avait réuni quelques notes, dont malheureusement lui seul pouvait retirer un sérieux profit ; il avait aussi classé des documents importants que son ami, M. Marchegay, avait extraits pour lui du riche chartrier de Thouars, propriété de M. le Prince de la Trémoille. Là s'est bornée son œuvre. Je me suis donné à moi-même la tâche de la continuer, et d'ajouter à mes publications antérieures sur Montaigu un couronnement qui à défaut d'autre mérite, aura au moins celui de n'avoir été inspiré que par le souci constant de la vérité.
Les spéculations sur les origines de Montaigu
La dénomination de Montaigu la plus anciennement connue est Mons Acutus, qu'on a traduit Montacu jusqu'aux XIIe et XIIIe siècles, ensuite Montagu jusqu'à la fin du XVIIe siècle, et depuis Montaigu, Mons Acutus, sont deux mots latins, et l'on est par suite porté à penser que Montaigu a bien pu exister dès l'époque dite Gallo-romaine, alors que Crassus, lieutenant de César, fit la conquête, de la partie de la Gaulle que nous habitons (les armées de César ne paraissent pas avoir dépasser les rives de la Sèvre nantaise, et ne seraient jamais venues ici). Quelques auteurs ont même prétendu que Crassus avait établi, à l'instar de Tiffauges, un poste militaire de Teyphales à Montaigu. Malheureusement, ils n'en ont donné aucune preuve.
Dans un mémoire non signé, légué par M. Dugast-Matifeux à la Bibliothèque de Nantes, il est affirmé que Montaigu fut pris en l'an 384 par Conan Mériadec, chef breton ; mais c'est encore une assertion qui n'est fondée sur aucun texte précis.
De son côté, Bellouard de Jémonville, qui était au XVIIIe siècle le subdélégué de l'intendant du Poitou à Montaigu, a écrit dans un mémoire intéressant que Montaigu fut fondé au VIIIe siècle par un nommé Raymond, personnage sur lequel il ne donne aucune indication ("On a trouvé cela, dit-il, dans un vieux manuscrit").
Nous ne pouvons-nous contenter d'assertions aussi vagues ; cependant nous pensons que Bellouard de Jémonville est bien près de la vérité, du moins en ce qui touche la date de fondation de Montaigu. Nous croyons, en effet, que Montaigu, en temps du moins que localité ayant une dénomination propre, n'a guère dû exister qu'à partir du IXe siècle.
Les traces archéologiques antérieures à l’existence de Montaigu
Si Montaigu n'a acquis sa personnalité qu'à partir du milieu du IXe siècle, il existait, tout près, un point très anciennement habité, et qui, avec l'extension naturelle qu'il a pris dans le cours des ans, est devenu ce que nous appelons aujourd'hui le faubourg Saint-Jacques. Ce lieu, disons-nous était habité dès une haute antiquité.
Quand l'on veut se rendre compte de l'ancienneté d'un lieu, il faut consulter deux sources qui, l'une et l'autre sont sûres :
1- les documents écrits qui nous donnent l'histoire des événements, et nous spécifient les lieux où ils se sont passés − ici les documents écrits font absolument défaut ;
2- le cadastre qui nous indique la dénomination des points habités, cours d'eau, tènements, chemins, lieux-dits, dénomination qui s'est transmise de génération en génération.
Il est donc permis de conclure ici par analogie avec ce qui s'est produit dans maints endroits. Vous savez que les premières églises chrétiennes furent presque toutes, sinon toutes, sur le lieu même d'un temple païen. Pour amener les populations au culte nouveau du Christ, on avait imaginé établir sur la place occupée par les dieux du paganisme, l'église chrétienne, et l'habitude prise de venir en ce lieu rendre le culte à la divinité païenne, aida puissamment à l'adoption de la religion nouvelle. A Saint-Georges-de-Montaigu, l'église du Fort recouvrait un temple païen ; c'est aussi sur un temple païen, que l'on peut visiter, que repose le chœur de la cathédrale de Nantes.
Eh bien ! Il n'est pas téméraire d'affirmer qu'il y avait un temple païen à Saint-Jacques et c'est une preuve de l'antiquité de ce lieu. Lors de l'établissement du christianisme, il fut remplacé par l'église du Christ, et on a dû dire Saint-Jacques-de-Dené, puis Saint-Jacques tout court, et enfin Saint-Jacques-de-Montaigu quand Montaigu eut pris une importance prépondérante.
Une autre preuve de l'antiquité de Saint-Jacques est l'existence, à l'extrémité du coteau qui, à l'ouest de l'hôpital, domine la rivière "la Maine", d'un terrain dénommé "la Pierrière". Ce nom fait présumer – ce qui a souvent été contrôlé – la présence de monuments mégalithiques aujourd'hui et depuis longtemps détruits ; de plus l'orientation du lieu à l'ouest, est une donnée caractéristique.
Si nous ajoutons qu'il a été trouvé et à bien des reprises, et particulièrement à la Crépelière, non seulement des débris de poteries et des poids de tisserands en argile, qui sont incontestablement de l'époque gallo-romaine, mais aussi des haches de pierre polie que l'on nommait autrefois pierres de foudre, haches gauloises, et que l'on est d'accord aujourd'hui pour appeler des Celts, la haute antiquité de Saint-Jacques devient, à nos yeux, indiscutable.
Ces objets (poteries, tuiles à rebords, celts), n'ont jamais été trouvés sur le territoire de Montaigu limité aux douves. Et, en 1863, quand on procède à la démolition de la vieille église Saint-Jean, M. Dugast-Matifeux, qui était sur les lieux à toute heure du jour, n'a jamais constaté dans les fondations mises au jour, la plus petite trace d'éléments anciens.
Un dernier argument démontre que Saint-Jacques est antérieur à Montaigu. Le château de Montaigu a toujours dépendu de la paroisse de Saint-Jacques, bien que château et paroisse soient séparés par une limite naturelle : le ruisseau d'Asson. Si lors de la création du premier château féodal de Montaigu, la paroisse Saint-Jean avait existé, n'est-ce pas d'elle obligatoirement que le château aurait dépendu au spirituel ?
De tout ce qui précède nous avons le droit de conclure que si, dès lors, il y avait un petit noyau d'habitations à Montaigu, il ne faut le considérer que comme une annexe de Saint-Jacques.
La ville gallo-romaine de Durivum, sur le site de Saint-Georges-de-Montaigu
Comment Montaigu arriva-t-il à devenir prépondérant ?
Pour l'expliquer, il nous faut parler d'une localité voisine, l'antique Durinum, aujourd'hui Saint-Georges-de-Montaigu.
A ce propos, permettez-moi d'ouvrir une petite parenthèse :
Vous trouverez souvent Durinum écrit Durivum, parce que a-t-on dit, il doit son nom à deux rivières (duo rivi) entre lesquelles il a été édifié. Mais Durivum est un mot composé d'origine latine, alors que le lieu qu’il désigne existait bien longtemps avant l'invasion romaine. Un philologue des plus savants, M. Carin, originaire des Essarts, a fait dériver Durinum du mot celtique Durin, qui veut dire bec, et représente bien la jonction des deux rivières en ce lieu.
Pour ma part j'ai cherché dans la carte ou plutôt nomenclature géographique de Poctinger, [Peutinger] tous les noms gallo-romains dans la constitution desquels entrent les deux syllabes durin, et j'ai constaté que tous ces noms désignaient des lieux plus ou moins importants, mais tous situés au confluent de deux rivières. Il faut donc écrire Durinum, qui fut latinisé beaucoup plus tard en Durivum.
Durinum est un vieux point celtique, et sans aucun doute ses habitants furent visités par les peuplades barbares qui envahirent la Gaule, comme eux-mêmes ils étaient allés en Italie, s'étaient avancés dans la vallée du Danube et en Macédoine où ils rencontrèrent Alexandre le Grand (335 avant J.C.).
