1809 : Montaigu sort de ses murs et fossés
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- 1797-1829 : Louis-Marie Baudouin, un montacutain réorganisateur en Vendée
• 1798 : le dernier physiocrate de Montaigu
- 1800-1806 : Pierre-Paul Clemenceau, sous-préfet de Montaigu
- 1801-1811 : Augustin-Moïse Auvynet et le difficile relèvement de Montaigu
• 1804 : le montacutain Pierre-Charles Jagueneau impliqué dans "l’affaire des plombs"
• 1808 : Napoléon Bonaparte fait halte à Montaigu
• 1809 : nouvelles limites communales pour Montaigu
- 1828, 1832 : la duchesse de Berry à Montaigu
- 1832 : Louis-Charles de Bonnechose, une victime de la police philippiste
- 1832-1834 : Depienne et les bons enfants, des Robins des Bois près de Montaigu
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- 1809 : MONTAIGU a de nouvelles limites communales -
Depuis ses origines et jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, Montaigu se limitait à son "château" et aux ouvrages en dépendant, à la Vieille Ville y compris l’étroit glacis précédant ses "fossés", et ses deux faubourgs, "Saint-Nicolas" et "Saint-Jacques". Ce dernier incluait "l’hôpital" et ses terres, le "moulin de l’Égault", le "village du Pont-neuf" et la "métairie de l’Anglais". Le tout s'étendait sur une surface de 50 à 70 ha. En 1726, la "chapelle Saint-Lazare" et son environnement immédiat, qui dépendaient jusque-là de Saint-Hilaire-de-Loulay, lui avaient été ajoutés.
Les registres paroissiaux et les actes notariés montrent que "la Mourie", le "village des Rochettes", les maisons dites "sur les fossés" et "les Olivettes", faisaient partie de Saint-Hilaire-de-Loulay. "La Caillauderie", "la Crépelière" et "la Robinière" étaient de la paroisse de la Guyonnière, tandis que "la Gaudine" dépendait de celle de Boufféré.
L’exiguïté du territoire de Montaigu vient du fait que Montaigu était considéré comme ayant le statut de ville, ce qui entraînait pour ses habitants des obligations différentes de celles des habitants des paroisses voisines. Ainsi durant le Moyen Age, ils étaient tenus à un service de guet, ce qui, en 1411, avait entraîné un violent conflit entre eux et Jean II Harpedane, seigneur de Montaigu de 1389 à 1434. A la fin du XVIIIe siècle, les différences étaient surtout fiscales, les habitants des paroisses rurales étant assujettis à la taille contrairement à ceux des paroisses citadines qui, par contre, devaient payer des droits d’octroi.
L’octroi municipal était une taxe perçue sur certaines marchandises alimentaires, en particulier le vin, à l’entrée de la ville. Après avoir été supprimé début 1791, il avait été rétabli dès 1798 et il constituait l’essentiel des revenus de la commune de Montaigu, soit en 1809, 2500 francs sur les 2801 francs de recettes de son budget de l’année1. Le fait que ce droit soit payé par ceux habitant d’un côté du champ de foire et pas par ceux habitant de l’autre côté, pouvait être perçu comme une injustice pour les uns mais comme normal par les autres.
A l’époque et dans le cadre de la politique de pacification du premier consul, Bonaparte, Augustin-Moïse Auvynet avait été nommé maire de Montaigu en avril 1801. Il le demeurera jusqu’en 1811, habitant l’actuel n°1-3 de la "rue de la Communauté", ancienne demeure des Baudry d’Asson, qu’il avait acquise en 1803. Il était le "fils-aîné" de Charles Auvynet (1741-1825), sénéchal et subdélégué de Montaigu, puis député des Marches communes de Bretagne et du Poitou pour le Tiers-état aux Etats généraux de 17892. Comme leurs voisins les médecins Richard de la Vergne, les Auvynet firent partie des familles de la bourgeoisie locale ayant pris part à l’insurrection vendéenne mais qui cependant survécurent à la répression qui suivit. De mars à septembre 1793, Augustin-Moïse avait été membre de la municipalité du Montaigu insurgé ; il fut ensuite un des secrétaires de Charette et à ce titre un des signataires du traité de la Jaunaye en février 1795. Lors de la Restauration, il sera élu député en 1815, puis deviendra sous-préfet des Sables-d’Olonne en 1816. En 1848, il sera élu président du Conseil général de la Vendée. Après le coup d’état de 1851, il est réputé ayant, en bon monarchiste légitimiste, refusé de prêter serment de fidélité au futur Napoléon III.
le 2 mai 1806 : Montaigu propose une intégration de Boufféré3
Aujourd’hui deux mai de l’an mil huit cent six, environ les trois heures de l’après-midi,
Le Conseil municipal de la commune de Montaigu s’est réuni dans la salle ordinaire de la mairie et il s’est trouvé composé outre le maire président, de Mrs Buor, Tortat, Trastour, Pavageau, Chabrol, Simon jeune, Sureau, Valton et Evelin ; […]
1° La réunion civile de la commune de Boufféré à celle de Montaigu.
