le logis du Recrédy et sa chapelle légendaire
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"Le Recrédy" (ou "Recrédit") est constitué d'un village et d'un ancien logis situés sur les limites longtemps indécises de Saligny et de Belleville, et il est probable qu'au moins antérieurement au XVIIIe siècle ils faisaient tous les deux partie de Saligny.
"Le Recrédy", autant de Saligny que de Belleville,
où se trouvait la chapelle Notre-Dame de la Bonne-Rencontre,
détruite au cours de la Révolution et dans les années suivantes
(cadastre de 1837 de Saligny, et vue aérienne du 28 mai 2022 - environ 120 x 110 m).
Avec, en août 2023, les derniers bâtiments pouvant y dater d'avant la Révolution.
Le logis primitif du "Recrédy", dont on ignore les origines, a disparu depuis longtemps ; les douves qui subsistent pouvant en être un ultime vestige. Le logis que l'on pouvait encore y voir au début du XXe siècle a pour les trois quarts été détruit en 1929, et le dernier quart, très dégradé, est méconnaissable. Il y existait autrefois une chapelle qui, fortement mise à mal par les troupes révolutionnaires, finit par disparaître dans les années 1820. Cependant, le souvenir de son origine, qui confine à la légende, s'est perpétué : la Chronique paroissiale de Saligny rapporte que "d'après quelques anciens, la chapelle du Recrédy a été érigée sous le vocable de Notre-Dame de la Bonne-Rencontre" suite à une curieuse et édifiante histoire...
"Une mère qui n'avait qu'un fils en était séparée depuis longtemps. Un jour cet enfant était parti pour la guerre, laissant sa mère dans la plus grande angoisse. Depuis, les semaines, les mois, et peut-être les années se succédaient, et jamais la pauvre dame ne recevait de nouvelles de celui dont elle pleurait le départ. N'y tenant plus, elle quitte à son tour sa demeure et s'en va à la recherche de son fils qu'elle veut à tout prix retrouver. Son cœur maternel lui sert seul de guide et lui indique la route à suivre. Et en effet, au moment où elle arrive au Poiré, elle rencontre un messager qui lui annonce le retour de son fils qu'elle va bientôt revoir A cette nouvelle, l'heureuse mère précipite encore davantage ses pas et, le lendemain, elle rencontrait son fils qu'elle couvrait de ses larmes et de ses baisers. En reconnaissance, la dame, qui possédait une grande fortune, aurait élevé deux chapelles, la première dans le lieu où elle avait appris la bonne nouvelle, et la seconde dans celui où elle avait rencontré son fils. C'est à cause de cela que la chapelle du Poiré était dédiée à Notre-Dame de la Bonne-Nouvelle et celle du Recrédy (à l'endroit de la réunion du fils et de la mère) à Notre-Dame de la Bonne-Rencontre."1
La Chronique continue en disant "qu'il paraîtrait que la dame dont il est question dans cette légende aurait été de la famille de Montaudoin, laquelle aurait possédé le Recrédy, ainsi que de nombreuses propriétés, dans les paroisses de Saligny, de Saint-Denis-la-Chevasse et de la Rabatelière". Cette famille, originaire de la région parisienne, était venue au début du XVIIe siècle s’installer à Nantes où elle fit fortune dans "la traite négrière atlantique" ou "traite occidentale" (qui se faisait alors concurremment avec "la traite négrière intra-africaine" ou "traite interne", et "la traite négrière orientale" ou "traite arabo-musulmane")2. En 1720, elle avait acheté le château de la Rabatelière.
La Chronique ajoute que, toujours d'après la tradition des anciens, dans cette chapelle "on y voyait trois 'passées' (3 nefs ou 3 travées ?) et il y avait trois cloches qui furent emportées par les gens de Belleville au sortir de la Révolution, et qui furent retournées à Saligny, sous la Restauration".
Elle raconte enfin "qu'un membre du District [de la Roche] vint avec des soldats et fit abattre la toiture, sinon entièrement, du moins en partie", et un quart de siècle plus tard ce ne sont que des restes de murs que Louis de Buor fera abattre. Cependant, on y célébra à cette époque des messes et d'autres cérémonies religieuses clandestines, dont de nombreux mariages.
Les pèlerinages qui s'y déroulaient chaque 15 août ont disparu dès la première moitié du XIXe siècle, tout comme les "préveils" qui les accompagnaient. Depuis, l'ancien logis du "Recrédy" est passé entre les mains de différents propriétaires : des Buor aux Tinguy, puis aux Garnier, aux Le Page, aux Lespinay... En 1929 les nouveaux propriétaires firent édifier un château moderne, qui remplaça l'ancien logis dont il ne subsiste plus au début du XXIe siècle que quelques restes de dépendances, les douves et jardins, au milieu d'un agréable environnement boisé.
Autour de 1910, l'ancien logis du "Recrédy", disparu en 1929,
avec au fond à droite les seuls restes en subsistant encore en 2023.
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1 Boutin (Hyppolite), Chronique paroissiale de Saligny, 1901, p. 414-415, ainsi que Chronique paroissiale du Poiré, 1901, p. 15-16.
2 Sur les Montaudouin et sur les traites négrières, voir : Pétré-Grenouilleau (Olivier), Nantes au temps de la traite des Noirs, 1998, 278 p. et Les Traites négrières, essai d'histoire globale, 2004, 733 p. ; ou encore : Tidiane Diakité, La traite des Noirs et ses acteurs africains du XVe au XIXe siècle, 2008, 240 p.
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