Peut-être du nombre de ceux qui, à l'appel de Vercingétorix, allèrent combattre le conquérant romain.
En tout cas, Durinum était une ville opulente que traversaient deux voies romaines : l'une, celle de Rezé (Ratiate) à Poitiers, passait à la Guérinière où elle traversait le Blaison (Bégo, duc d'Aquitaine, gendre de Louis le Débonnaire, y fut tué, et sepultur est aput Durinum) passait au petit bois de la Bretonnière, à la Bourie où elle pava longtemps les écuries, à l'Orvoire, sur la chaussée du vieux moulin de Saint-Georges au bas de la métairie des Chaussées, traversait Durinum, et par la Limouzinière se continuait vers Poitiers ; l'autre qui croisait la précédente sur la même chaussée du vieux moulin de Saint-Georges venait de Saint-Gilles, se continuait par le ravin que l'on voit à la gauche en descendant de la métairie des Chaussées au pont moderne de Saint-Georges (suivant la voie du tramway), passait au Sud de la Gouraudière sous la croix de Melay avant qu'elle eût été déplacée, près de la Tournelière où elle est bien visible sur plus de 100 mètres de longueur, gagnait le Fief-Sauvin près Beaupreau et aboutissait à Angers.
Ces voies romaines – aucune ne passe à Montaigu – expliquent que Durinum était le lieu d'un grand commerce. C'était le point central de toutes les transactions mercantiles de l'Aquitaine et de la Bretagne, avec Marseille et Narbonne, qui lui envoyaient les plus riches productions de l'Orient, et recevaient de lui le fer et l'étain qui s'y mettaient en œuvre, les toiles qui s'y fabriquaient, et dont le tissu était si serré qu'on le disait impénétrable à l'épée et à la lance. C'était le seul point du Poitou, a-t-on encore affirmé, où par des procédés inconnus ailleurs, on savait teindre les étoffes en couleur rouge. Sans nous porter garant de ces assertions, qui nous semblent un peu exagérées, nous pouvons du moins affirmer que l'industrie du tissage y était très développée et très prospère, comme l'atteste la présence sur le sol à peine remué de nombreux poids de tisserand en terre cuite. M. Morteau, grand-père maternel de M. Dugast-Matifeux y avait recueilli des poids de tisserand en plomb en quantité telle qu'il en envoya plusieurs convois à la fonderie de Nantes.
Les richesse de Durinum furent convoitées par les Armoricains qui, au IVe siècle vinrent le ravager et lui firent perdre de son importance. Néanmoins la population était restée considérable − plus de 10 000 âmes dit la tradition − les voies romaines y donnaient un facile accès, et l'on comprend que Saint-Martin de Vertou ait entrepris d'y importer le christianisme. Il y fonda,, vers l'an 581, deux monastères : l'un d'hommes, sur l'emplacement actuel de l'école des garçons ; l'autre, de femmes, au Grand-Logis, demeure actuelle de la famille Jagueneau.
Durinum connut alors une nouvelle prospérité, et ce devait être sa perte.
Les Normands et les origines de Montaigu
Quand les Normands, en 843, eurent dévasté Nantes, ils s'avancèrent en suivant les rivières jusqu'à Durinum, devenu Saint-Georges, le mirent au pillage, ruinèrent les abbayes déjà florissantes, et incendièrent les habitations. Contre ces terribles envahisseurs, les habitants de Saint-Georges n'eurent que les impénétrables forêts du voisinage pour refuge, puis la tourmente passée, ils vinrent demander asile à leurs voisins les plus proches ; et c'est en absorbant le plus grand nombre des habitants fugitifs, que Montaigu se trouva réellement constitué.
Montaigu ne leur offrait-il pas, en effet, par sa situation topographique, un sérieux abri contre de semblables périls ?
Figurez-vous la rivière "la Maine" venant baigner les masses rocheuses qui forment l'assiette de l'esplanade du château – les eaux les ont baignées jusqu'en l'année 1837, nous l'expliquerons tout à l'heure – l'esplanade du château surplombant de plus de douze mètres le niveau de la rivière, et au Sud et au Sud-Est, le prolongement des mêmes masses rocheuses protégé par le ruisseau "l'Asson". Vous vous représenterez alors la pointe rocheuse, à pic, bien isolée, et vous aurez le Mons acutus, le Mont aigu qui a déterminé la dénomination du lieu.
N'était-ce pas là, pour cette époque, une défense naturelle, telle que vous n'en trouverez aucune autre aussi favorable dans tous les environs ?
Evidemment le côté Nord est de plain-pied avec la campagne, mais que l'on y établisse − ce que l'on fit et savait faire − un fossé et une palissade, et l'on aura créé ce qui était alors une véritable forteresse.
A l'abri de ces fortifications primitives pendant les dangers, les populations de Montaigu et de Saint-Georges, désormais confondues, pouvaient ensuite se livrer en toute sécurité aux travaux de la paix.
Le mouvement de population qui s'était produit détermina la création de nouvelles paroisses. A celle de Saint-Jacques vinrent s'en ajouter trois autres, érigées sous les vocables de Notre-Dame, de Saint-Nicolas et de Saint-Jean, dont je vous dirai quelques mots.
La Paroisse Notre-Dame de Montaigu
La Paroisse Notre-Dame comprenait le territoire qui s'étend d'une part entre la rue de la Communauté, la rue Saint-Lucas, la rue de la Brèche et, d'autre part les douves qui bornent les Olivettes. L'église avait été élevée sur le terrain qui constitue l'enclos de feue Mlle Martineau, et à l'extrémité supérieure de la rue du Vieux Couvent on voit encore dans le mur de l'enclôture des remaniements en maçonnerie qui indiquent où était l'entrée pour les fidèles.
Cette église, ou du moins la dernière construite en ce lieu, existait encore en 1569. A cette date, Charles Rouault du Landreau, chef de l'armée catholique, vint mettre le siège devant Montaigu tombé au pouvoir des protestants. Du Landreau, qui avait d'abord abjuré le catholicisme, devait bien connaître la place, pour y avoir souvent séjourné ; il savait que le côté Est était le plus vulnérable. Aussi ayant établi son artillerie dans un champ de la Caillauderie, qui a gardé depuis le nom d'ouche aux canons, c'est de là qu'il bombarda la partie Est de la ville. Ses boulets eurent vite fait de détruire les fortifications et les maisons élevées de ce côté et aussi l'église de Notre-Dame, et il lui fut relativement facile alors d'entrer dans la place. Ce quartier ne s'est jamais relevé de ses ruines.
La paroisse n'existait plus que de nom, et 15 juin 1626, l'évêque de Luçon, Emery de Bragelone, après en avoir été plusieurs fois sollicité par les fidèles, se décida à réunir ce qui avait été la Paroisse de Notre-Dame à sa voisine la paroisse de Saint-Jean. Cette même année (1626), deux religieuses bénédictines du Couvent de la Régrippière en Vallet, vinrent fonder à Montaigu une communauté de leur ordre, dite Couvent de Notre-Dame de Saint-Sauveur, affiliée le 8 janvier 1643 à l'ordre de Montrevault, et l'église Notre-Dame relevée par leurs soins fut exclusivement affectée à l'usage de la communauté. Les Religieuses Fontevristes occupaient toute la propriété de feue Mlle Martineau. J'ai publié l'histoire de ce Couvent, il y a déjà quelques années. Ceux d'entre vous que cela pourrait intéresser y trouveront des détails curieux sur la vie des religieuses, sur l'éducation et l'instruction qu'elles donnaient aux demoiselles nobles de la contrée, et aussi quelques anecdotes qui vous apprennent avec quelle ardeur elles savaient défendre leurs prérogatives.