Cette réunion présente d’autant moins de difficulté que la réunion spirituelle des deux communes est déjà opérée ; que celle de Boufféré est d’une étendue plus considérable et d’une faible population ; ses revenus suffisent à peine à ses dépenses, et sont si modiques que malgré les bonnes intentions par le pasteur chargé de la desservir, elle ne peut trouver les moyens de contribuer à l’augmentation de traitement réclamé à juste titre par son responsable, quoique suivant la justice elle dût supporter seule cette augmentation puisque c’est à sa position et à l’éloignement de quelques attirer le surcroit de dépense qui nécessite en faveur du curé un supplément de salaire ; par cette amalgame, la dépense de la mairie ne serait que faiblement accrue et le premier bienfait de l’union, le plus précieux peut-être de tous, serait de rendre plus intime des relations qui ont été difficiles à établir, parce qu’alors les intérêts deviendraient communs, la rente municipale se bonifierait à ce moyen du montant presque total de la dépense on a prouvé par l’administration particulière de Boufféré. […]
Limites successives de la ville et de la commune de Montaigu :
- avant la Révolution (tireté en jaune),
- suite au Décret impérial du 7 février 1809 (tireté en orange),
- avec ses extensions ultérieures jusqu’en 2017 (tireté en rouge).
(sur le plan d’ensemble du cadastre de 1814 ; environ 2500 x 2550 m)
Cette proposition d’une "réunion civile de la petite commune de Boufféré à celle de Montaigu" est rappelée lors de la réunion du Conseil municipal de Montaigu du 14 mai 18074. Une proposition qui semble plus du domaine d’un souhait, mettant à profit l’opportunité offerte par l’absence de prêtre dans la paroisse de Boufféré qui devait être desservie par le curé de Montaigu, que d’un indispensable besoin d’agrandissement de la ville dans cette direction. On n’a pas gardé l’avis des habitants de Boufféré sur ce sujet, si tant est qu’il leur ait été demandé.
le 16 mars 1807 : Montaigu conteste ses limites avec Saint-Hilaire-de-Loulay5
Pour ce qui est de la limite entre Saint-Hilaire-de-Loulay et Montaigu, la réunion du 16 mars 1807 du même Conseil municipal, avait donné lieu à un compte rendu particulièrement argumenté et circonstancié, de la part d’Augustin-Moïse Auvynet, afin d’obtenir qu'elle soit modifiée. Il y rappelait des démarches précédentes, ce qui montre que les revendications de Montaigu étaient anciennes. Il y présentait les avantages du rattachement à Montaigu de la portion de la commune de Saint-Hilaire-de-Loulay bordant immédiatement "le Champ de foire". S’y ajoutaient des propos peu amènes, pour certains des membres de la municipalité de cette dernière commune.
Aujourd’hui seize mars mil huit cent sept, trois heures après midi, le Conseil municipal de la commune de Montaigu, département de la Vendée, s’est réuni, d’après convocation extraordinaire autorisée par M. le préfet dans la salle ordinaire de la mairie, et s’est trouvé composé outre le maire président, de messieurs Buor curé, Sureau, Pavageau, Simon jeune, Trastour médecin, et Chabrol secrétaire.
Le maire a déposé sur le bureau 1° un exemplaire de l’arrêté rendu par le préfet du département de la Vendée le six brumaire an douze (29 octobre 1803) pour fixer définitivement les limites des communes de Montaigu et de Saint-Hilaire-de-Loulay. Cet arrêté précédé d’un rapport fait par des commissaires nommés pour éclaircir les contestations qui s’étaient élevées entre les communes relativement aux dites limites.
2° une copie de la lettre écrite à M. le préfet le 31 décembre dernier par son excellence le ministre de l’intérieur qui exige que les conseils municipaux des deux communes délibèrent sur ces limites aujourd’hui litigieuses et fassent connaître les droits respectifs des dites communes sur les terrains contestés.
3° l’original de la délibération prise en conséquence de cette lettre par le Conseil municipal de Saint-Hilaire-de-Loulay le 19 février dernier et communiquée par l’autorité supérieure parce qu’elle contient des faits importants et des imputations graves qui ne peuvent rester sans réponse.
