la Bardinière
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La Bardinière et des ombres du passé
A "la Bardinière" on distingue "la Bardinière du bas", qui est la partie originelle du village, et "la Bardinière du haut", qui correspond à des maisons construites en 1845 et en 1875 le long de la route allant vers "la Croix Bouet".
Vue aérienne de "la Bardinière" en septembre 2019 ( environ 635 x 350 m )
avec, le 17 avril 2022…
- quelques-unes des maisons du village du bas et du village du haut,
- la croix de granit de 1892,
- la localisation de traces de souterrain,
- et celle de l’endroit où fut trouvée la bague de Charette.
Les éléments historiques et patrimoniaux se rattachant à "la Bardinière" sont peu nombreux et parcellaires. Un peu à l’est du village, en avant du "pont de Sainte-Anne", s’élève une croix en granit aux inscriptions illisibles, de 4,30 m de haut, et qui a dû être érigée entre 1900 et 1914.
A 80 mètres au sud de cette croix, un effondrement qui se produisit autour de 1970 au hasard de travaux agricoles, mit fugitivement au jour des restes d’un souterrain1.
C’est à la même époque qu’un vétérinaire et généticien, Maurice Lamy, vint s’installer à "la Bardinière du bas" pour y développer un élevage de "caillebrix", une variété animale qu’il avait créée à partir de cailles et de perdrix. Ses efforts n’aboutirent pas aux résultats qu’il avait escomptés, mais le hasard des choses fit qu’en février 1973, au cours de travaux…
"alors qu’il était en train d'aménager une volière pour des faisans sur l’emplacement d’anciennes maisons disparues, il découvrit une dalle en creusant. Sous elle, dans la terre, un creux recelait ce qui semblait être les vestiges d'un coffret en bois qui tombait quasiment en poussière. Il avait contenu des papiers qui, eux aussi, se trouvaient dans le même état. Quelques débris métalliques, provenant sans doute des ferrures du coffret, se trouvaient mêlés à ces restes. Au milieu des vestiges il y avait une bague en argent, ornée de trois hermines. D'après sa taille, c'était une bague d'homme."2
La bague en argent découverte par M. Lamy à "la Bardinière" en février 1973.
( photos par le Musée de la Roche-sur-Yon, où elle est conservée )
Des recherches effectuées sur cette bague permirent quelques temps plus tard d’identifier son origine. Elle avait été commandée aux débuts de la Révolution à un orfèvre parisien de l’île Saint-Louis, par un certain François-Athanase Charette. Une découverte confortant ce que les mémoire et tradition locales rapportent sur l'activité de celui-ci dans les parages entre 1793 et 17963.
C’est dans les années 1970 que successivement les quatre fermes de "la Bardinière" cessèrent leur activité, l’une d’entre elles pratiquant pendant quelques années l’accueil en gites..
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Une vie d'Homme au service des Hommes
Henri Gauvrit est né le 22 octobre 1912 à "la Bardinière". Il est représentatif de ceux qui, faisant comme lui partie de la congrégation des Frères de Saint-Gabriel, se sont consacrés au service des autres et ont mené une vie à la fois effacée et sortant de l’ordinaire4. Le souvenir de ce que fut cette vie d’engagement désintéressé mérite d’être rappelé5.
C’est jeune encore qu’il a quitté le Poiré pour rejoindre les Frères de Saint-Gabriel : juvénat, noviciat, scholasticat… en 1929, il prononça ses premiers vœux religieux temporaires, et après avoir été amené à les renouveler, il fut admis en 1936 à prononcer ses vœux perpétuels. Pendant cinq ans il a enseigné en primaire à Saint-Amand-sur-Sèvre, à Saint-Laurent, puis à Combrand, avant de s’orienter vers l’enseignement spécialisé à destination des aveugles. Il y consacrera 41 ans de sa vie : de 1935 à 1950 à la Persagotière de Nantes, à Marseille de 1950 à 1963, à Mérignac de 1963 à 1976, ainsi que le rappela son éloge funèbre lors de la cérémonie de sa sépulture, le 19 mai 20076 :
"Dans cette tâche, à la fois humaniste et évangélique, il va donner toute sa mesure. Homme de belle prestance, doué d'une autorité naturelle s'appuyant sur un caractère fort, armé d'une volonté tenace, mû par des sentiments que génère une sensibilité humaine et religieuse, il en impose et s'impose. Conscient de ses possibilités, il donnera parfois l'impression de vouloir dominer à tout prix les êtres et les événements, mais tous ceux qui le côtoieront, collègues de travail ou élèves, reconnaîtront son ascendant naturel, sa compétence et son désintéressement.
Dans un premier temps, il enseigne donc aux aveugles les bases de la langue française puis, au fur et à mesure des progrès réalisés, il les initie à la littérature et les ouvre à la connaissance du monde, de même qu'il forme leur caractère et développe dans leur âme les principes de la vie chrétienne.
Pendant ce temps, au contact de musiciens réputés, tel M. Colinet, il découvre les beautés de la musique et rêve de transmettre à ses disciples les secrets de cet art si noble.