La Paroisse Saint-Nicolas de Montaigu
La Paroisse Saint-Nicolas s'étendait sur une partie seulement du faubourg de ce nom. Elle comprenait la vieille seigneurie du Haut-Bois dont le manoir était depuis longtemps ruiné lors de la révolution de 1789. La Gaudine était alors de la Paroisse de Boufféré ; en un mot quelques maisons seulement en dépendaient.
L'église dont il ne reste plus de trace, avait été construite presque à l'entrée du faubourg. Elle occupait l'emplacement compris entre le chemin de la Chabosserie autrement dit du Haut-Bois, et l'ancien chemin de Vieillevigne. Incendié en 1568 par les Protestants, rebâtie puis incendiée en 1793, il n'en restait plus que quelques pans de murs ; la route départementale de Montaigu à la Roche-sur-Yon passe sur le lieu même de cet ancien sanctuaire.
Le cimetière se trouvait à la gauche de l'église, dans le terrain compris entre la maison de M. Audureau et le chemin du Haut-Bois.
La cure située entre la grande route et l'ancien chemin de Vieillevigne, se reconnaît encore. Du petit nombre de celles qui ne furent que peu atteintes par l'incendie, elle avait, jusqu'à ces derniers temps gardée sa physionomie. Sa façade sur la grand’route a été un peu modifiée, mais la porte à linteau de pierre, et jusqu'à ces derniers temps peinte en rouge, qui se voit dans l'ancien chemin de Vieillevigne, la distingue facilement, parce qu'elle est la seule de ce genre, des maisons voisines. Elle fut vendue comme bien national, le 30 octobre 1796.
Il paraît que pendant la Révolution elle servit de maison close. J'y ai vu il y a quelque vingt ans un gros n° 2 peint en noir sur la porte peinte en rouge.
La Paroisse Saint-Jean de Montaigu
La Paroisse de Saint-Jean était, depuis la disparition de la Paroisse Notre-Dame, la seule de la ville, et composait tout l'espace qui s'étend entre les douves intérieures et extérieures. Jamais, nous l'avons dit, le château n'en a dépendu. C'est la seule paroisse maintenant.
L'église de Saint-Jean occupait le même emplacement que l'église actuelle, et beaucoup d'entre vous l'ont connue. Incendiée en 1568, pendant les Guerres de Religion elle fut reconstruite en 1627, et son clocher, plus aigu que le nom de la ville, fut réédifié en 1674. Des inscriptions gravées nous ont fourni ces dates.
La charpente de la nef témoignait du goût artistique de son auteur, Me Douillard ; la voûte lambrissée et à plein cintre, était peinte en couleur bleue et émaillée d'étoiles d'argent (comme celle de Saint-Maurice).
Pendant la période révolutionnaire, l'église de Saint-Jean-Baptiste servit à déposer les foins, les pailles et les grains de réquisition. Sous le Directoire, elle fut, en même temps qu'un magasin de fourrage, une sorte d'entrepôt d'instruments aratoires, d'outils industriels et même d'ustensiles de ménage pillés par les soldats dans les campagnes voisines. Elle ne fut rendue au culte qu'au Concordat de 1801. Mais il n'y avait plus de cloches parce qu'elles avaient toutes fondues pendant la Révolution pour fournir du bronze de canons, et non, comme le dit la tradition, parce qu'elles avaient été jetées dans la rivière.
Lors du passage de Napoléon Ier à Montaigu, le 8 août 1808, le curé M. de Buor, après avoir présenté ses hommages au souverain s'excusa de ne pas avoir fait sonner les cloches en son honneur : "C'est, dit-il, que nous n'en avons pas". L'Empereur promit d'en donner une, mais il fallut rappeler cette promesse bien vite au milieu des graves préoccupations de cette époque. Une partie des 3250 fr. qui furent enfin alloués fut employée à l'achat de la cloche de l'église du Petit-Bourg-des-Herbiers, que la fabrique avait vendue pour se permettre l'acquisition d'un presbytère. C'est ce qui explique que cette cloche, dénommée "Napoléon-Joséphine" porte les noms de parrain et marraine étranger à notre localité. On disait aux Herbiers, que cette cloche ne pouvait sonner parce qu'elle était ensorcelée. Ici elle sonne toujours ; c'est la petite cloche.
La vieille église de Saint-Jean-Baptiste a été remplacée par l'édifice actuel en 1864.
La cure de la paroisse de Saint-Jean-Baptiste était située, assez loin de l'église, sur l'emplacement de la maison habitée par mon beau-frère, M. Métay. Le dernier curé orthodoxe fut Jacques Raillon, professeur de Seconde et de rhétorique au collège de Luçon. Ce fut le plus remarquable des curés de Montaigu. Il fut successivement précepteur des enfants de M. Portalis, en 1802, évêque de Dijon en 1829, et archevêque d'Aix en 1830 ; il mourut en cette dernière ville en 1835.
Son successeur fut Claude Bouche, vicaire assermenté d'Ardelay, que l'assemblée électorale du district de Montaigu choisit le 8 mai 1791, comme curé constitutionnel de Montaigu. Fait prisonnier par les Vendéens le 13 mai 1793, Claude Bouche fut emmené à Challans, où le lieutenant de vaisseau Louis-Henri de la Roche Saint-André le fit mettre en liberté quelques mois après. C'était un acte de générosité dont ne tint malheureusement aucun compte le tribunal révolutionnaire de Nantes qui, le 29 ventôse An II (19 mars 1794) condamnait Louis-Henri de la Roche Saint-André à la peine de mort.
La cure de Montaigu avait été incendiée le 13 mars 1793. C'est M. Molas, parent par alliance de la famille Billard qui a construit la maison qui l'a remplacée et qu'habite aujourd'hui M. Méneu.
Lors du rétablissement du culte, au Concordat de 1801, le curé de Montaigu, Pierre-Charles de Buor, fut logé dans la demeure que le seigneur de Montaigu avait fait construire en 1600 et années suivantes pour y établir d'abord le siège du prétoire de la sénéchaussée seigneuriale, puis à partir de la fin du XVIIe siècle une école pour les garçons, dont l'insurrection du 13 mars 1793 détermina la fermeture. Cette maison que presque tous vous avez connue, dont vous vous rappelez les fenêtres grillées de leur barreaux de fer, et la tourelle du premier étage, a été démolie en 1885, et a fait place à la cure actuelle.
Les premiers seigneurs de Montaigu
En même temps que les progrès du christianisme se manifestaient par la création des institutions religieuses dont je viens de vous parler, la vie civile se développait. Comme partout ailleurs on redoutait le péril de nouvelles invasions, et la population se choisissait un chef pour la diriger.
Quel fut celui sur lequel se porta le premier choix des habitants, ou qui sut par ses qualités guerrières, peut-être par son audace, s'imposer à eux ? L'histoire est muette sur ce point. Toutefois le premier chef ou seigneur dont le nom nous ait été transmis est Gérard Archemale, que nous ne connaissons du reste, que parce qu'il fut le fondateur du prieuré des Brouzils, dont il fit don à l'ordre de Cluny. Cette fondation est de la fin du Xe siècle, ou du commencement du XIe siècle.
Puis vinrent un autre Girard et Maurice-Girard, son fils, qui sont nommés parmi les signataires de la charte de fondation de l'Abbaye de Saint-Vincent de Nieul-sur-l'Autize, en 1076.
Vous vous étonnerez, peut-être que ces divers personnages, aussi bien que quelques autres dont j'aurai à vous parler, ne nous soient connus que par leurs libéralités à des églises ou à des monastères. Cela est facilement explicable. A cette époque, le seigneur était le maître absolu dans tout son domaine, et n'avait pas besoin d'établir par des actes sa volonté toujours respectée ; mais les églises et les monastères prenaient bien soin de faire consigner dans des actes authentiques les dons de ces seigneurs, dont la menace des foudres ecclésiastiques leur en assurait ensuite la perpétuelle observation.