4° une lettre adressée par M. le maire de Saint-Hilaire-de-Loulay à son excellence le ministre de l’intérieur le 18 janvier dernier.
Ces pièces lues par le secrétaire, le maire a requis le Conseil municipal d’en prendre l’objet en considération et de donner son avis motivé.
Le Conseil, après avoir mûrement délibéré, estime que la fixation des limites des deux communes telle qu’elle a été proposée par le commissaire et approuvée par M. le préfet est la seule convenable et qui puisse sans blesser les intérêts de la commune de Saint-Hilaire-de-Loulay envisagés collectivement, assurer ceux de la commune de Montaigu.
Le Conseil après avoir démontré cette proposition expliquera rapidement l’origine de la contestation des deux communes et répondra aux inculpations indiscrètes surgies par le Conseil municipal de Saint-Hilaire.
1° il est très certain que si on réglait les limites des deux communes à la manière dont elles existaient en 1789, leur démarcation serait bizarre, l’administration entravée au milieu d’opérations indispensables, l’action de la police sans force et la perception de l’octroi municipal à peu près illusoire.
En effet avant la révolution, la ville de Montaigu était du côté de Saint-Hilaire, resserrée dans ses anciens fossés, toutes les maisons au-delà du Champ de foire appartenaient à cette dernière commune. Cette limite n’était pourtant pas tellement uniforme, que l’on voyait des bâtiments assis sur la même ligne partagés entre les deux communes, par exemple la maison du sieur Jaunet, aubergiste, appartenait à celle de Montaigu, et la maison du sieur Giraud, quoique plus rapprochée, était de Saint-Hilaire. Le même contraste pouvait se rencontrer sur d’autres points. Or quand bien même on aurait d’autre but que de chercher une démarcation sensible, régulière et immuable, il serait impossible de maintenir les anciennes puisque l’aspect des lieux en exige de différentes.
La commune de Montaigu exposée à un passage continu de troupes, et ne pouvant le plus souvent les loger toutes dans son étroite enceinte, a toujours été autorisée à diriger des détachements sur les communes voisines ; celle de Saint-Hilaire est sur la grande route, elle est la plus voisine, conséquemment plus propre à recevoir cet excédent ; aussi même avant la révolution la mairie de Montaigu envoyait-elle sans intermédiaires des militaires dans les formes de ces nouvelles limites ; les commissaires ont donc simplement réuni le droit au fait : ils ont senti la nécessité de l’annexe n’eussent été que sous le rapport des logements militaires.
Le Conseil municipal a soutenu que la réunion était indispensable pour assurer l’ordre et l’action de la police ; en effet la partie détachée de Saint-Hilaire, celle qui touchait Montaigu, renferme plusieurs cabarets dans lesquels les perturbateurs et les gens suspects chercheraient plus volontiers un refuge lorsque la surveillance en serait éloignée ; il est important que de pareils individus soient placés sous l’œil de l’autorité et que la force armée ne soit pas obligée de requérir à une longue distance les agents de l’administration lorsque leur concours est nécessaire.
Enfin il est vrai de dire que sans cette réunion, la perception de l’octroi municipal serait à peu près ; la partie réunie par l’effet de son voisinage immédiat renfermerait inévitablement plusieurs maisons qui ne seront que des entrepôts de fraude parce que la spéculation sera avantageuse à la contrebande facile ; rien ne sera plus aisé pour ces maisons que d’approvisionner Montaigu de boissons sujettes à l’octroi sans que la surveillance de cet impôt puisse jamais constater leurs contravention.
La fraude ne serait-elle pas exercée (et l’expérience journalière prouve le contraire) le produit de l’octroi serait considérablement diminué parce qu’il est possible que les auberges et cabarets exempts de cet impôt seront plus fréquentés que les autres et vendront à meilleur compte et leur position autour du Champ de foire se prêtant davantage à la consommation augmente même la différence.
Ce sont donc des considérations fort sages qui ont déterminé les commissaires à proposer la nouvelle démarcation, stabilité des limites, amélioration du logement militaire, tranquillité publique, ressources communales, tout a été consigné ; les commissaires n’ont été que l’émission du bien général.
2° le Conseil municipal ne dissimulera point l’origine de la contestation actuelle. Les deux communes s’arrogeaient respectivement quelques portions de terrain qu’elles avaient portées l’une et l’autre sur leurs rôles ; les répartiteurs des deux endroits ne s’entendant point, il fallut bien faire régler la querelle par des commissaires et ceux-ci n’apercevant point de limites fixes, songeant davantage à l’intérêt futur qu’à l’intérêt présent et surtout entrainé par les considérations développées plus haut proposèrent un projet de démarcation capable de prévenir toutes dissensions ultérieures.