Pour conforter sa maîtrise de l'enseignement spécialisé, il étudie la psychologie particulière des jeunes qu'il doit éduquer, la méthodologie de la transmission du savoir, en particulier l'utilisation de la méthode braille. Il passe avec succès, en 1943, le degré supérieur du certificat d'aptitude à l'enseignement des aveugles. Puis il crée sa propre méthode d'enseignement du braille dite "la méthode des six points", vite adoptée dans toutes les écoles d'aveugles libres ou publiques. Ne voilà-t-il pas la preuve éclatante d'un authentique savoir-faire ? […]
LLa famille du Frère Henri Gauvrit (Frère Jean-Sébastien) de "la Bardinière" en 1943,
dont sa sœur Renée dite Marie (1910-1983), religieuse à Luçon ;
lui-même à l’orgue du Poiré le 16 mai 1986,
et, fin octobre 1984 à Riyad, lors de
l’Assemblée de la future Union Mondiale des Aveugles.
En même temps, il occupe rapidement une place de premier plan dans les stages de formation de la Fédération des Institutions de Sourds et d'Aveugles de France (FISAF). Au fur et à mesure que sa notoriété pédagogique se répand, son influence grandit en France et s'étend au-delà des frontières de l'hexagone. En plus de sa participation aux congrès nationaux, il fréquente les réunions internationales aux Etats-Unis, en Arabie Saoudite, en Allemagne, en URSS, etc. donnant des conférences toujours appréciées."7
La musique fut un autre domaine où Henri Gauvrit excella, et ceci dès avant qu’il s’occupât de ses élèves aveugles. Il avait complété sa formation initiale à Nantes, et en 1934 ce fut à lui qu’on demanda une musique pour le cantique "Notre-Dame du Poiré" (dit aussi "Près du ruisseau qui coule"), lors de l’inauguration de la grotte près de "la Jamonière",. C’est aussi à lui que l’on doit la mélodie de "La complainte des Lucs"8, chantée la première fois le 29 février 1944 pour le cent-cinquantenaire du massacre de février 1794. En 1940, cet intérêt pour la musique lui fit changer son nom en religion qui était "Frère Calasanz", en "Frère Jean-Sébastien". Organiste, il a aussi composé les airs de nombreux cantiques, cantates et autres chants religieux.
Henri Gauvrit est mort le 16 mai 2007, dans sa quatre-vingt-quinzième année..
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Notes, sources et références
(sauf mentions contraires, illustrations et texte sont dus à M. Mignet)
1 Entretiens en 2020 avec MM. Bernard Billaud de "la Faucherie" et Auguste Guillet de "Montorgueil", présents lors de cette découverte.
2 D’après un article paru dans Ouest-France, au début de février 1973.
3 Indépendamment de ces tradition locales, bien établies et recueillies auprès d’A. Guillet de "Montorgueil", les passages de Charette dans ce village à moins de 500 mètres de "la Bardinière" sont signalés par P.-S. Lucas Championnière dans ses Mémoires de la Guerre de Vendée (1793-1796), rédigés en 1797-1798 (éd. 1994, p. 132). S’y ajoutent les participations de Mathurin Perraudeau, de "la Bardinière" aux Réquisitions de l’armée catholique et royale dans la paroisse du Poiré (Méd. mun. de la Roche-sur-Yon : ms 019).
4 Cette "représentativité" qu’a pu avoir un Henri Gauvrit rappelle des souvenirs analogues laissés d’autres Frères de Saint-Gabriel parmi lesquels celui de Raymond Gauvrit de "Saint-Georges" (alias Frère Maximin) dont la personnalité a tant marqué ceux qui l’ont connu à l’Ecole des pêches des Sables ; ou celui du Frère Auguste Charaud, qui fut directeur de l’école de "la Jamonière" et fut de ceux à l’origine du club des Genets d’or ; ou encore celui du Frère Henri Buton, figure marquante de l’école d’agriculture de la Mothe-Achard (plus tard des Etablières)… Un de leurs principaux points communs : leur même désintéressement, qui se traduisait jusque dans leurs écrits où le "je" (ou ses équivalents) est quasiment absent.
5 Sources : entretiens entre 2016 et 2022 avec des membres de la famille d’Henri Gauvrit, et avec des personnes l’ayant connu ; Les catholiques face au handicap (XXe - XXIe siècle), d’Olivier et Cédric Landron (2021, 336 p.).
6 Extrait de l’éloge d’Henri Gauvrit prononcé par Robert Baud, lors de sa sépulture.
7 Des traces écrites ont été conservées de ces interventions d’Henri Gauvrit. Ainsi son intervention lors de l’Assemblée Mondiale à Riyad du 19 octobre au 2 novembre 1984, de ce qui allait devenir deux mois plus tard l’Union Mondiale des Aveugles (le roi d’Arabie d’alors, Fahd ben Abdelaziz Al Saoud, ayant un de ses fils atteint de cécité). Ou aussi un article "Pèlerinage aux sources", dans Le Louis Braille, le bulletin trimestriel de l’association Valentin Haüy (1984, 3e trim.).
8 Sur Sur les éditions de "la complainte des Lucs", le "d’après un air ancien de Vimeux" indique la source d’inspiration d’où est parti Henri Gauvrit ; et Pierre Gauvrit (alias Frère Gabriel-Marie), l’auteur des paroles des trente-deux couplets de cette complainte et aussi originaire du Poiré, n’est que lointainement apparenté avec Henri Gauvrit.
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