Quant à la terreur inspirée par la fin du monde aux approches de l'an Mil, terreur qui aurait déterminé les donations rédemptrices en faveur des églises et des monastères, c'est là une légende qu'il faudrait faire disparaître des livres d'éducation.
Brient de Commequiers - Maurice de Montaigu - Marguerite de Montaigu
Avec Brient de Commequiers, commence réellement la liste des seigneurs de Montaigu. Il était en même temps seigneur de Commequiers, et c'est sans doute du chef de sa femme, Agathe, qu'il était devenu seigneur de Montaigu. C'est lui qui fonda l'Aumônerie de Montaigu vers 1150.
Maurice deuxième du nom, son fils, lui succéda vers 1172, et c'est lui qui par ses libéralités assura l'existence de l'Aumônerie jusqu'à notre époque. Il existe aux Archives de l'Hôpital, une copie de la charte de fondation qu'il donna à notre Aumônerie, charte dans laquelle il se qualifie légitimement "principal fondateur" puisque ses libéralités ont assuré l'existence d'un établissement qui existe encore. Pour doter cet établissement, il obligea tous ses vassaux à payer chaque année, à l'Aumônerie, un boisseau de seigle rente par chaque couple de bœufs labourant dans toute l'étendue de sa seigneurie : c'est là l'origine des rentes en nature dont quelques-unes ne sont pas encore amorties ; il y ajouta des rentes en argent, dont 10 sols à prendre sur les revenus des moulins du pont Saint-Nicolas (il y avait donc là au moins deux moulins dès cette époque ; plus, la dîme sur les troupeaux, et la propriétés sur des tènements aujourd'hui indéterminables parce qu'ils ont changé de nom ; enfin, et j'omets volontairement d'autres dons, il accordait à l'Aumônerie le droit de prendre dans sa forêt de Gralac tout le chauffage nécessaire, et le droit exclusif de la pêche depuis le Pont-Neuf jusqu'au moulin de l'Aigueau, ce qui était important en ce temps où le jeûne et l'abstinence étaient rigoureusement observés.
Marguerite, fille de Maurice, lui succéda au détriment de ses frères, vers 1200, dans la seigneurie de Montaigu. Mariée vers 1203 à Hugues de Thouars, elle devint dame de la Garnache, en 1215, à la mort de Pierre V, dernier seigneur de ce lieu, et se maria en secondes noces au duc de Bretagne Pierre de Dreux, dit Mauclerc.
Marguerite décéda vers la fin de l'année 1241. Dans une charte du 27 novembre de cette année 1241, elle dit : "Etant à l'article de la mort […] nous avons rendu et restitué au prieur (de l'Aumônerie), aux frères et aux pauvres, la chapelle de Saint-Léonard, avec toutes ses rentes et appartenances, laquelle chapelle avait été établie et fondée par nous, avec leur consentement et volonté, dans le cimetière ou le pourpris2 de la maison". La porte de cette chapelle Saint-Léonard, donnait entrée, naguère encore, dans le vestibule qui précédait la salle des malades dans notre vieil hôpital. Des ouvriers l'ont su démolir pierre par pierre et la reconstituer avec art, nous conservant un beau monument de l'architecture du XIIIe siècle, et perpétuant ainsi le souvenir de la bonne dame Marguerite qui l'avait fait édifier.
Brient et Agathe, sa femme, Maurice et Marguerite, sa fille, sont les véritables fondateurs de notre hôpital, et donner leurs noms aux salles des malades serait un hommage mérité de notre reconnaissance.
Montaigu au XIIe siècle
C'est sans doute du temps de Brient et de Maurice que fut construit le donjon de Montaigu. Il avait été élevé sur l'esplanade du château entre la mairie actuelle et le mur de rempart qui domine la rivière. Il était défendu, au Nord par un large fossé que l'on retrouva lors de la construction de l'école des filles. Le donjon remplaçait dès lors la palissade de bois primitive, offrant aux défenseurs un abri assuré lorsque les vivres y étaient suffisants. Comme toutes les constructions analogues, il n'avait son entrée qu'à la hauteur d'un premier étage : on y pénétrait qu'avec une échelle que l'on retirait après soi.
C'était une demeure peu confortable, dont plus tard on agrandit sans doute les étroites ouvertures pratiquées lors de la construction. Au reste les seigneurs de Montaigu ne l'habitèrent jamais qu'en passant, sauf en temps de guerre.
Le donjon fut complètement rasé après la prise de Montaigu par le duc de Nevers, en 1588. En 1890, M. Dugast-Matifeux fit enlever la mince couche de terre qui recouvre ses fondations et l'on put ainsi reconnaître qu'il affectait la forme d'un carré légèrement irrégulier, d'environ 14 mètres de côté, dont chaque face et chaque angle était flanqué d'une tour plate en sorte de contrefort. C'est d'ailleurs, au reste, le même mode de construction qui caractérise les donjons de cette époque.
L’importance du faubourg de Saint-Jacques
Il existait encore au faubourg de Saint-Jacques, en même temps et même probablement avant la fondation de l'aumônerie, un prieuré, dit prieuré de Saint-Jacques, qui fut supprimé, comme tous les autres établissements religieux de même nature par les lois des 12 juillet et 24 août 1790. L'acte de sa fondation fut détruit lors de l'incendie du département des Archives des Deux-Sèvres, vers 1805 et comme il n'y en avait pas de copie, nous ignorerons toujours quels en furent les fondateurs. Il est permis du moins, de penser que ce furent les seigneurs de Montaigu. La métairie du Prieuré, en la commune de la Guyonnière en dépendait.
Le prieuré fut d'abord un prieuré-cure, dont le prieur de Saint-Georges était le patron, et dont la collation était réservée à l'Abbé de Saint-Jouin-de-Marnes près de Poitiers ; puis, après la destruction de l'abbaye de Saint-Georges par les Normands en 843, l'abbé de Saint-Jouin-de-Marnes recueillit et exerça tous les droits de patronage, et l'évêque de Poitiers eut la collation, qui, après la création de l'évêché de Luçon par le pape Jean XXII, le 13 août 1317, appartint à l'évêque de Luçon.
Dans le principe, le religieux titulaire de ce bénéfice ne venait remplir les fonctions de son ministère à Saint-Jacques que les dimanches et jours fériés, puis, comme cela se pratiqua presque partout, il finit par se décharger de ses fonctions sur un vicaire ou curé, auquel il allouait une faible partie du revenu de son bénéfice. Le Prieur en nom, n'avait plus dès lors charge d'âmes, ne conservant que les prérogatives de célébrer les offices, dans l'église paroissiale, le jour de la fête du Patron (25 juillet), et aux quatre grandes fêtes annuelles, mais aussi de s'attribuer la plus grande part des revenus auxquels son titre lui donnait droit.
Ainsi, en 1789, le bénéfice de Saint−Jacques rapportait 2400 livres, dont 400 seulement étaient données au curé qui remplaçait le titulaire. Le dernier titulaire fut Charles-Louis-François Frémont, grand vicaire de l'évêché de Noyon (Oise), évêché qui fut supprimé en 1790.
Il y avait encore, au faubourg Saint-Jacques, une commanderie du Temple, ou Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, ordre religieux dont la fondation remonte au temps des premières Croisades. Leur église était placée sous l'invocation de sainte Marie-Madeleine. Il n'en existe aucune trace ; seule la dénomination de "la Madeleine" s'est conservée à la construction dépendante de l'hôpital, qui est contiguë à la dernière maison du faubourg Saint-Jacques.
Le chapitre de Saint-Maurice
Si maintenant nous franchissons un espace de deux siècles, nous voyons se créer une autre institution religieuse, qui allait devenir très florissante et qui avait nom de Collégiale ou Chapitre de Saint-Maurice.
En 1438, en effet, le seigneur de Montaigu, Jean III Harpedane, dit de Belleville, établit dans l'enceinte même du château, cette Collégiale de Saint-Maurice, dont le nom rappelait celui des premiers seigneurs de Montaigu.