Mais certainement ces commissaires ne furent influencés par personne, et le Conseil de Saint-Hilaire les injurie ici très gratuitement ; les deux communes firent valoir leurs raisons par écrit et être prononcèrent à ce moyen en connaissance de cause ; et comme l’éducation et le rang dans la société forment à bon droit une présomption d’impartialité, on ne présume pas que dans une matière aussi mince, un juge du tribunal et l’ingénieur de l’arrondissement aient été le jouet de l’intrigue et de la suggestion.
Au surplus, ces inculpations indiscrètes ne doivent pas surprendre dans des écrits où la vérité et la décence ne sont nullement respectées.
Le Conseil de Saint-Hilaire assure que la portion distraite est accablée par l’impôt foncier, qu’elle paye un tiers de plus depuis la réunion, que l’on a procédé à la répartition sans appeler aucun des habitants réunis, et que l’octroi est devenu une source continuelle d’injustice et d’extorsion.
Il est facile d’anéantir sans réplique d’aussi odieuses impostures.
D’abord il est certain qu’après la réunion et lors de la réfection du nouveau rôle l’on nomme parmi les répartiteurs un habitant de la portion réunie ; ce fut le sieur Gilaizeau6, agriculteur intelligent, qui fut choisi et qui refusa constamment de prendre part aux opérations de ses collègues, dans son absence, les autres répartiteurs étaient obligées de rédiger la matrice qui ne fut point l’ouvrage de deux personnes comme on l’avance très faussement.
Cette matrice a été faite avec tant d’égalité qu’elle n’a excité qu’une seule réclamation, celle du sieur Dugast-Matifeux7, membre du Conseil municipal de Saint-Hilaire et rédacteur connu de la délibération ; or cette réclamation n’a pas été accueillie, le plaignant n’a pas prouvé qu’il payât davantage que les autres propriétaires de la commune, et quelques-uns de ceux-ci pourraient prouver qu’il payait moins.
Si cette égalité de la répartition existe, les habitants de la portion réunie n’ont aucun motif plausible pour se plaindre ; ils ne peuvent être dans la position privilégiée vis-à-vis des autres propriétaires de la commune à laquelle ils appartiennent maintenant. L’impôt foncier a dû être réparti entre eux dans une juste proportion et s’ils payaient moins lorsqu’ils dépendaient de la commune de Saint-Hilaire, c’est que cette dernière beaucoup moins taxée que celle de Montaigu ; mais pensent-ils découvrir l’origine d’un droit dans une injustice dont ils ont profité trop longtemps ?
C’est pourtant l’habitude connue de ne parler qu’en faible part des charges publiques qui a soulevé quelques-uns des propriétaires de la portion réunie. Ce sont l’égoïsme et la cupidité qui tâchent d’emprunter le langage de l’équité et de la raison ; tout serait resté dans le silence, si le changement de commune leur eût assuré des avantages pécuniaires ; toutes les considérations sociales s’évanouissent pour eux devant celles de l’intérêt.
Le Conseil de la commune de Saint-Hilaire n’est pas plus véridique, lorsqu’il accuse les agents du droit d’octroi (il n’y a qu’un seul employé) de commettre des exactions envers les contribuables, les plaintes seraient bien plus sincères s’il eut reproché à cet agent et à l’administration une indulgence excessive, car il est notoire que le surveillant de l’octroi témoigne continuellement les soins les plus empressés pour éviter des poursuites judiciaires que découvrant des fraudes journalières , il a prévenu les délinquants, les a engagé avec bonté de payer le simple droit, s’est toujours contenté d’un acquittement aussi peu volontaire et que c’est par suite de ses procédés trop délicats en matières de contributions que les revenus de l’octroi baissent successivement et que bientôt ils seront tout à fait nuls ; l’impunité n’a fait qu’enhardir la fraude et la douceur n’a été envisagé que comme faiblesse.
L’on a refusé des quittances dit-on à ceux qui en demandaient. Le Conseil de Saint-Hilaire n’articulera jamais cette preuve ; il a voulu dire sans doute que le plus grand nombre de contribuables dédaignent d’en prendre, quoique le receveur, d’après les renseignements parvenus au Conseil de Montaigu, leur en offre toujours ; au surplus si le refus de de quittances dans l’intention d’extorquer de l’argent et de ne point garantir le débiteur, il faut bien que sans tenir compte d’un droit payé on l’ait demandé une seconde fois à quelqu’un ; où l’on ne justifiera point d’une pareille vexation ; l’accusation qu’on intente ici n’est qu’une atroce calomnie.
