les origines médiévales de l'Herbergement
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En 1911, Alain de Goué (1879-1918) et Julien Huet (1857-1925) collectèrent tout ce que l'on pouvait connaître de l'histoire de l'Herbergement1 ; un travail qui constitue aujourd'hui encore la référence dans ce domaine. Ils s'appuyèrent alors sur des écrits de l'érudit local montacutain Charles-Louis Dugast-Matifeux (1812-1894), dont l'article suivant...
"Le noyau du bourg est encore presque tout entouré aujourd'hui d'une douve de cinq à six mètres de largeur, assez profonde et remplie d'eau, qui a été comblée sur quelques points, mais dont il est facile de retrouver le périmètre, irrégulièrement carré, à l'aide des parties existantes. Au flanc nord de cette enceinte, d'une contenance de trois hectares seize ares environ, avait été surajouté une sorte de quadrilatère oblong, contenant un hectare dix ares, entouré lui-même d'une moins large douve, et qui n'est autre qu'un fragment d'une seconde enceinte dans laquelle la première aurait été circonscrite. On s'explique, en effet, que par suite d'une occupation prolongée de ce point, la garnison ait éprouvé le besoin d'annexer au campement une lisière environnante, ou du moins quelques parcelles de terre pour lui servir de jardin, et qu'elle ait jugé convenable de protéger également cet accessoire par un fossé formant un double retranchement. Presque au milieu de l'enceinte principale se trouvait une butte ou motte de terre, de dix mètres au moins d'élévation. Elle était circuite elle-même d'une douve particulière de trois mètres trente-trois centimètres de large (dix pieds), sur une profondeur égale. Cette motte prétoriale provenait des terres qui avaient été extraites de sa douve et de celles du camp, dont elle faisait partie intégrale. Nous ne doutons point qu'elle n'ait été élevée pour servir de communication d'un poste à un autre. C'était comme un observatoire d'où l'on découvrait ce qui se passait aux environs, et d'où l'on correspondait par le feu durant la nuit, et des signaux durant le jour. Il existe, en effet, une chaîne non interrompue de monticules factices depuis et même au delà de l'Herbergement, à partir de la Mothe-Girard dans les Brouzils et des Essarts jusqu'à la mer, en passant par le petit Luc qui est le point culminant, Legé, la Ganache, Châteauneuf, Bois-de-Céné et Beauvoir. Cette butte pouvait aussi servir de dernière retraite, au cas où l'enceinte eût été forcée, et, sous ce rapport, c'était comme la forteresse du camp.
Cette enceinte ressemble beaucoup à celle de Benaston, village situé à deux lieues de distance, entre Chavagnes et les Brouzils, qui était au moyen-âge, et il n'y a pas encore un siècle, avant l'ouverture de la grande route de Nantes à la Rochelle par Saint-Fulgent, un pertuis (foramen), c'est-à-dire un lieu de passage très fréquenté. Or, comme il n'existe de part et d'autre aucune trace de fortification ou construction ancienne à l'intérieur, on ne peut assigner à l'espace ainsi circonscrit d'autre destination que celle d'un campement. On en voit une autre dans les landes près de Puy-Greffier, commune de Chavagnes, qui présente beaucoup d'analogie avec celle-ci. Enfin, on remarque une butte de terre entre la Crûme et la Verrie (via, voirie), ceinte également de larges fossés, qui se nomme le Châtellier. On dit dans le pays que ce sont les Anglais qui, dans leurs guerres avec la France, l'auraient élevée pour voir de là ce qui se passait à Mortagne, petite ville fortifiée et éloignée de deux lieues environ. Mais il est bien évident que tous ces travaux remontent plus loin et ont eu d'autres artisans. En s'orientant sur la carte, on remarque même qu'ils sont en ligne ou disséminés à peu de distance, et qu'ils forment une chaîne à partir de Beauvoir où se trouve un premier monticule fort curieux qui contient une caverne ou citerne en forme de cône renversé ; chaîne que reliait probablement une voie romaine. Il en passait une, en effet, à l'Herbergement, venant du Luc, et se rendant à Saint-Georges, anciennement Durinum ou Durivum. On en trouve des traces au village de la Cailletière. Nous avons aussi constaté, sur le cadastre et sur le terrain, que le chemin vicinal de Saint-Georges à l'Herbergement fait suite, en droite