Leur église primitive, avec une chapelle souterraine ou enfeu, avait été bâtie le long du rempart du château, en avant du pavillon du secrétariat actuel de la mairie. Lorsqu'en 1827, on vendit les terres de l'esplanade pour servir d'engrais, on découvrit la chapelle souterraine, c'est-à-dire l'enfeu ou sépulture des seigneurs de Montaigu. C'était une remarquable chapelle gothique dont les pierres artistiquement taillées furent dispersées par un vandalisme des plus regrettables. Il y avait alors deux siècles que la chapelle supérieure avait été détruite, et cela dans des circonstances intéressantes à rappeler.
Lorsque la Réforme fut prêchée dans le Bas-Poitou, le seigneur de Montaigu et tous les seigneurs des environs, sauf un peut-être, se hâtèrent, plus par intérêt sans doute que par convictions, d'abjurer le catholicisme. Les chanoines de Montaigu se sentirent dès lors très peu à l'aise dans le château, si près du seigneur protestant, et, pour assurer leur liberté menacée, ils réalisèrent le projet d'aller s'installer ailleurs. Dès les premières années du XVIIe siècle, ils firent bâtir une nouvelle église qui existe encore, et qui, après le portique de Saint-Léonard à l'hôpital, est le plus ancien monument de Montaigu. Vous le connaissez tous ; bien déchu de sa splendeur, il sert de grange à Mme Gaillard mère. Les fenêtres ogivales n'ont pas été remaniées, mais comblées par de la maçonnerie ; les jambages latéraux de la grande porte d'entrée sont soutenus par une maçonnerie car le sol de la rue a été baissé de plus d'un mètre, et l'ogive que ces jambages supportaient a été remplacée par un palâtre en bois. La Charpente ouvragée est identique à celle de l'ancienne église de Saint-Jean-Baptiste. Vous remarquerez encore, à droite de la grande porte, et au raz du sol, une ancienne ouverture ogivale : c'était la porte qui donnait accès à la chapelle souterraine.
S'il vous arrive de visiter cette ancienne église, je vous engage à gravir l'escalier qui mène à un grenier établi au-dessus du chœur. Là, adossez-vous à la cloison en planches, et alors vous pourrez lire sur la tranche biseautée de la poutre ces mots gravés en creux :
ANNO·DNI·1613·RENATUS·CHARDONNEAU·DECANUS·DIXIT·CUM·PSAL·25
DNE·DILEXI·DECOREM·DOMUS·TUÆ·ET·LOCUM·HABITATIONIS·TUÆ3
Cette date 1613 nous indique la construction de l'édifice.
Le temple protestant de Montaigu
Ainsi débarrassé des chanoines, Henri de La Trémoille, seigneur de Montaigu, entreprit de faire construire un temple pour l'exercice de la R.P.R.4 et pour l'édifier avait été choisi par lui avec l'intention manifeste de créer aux chanoines de nouveaux ennuis. En effet, c'est tout près de leur église, sur l'emplacement de la maison actuelle de M. Poiron, charpentier, qu'il avait résolu et commencé d'accomplir le dessin de la bâtir. Mais les Syndics du clergé de Luçon voulurent arrêter la construction, et même empêcher l'exercice de la R.P.R. à Montaigu. Un de leurs griefs était "qu'aucuns des Religionnaires avaient des carrosses, et que les laissant, comme ils le faisaient d'ordinaire, à la porte du temple, le passage de la rue était entièrement occupé". Un arrêt du Parlement de Paris, du 20 mars 1632, ordonne la démolition du temple parce qu'il était "si proche (de l'église des chanoines), que les dits habitants (religionnaires) étant) assemblés devant la porte du temple, les catholiques ne peuvent faire procession autour de leur église, ny les presbytres baptiser à la porte d'icelle".
Sur ces entrefaites, le 24 octobre 1633, Henri de La Trémoille vendit la baronnie de Montaigu à Gabriel de La Lande, dit de Machecoul, seigneur de Vieillevigne, pour 150 000 livres. Le nouveau seigneur, plus ardent protestant que son prédécesseur, ne tint aucun compte de l'arrêt du Parlement. Il reprit la construction du temple, que l'on avait interrompue, et pour expulser définitivement les chanoines de son château, il fit procéder à la démolition de l'église qui y était à leur usage. L'évêque de Luçon, Pierre de Nivelle, et les Syndics du Clergé diocésain, adressèrent une nouvelle requête au Parlement de Paris, et celui-ci les autorisa à faire citer devant lui le seigneur de Montaigu et ses coreligionnaires, en même temps que, par ce même arrêt, du 1er août 1639, il interdisait la continuation de l'exercice de la R.P.R. à Montaigu, et faisait défense "d'achever la démolition de l'église des chanoines dans le château", et "de continuer la construction du temple protestant". Mais si cet arrêt fut observé sur les deux premiers points, il fut rendu trop tard pour assurer la conservation de l'église alors entièrement détruite.
Le Chapitre poursuivit son existence dans la dernière demeure où il s'était fixé en 1613 ; c'est en l'année 1792, qu'il fut dispersé.
Le couvent des Religieuses Fontevristes
Bien qu'ils aient existé jusqu'à la Révolution, tout souvenir du Couvent des Religieuses Fontevristes et la Collégiale Saint-Maurice est depuis longtemps effacé. Cela se comprend peut-être pour les Religieuses qui vivaient cloîtrées, c'est-à-dire hors du monde, mais ne s'explique guère pour les Chanoines mêlés à la vie du siècle. L'un d'eux, leur digne doyen, René-Aimé Moreau, mérite une mention particulière. Il mourut le 17 août 1770, dans sa famille au château des Moulières, paroisse de l'Hermenault, laissant un testament daté du 12 novembre 1768, par lequel il fit un legs en faveur de l'hôpital, et où on lit : "La petite portion de bien dont j'ai joui n'ayant été que du bien ecclésiastique que les Saint Canons appellent les vœux des fidèles, le prix des péchés, le patrimoine des pauvres, il est juste que le surplus de ce qui m'aura été nécessaire s'employe à des œuvres et à des usages conformes à leur destination. C'est dans cette vue que je fais mon présent testament, afin qu'après ma mort, mes meubles et effets, fruits uniques de mes bénéfices, rentrent dans leur ordre, et soient destinés au soulagement des pauvres."
Ce sont des sentiments qui honorent le digne prêtre qui les a exprimés, et que j'ai cru devoir vous faire connaître pour rendre à sa mémoire un hommage bien mérité !
Le château de Montaigu
Pendant que la vie religieuse se manifestait avec un tel développement, les seigneurs de Montaigu ne négligeaient pas d'apporter aux défenses primitives du château, les changements qui devaient leur assurer, ainsi qu'aux habitants, un refuge suffisamment protecteur. Mais l'on ne saurait dire ce qu'ils firent, les uns les autres, à part ce qui concerne la construction du donjon, les remaniements successifs détruiront nécessairement l'harmonie des ouvrages précédemment édifiés.
Toutefois, le château de Montaigu, tel qu'il nous apparaît aujourd'hui, bien que démantelé, permet encore de se représenter la puissance considérable qu'il avait à la fin du XVe siècle.
C'est par cet exposé que je terminerai cette causerie déjà longue, évitant avec soin tout terme technique pour le rendre à tous aussi clair qu'il me sera possible.
Marguerite de Valois et Jean III Harpedane
A l'heure où la guerre de Cent ans venait de se terminer, où les Anglais si longtemps maîtres du Poitou en avaient été définitivement chassés, Montaigu avait pour seigneur Louis Harpedane, dit de Belleville, fils de Jean III Harpedane, le fondateur de la Collégiale Saint-Maurice, et de Marguerite de Valois.
Quelle était cette Marguerite de Valois ?
