le Désert
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Un village disparu
Avant 1850, "le Désert", désormais disparu, était un village situé près de la route qui, passant par le bourg de Belleville, va du Poiré à Dompierre. Il se trouvait sur la commune du Poiré mais sur la limite avec celles de Dompierre et de Saligny, dans la mouvance de "Lande blanche", de "la Grouillère" et de leurs tuileries. En 1850 il a, comme ces villages été détaché de la commune du Poiré pour être intégré à celle de Belleville1.
"Le Désert" en 1836, aux confins à cette date des communes
du Poiré, de Saligny et de Dompierre :
- sa localisation sur la carte de Cassini (1766-1768) près d’une zone de landes ;
(feuille n°132 - les Sables-d’Olonne),
- sa localisation sur le cadastre de 1836 du Poiré,
- son ancien emplacement sur une vue aérienne en 2013 (environ 400 m x 400 m).
Au milieu du XVIIIe siècle sur la carte de Cassini, "le Désert" est localisé de façon indicative sur les marges d’une zone de landes, ce qui pourrait avoir été à l’origine de son nom.
Il a compté au maximum une quinzaine d’habitants, de familles aux métiers modestes : les recensements de 1836 à 1911 y signalent des cultivateurs, des journaliers, des "chaumiers" (tuiliers), des charbonniers, des "cercliers" (de barriques), des domestiques2.
Sa population alla en décroissant au fil des ans. Son niveau de vie limité, sa situation isolée ont pu être à l’origine de sa disparition dans les années 1920. Les derniers restes du village ont été démolis et dispersés autour de 19603.
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Quand le roman prend le pas sur l'histoire
Le village du "Désert" a été concerné par une anecdote liée aux Guerres de Vendée. C’est là qu’en janvier 1794 furent arrêtés Marie Adélaïde de La Rochefoucauld-Bayers (1760-1794) et Joseph Thomazeau (1749-1795). Conduits aux Sables, ils y furent jugés le 24 janvier par la Commission militaire qui y siégeait, et condamnés à mort à 11h 30. Ils furent fusillés sur la plage quatre heures plus tard (la guillotine qui avait beaucoup servi étant alors en dérangement)4.
5 pluviôse An 2 : actes "d’exécution et de décès" de Joseph Thomazeau
et de Marie Adélaïde de la Touche Limouzinière,
épouse de Pierre Louis Marie de La Rochefoucauld-Bayers5.
Ce que l’on a dit sur la vie de Marie Adélaïde de La Rochefoucauld-Bayers durant la Guerre de Vendée est limité, et ne s’appuie que sur des bases floues et incertaines. La seule source de première main que l’on ait sont les Mémoires de Lucas Championnière qui rapportent :
"Il a souvent été question des femmes qui suivaient l'armée vendéenne. Il y en eut fort peu. Les aventures de deux d'entre elles ont piqué la curiosité publique. L'une, femme superbe, entretint des relations suivies avec notre général. Plus tard, ils se brouillèrent. Elle s'associa alors à un gros fermier moitié paysan, moitié bourgeois, bon payeur d'arrérages, qui la guidait à travers les chemins. Ils côtoyaient ensemble notre armée pour ne pas être exposés aux surprises des bleus. Ils crurent pouvoir s'en écarter impunément un soir. Découverts par un détachement de hussards, ils furent faits prisonniers et payèrent de leur tête un moment d'imprudence et d'égarement."6
La première femme à qui il fait allusion est Marie Adélaïde de La Rochefoucauld, et le "fermier" (c’est-à-dire intendant, régisseur) est Joseph Thomazeau. La seconde de ces femmes est Céleste Bulkeley (1753-1832).
C’est à partir de là, que vient la légende des "amazones de Charette", et que de nombreux romanciers ou historiens ont brodé sur la vie de Marie Adélaïde sensée avoir été attirée par Charette, et avoir été l’objet d’un amour sans espoir de son "fermier" et chevalier servant.
Prenant des libertés avec l’histoire, un des romancier les mieux inspirés a sans doute été Joseph Rouillé (1921-2012), auteur en 1949 de La Mieux Aimée, amazone de Charette7. En 1961 son roman fut porté au grand écran sous ce titre, par André Mallard (1918-2013). Les acteurs étaient issus de la troupe des Amis du théâtre de Challans qui était une référence dans ces années-là… avec aussi quelques participants du Poiré.
Quant aux historiens, ils peinent à faire la part entre la réalité, les légendes qui s’y sont greffé, et ce qui est de l’interprétatif et du fantaisiste8.
La fiction au service ou à la place de l’histoire :
- un portrait anonyme et non daté de Marie Adélaïde de La Rochefoucauld-Bayers,
- le roman de 1949 de Joseph Rouillé.
- une affiche du film de 1961 d’André Mallard (lauréat du festival international de Monaco, de 1961),
- une scène du film où on reconnaîtra Nicole Bonnin-Croizé (1930-2023) dans le rôle-titre,
en face de son mari, Pierre Croizé (1925-1972), dans le rôle de Charette9.
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Notes, sources et références…
(sauf mentions contraires, illustrations et texte sont dus à M. Mignet)
1 Plans, états de sections et matrices des propriétaires du cadastre de 1836 du Poiré (Arch. dép. de la Vendée : 3P 178).
2 Recensements de la population de 1836 à 1911 (Arch. dép. de la Vendée : 3M 280 et 6M 54).
3 Entretiens en 2017 avec Irène et Michel Roy, nés non loin du "Désert" autour de 1940.
4 Sur l’acte du jugement : "[…] ils sont à l’unanimité du tribunal condamnés à la peine de mort. L’exécution est confiée au citoyen Tireau, secrétaire de la commission, qui devra aujourd’hui même, débarrasser la Nation de ses deux ennemis". Joseph Tireau était juge au Poiré au début de 1793, et s’était réfugié aux Sables lors de l’insurrection. Il fit partie de ce tribunal, envoyant ainsi des dizaines de personnes à la mort, mais il accrut sa fortune grâce à ces événements.
5 Registres d’état civil des Sables-d’Olonne (Arch. dép. de la Vendée : AC 194, vue 46/97).
6 Lucas Championnière (P.-S.), Mémoires de la Guerre de Vendée (1793-1796), éd. 1983, p. 180.
7 Déjà dans Le Temps du 25 décembre 1907, Georges Lenôtre avait fait des derniers mois de Mme de La Rochefoucauld-Bayers, un récit très "littéraire" mais "…imprégné de détails décrivant les décors, l'ambiance (supposée ?) des événements, la psychologie des personnages… dans lequel on sent l'époque, la société, le lieu comme dirait Jean Yole, la tragédie des événements, l'humanité, etc."… bref, un récit où le roman finit par créer l’histoire, et que l’on retrouve repris dans leurs pages sur Charette par des J. Rousseau, E. Boutin, G. Prouteau et autres…
8 A titre d’exemple, voir : Dumarcet (Lionel), Charette, une véritable histoire, 1994, p. 226-229.
9 Contacts en février 2023 avec Nicole Bonnin-Croizé, pour une remémoration de la réalisation film La Mieux Aimée.
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