les 4 anciennes églises de Rocheservière
rappel : avant toute utilisation d'extraits ou d'illustrations de ces pages, vous devez en demander l'autorisation à leur auteur.
La commune actuelle de Rocheservière est le résultat de la réunion, le 1er octobre 1827, des paroisses puis communes de la Grolle et de Saint-Christophe-la-Chartreuse à la commune de Rocheservière, constituée elle-même antérieurement des paroisses de Notre-Dame et de Saint-Sauveur. Des églises de ces quatre paroisses, dont l'origine remonte au moins au XIe siècle1, ne sont parvenus jusqu'à nous que les restes de l'ancienne église Saint-Sauveur.
L'histoire et l'existence même des anciennes églises de Rocheservière ont été fortement marquées par la Révolution, ainsi que le montre l'enquête ci-dessous, effectuée le 11 octobre 1796, par les administrateurs locaux nommés par les autorités gouvernementales de l'époque.
ÉTAT GÉNÉRAL des ci-devant Églises situées dans les Communes
de l'arrondissement du Bureau d'enregistrement et domaines de Montaigu.
Certifié conforme aux renseignements qui m'ont été donnés à Montaigu le 20 vendémaire An 4 (11 octobre 1796).
Échos de Bocage vendéen, 7e année - n° 1, p. 18-19.
L'église Notre-Dame de Rocheservière
L'église Notre-Dame de Rocheservière était située au milieu de son cimetière, à toucher les douves du château. Pillée et incendiée par les huguenots le 6 avril 1568, elle fut entièrement dévastée en 1794 par les troupes révolutionnaires, puis effondrée. Ses restes furent complètement détruits dans les premières années du XIXe siècle. La croix actuelle dite "du Pilori" a été érigée avec les débris de l'ancienne croix de son cimetière.
Localisation en 1837 des anciennes églises Notre-Dame et Saint-Sauveur
dans le bourg de Rocheservière
(cadastre, extrait du plan d'assemblage).
L'église Notre-Dame de la Grolle
L'église Notre-Dame de la Grolle, pillée et incendiée en avril 1568, fut aussi incendiée à la fin de février 1794 par les troupes commandées par le général républicain Cordelier. Plus ou moins bien restaurée, son état de délabrement général entraîna sa démolition en 1832. Sa cloche (fondue en 1504) et le carrelage avaient été précédemment déménagés dans l'église Saint-Sauveur. En 1878, ses derniers vestiges étaient abattus, tandis que le cimetière qui l'entourait, et que l'on retrouve sur le plan du cadastre de 1837, disparut en 1884 (au début du XXIe siècle, on y trouve encore quelques ossements).
La partie sud du bourg de la Grolle en 1837 (cadastre de Rocheservière, extrait de la section C3)
et sa localisation sur une vue aérienne en 2007.
Autour de 2010, Joëlle Cloâtre (-Krzewina), demeurant dans l'Isère, a retrouvé dans des papiers familiaux, le double du registre paroissial de 1759 de Notre-Dame la Grolle. Il s'agit de la "grosse" de ce registre, qui devait être chaque année déposée pour y être conservée au greffe du baillage, et qui avait été "récupérée" par un de ses ancêtres. La "minute" de ce registre de 1759, conservée dans la paroisse, se trouve en 2021 aux Archives départementales.
Le registre2 de 1759 de Notre-Dame de la Grolle,
consignant les 22 baptêmes, 6 mariages et 9 enterrements ayant eu lieu cette année-là dans la paroisse,
qui comptait alors dans les 500 habitants.
Cliquer sur l'image pour ouvrir le diaporama
On y trouve les noms de familles vivant alors à la Grolle. Certains de ces noms se retrouvent parmi ceux des personnes qui furent massacrées dans le bourg de la Grolle le 27 février 1794 par les troupes de Cordelier, général révolutionnaire célèbre pour ce genre de faits d'armes. Un petit monument a été élevé par de leurs descendants. Inauguré le 15 août 2004, il rappelle les noms de 33 d'entre elles qui, là et ce jour-là, furent tuées, et de 2 qui furent enlevées et disparurent3.
Le monument élevé en 2004 en souvenir de la journée du 27 février 1794 à la Grolle.
(photo de Christian Bourmaud)
L'église de Saint-Christophe-la-Chartreuse
L'église de Saint-Christophe-la-Chartreuse se trouva elle aussi ruinée au sortir de la Révolution. En 1896, date de sa démolition, il n'en restait que quelques pans de murs d'environ deux mètres de haut, allant jusqu'à la naissance des vitraux. En janvier 1908, les traces de ses fondations disparurent à leur tour. Elles en montraient l'ancienne forme en croix, d'une surface de 180 m². Le cimetière qui l'entourait s'étendait sur 740 m².