Vous avez tous appris et retenu sans doute, qu'allant guerroyer en l'année 1392 contre le duc de Bretagne pour le punir d'avoir donné asile à Pierre de Craon, meurtrier du connétable Olivier de Clisson, le roi Charles VI avait été frappé de folie dans la forêt du Mans. Le pauvre roi ne pouvant supporter près de lui aucun homme pour le servir, on songea à lui donner pour compagne une femme de haut mérite et de grand cœur, Odette de Champdivers, dite la petite reine : il en eut une fille et ce fut Marguerite de Valois, qui, sœur naturelle du roi Charles VII, après avoir été légitimée par ce prince, par lettres datées de Montrichard en janvier 1428, épouse Jean III Harpedane, seigneur de Montaigu. Louis de Belleville, leur fils, était donc le cousin du roi Louis XI.
Louis XI et le château de Montaigu
Le 1er janvier 1473, Louis XI vint pour la 2e fois visiter son cousin Louis de Belleville, seigneur de Montaigu. Soucieux d'imposer aux nobles l'obéissance absolue à son autorité royale, et préoccupé de l'existence sur la frontière de son royaume d'un puissant duc de Bretagne indépendant, Louis XI avait compris que, Montaigu en son pouvoir, il serait facile d'en faire une place forte de premier ordre à opposer à l'ennemi Breton. Aussi n'hésita-t-il pas à en préparer l'achat à son cousin, auquel il offrit une somme de 10 000 écus d'or, lui promettant en outre, par contre-échange, le comté de Dreux, et en attendant, la jouissance de celui d'Evreux. L'accord fut conclu les 2 juin et 4 août 1473.
Ainsi devenu possesseur de Montaigu, Louis XI se hâta de le fortifier, et les défenses qu'on lui, doit sont faciles à reconnaître.
Suivez-moi par la pensée sur le bord de la rivière, et placés au niveau du lavoir, examinez les vieilles murailles du château. Devant vous sont les bases de tours demi-rondes ou aplaties reliées par un mur ou courtine. La maçonnerie est très ancienne, les pierres mal taillées et reliées. Ce sont les fortifications des XIIe et XIIIe siècles, les seules que Louis XI ait conservées.
Portez-vous maintenant vers le moulin, dit le moulin de la Tour, qui était le moulin banal sous l'ancien régime. Tournant le dos à la rivière, vous avez limitant le jardin de l'école des filles, une masse de maçonnerie de forme polygonale dont un mortier résistant lie très intimement les diverses parties, et dont les arêtes sont formées par des moellons de granit bien taillé. Sur les faces de ce polygone, et à différentes hauteurs, vous apercevez les embrasures de canons encadrées de belles pierres de granit aussi bien taillées.
Revenant sur vos pas, vous constaterez facilement la différence de construction dont je viens de vous parler ; puis continuant votre route jusqu'au ruisseau d'Asson vous trouverez une autre masse de maçonnerie qui est d'une construction semblable à celle que nous avons visitée en second lieu, c'est-à-dire à celle qui encadre le jardin de l'école des filles : murailles à la chaux, arêtes en pierres de taille, embrasures de canons.
Voilà de ce côté, les parties édifiées par Louis XI.
Allez maintenant vous placer devant la maison de la Caillauderie, et tournez vos regards vers la pointe Sud du château. Une belle tour le termine. C'est la Tour neuve5 de Louis XI, qu'il avait fait établir pour défendre l'étang et la digue, étang et digue dont nous reparlerons. Cette tour, démantelée comme toutes les autres, avait une si large circonférence, que les ouvriers du pays se déclarèrent incapable de faire le devis de la charpente en poivrière qui devait la couronner. C'est alors (1480) que Guillaume Le Bigot, lieutenant du château, écrivit à M. du Plessis-Bourré, ministre des finances du roi et son gouverneur au château de Montaigu :
"Le chastelain, le procureur Gillet et moy, avons fait carchier et mandé à tous les charpentiers de par deçà pour leur cuidés baillés à faire la charpenterie de la Tour neuve ; mès nous n'en avons pas trouvé ung qui la vousist prendre à pris fait, ne comme on baille les besoingnes du Roy, ny aultrement. Et ainsi j'ay esté advisé d'ung oupvrier nommé Pierre Hardouin, que vous cognaissez bien, ainsi qu'il m'a dit, lequel besoigne à Beauprau, à la maison que monsr le bailly de Rouen faisait faire, et l'ay envoyé quérir jusque là. Et voullentiers est venu cyens, et lui avons monstré la besoigne, et l'a visité tout à son aise, et nous a respondu que voullentiers prendra ola besoigne à faire, si c'est votre plaisir de luy donner pris raisonnable, et qu'il est tout votre serviteur à faire tout ce qu'il vous plaira luy commander. J'ay voullu sçavoir le pris qu'il en voulloit bien aver ; il m'a dit que vous scavez bien que telles chauses vallent, et sur ce point a fait et jetté deux formes sur deux fuelles de papier lesquelles je vous envoie pour voir […] Il m'a dit que pour bien faire la besoigne il en échet bien 66 francs, tous fois, il dit bien que quand vous avez monstré son tret aux mestres de par delà qu'ils diront bien (ce) que la besoigne puet bien valloir…"
Après avoir bien considéré cette tour, examinez attentivement la muraille qui s'étend de l'entrée du château jusqu'au pavillon de notre secrétariat de la mairie : vous remarquerez aisément qu'elle est de même construction que la tour, c'est-à-dire de la même époque.
Voilà ce qui subsiste de notre vieux château, et ces restes sont presque entièrement l'œuvre de Louis XI.
Je ne vous parlerai pas des défenses intérieures de la porte d'entrée : tout récemment quand on voulut faire une canalisation d'eau pour l'école des filles, on a découvert – c'était la 2e fois à ma connaissance – les salles souterraines d'où les hommes de garde surveillaient les approches de la douve. Mais je ne puis cependant ne pas mentionner les belles salles voûtées qui existent derrière notre hôtel de ville, et qui étaient des magasins renfermant les vivres et les munitions du siège.
Il me serait possible de vous décrire bien d'autres fortifications aujourd'hui entièrement disparues, mais il me faudrait entrer dans des détails qui ne peuvent être compris que sur place, et, au reste, je dépasserais les limites modestes que je me suis tracées.
Du côté de la rivière, les fortifications du château étaient alors baignées par les eaux de la Maine, et cela en fut même ainsi jusqu'à l'année 1837, date toute récente. Jusqu'à cette époque, le seul chemin qui faisait communiquer la ville avec le faubourg Saint-Jacques était celui du Pont-Jarlet – la grande route suivie maintenant n'a été établie qu'en 1856. Dans la nuit du 10 au 11 novembre 1836, une pluie torrentielle étant venue à tomber pendant plus de 6 heures, les ruisseaux et les rivières débordèrent de toutes parts portant leurs eaux à une grande hauteur. L'arche du Pont-Jarlet, qui avait 3 mètres de hauteur et 2 mètres de largeur se trouva insuffisante, et dans quelques heures, une masse d'eau de 7 mètres de hauteur s'accumulait au-dessus du pont et bientôt l'emportait le 11 à 7 h. du matin, entraînant avec lui une partie de la maison d'un peintre en bâtiment (Triboulet) qui y était attenante. Le courant était si rapide et si violent que des blocs de maçonnerie pesant jusqu'à 2000 kg furent roulés à plus de 200 mètres.
Toute circulation était interdite, et le roulage aboli. C'est alors que, puisque la seule route pour sortir de Montaigu au Sud était détruite, pendant l'été 1837 l'on jeta à bas ce qui restait des tours et des parapets du vieux château, du côté de la rivière, forçant ainsi le recul de l'eau. Les voitures passaient à gué le ruisseau de l'Asson, sur lequel on avait établi une passerelle en bois pour les piétons. Depuis, en [ ? ], sous la mairie de M. Guilbaud, le chemin a été exhaussé et un pont jeté sur l'Asson.