Tous les moyens fournis par la commune de Saint-Hilaire exaspèrent la même infidélité ; la lettre écrite par le maire à son excellence le ministre de l’intérieur, débute par une faute révoltante, on y assure que le tribunal de Montaigu, par jugement du 15 janvier dernier a exempté de l’octroi le commune de Saint-Hilaire ; c’est le contraire, le tribunal, en se conformant à l’arrêté de M. le préfet, a condamné le délinquant traduit devant la loi à faire sa déclaration sauf à payer le droit quant à la réunion serait difficilement prononcé, le Conseil invite le maire à joindre l’expédition de ce jugement à la copie de la présente délibération.
A Montaigu, au Conseil municipal, les jours, mois et an que devant.
Auvynet fils aîné
Le Conseil de Montaigu semblait très confiant dans le bien-fondé de sa demande et dans la solidité de ses arguments : deux mois n’étaient pas encore passés que le 14 mai 1807 il demandait confirmation de l’arrêté du préfet du 6 brumaire an 12e / 29 octobre 1803 (arrêté non conservé, semble-t-il, aux Archives municipales de Montaigu) "sur la réunion d’une partie de la commune de Saint-Hilaire-de-Loulay, et à accorder l’autorisation nécessaire pour mettre en ferme l’octroi municipal dont la perception devient de jour en jour plus illusoire ; sont à non n’en consentir l’adjudication qu’au moment où la réunion dont on vient de parler sera définitivement prononcée".
le 12 mai 1808 : Montaigu renouvelle ses revendications en haut lieu8
Malheureusement pour Montaigu, un an plus tard son Conseil municipal recevait du ministère de l’Intérieur le rejet de ses revendications vis-à-vis de Saint-Hilaire-de-Loulay, et il lui était demandé de faire nouvelles propositions pouvant "concilier tous les intérêts". Le maire de Montaigu envoya de nouvelles proposition, en y incluant la fixation des limites aves les autres communes voisines, en y joignant un plan des lieux concernés, et de nouveaux arguments en faveur de l’élargissement du territoire de sa commune, ainsi que des commentaires sur l’égoïsme de certains membres du Conseil municipal de Saint-Hilaire qui feraient passer leurs intérêts particuliers avant l’intérêt général.
[…] Le maire a ensuite déposé sur le bureau une lettre du sous-préfet de l’arrondissement en date du trois du présent qui l’instruisait que son excellence Monseigneur le Ministre de l’Intérieur avait rejeté la délimitation précédemment proposé entre les communes de Montaigu et de Saint-Hilaire-de-Loulay qui s’appuyait au ruisseau de Riaillé, pour le motif que ce projet enlevait à la dernière de ces communes une trop forte portion de son territoire. Son excellence demandait qu’on lui soumît un nouveau plan qui pût concilier tous les intérêts.
A cette lettre, le maire a joint l’expédition de la délibération du Conseil municipal de Saint-Hilaire prise sur la nouvelle proposition du ministre, ainsi qu’un plan offrant, non seulement une autre délimitation entre les deux communes précitées, mais encore avec les autres communes contiguës de celle de Montaigu. Il a invité le Conseil à prendre cet objet important en sérieuse considération.
Lecture faite de ces différentes pièces et, la matière débattue, le Conseil municipal a vivement regretté que son excellence n’ait pas adopté le premier projet de limite, et qu’il avait été provisoirement approuvé par M. le préfet du département. Il offrait l’avantage de donner à la commune de Montaigu une banlieue raisonnable, et de fixer le territoire des deux communes par une démarcation précise. Les menaces élevées contre ce projet par la commune de Saint-Hilaire et qui pourraient avoir déterminé son rejet n’étaient point dictées par l’esprit public ni dans celui de l’intérêt général de ses habitants. Elles ont été inspirées par l’égoïsme de quelques individus influents qui, touchés du honteux privilège de payer moins à Saint-Hilaire qu’ils n’auraient fait à Montaigu sous le rapport des contributions, ont opiniâtrement tenu à cette position lucrative. Si la réunion eût présenté une chance opposée, ils en auraient embrassé l’idée avec transport.