Cette église abritait plusieurs retables. Celui du maître-autel avait été fait par Potiers, de Rocheservière, au XVIIIe siècle, et avait coûté 170 livres. Elle est aussi connue par la vie aventureuse de sa cloche Pélagie (500 livres) qui, refondue en 1779, fut en 1793 cachée dans les eaux de la Boulogne pour n'en être repêchée qu'en 1807. Elle fut alors installée en grande pompe dans le clocher de Saint-Sauveur. La mémoire locale a transmis son histoire jusqu'à aujourd'hui...
"Avec le décret du 22 septembre 1793, les cloches devaient être saisies pour être fondues afin de faire des canons. Un jour de décembre 1793 François Méchineau, un colporteur bien connu des environs, arriva à Saint-Christophe pour annoncer que les "bleus" arrivaient pour prendre la cloche de Saint-Christophe. Panique générale dans la population. Pour sauver "Pélagie". Il fallait la descendre du clocher. C’est le charpentier René Bretin qui s’occupa de l’opération après qu’on l’ait fait sonner une dernière fois. Toute la population qui n’est pas à la guerre se décida à accompagner la cloche dans un périple incertain, Jacques Moreau ayant fourni une solide charrette et Jean Oliveau ses deux meilleurs bœufs. Il fut question de la cacher dans un souterrain du château de Rocheservière, mais arrivé à hauteur des bois de Grammont, un éclaireur annonça que Rocheservière grouillait de "bleus"… Rose Mauvillain voulait qu’on la jetât dans l’étang de Grammont mais il n’était pas assez profond. C’est alors qu’un valet de la métairie de Rouville eut l’idée de la jeter dans un trou de la Boulogne. En dégringolant de la charrette, la cloche heurta un rocher et se fêla. Après bien des efforts, on parvint à la faire glisser dans les eaux profondes à cet endroit. Les paroissiens dirent une dernière prière avant de s’en retourner. Trois jours plus tard, les républicains arrivèrent et mirent le feu à l’église…"
La localisation du cimetière et de l'église de Saint-Christophe-la-Chartreuse,
et du souvenir de la cloche Pélagie sur une vue aérienne en juillet 2019.
(environ 825 x 450 m)
Mais elle a quasiment disparu en 1946, quand le curé de Rocheservière la fit fondre pour fabriquer une nouvelle cloche. A la fin juin 2010, une cérémonie commémorative rappela son souvenir par l'installation d'un rocher gravé, sur les bords de la Boulogne près de la fosse où elle avait été cachée pendant 12 ans.
La journée de commémoration de l'histoire de "Pélagie", en juin 2010, avec :
le trou où elle fut cachée dans la Boulogne,
et la pierre en rappelant désormais le souvenir.
L'église Saint-Sauveur de Rocheservière
L'église Saint-Sauveur de Rocheservière fut moins endommagée que ses voisines durant la période révolutionnaire. Ce qu'il en reste aujourd'hui correspond à peu près au chœur primitif, qui se prolongeait par une nef unique terminée par un clocher. Trois grands vitraux éclairaient cette nef, deux à gauche et un à droite. Les ouvertures du chœur étaient plus étroites.
Le clocher, qui avait été construit vers 1840, était composé d'une tour carrée surmontée d'une flèche à huit pans, couverte d'ardoises. A la base s'ouvrait un vestibule où pendaient les cordes des cloches. Une vieille tour carrée, ancien clocher, était adossée au côté Est du chœur.
Rocheservière vers 1850 :
en arrière-plan le clocher de l'église Saint-Sauveur et le calvaire de son cimetière
(extrait d'une lithographie de Thomas Drake, l'Album vendéen, 1856).
Le clocher fut détruit après 1850 et les matériaux utilisés pour la construction de l'église paroissiale actuelle. La plus grande partie de la nef fut abattue vers 1860 et le reste utilisé comme chapelle par la communauté de sœurs de Mormaison qui tenait l'école contiguë. Par la suite, complètement sécularisé, le bâtiment fut abandonné ou utilisé pour des usages divers, ainsi pendant quelques années comme foyer de jeunes.
En 2010, l'ancienne église Saint -Sauveur de Rocheservière fut restaurée, et aménagée autour du thème des retables de Vendée, et du chef d'œuvre de la brodeuse Nicole Renard.
---------------------
1 Premières mentions historiques : 1060 pour Rocheservière, 1132 pour la Grolle, 1172 pour Saint-Christophe-la-Chartreuse, selon Delhommeau (Louis), Églises de Vendée : vocables, titulaires et liste des documents relatifs à leur construction et à leurs travaux du XIe siècle à nos jours, 2000-2001, 2 vol. (224-232 p.).