ligne, à l'ancien chemin de l’Herbergement au Luc, qui s'étend sur une grande partie de la voie romaine, comme on va le voir. Puis elle traverse l'extrémité sud-est du bourg et les champs de Boisville où elle est très évidente à cent trente-deux mètres de distance de l'enceinte stratégique ; coupe la grande route départementale de Montaigu à la Roche, presque en face l'avenue de Bois-Cholet ; longe ensuite l'ancien chemin du Luc, qui lui est presque constamment superposé tant qu'il reste droit ; s'écarte à travers champs, pendant un kilomètre, avant les Forges qu'elle laisse à gauche, à cent cinquante mètres environ. Elle se rencontre, au pré Pétrau avec l'ancien chemin qui la suit encore jusqu'à la Croix-Gétière, où elle l'abandonne de nouveau pour filer directement sur la Renolière, puis entre la Seguinière et l'Hôpitau, où elle est rejointe par le chemin. Là, dans le champ de la Roire (rigole), à quelques pas de la voie et du chemin réunis, nous avons vu, sur l'indication du métayer, un gisement de débris de tuiles à rebord et de poterie usuelle, qui constate l'existence sur ce point d'un établissement gallo-romain de quelque importance, tel qu'une petite villa, ou peut-être une maison d'hospitalité qui aurait laissé son nom à la ferme. Une fouille y a été pratiquée, il y a quelques années, par les propriétaires ; mais, comme elle avait plutôt pour but de trouver un trésor que de procéder à une recherche d'antiquités, elle serait à reprendre, pour connaître l'objet des constructions, s'il est possible.
La voie laisse ensuite les Repos à gauche, traverse les Landes du Luc et arrive au village du nom caractéristique de Chef-du-Pont, sur la Boulogne, au-dessous du magnifique camp gallo romain du petit Luc. Nous supposons que de là elle se dirigeait ensuite sur Palluau, ou plutôt sur Legé, la Garnache, etc."2
Depuis cette époque, certains ont pu émettre des doutes fondés sur la fiabilité historique des écrits de Charles Dugast-Matifeux, dans lesquels son idéologie politique primait sur l'enquête méthodique sur les faits. S'y ajoutait par ailleurs une forte propension, comme ici, à voir un peu partout la présence de "voies romaines", à identifier de la même époque le moindre débris de poterie...
Cependant, ce que Charles Dugast-Matifeux dit d'anciennes douves à l'Herbergement se trouve confirmé par le plan cadastral de 1838, sur lequel on voit le bourg encadré à l'ouest par "la fosse dite le Petit étang" et au nord par des restes de fossés, le tracé parcellaire suggérant ses limites à l'est et au sud. Ce plan pourrait être comparé à celui de l'ancien bourg voisin de Belleville, de taille similaire et situé lui aussi sur un terrain plat, et montrant aussi les vestiges d'anciennes douves entourant l'ancien bourg3.
Le bourg de l'Herbergement en 1838
(tableaux d'assemblage cadastraux, environ 465 x 470 m)
Ces indices pour une origine médiévale des bourgs de ces deux communes sont renforcés dans l'un et l'autre cas par l'origine de leurs anciennes églises dont l'existence est avérée dès 1076 à l'Herbergement4, ce qui correspond à la datation des restes encores visibles actuellement de celle de Belleville.
La façade sud de l'ancienne église de l'Herbergement
(plan reproduit dans la Chronique paroissiale de l'Herbergement),
sa longueur était de 23,85 m,
et sa tour la plus haute, correspondant au chœur, mesurait 11,70 m.
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1 Alain de Goué étant mort au combat en octobre 1918, la Chronique paroissiale de l'Herbergement est dans le domaine public depuis 2018.
2 Dugast-Matifeux (Charles), Echos du Bocage vendéen, 1885, n° IV, p. 99 sq. Dans les années 1880, et bien qu'ils partageassent ses opinions politiques, les notables de la municipalité de Montaigu furent amenés à refuser à plusieurs reprises les dons qu'il proposait à la commune, en raison des exigences par trop personnelles qu'il y mettait (Arch. mun. de Montaigu : Délibérations du Conseil municipal).
3 Pour les vestiges sur le premier plan cadastral de Belleville, des anciennes douves entourant son ancien bourg, voir la page concernant "Lande blanche".
4 Cartulaire de l'abbaye de Saint-Jouin-de-Marnes (Bibl. nat. : Chartularium Sancti Jovini, mss lat 05449).
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