Eh ! que l’on ne dise pas que le Conseil municipal leur prête ici gratuitement des vues peu honorables. Le même esprit ne règne-t-il pas dans les délibérations de Saint-Hilaire du huit de ce mois ? On n’a pas même eu la précaution de le masquer sous d’autres couleurs. Ils veulent soustraire la partie des fossés à la commune de Montaigu, parce que, disent-ils, les habitants seront déchargés du droit d’octroi. Ainsi, les considérations de la police si nécessaire dans les faubourgs d’une ville, de l’injustice criante qui résulterait de cette exemption politique de la fraude qui se commet journellement par l’intermédiaire de cette partie de la ville, parce qu’elle sert d’entrepôt et paralyse la meilleure branche du revenu municipal. Toutes ces considérations ne sont qu’illusoires aux yeux du Conseil de Saint-Hilaire. Elles s’évanouissent devant l’intérêt sordide de quelques particuliers.
Le produit de l’octroi sera nul pour eux, ajoutent-ils, comme si la réparation des rues dont ils se servent tous les jours, d’une église et d’un presbytère dont tous les avantages leur sont communs, d’une instruction publique réorganisée avec beaucoup de peine pour les deux sexes, et au moyen de laquelle leurs enfants viennent constamment recevoir les bienfaits de l’éducation et des leçons de morale et de travail, étaient d’une utilité étrangère, et que l’équité n’exige pas qu’ils viennent mêler leur tribut au nôtre.
Enfin, l’autorité tenait note des entrées pour percevoir les droits en résultant, dans le cas où l’arrêté du 6 brumaire an douze aurait été sanctionné et voilà qu’on érige cette circonstance en crime irrémissible. Mais le maire de Montaigu n’a rempli qu’un devoir qui lui était imposé, en termes exprès, par l’autorité supérieure, et qui était en harmonie immédiate avec l’arrêté susdit. Un subordonné ne porte point une censure dangereuse sur les actes émanés des fonctionnaires qui sont au-dessus de lui dans sa hiérarchie. Il obéit et s’y conforme. Il y aurait bien plutôt lieu de le blâmer, s’il agissait autrement.
Le Conseil municipal ne veut point au surplus par une odieuse représaille récriminer contre celui de Saint-Hilaire. Sa délibération du huit de ce mois lui en fournirait pourtant une ample matière. Elle reproduit des accusations mensongères déjà consignées dans une délibération précédente à laquelle on a répondu. Elles sont souillées l’une et l’autre par la plus atroce calomnie et un tour d’exaspération et d’injures qui n’est propre qu’à avilir l’autorité qui en fait usage.
La partie des fossés, depuis qu’elle est régie par l’administration municipale de Montaigu ne peut point lui reprocher des vexations ou des partialités injustes ; les charges sont également distribuées sur toute la commune ; le logement des gens de guerre y est toujours réparti suivant les facultés relatives des habitants. S’il en avait été autrement, les individus grevés ne se seraient-ils pas adressés au sous-préfet de l’arrondissement qui habite la ville et ce magistrat intègre n’aurait-il pas fais cesser l’abus ?
La "partie des fossés" régie par Montaigu,
car étant construite sur le glacis des douves entourant la ville.
(plan cadastral de 1814 ; environ : 620 x 280 m)
Mais la vérité est qu’on ne lui a porté aucune plainte et qu’on ne pouvait lui en porter aucune sur le mode d’administration employé à l’égard des habitants réunis. Le maire de Montaigu peut invoquer sur ce fait le témoignage de l’autorité supérieure sans redouter un instant qu’il lui soit défavorable.
Pour en venir à la nouvelle délimitation demandée par son excellence, le Conseil déclare approuver le plan que le maire vient de soumettre à son examen. Il est impossible de réduire davantage la banlieue de la commune, puisque du côté de Saint-Hilaire elle n’embrasse que les maisons à deux ou trois champs près. Or cette réunion de maisons est indispensable pour exercer l’action de la police, assurer le revenu de l’octroi, et paralyser les menées continuelles des fraudeurs. Dans la thèse contraire on établirait au sein même de la cité le privilège le plus révoltant.
D’un autre côté, si les limites ne sont pas aussi sensibles que celles offertes par le ruisseau de Riaillé, elles n’en ont pas moins tout le caractère de fixité que l’on pouvait désirer dans les différents points intermédiaires.
Respectivement aux autres communes, celles de Boufféré, Saint-Georges et la Guyonnière qui n’ont d’ailleurs élevé aucune réclamation, les mêmes limites sont très sagement établies, et il était difficile de les asseoir d’une manière plus propre à concilier toutes les prétentions.