Donc dès le commencement de Montaigu, sous Louis XI et jusqu'à nos jours, la rivière baignait les murs du château, lui offrant de ce côté une défense naturelle. Louis XI décida de défendre encore le côté Sud et Sud-Est du château.
Pour cela il fit établir une digue puissante en maçonnerie, qui, barrant tout passage aux eaux de l'Asson, transformerait en vaste étang la prairie de Mme Barthélémy. Cette digue a été en partie détruite pour donner à l'Asson son libre cours.
Vous connaissez la masse importante de maçonnerie qui, au bas du château détachée par une large fissure de la maçonnerie voisine, est destinée un jour ou l'autre, si l'on n'y pourvoit intelligemment, à tomber dans le ruisseau et à l'y obstruer. Placez-vous adossé à cette masse de maçonnerie et vous apercevrez en face de vous, sur la rive opposée de l'Asson, et creusé dans l'épaisseur de la muraille qui borde le chemin allant au Pont-Neuf, l'ouverture d'un couloir voûté.
J'espère que vous m'avez bien suivi. Eh bien, ce couloir était la continuation, à travers la partie détruite de la digue d'un couloir qui commençait dans l'avant-corps fortifié qui est limité par l'escalier de pierres qui mène à l'esplanade du château, et par le ruisseau de l'Asson.
Si vous allez visiter l'intérieur de cet avant-corps, vous pénétrerez par un escalier coudé à angle droit, pour le rendre plus facile à défendre, dans une vaste salle qui contient encore quelques boulets de pierre et vous reconnaîtrez la naissance du couloir voûté qui nous occupe.
Telle était la digue. A son extrémité, à peu près au niveau du chemin du cimetière, avait été creusé un large fossé par lequel le trop plein d'eau accumulé dans ce qui est la prairie de Mme Barthélémy se déversait dans la prairie de l'Anglée, et de là, dans la rivière. C'est par le couloir voûté que l'on défendait l'approche de ce fossé, mieux défendu encore par la Tour neuve.
Ainsi, comme je vous l'ai indiqué, toute la prairie de Mme Barthélémy – la route n'existant pas – était transformée en vaste étang dont les eaux baignaient le château. Sans doute les terres d'alluvion et celles qu'on a pu y apporter ont surélevé le sol de la prairie, mais nous savons pourtant à quelle hauteur l'eau s'y élevait. Vous remarquerez en effet en bas et tout le long de la muraille aussi bien qu'à la base de la face intérieure de la digue, un terrain surélevé bordé par un mur de soutènement et qui est aujourd'hui transformé en jardin. Son élévation indique le niveau que l'eau ne pouvait dépasser sans se déverser dans la rivière. Sur cette terrasse, à la base de l'ouvrage en demi-lune sur lequel repose le pavillon du secrétariat, je vous signalerais aussi une porte (poterne) précédant un couloir où aboutissait un escalier pratiqué en devant du rempart et conduisant à l'esplanade. Cet escalier était éclairé par de très étroites ouvertures ; l'une d'elles, située à 5 mètres environ au-dessous du sol actuel de l'esplanade montre que l'escalier s'élargissait à ce niveau en une salle assez vaste, et que nos contemporains, que nous le sachions du moins, n'ont jamais explorée.
Ce n'est pas tout.
Le chemin du Pont-Jarlet était moins élevé que de nos jours. Il se terminait au niveau de la Caillauderie par un fossé défendu par un ouvrage ou Barbacane construit à l'endroit où a été édifié le nouveau calvaire. Le chemin de Barbecane - il faudrait dire de la Barbacane - en perpétue le nom.
C'est par ce fossé que l'eau du ruisseau d'Asson s'écoulait dans l'étang du château. Mais on y avait établi une vanne, que l'on abaissait quand l'étang du château était rempli, et l'on obligeait ainsi l'eau à s'accumuler dans la prairie de feue Mlle Martineau. On constituait de cette façon un nouvel étang, baignant de ses eaux le rempart que l'on voit encore de ce côté, étang qui s'appelait l'étang Saint-Michel, sans doute à cause de la proximité d'un petit édifice religieux placé sous ce vocable. Ce que nous savons du moins c'est qu'un terrain situé sur la hauteur, à l'Est de la maison du Rocher, et depuis le 8 octobre 1697, compris dans cette propriété, s'appelait le cimetière Saint-Michel, et avait servi à l'inhumation des Protestants.
Comme vous le comprenez, les côtés Ouest, Sud et Sud-est du château étaient entourés d'eau.
Louis XI et la ville de Montaigu
Louis XI ne pouvait songer à protéger sa forteresse, au Nord et à l'Est par un pareil système défensif. Il l'entoure alors par une double enceinte de fossés. Ce sont les douves.
Elles furent creusées par ordonnance de Louis XI, datée de Plessis-lès-Tours, le 14 octobre 1476.
La douve intérieure qui borne l'esplanade du château, se terminait à l'Ouest à la rivière, et son accès était défendu par la fortification élevée où est le jardin de l'école des filles. A l'Est elle se prolongeait jusqu'au chemin du Pont-Jarlet passant sur l'emplacement des Halles et de la maison Hervouet-Ponvert. Le pont-levis de l'entrée du château s'appuyait où existe maintenant la forge Baron, sur le prolongement de la maison Hervouet-Ponvert.
La douve extérieure séparait Montaigu de la paroisse de Saint-Hilaire. Ce n'est que depuis 1807, que le champ de foire, les Olivettes et le quartier des Rochettes ont été annexés à Montaigu. Cette douve extérieure traversait la grand'rue à l'endroit où s'élèvent les maisons Richard et Chobelet, et se terminait en pente abrupte vers la rivière. Tout le quartier Choblet, Douillard, Garreau, Rochefort n'existait pas. Un pont-levis allait de la maison Hubert à la maison Audureau, et jusqu'en 1774, la route de Nantes suivait le chemin des Rochettes, traversait le parc Fayau et allait utiliser le vieux pont de Riaillé. En cas d'attaque, l'ennemi ne pouvait aborder que de flanc, ce qui lui était défavorable. Près la maison Hubert, s'élevait une des quatre portes de la ville, dite porte de Nantes.
Mais, me direz-vous, le pont de Saint-Nicolas permettait l'entrée facile dans la place. Je vous répondrai que le pont de Saint-Nicolas n'était pas comme aujourd'hui intimement relié à la ville. On avait creusé entre la ville et le pont un fossé large et profond sur lequel s'abattait un pont-levis, qui se relevait sur une porte dite porte Saint-Nicolas.
Si placé devant le moulin Roger, vous regardez le pont, vous apercevez, touchant l'escalier de pierre que vous avez maintes fois descendu, une ouverture ogivale obstruée par un blocage de maçonnerie. C'est en partie l'ouverture sur laquelle s'élevait et s'abattait le pont-levis (la route n'a été construite qu'en 1810). De plus pour protéger l'entrée du pont on avait établi dans le jardin aujourd'hui moins élevé de M. Rousseau, une fortification connue sous le nom de château des Sept trompettes.
A l'Est la douve extérieure se terminait rapide vers l'étang de Saint-Michel. A l'entrée du chemin qui mène de l'école des garçons aux Olivettes, je vous signale une pierre taillée en fut de colonne et qui s'appuie sur le mur de clôture de la propriété Martineau. C'est tout ce qui reste d'une autre porte de la ville, dite porte Notre-Dame ou porte de Tiffauges, qui avait été construite en cet endroit, et sur laquelle s'élevait le pont-levis établi sur les douves. Cette porte s'est écroulée en janvier 1847.