2 Les états civils, qui ont pour but de permettre et prouver l'identification des personnes, ont été régis en France par différentes ordonnances et lois : 1539 ordonnance de Villers-Cotterets, 1667 ordonnance Saint-Germain-en-Laye, déclaration de 1736... Cette dernière rendait leur tenue, sous la forme des registres paroissiaux, strictement obligatoire, ce qui fait qu'ils existent à partir de 1737 pour les paroisses Notre-Dame et Saint-Sauveur de Rocheservière, mais on les trouve déjà tenus en 1592 pour celle de Saint-Christophe-la-Chartreuse, et depuis 1657 pour celle de Notre-Dame de la Grolle. Ils deviendront registres d'état civil en 1792, et les réticences et méfiances de la population s'étant estompées, deviendront réellement fiables à partir de 1830.
3 Le registre paroissial clandestin de la Grolle (Arch. dép. de la Vendée : E Dépot 190), tenu par l'abbé Julien Mitrecey (1752-v.1803), consigne à la date du 27 février 1794...
- a été tué par l'ennemi, François Biret, de la Grolle, âgé de 67 ans
- a été tué par l'ennemi, Louis Graizeau, de la Grolle, âgé de 63 ans
- a été tué par l'ennemi, Jean Voyneau, de la Grolle, âgé de 46 ans
- a été tuée par l'ennemi, Jeanne Cavoleau épouse de Jean Voyneau, de la Grolle, âgée de 43 ans
- a été tuée par l'ennemi Anne Francheteau épouse de François Papin, de la Grolle, âgée de 27 ans
- a été tué par l'ennemi, Mathurin Relet, de la Grolle, âgé de 55 ans
- a été tué par l'ennemi Jean Ayrieau, de la Grolle, âgé de 71 ans
- a été tuée par l'ennemi, Marie Lorteau, veuve de Jacques Savarieau, de Rocheservière, âgée de 66 ans
- a été tuée par l'ennemi Marie Savarieau, épouse de Nicolas Gracineau, de Rocheservière, âgée de 33 ans
- a été tué par l'ennemi Mathurin Boisson, de la Grolle, âgé de 63 ans
- a été tuée par l'ennemi Marie Boisson, de la Grolle, âgée de 64 ans
- a été tuée Catherine Boisson, âgée de 60 ans
- a été tuée Françoise Guilleman, de Rocheservière, âgée de 60 ans
- a été tué par l'ennemi, Pierre Dahevant, de la Grolle, âgé de 77 ans
- a été tuée par l'ennemi Jacquette Douaud, veuve de Louis Gouineau, de la Grolle, âgée 61 ans
- a été tuée par l'ennemi, Anne Landrieau, épouse de Mathieu Glouté, de Rocheservière, âgée de 22 ans
- a été tué par l'ennemi Jean Guillandeau, de Rocheservière, âgé de 69 ans
- a été tué par l'ennemi Louis Danieau, de Rocheservière, âgé de 60 ans
- a été tué par l'ennemi Jean Garveau, de la Grolle, âgé de 60 ans
- a été tuée par l'ennemi Jeanne Jupé, de la Grolle, âgée de 65 ans
- a été tué par l'ennemi Germain Ayrieau, de la Grolle, âgé de 69 ans
- a été tuée par l'ennemi Marie Lorteau, de Rocheservière, âgée de 70 ans
- a été tué par l'ennemi, Jean Gracineau, de Rocheservière, âgé de 4 ans
- a été tuée par l'ennemi, Jeanne Lorteau, de Rocheservière, âgée 68 ans
- a été tuée par l'ennemi, Nicolas Gracineau, de Rocheservière, âgé de 6 ans
- a été tué par l'ennemi, Pierre Papin, de la Grolle, âgé de 6 ans
- a été tuée par l'ennemi, Louise Mouillé, de la Grolle, âgée de 59 ans
- a été tuée par l'ennemi, Louise Laidet, de la Grolle, âgée de 35 ans
- a été tuée par l'ennemi, Marie Beauchène, veuve de Pierre Bidet, de la Grolle, âgée de 44 ans
- a été tuée par l'ennemi, Victoire Bidet, de la Grolle, âgée de 15 ans
- a été enlevée par l'ennemi Françoise Michaud, veuve Pineau, de la Grolle, âgée de 43 ans
- a été tué par l'ennemi Pierre Bezieau, de Rocheservière, âgé de 60 ans
- a été tuée par l'ennemi Jeanne Papin, de la Grolle, âgée de 4 ans
- a été enlevé par l'ennemi Charles Heroux, perruquier, de Rocheservière, âgé de 31 ans
- a été tuée par l'ennemi, Jeanne Coutaud, épouse de Jean Mandin, de Rocheservière, âgée de 28 ans
...ajoutant, après chacun de ces noms, ceux des personnes qui avaient témoigné de leur mort ou de leur disparition.
--------------------
retour à
Rocheservière
◄ page précédente : Rocheservière Haut ▲ page suivante : l'église Saint-Sauveur de Rocheservière : restauration et mise en valeur ►