La démarcation proposée par la commune de Saint-Hilaire ne peut pas l’avoir été d’une manière sérieuse ; elle maintient, si même elle ne fortifie, tous les inconvénients que l’ordre public et l’intérêt du chef-lieu commande de faire cesser. Elle ôterait à Montaigu un cinquième des habitants de la ville et ne laisserait pas même à la mairie la police du local de la foire. On s’imaginerait aisément que ce sont les marchands de vin et les cabaretiers dans la partie des fossés qui auraient présidé à la rédaction de l’adresse.
Le Conseil municipal arrête de plus qu’expédition de la présente sera transmise sans délai à l’autorité supérieure.
Fait, clos et arrêté en Conseil municipal les jour, mois et an que dessus.
Auvynet fils aîné.
le 7 février 1809 : Montaigu obtient de Nouvelles limites communales9
Neuf mois plus tard, enfin pour Montaigu, un décret impérial vint fixer précisément de nouvelles limites pour la commune.
NAPOLÉON, Empereur des Français, Roi d’Italie et Protecteur de la Confédération du Rhin,
sur le rapport notre Ministre de l’Intérieur,
notre Conseil d’État entendu,
Nous avons décrété et décrétons ce qui suit :
Art. 1er
Les limites de la commune de Montaigu, département de la Vendée sont fixées ainsi qu’il suit :
Du côté de St-Hilaire-de-Loulay, à partir du chemin qui conduit de Vieille Vigne à Montaigu, par le fil d’eau de la Bretonnière jusqu’à la rivière ; par la rivière en descendant jusqu’à la haye qui sépare le pré Vatton d’avec le pré Rochefort ; par cette haie jusqu’au chemin des Rochettes ; par ce chemin en passant derrière le mur du clos, jusqu’à la grande route de Nantes à la Rochelle ; par cette route jusqu’au chemin des Essarts ; par ce chemin à celui qui conduit au pré Rattier, longeant les haies qui séparent les champs du S. Matifeux d’avec trois prés dépendant des fossés, jusqu’au chemin de Clisson ; par ce chemin jusqu’à l’embranchement de celui de la Bruffière ; par ce chemin jusqu’au chemin de la tonnelle ; par ce chemin jusqu’à celui qui conduit de Montaigu à Tiffauges.
Du côté de la Guyonnière, par le chemin de Montaigu à Tiffauges jusqu’à la Robinière ; de cette métairie par le chemin de Montaigu à la Boissière ; par ce chemin jusqu’à celui qui conduit au champ des Robinières ; par ce chemin on suit par les haies qui séparent le fief de Cosse Morin des pièces de la Robinière et de Jagueneau, et par le petit chemin qui conduit du fief de Cosse Morin jusqu’à celui du Grand Planty ; par ce chemin jusqu’à celui de la Crépelière ; par ce chemin jusqu’à la haie qui sépare le champ de la Gagnerie du pré des Loges jusqu’au ruisseau du Planty, et par ce ruisseau jusqu’à la rivière.
Du côté de Boufféré, par la rivière jusqu’à la haie qui sépare le champ du pré Clisson du fief de la Gaudine ; par cette haie jusqu’au chemin de la Gaudine ; de ce chemin jusqu’à la haie qui sépare le champ du pré Clisson d’un champ du Sieur Goupilleau ; par cette haie jusqu’au chemin de Montaigu à Vieille Vigne, et par ce chemin jusqu’au point où commencent les limites entre Montaigu et Saint-Hilaire-de-Loulay.
Art. 2
Nos ministres de l’intérieur et des finances sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret.
Bien que l’on ne connaisse pas quel avait été le nouveau plan envoyé par Montaigu en 1808 au ministère de l’Intérieur, le décret du 7 février 1809 semble avoir accepté les modifications proposées. Ce décret donne à la commune une surface de 213 ha, soit environ le triple de celle qu’elle avait précédemment. Malgré cet agrandissement, elle restait cependant l’une des quatre plus petites du département10. Les extensions par rapport à Boufféré ("la Gaudine") et la Guyonnière (villages et terres de "la Crépelière", de "la Robinière" et de "la Caillauderie") étaient entérinés, sans avoir donné lieu ni à contestations ni à débats. En dehors du dernier de ces villages qui, fief de la partie de la famille Thiériot ralliée à la Révolution, avait été épargné, tous les autres n’étaient plus que des ruines dont les habitants avaient disparu, suite aux passages des troupes républicaines quelque quinze ans plus tôt.
Pour la commune de Saint-Hilaire-de-Loulay, il ne semble pas que l’avis des habitants du village des "Rochettes" ou de ceux vivant "sur les fossés" et ayant survécu à la Révolution, ait été demandé et par conséquence écouté. Le reste de la commune dut accepter ce qui, à ses yeux, pouvait être perçu comme un coup de force de la part de la municipalité de Montaigu.