Je vous ai cité les portes de Nantes, de Saint-Nicolas, de Notre-Dame ou de Tiffauges. Il en existait une quatrième élevée devant le pont-levis de la Barbecane et dite porte de Saint-Jacques. Ce furent longtemps les seules quatre portes par lesquelles on pouvait entrer ou sortir de la ville. Aujourd’hui même il n'y a que trois autres entrées : celle de la rue de la Brèche, où demeure M. Guillaumé, et qui ne date que du XVIIe siècle, après la fin des guerres de Religion et a été élargie en 1841 ; et celle où demeurent MM. Duchastenier et Brethommeau qui n'a été construite qu'en 1841 ; enfin la grande route de 1856.
Les fortifications de Montaigu à la fin du Moyen Age
Désireux de bien vous faire saisir les défenses que Louis XI avait fait élever, je chercherai à les résumer en quelques mots :
- la rivière baignait le rocher sur lequel était construit le château ;
- une digue, protégée par la fortification sur laquelle elle s'appuyait, et surtout par la Tour neuve, transformait en un étang la prairie Barthélémy ;
- le chemin du Pont-Jarlet, formant digue, transformant en un étang dit étang de Saint-Michel, la prairie Martineau, et cette digue était protégée par la Barbecane ;
- deux douves entouraient le château au Nord et à l'Est ;
- la douve intérieure se terminait d'un côté à la rivière, protégée par la fortification du jardin de l'école des filles, et de l'autre côté, se terminait au chemin du Pont-Jarlet ;
- la douve extérieure traversait la grand'rue et se dirigeait vers la rivière, protégée, comme le pont Saint-Nicolas par le château des Sept trompettes, et de l'autre côté, descendait vers le ruisseau de l'Asson, protégée par l'ouvrage établi dans le jardin de l'école des garçons ;
- enfin le pont Saint-Nicolas était défendu par un fossé et le château des Sept trompettes.
Il y avait quatre portes de ville :
1° de Saint-Jacques, à l'extérieur du chemin du Pont-Jarlet, en devant du fossé de la Barbecane ;
2° de Nantes, près la maison Hubert ;
3° de N-D ou de Tiffauges, en devant de la douve, près l'école des garçons ;
4° de Saint-Nicolas à l'intérieur du fossé qui sépare la ville du pont Saint-Nicolas.
Figurez-vous maintenant que les remparts et les tours qui existent s'élevaient de 15-25 mètres au-dessus du sol actuel du château, et étaient garnis de mâchicoulis et autres engins de défense, et vous aurez une idée juste de la puissance du château de Montaigu, telle que l'avait voulu Louis XI. C'était véritablement une forteresse imprenable si ce n'est par famine. Si elle est plusieurs fois cependant tombée aux mains de l'ennemi, celui-ci ne put s'en emparer que par ruse, ou en exploitant habilement la vénalité ou la couardise des chefs chargés de sa défense.
L'œuvre de Louis XI fut détruite à la fin du XVIe siècle.
Montaigu ruiné sous les guerres de Religion
Pendant les guerres de Religion, les Protestants, quand ils étaient maîtres de Montaigu, faisaient de fréquentes incursions dans les campagnes de la rive gauche de la Loire, s'y livrant à des voleries et à des pillages fort préjudiciables aux habitants de cette contrée, et Nantes s'était souvent vu dans l'obligation de s'imposer des dépenses considérables pour fournir aux catholiques assiégeants les vivres et les munitions. C'est ce qui explique l'insistance avec laquelle les Échevins de Nantes demandèrent et exigèrent du roi de Navarre, lors du traité du Fleix (26 novembre 1580), le démantèlement de Montaigu.
Malgré les remontrances de la duchesse de la Trémoille, dame douairière de Montaigu, et les lenteurs apportées par le roi de Navarre à l'exécution du traité du Fleix, Montaigu fut entièrement démantelé et complètement rasé du 10 décembre 1588 à mars 1589. Il en coûta à la ville de Nantes plus de 2000 écus, sans compter plus de deux milliers de poudre et les outils nécessaires pour la démolition.
Montaigu n'existait plus en tant que ville fortifiée.
Rappel des circonstances de cette conférence
Mesdames et Messieurs,
Arrivé au terme de cette causerie, j'ai l'agréable devoir de vous remercier de l'attention soutenue et bienveillante que vous avez bien voulu me prêter ; et, au nom de ceux qui ont apporté leur gracieux et dévoué concours à l'organisation de cette fête de Bienfaisance, de vous exprimer notre reconnaissance pour avoir répondu si nombreux à notre invitation.
Les malheurs qui désolent Paris et sa banlieue et aussi plusieurs départements, n'ont pas épargné, vous le savez, nos campagnes vendéennes. La terre nourricière repousse avec une énergie sauvage les bras qui la fécondent ! Le fruit du labeur de plusieurs générations est anéanti ! Des hommes, des femmes, des enfants, tous nos frères, à peine vêtus, ayant faim, angoissés du lendemain, crient leur détresse et implorent notre assistance ! Leur misère affreuse et imméritée suscitera dans vos âmes sensibles un élan généreux de charité et de solidarité. Pitié et merci pour eux !
Fin du manuscrit de cette conférence du 13 mars 1910
(Archives municipales de Montaigu)
Gustave Mignen a fait partie de la génération qui a succédé à celle de "l’érudit local" Charles Dugast-Matifeux. Il avait pourtant rendu hommage en 1900 à ce dernier dans l’introduction de sa première publication, déplorant de ne pas avoir "pu retirer des travaux de M. Dugast-Matifeux tout le bénéfice que nous en espérions. Bien des notes, consignées sur de petits carrés de papier, sur des bandes de journaux, et même sur du papier déjà imprimé, qui étaient, pour leur auteur, autant d'indications précieuses, autant de points de repère importants, n'ont plus eu pour nous la précision désirable." Cette formulation polie, distinguait dans le Fonds Dugast-Matifeux, ce qui était les écrits d’intérêt limité de ce dernier, de ce qui était la collection de documents historiques originaux.
Les écrits de Gustave Mignen montrent un changement dans le domaine de la recherche historique. Changement qui se concrétisa par une démarche intellectuelle plus rigoureuse : l’élimination des partis pris idéologiques, la vérification des sources, le recours systématique aux documents originaux, la capacité à comprendre les individus et les choses... Ces méthodes de travail scientifiques ont donné des résultats plus sérieux et plus fiables que les travaux "historiques" des "érudits locaux" de la génération précédente, chez qui l’imagination et les idéologies tenaient une grande place. Ces nouvelles méthodes ont fait de Gustave Mignen le premier des historiens authentiques de Montaigu.
En mai 2003, une exposition fut réalisée à Montaigu en hommage au Docteur Gustave Mignen et à ses travaux historiques et de recherches archéologiques. Elle fut l’occasion de découvrir les collections qu’il a léguées au musée de la ville (cf. article ci-dessous).
Extrait du journal Ouest-France du lundi 5 mai 2003 ;
( article et photographie de Jean Roche )
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Notes, sources et références...
(sauf mentions contraires, illustrations et texte sont dus à M. Mignet)
1 Témoignage familial, recueilli en 2012 auprès du docteur Jean-Claude Mignen, petit-fils du docteur Gustave Mignen.
2 Un "pourpris" était un jardin potager, enclos afin de le protéger dégats faits par les animaux nuisibles.
3 "An du Seigneur 1613, René Chardonneau, doyen, proclame avec le psaume 25 : J’aime la splendeur de ta maison, Seigneur, et le lieu où tu résides !" (verset 8 du Psaume 25, généralement invoqué pour la dédicace d’un monument religieux).
4 La "R.P.R." : la "Religion Prétendue Réformée" (= le protestantisme).
5 Le Procès-verbal de visite du 21 novembre 1586, découvert par Alain de Goué et publié quelques mois après cette conférence, donne une description du château à l’époque, qui montre que la "Tour neuve" n’était pas celle située par le docteur Gustave Mignen au sud de la forteresse, mais la tour formant l’angle nord-ouest de celle-ci.
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