l'utilisation des Enquêtes en Anthropologie
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C O N T E N U à V E N I R
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La connaissance des lieux où nous vivons demande de collecter les souvenirs et les traces que leur passé a laissé dans les mémoires et dans les paysages. La tendance de beaucoup a porter un regard condescendant et dédaigneux sur le monde rural, constitue un obstacle rédhibitoires pour réaliser ces collectages. La cause en est la conviction d’être détenteurs d’un savoir supérieur de sachants que leur vaudrait leur origine citadine (ou plus, métropolitaine), leur âge, leur cursus scolaire, ou encore leur niveau de vie… La pratique des méthodes utilisées en anthropologie et en ethnographie permettrait au moins de limiter les effets de ces comportements et états d’esprit, en particulier au niveau des rencontres et des enquêtes.
Celles menées en 2005 à Vanikoro par l’ethnolinguiste Alexandre François y ont recueilli, conservés dans les mémoires locales, les souvenirs du naufrage en 1788 de La Pérouse, et de ce qu’étaient devenus ses survivants sont exemplaires. Plus proches dans le temps mais toujours éloignées dans l’espace, les rencontres de J.-P. Olivier de Sardan avec les griots de l’ouest du Niger. C’est ce même type de démarches qui est rapporté dans les livres publiés dans la collection "Terre humaine", et dont beaucoup sont des références, des Derniers Rois de Thulé de Jean Malaurie, au Horsain de Bernard Alexandre, de l'Été grec de Jacques Lacarrière, au Cheval d'orgueil de Pêr-Jakez Helias, et bien d’autres.
Dans l'attente d'autres mises en ligne à venir, on se limitera à l'accès à quelques-unes des mises en garde proposées par J.-P. Olivier de Sardan, et indispensables dans toute enquête y compris historique :
“La violence faite aux données. De quelques figures de la surinterprétation en anthropologie”, in revue ENQUÊTE, n°3 “Interpréter, surinterpréter”, 1996, p., 31-59, se résumant en…
"Considérons comme relevant de la surinterprétation tous les cas où apparaît une contradiction significative entre les références empiriques et les propositions interprétatives. En effet les sciences sociales, dans un espace épistémologique à la fois totalement interprétatif et empiriquement contraint, doivent légitimer leurs énoncés interprétatifs au nom d’un certain indice de véridicité, garanti par un double lien empirique : entre le « réel de référence » et les données produites à son sujet par les opérations de recherche, entre ces données et les énoncés proposés.
Bien qu’une délimitation précise de la frontière interprétation / surinterprétation soit impossible, on peut néanmoins repérer quelques foyers de surinterprétation, où apparaissent la projection excessive de préconception et le manque de vigilance méthodologique. Cinq figures, qui peuvent se combiner, sont ici examinées :
- la réduction à un facteur unique,
- l’obsession de la cohérence,
- l’inadéquation significative,
- la généralisation abusive,
- le « coup du sens caché ».
Les pièges de la surinterprétation ne doivent pas empêcher la prise de risque interprétatif. En fait la surinterprétation est un moins-disant empirique, qui, en faisant violence aux données, refuse le défi qu’une prise en compte de la complexité de celles-ci adresse à l’imagination interprétative rigoureuse. Faute de recettes, la critique empiriquement fondée et la recherche des contre-exemples invitent à produire des « modèles » plus exigeants en plausibilité empirique et en véridicité."
“La politique du terrain. Sur la production des données en anthropologie”, in revue ENQUÊTE, n°1 “Les terrains de l’enquête”, 1995, p. 71-109, se résumant en…
"Le mode particulier de production de données qu’est l’enquête de terrain, en anthropologie (ou en sociologie dite parfois « qualitative »), passe pour l’essentiel par des interactions prolongées entre le chercheur en personne et le « milieu » qu’il étudie. C’est avant tout une question de savoir-faire, s’apprenant par la pratique, et non formalisable. Mais cette configuration méthodologique spécifique n’est pas pour autant sans principes, ni soumise aux seuls aléas de la subjectivité. Une « politique du terrain » soucieuse de répondre à des exigences de plausibilité et de validité doit se donner certains repères, qu’on s’efforce ici de décrire, à travers les quatre grands types de données produites :
a- l’observation participante
(observations et interactions engendrant des données de corpus et des données d’imprégnation) ;
b- les entretiens
(consultations et récits dans un registre conversationnel, à fonction récursive, relevant de « négociations invisibles ») ;
c- les dispositifs de recensions
(procédures systématiques et intensives d’observation et de mesure) ;
d- les sources écrites.
À travers ces quatre types de données, le chercheur de terrain tente de construire tant bien que mal une « rigueur du qualitatif » qui navigue autour de quelques principes simples :
- la triangulation et la recherche empirique de groupes stratégiques,
- l’itération,
- l’explication interprétative,
- la construction de « descripteurs »,
- la saturation de l’information,
- le groupe social témoin,
- la gestion des biais subjectifs."
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