Quant à cette commune de Montaigu, tout en étant le bénéficiaire des modifications et précisions, on y estima qu’elles restaient insuffisantes et on n'eut de cesse que cette limite de 1809 soit de nouveau repoussée en direction de Saint-Hilaire-de-Loulay. Ce fut le cas en 1891, quand les quartiers du "Petit Saint-Hilaire" et de "la Gare" furent intégrés à Montaigu, malgré les protestations véhémentes de leur commune d’origine11, puis en 1970 quand le quartier de "Saint-Joseph" le fut à son tour. Ces extensions successives finirent par porter la surface de la commune à 306 ha. Au fil du temps et jusqu’en 2019, le tracé de ces limites a aussi connu des ajustements de détails, dans un sens ou dans l’autre, au gré de cessions ou de partages de terrains.
Le 1er janvier 2019, l’union des désormais "anciennes communes" de Boufféré, la Guyonnière, Montaigu, Saint-Georges-de-Montaigu, Saint-Hilaire-de-Loulay, a créé une nouvelle commune, qui s’étend sur une surface de 11 660 ha (selon les cadastres dits napoléoniens) ou de 11 792 ha12 (selon l’Institut Géographique National), et qui porte le nouveau nom de "Montaigu-Vendée".
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Notes, sources et références...
(sauf mentions contraires, illustrations et texte sont dus à M. Mignet)
1 L’importance relative de l’octroi baissera par la suite : ainsi en 1847, il comptait pour 2520 francs sur les 7045 francs des recettes ordinaires du budget de la commune de Montaigu.
2 Charles Auvynet habitait l’actuel n°12 de la "rue du Vieux couvent", qu’il avait fait construire en 1790.
3 Arrêtés et délibérations, an XIII-1836, 2 mai 1806 (Arch. dép. de la Vendée : 146 R3, vue 6).
4 Arrêtés et délibérations, an XIII-1836, 14 mai 1807 (Arch. dép. de la Vendée : 146 R3, vue 12).
5 Arrêtés et délibérations, an XIII-1836, 16 mars 1807 (Arch. dép. de la Vendée : 146 R3, vues 9, 10, 11).
6 François Gilaizeau, était un spéculateur maçon nantais qui, à la faveur de la Révolution, avait récupéré un nombre considérable de biens nationaux dans toute la région. Rien que dans le District de Montaigu de l’époque, il avait acquis plus de vingt métairies, la maison de l’amiral Du Chaffault et plusieurs moulins à Montaigu, le château de Bois-Corbeau sur Saint-Hilaire-de-Loulay (ancienne demeure des Badereau)… et sur Boufféré l’important logis des Bouillères (ancienne demeure des Marin) où il s’installa.
7 Charles Dugast (1752-1831) est le père de l’érudit local et collectionneur Charles Dugast-Matifeux (1812-1894) qu’il eut de son mariage en 1811 avec la jeune Adélaïde Monteau (1786-1864). Revenu de Nantes où il s’était enfui en mars 1793, il fut dans les années suivantes l’un des dirigeants républicains de Montaigu, y arrondissant ses propriétés. Mais en septembre 1797, il "fut démissionné" par le ministre de l’intérieur, François de Neufchâteau, inquiet de son manque à la fois de compétences et de désintéressement.
8 Arrêtés et délibérations, an XIII-1836, 12 mai 1808 (Arch. dép. de la Vendée : 146 R3, vue 13, 14, 15).
9 Décret impérial du 7 février 1809 (Arch. dép. de la Vendée : Fonds Mignen, 36 J 60/2).
10 Les trois autres plus petites communes de la Vendée, selon les premiers cadastres dits napoléoniens, étaient Mallièvre (21 ha), Mortagne (171 ha) et Puybelliard (154 ha). Au début du XXIe siècle, Mallièvre était la seule de celles-ci à être restée dans les mêmes limites qu’au début du XIXe siècle.
11 On a pu attribuer l’inimitié, pour ne pas dire plus, qui longtemps a existé entre Montaigu et les communes environnantes, à cet "expansionnisme territorial" de la ville. Elle est plus classiquement à mettre sur le compte des complexes de supériorités souvent affichés, plus ou moins consciemment, par certains notables et habitants de Montaigu. Des comportements se retrouvant aussi ailleurs.
12 A cette date du 1er janvier 2019, la nouvelle commune de "Montaigu-Vendée" était la plus vaste du département de la Vendée, devant la nouvelle commune des Essarts (10 059 ha) et devant celle de Talmont (9048 ha).
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